
diftinètions mêtaphyfiques, que ce n eft pas ici le
lieu d'analyfer, on feroit toujours force de convenir
que le* bénéfice , relultant des ventes faites
à T étranger , apporte dans l'état une richete qui
n'y étoit pas & accroît confequemment la richelle
nationale. Or, n'eft-il pas évident que fi , pour
aller joindre nos ports & nos frontières, les vendeurs
avoient pour le tranfport de leurs denrees
de très^gros frais à faire, les gains fur les ventes
feroient moindres , & confequemment le gain total
provenant du commerce ou de la totalité des
échanges ? Si les frais étoient tels qu ils •nuent
monter les denrées à un plus haut prix que celui
auquel les vendeurs en concurrence pourraient livrer
les leurs, il n'y auroit point de ventes & de la
point de profit, point d'augmentation a la luàfle
des richeffes nationales. Il eft donc clair que fi les
frais de tranfport font grands , c eft au détriment
du prix des ventes de la première main. 1 lus ces
prix baiffent, moins le colon peut donner de revenu
au propriétaire, moins il a de moyens d augmenter
fa culture. Il eft cependant pour les états,
à la fois agricoles & manufacturiers , w maximum
de prix qu’il ne faut pas que les denrees necef-
faires à la vie paient j car ce qu’on gagnerait alors
par la vente & l'exportation de ces denrees, le
perdroit par la chute des manufactures > & lorl-
qu'un état les a laide s'établir , il a contraae 1 o-
bligation d’empêcher leurs artifans de mourir de
faim. C'eft ce medium de prix que les mauvais
adminiftrateurs ne favoient ni faifir ni fixer.
Diminuer les frais de tranfport, c elt donc procurer
à fes denrées un bas prix qui, dans les
ventes, leur aflure la preference des acheteurs :
de la certitude de cette vente , des bénéfices qu elle
amène, naitent la richete nationale & la reproduction
de ces mêmes denrées qui la donnent. |
De-là dérive manifeftement l'extreme neceflite
des ch em in s , des bons chemins & de leur multiplication
: de-là dérive la néceflke plus grande des
canaux & des rivières navigables, qui voiturent
à bien moindres frais encore que les chemins, bi la
France n'eft pas à fon plus haut point de prospérité
, elle doit y arriver promptement des
quelle aura ouvert ces communications intérieures
dont la pofition avantageufe de fes rivières
Tend l'exécution fi facile. Heureufe, fi elle a la
fageffe de né pas laiter abforber par les péages
& les douanes , les bénéfices immenfes que doit
néceteirement lui procurer une femblable navigation
! . • , 1
Si tout ce que nous venons de dire ne portoit
pas une pleine convidion dans les efprits'j fi l'on
doutoit encore de l'avantage qui naît pour l'etat de
la multiplication des chemins 3 quelques «details qu on
voudra bien nous pardonner jetteront fur notre fen-
timent le jour de l'évidence. . . .
Les bénéfices que procurent de bons chemins',
réfultem de la plus grande facilité du charroi ,
qui, favorifant l'exploitation de toutes les efpèces j
de b ien s , augmentent la cu ltu re, la rêprodu&ion
& la r ich e te nationale.
Suppofons, avec le maréchal de V au b àn , que la
France contienne par lieue quarrée 300 arpens de
v ig n e , 6c o arpens de b o is , 2700 de terre labourable
, & employons le refte en prairies, jardins ,
-maifons, chemins^ terres incultes , & c . Une voiture
roulant fur un mauvais chemin, ne peut porter
à attelage égal que le tiers de la charge qu'elle por-
teroit fur un bon chemin 3 &«doit marcher un tiers
moins vite. O r , une voiture femblable roulant fur
un bon chemin avec.un attelage é g a l, portera donc
deux fois plus , & fera donc dans le même temps
un tiers plus de chemin : ain fi, les quantités fem-
blables de denrées voiturées par des attelages égaux,
dans un tems é g a l, fur un bon ou far un mauvais
chemin , font entr'elles dans le -rapport de 2 à 9.
■ C e rapport fera donc la mefure des tranfports que
nous allons comparer.
