
«011 général d’Angleterre à toutes les provinces
conquifes par les anglo-faxons. C'eft à l'invafion
de ces barbares que la Grande-Bretagne doit le
plan de fa conftitution. Les aifemblées du peuple ,
appellées Wittenagemot, fous l'heptarchie, donnèrent
la première idée d'un parlement , qui repré-
fenterdit la nation : enforte', dit M. de Montesquieu
, que ce beau fyftême a été trouvé dans les
bois.
Voyez H e p t a r c h i e .
Mais c'eft à l'époque de la conquête qu'il faut
chercher les véritables fondemens de la conftitu-
tion de Y Angleterre. « Dès-lors , dit Spelman 3 un
nouvel ordre de chofes commence». Guillaume
de Normandie , qui défit Harold & ufurpa fa
couronne , renverfa l'ancien édifice de la In f la tion
faxonne ; il extermina ou chafla ceux qui
pofiedoient les terres ; il diftribua les terres aux
normands qui l'avoient fuivi ; & il établit le gouvernement
féodal, comme plus convenable à fa
pofîtion.
Il divifa Y Angleterre en foixante mille deux cens
quinze fiefs Amples 3 qui relevoient de la couronne
; les vaflaux dévoient , au premier fignal,
fe rendre en armes auprès de lui 3 fous peine de
confifcation de leurs fiefs. Il fournit le peuple &
les feigneurs à toutes les rigueurs du droit féodal ,
& il publia les loix les plus tyranniques fur la
chalTe ( i) . .
Il s'attribua le droit d'impofer des taxes ; il-
fe réferva en entier le pouvoir exécutif; 6c ce
qui étoit plus dangereux, il s'arrogea la puifiance
judiciaire la plus étendue, par l'établilfement du
tribunal qu'on appella aula régis ; ce tribunal redoutable
receVoit les appels de toutes les cours
des barons ; il prononçoit en dernier reffort fur
les biens -, l'honneur & la vie des barons eux-
mêmes ; & comme il n'étoit compofé que de
grands officiers de la couronne , amovibles à la
volonté du roi y & préfidés par lui, le monarque
tenoit fous le joug le premier feigneur du royaume^
çpmme le dernier dès fujets.
: Ve Ainfî, dit M. de Lolme 3 tandis q u e , par
» une fuite du développement lent & fuccéffif
du gouvernement féodal, le royaume de France
» ne fut à la fin qu'un affemblage de pièces pe-
» fées les unes à côté dés autres, & fans adhér
» rence mutuelle, celui d’Angleterre, au contraire3
» par une fuite de la tranfplantation fubite 8c
» forcée de ce même droit , fe trouva compofé
»'de parties réunies par les loix les plus fortes;
» l'autorité royale , comme Un poids immenfe 3
*f achevoit par fa prelfion d'en faire un tout in-
93 diiToluble »,
C e fut l'immerife pouvoir du roi qui rendit
Y Angleterre libre ; cette itiimenfîté même y fit
naître l’efprit d'union : la nation entière fentit
qu'elle devoit porter fa réfiftànce fur un feul point,
Le roi pofledoit de vaftes domaines J & il fe
croyoit indépendant ; revêtu d'ailleurs des prérogatives
les plus redoutables, il écrafoit fans peine
les feigneurs les plus pùiflans : ceux - ci ne purent
s'affranchir du joug que par de nombreufes
& étroites confédérations ; ils furent même obli^
gés^ d'y affocier les peuples, 8c de leur infpirer le
goût de la liberté.
Les différens ordres du gouvernement féodal
fe trouvant liés les uns aux autres par des tenues,
exactement femblables, les feigneurs fuzerains,.
les feigneurs d'un fief fervant, les feigneurs d'un
arrière - fief , l'homme franc 8c l'habitant de la
campagne, avoient le mêfrie intérêt à diminuer
la puiflance du feigneur dominant. « E t , ajoute
» M . de Lolme, dans fon ftÿle énergique, mais.
» un peu fauvage , l'efprit de liberté , après avoir.
” circulé par les diverfes. branches de la fubôrdi-
» nation féodale, continuoit à couler par des carnaux
graduels, mais homogènes ; il fe forçoit
» un paITage jufquè's dans les dernières ramifica-
» tions; & l'on voyoit s'établir généralement le
» principe de l'égalité primitive. Principe facré /
» que l'in juftice 8c l'ambition ne fauroient détruire :
principe qui exifte *darts tous les coeurs, & qui
» ne demande qu'à être réveillé chez la partie
» nombreufe 8c opprimée de l'humanité ».
Lorfque les feigneurs, ménagés d’abord- par le
roi , commencèrent à ne l'être plris ; lorfque les
loix tyranniques du conquérant s'exécutèrent'
d'une manière plus tyrannique encore , l'union
que le malheur commun .avoir préparée 3 s'effectua
tout-à-coup. Le feigneur, le vaflal , l'arrière-
vaffal, tout fe réunit. Us implorèrent même le
fecours de l'habitant de la campagne' ; & les cultivateurs
toujours dédaignés & toujours opprimés
par la nobleffe, eurent au moins une fois là fatis-?
faCtion de la voir à leurs pieds.
Les peuples n’ignoroient pas qu'on les appela
loit à défendre une caufe commune ; ils voyoient
de plus qu'on avoir befoin d'eux, & ils fèntirent
toute leur importance. .Mais, Ce qui étoit bien
eflentièl, ils furent afFez éclairés pour en profiter
; ils figurent parler & ftipuler en leur faveur ;
ils exigèrent que la loi protégeât déformais tous
les individus ; & ces droits que rcclàmoit la
nobleffe pour réfifter à la tyrannie , devinrent
des barrières qui dévoient un jour arrêter la fienne.
Ç ’eft fous Henri I er, environ quarante ans
( i ) Il s etoit refervé un droit exclufif de chaflè dans toute VAngleterre , & il décerna des peines terribles contre ceux
tpji chafferoient fans perrhiffion. La fuppreflion, ou du moins l’adjuciflènient de ces peines , fut un des articles de la
Charte de forêt que les feigneurs obtinrent enfuite à îpain armée. Nullus de coetçro amittat vitam vd memira vro vena-
lignt nojtra. Çharça d? fçrçfla » an, i f ; .. ‘ . *
après la conquête', que commença cette fermentation
de liberté. ‘ r ' , ' . ....... : •
‘ HenriIer adoucit, à l'égard des feigneiirsJ, quelques
unes des rigueurs du droit féodal ; mais il y
mit une condition, il exigea d'euX qu'ils 'acçor-
deroient les mêmes adoticmemens à leurs vaffaux
il fit même efpérer le fétabliffement'des loix. d'Edouard
le confeffeuî;. . '
La libertéflt un pas.de'plus fous Henri I I , &
l ’on vit renaître ',’ quoique d'urie manière’ imparfaite
, Fanciefme épreuve des jurés ( i ) , c’eft-à-dire,
la partie de la jürifprudence aétuelle de YAngle-
terreT qui mérite'le plus dkloges. '
' ' Jèà’n- 'Saris-térfé voulût fe livrer à la tyrannie ,
& la nation fé' révolta. Ge. prince,, qui ayqit ir-’
rité tous les h^bitans‘ du /rdyaume , ,qui ne put
ramener' àücunc-’;pfoV'iric'e:1 fépâréè , par' dès
promeffes d'àmnïftie> oü de conceffions particulières,
reffoürcès trivialés, maisv ufitées, de ceux
qui gouvernent, fut obligé f , avec fept chevaliers'
qui'Jüi.rëftoièni:, dè fe' mettre à ia difpqfition
de fes fujets ; 6c il figna ( i ) à Runrng Mead ,
la charte de forêt y -la fametife charte qüe'
fon' impôrtaricfe z fait nommer ia grande charte.
■ La. première- abolit uùe partie des difppfitiori’s'
criiellés de là loi dé forêt; H fecÔhde abrogea,
en faveur des feigrieurs, ïa patrie la plus tyrannique
des loix féodales. Le peuple , qui avoit concouru
à l’obtenir, & qui réclamoit fâ liberté les
armes à la mainvdiéta des cdriditioris àvantageufes
pour lui. La grande Charte déclara que ‘les feryi-
tudes abolies/en faveur des’feigneurs, le feraient
également en faveur de tous' lés; 'VâfTaüxj; elle établit
un même pôi’ds & une rhêrrie mefure dan’à
tout le royaume ; elle ffiit les négpciàns à l’abri
des impofitions arbitraires ; elle leur accorda le
droit d’entrer en -Angleterre , & d’en fbrtir librement;
elle aflura même les priyilèges de tous les1
Ordres de l’état y car eilè dérçhdit d’enlever, . par
amende , 'les' infŸrumeris de laboiiragë du villain’
&•' dii'-.fèrf.1;n
■ Enfin l'articîb X X T X défend de priver un
fujet quelcbrique de' fa lib e r té '& J de fes ‘biens ,
autrement qué p'ar^juÿemëiitdè fés pairs , & càii-
' forméniêriç: à^lancienrie lo f du 'pays Q ç c ’art
iclb' eft fi im p o r ta n tq u ed è s .àriglpis.,; dês.,ce
momèrit r èûflcèt' ‘été dri7 peuple libre ', • s’il ' ri’y
âvoit pas une diftancG immenfe entre faire des
loix & les obferver.