L'arpent de vigne p ro d u it , année moyenne ,
fix demi-queues : fi le pays en confomme deux , il
en refte quatre à tranfporter : fuppofons qu'elles
n'aient que trois lieues à faire pour arriver au lieu
de leur vente ou de leur confommation, une voiture
attelée de trois chevaux payée 4 liv. iô fo u s
voiturera les fix demi-queues dans un jou r, y compris
le retour : les frais de tranfport feront donc
de 15 fous par demi-queue : mais fi les fix demi-
queues doivent voyager par de mauvais chemins 3
le rapport du prix'des tranfports étant de*2 à 9 ,
elles coûteront 20 livres 5 fo u s , & chaque demi-
queue 3 liv . 7 fous 6 deniers. L e bénéfice réful-
tant du tranfport fur le bon chemin , fera de 2 Jiv.
18 fous 6 den. par [demi-queue. L'arpent en p|p-
duifant quatre à exporte r, gagnera fur les frais ü e
tranfport 10 liv. 10 fous j les 300 arpens cte vigne
de chaque lieue quarrée feront donc un bénéfice
de 3150 livres } négligeons ces 150 livres , & ne
comptons que fur 3000 liv.
Les bois font ou taillis ou futaies.: nous ^apprécierons
point le produit trop variable de ces derniers
5 en les fuppofant tous taillis , on fent que
nous diminuons les avantages de notre caufé. L 'a r pent
de taillis près des bons chemins 3 p ro d u it ,
année moyenne, 10 livres ; s'il en eft lo in , il ne
rend que 2 livres j la proximité des bons chemins
augmente donc leur produit de 8 livres > réduifons
ce gain à m o it ié , les 600 arpens de bois augmenteront
donc d'une valeur annuelle de' 2400 liv.
Des 2700 arpens de terres labourables, admet-
tons-en un tiers en jachères, un tiers en froment ,
un tiers en menus grains : il faut deux tiers de
feptier pour enfemencer un arpent en froment, &
l'arpent rapporte , femence déduite , & qualité de
terre moyenne , trois & dèrni pour un : le tiers en-
femencé en menus grains, peut , fans—craindre
d'enfler fon p rodu it, être évalué à un qufrt du
nombre des feptiers de froment produit par l'autre
tiers. 900 arpens en froment produiront, avec 900
arpens en menus grains , 2625 feptiers : fuppofons
eue les habitans qui doivent vivre du produit de,
ces 1800 arpens, confomment 162 j feptiers, c elt
accorder beaucoup,, puifque c’eft donner au moins
deux feptiers par habitant de chaque lieue quarree,
il en reliera 1000 à exporter ; le marche ou ils
doivent fe rendre étant eftime diftant de trois
lieues, & les terres produétrices du bled lituees
fur une bonne route, une voiture payée 4 liv. io<f.;
y portera en un jour dix feptiers 5 les frais de port
du feptier- ne reviendront qu’à 9 fous 3 fi le chemin
étoit mauvais, ils monteraient ( da^s le rapport
de 2 à 9 ) à 40 fous 6 den.. Le bénéfice par feptier,
procuré par les bons chemins , fera donc de
31 f. 6 d. & pour les 1000 feptiers, de 1575 liv.
Avantages des chemins 3 bénéfices que les bons
procurent fur les mauvais par lieue quarree :
Pour les vignes, .................. .. « • • . 3000 liv.
Pour lés bois, ....................... . • • • M00
Pour les grains, ......................... . •117 f
Bénéfice par lieue quarrée,----• • ^97S
1 Quoique nous n'ayons pas voulu tenir xompte
des bénéfices que procureraient les bois futaies,
ne négligeons pas de faire fentir combien les chemins
font néceffaires à leur culture. Pourquoi font-
ils devenus fi rares en France ? parce qu'il y avoit
un gros bénéfice à faire fur leurs ventes , lorfqu ils
étoient fitués près des canaux , rivières navigables
ou grandes routes, & qu'on s'eft plus Pre“e “e
couper ceux qui étoient ainfi places que de les replanter
, & qu'ils ne fê tent hâtes de revenir 5
parce qu'on perd le produit du territoire qu ils
occupent, lorfqu'ils font, éloignés feulement de fix
lieues de ces différens débouchés. Le prix moyen
de la folive/, bois équarri, eft généralement en
France de trois livres chez le marchand j pour qu il
y gagne, il faut qu'il ne l'achète que 40 a 50 f.
fi le bois à exploiter eft éloigné de fix lieues du
chantier du marchand, par un bon chemin, une
voiture attelée de trois chevaux, payée 4 liv. 10 f.