Quoique cette charte n’eut pas tous les appuis
né.cçffairés dans les gouvernemens libres ,
quoiqu’e lle. n’afïur^t à l ’homme paiivre & ifolé
aucun moyen légal d’én obtenir l'exécution, le
peuple' fit un grand pas vers la liberté. Au lieu
des maximes générales fur les droits des fujets &
les devoirs d u prince, maximes contre lefquelles
l'ambition difputè fans fin, ou qu'elle nie meme
cpmplettement, on avoit fubftitué une loi écrite ,
c'eft-à-dire, une vérité de fa it, & qui n’avoit
plus befoin d'êtrè difeutée. Les droits de chaque
individu, fur fa perforine & fes biens, étôient reconnus
; la grande charte, publiée avec tant d'appareil
& confirmée à chaque règne, étoit un.
point' der ralliement fur & général ; & la bàfe''
étoit pofée, fur laquelle devoit déformais s'élever
cette coriftitution admirable, qui prodigue
fes fecours au plus foible comme au plus puiflant
des fujets (4).
Henri III occupa le trône long-temps, & fous
; fori régné les divifioris du. roi & des feigneurs
bouleyerfèrent Y Angleterre. Dans la viciffitude des
; guêrfes qu'ellesdccafîonnèrent, la nation en gé-
' riéral feritit mieux fon importance, 6c le roi &
lés/feigneurs la virent rriieux auffi : recherchée
! par les deux partis , elle fit confirmer la grande
I charte , elle, y fit même ajquter de nouveaux pri-
; vilegës., par lés flatuts de Merton & de Marle-
bridge. MaisJ je me hâte dé venir à la grande
époque du règije. d'Edouard I er , prince à qui
fes, fagés Ôc nombreufes ;loix ont mérité le titre
dé Jufîiniën'de L‘Angleterre'. •
^Edouard,comprit qu'une,exaébe admihiftratio»
de îa juftice pourrait feule en impofer à une no-
. bleffe que les traqbles précédehs avoient rendue
; turbulente, & , tranquillifer les peuples fur leurs
propriété^ Il fit de la jurifprudçnçe l'objet prin-
' cipal de fon attention.;;il fixa la forme des pro-
; çedures. H a ie , premier des ,grands juge s, ne
* craint pas de dire que les loix arrivèrent tout-à-
coup, & qùafi per faltum, à leur perfection, 8c
qu'il s'eft fait plus de. changement à cet égard,
! pendant les treize premières années de ce règne,
^ que1 pendant toutes celles qui l'ont fuivi.
Mais ce qui rehd fur-tout ce r-ègrie intéreffant
' ( 1 ) 'Ti'ïat bJy '-a Jaryl- !
( 2 ) En 121J. . t ,
( j.) » Nullus liber homo capiatup , yel imprifonetur aut dilTafietur de libero teneaiemo fuo, vel libercaçibus, yel lit
s» beri^ confuetudihibus fuis ; auc .utlaget.ur , àut ‘éxuletuc ,. auc aliquo modo dellruatur : nec fiiper eum ibimus , neç
», fûpçr eum mitcerriiis , nïfi'per légàlè judicium pàrium fiiorum , vel per legêm terrar. Nulli veiidemus, nulli negabir
»#. mus aut differemus jufticiam vel reftum » Màgnà chartd XjQX.
(4) Pouf fé mieuX épnv-àmçre.dç l ’effect de la grande .charte., il fuflRc de comparer la grande charte où le feïgneua
ftipule en fkvèur déyffiui:.'lès;hatW«i.s ^’Angkîerre, mênae; du roi, avec le traité qui fut ligné entrç Louis XI & divers
pfiiicës de^Fi-aricè ,/'& 'quia^pouc.'titré Traité, fa it ' a , S . Mann entre les ducs de Normandie, de Calabre, de Bretagne^
.de Bourbonnais y tfAiivèrgàe , d e . Nemours , li s comtes de C h à r o l o i s £ Armagnac & de S . f o l , 6* autres princes de France
fouleyés,fpus le nom du bien pubiiç d'une .p a rt, 6* le roi Louis X I d’autre p an , du xp o&obre 14(55". Dans ce traité , par
lequel on terinina uhe güefre qui-fut appellée la guerre du bien public , il ne fut queftion que des intérêts particuliers
de quelques feigneurs , & on ii’y inféra pas un feul mot en fayçur du peuple* 11 fe irçuve .en entier dan« les piêççf
juftifieaûves qui font à. la fuite des mémoires de Comines. .
Q&con. polit, diplomatique, Tç/n- J, ^