portera feize folives, & reviendra le même jour 5
le tranfport de chaque folive coûtera donc 11 fous
3 deniers ; fi les chemins font mauvais , fuivant le
rapport ci-deflus établi, il coûtera z liv. 1© fous
7 den.: le bénéfice par folive, caufé .par les,bons
;chemins 3 eft donc de 3.9 fous 4 den. les frais d'exploitation
, de garde, de vente, &c. font évalues
a 8 fous par folive j l'une de ces folives coûterait
donc 19 fous 3 den. quand l'autre reviendrait à
2 liv. 18 fous 7 den. : o r , quel eft le marchand
qui ne devant vendre fon bois que 3 liv. l'achètera
2 liv. 18 fous 7 den. : le propriétaire des bois
futaies, au-delà de fix lieues de communication, j
n'ayant, comme, on v o it , aucune poftibilité de
vendre , eft réduit à ne planter que des bois de
décoration, & à les deftiner ou aux réparations
de fes bâtimeus ou au chauffage. Les pièces ; de
bois dont l’extrême .beauté ou l’extrême befoin
des acheteurs hauffent exceflivement le jrrix , ne
changent rien à cet apperçu, puifque même,, fur
ces pièces, le-vendeur perd toujours les 3^1 fous
4 deniers par folive, qu’un bon chemin lui eut fait
gagner. , Nous n’avons expofé qu’une partie des bénéfices
produits par les chemins 5, que feroit - ce, fi nous
pouvions montrer les gains qu ils ont valu au
commerce ? Ori en peut juger par ces feuls traits :
vers la fin du règne de Louis XIV, le cent pefant
coûtoit, de Paris à Bordeaux, 30 liv. de port 5 en 1740 il étoit réduit à ao liv. aujourd’hui il eft
defeendu à 9 livres : vers 1740, le meme quintal
codtoit de Nantes.à l’Orient 40 a 30 livres, il eft
maintenant à z livres 10 fous. On comptoit, en
1683, yoo, 000,000 livres d’efpèces en France,
& un miniftre qui .‘a gouverné avec tant de
gloirfc nos finances, & qu’on peut en croire fur
cette matière , évalue- notre numéraire aétuel à z, 000, 00b, ooô livres'. La maffe des richeffes nationales,
malgré tous nos malheurs & toutes nos
fautes, a donc quadruplé dans moins d'un fiècle.
Auroit-on fait, auroit - on pu faire ces énormes
bénéfices, fi les frais, d'exportation de nos denrées,
en dimimïant par .la facilité de leurs tranfports, ne
leur euffênt affuré Un bas prix qui procuroit. &
leur,vente & les profits qu’elle amenoit ? _ •
Nous avons prouvé que les., chemins valorem à la France, par lieue quarrée , un bénéfice annuel
de <5973 livres 5 or , le royaume devant avoir
6100 lieues de routes ( je m’en tiens à cette évaluation
, qui en raifon de fa foibleffe augmente la
forcé, de mes çonélufions ), verra donc accroître
fon revenu annuel de 43, Z45, 000 liv. & qu’on ne
croié pas ce calcul enfié : pour obtenir le réfultat
qu’il offre , on n’â füppofé qu’une dèmi-lieue de
terrein, de chaque cote fies routes, jouiffant des
avantages qu’elles procurent, & certainement les
biens fitués à une plus grande diftance y participent
en raifon inverfe de leur éloignement. On n’a
point compté- les ; gains qui réfultent de la plus-
grande valeur acquife par les prairies, jardins, &c.
dont le fuperflu eft vendu & verfé dans les villes :
on a négligé les geonomies qu’elles font faire au
gouvernement dans les tranfports de fon artillerie,
de fes bois pour la marine, de fes fers coulés, &c.
Cependant ces dépenfes payées du produit des impôts
le font en effet par le peuple ; ainfi , toute
'économie fur cet objet tend à lui épargner une
fiibvéntion nouvelle, " en, même - temps que ces
routes- affinent fa tranquillité, en ajoutant de nouvelles
facilités pour là défenfe de l’état.
Pour donner une idée jufte du bénéfice que procurent
les chemins , ce n’ eft pas affez d’ avoir pré-
fentéleurs avantages, il faut aufli montrer les pertes
qu’ils occafionnent. De la comparaifon de ces
deux tableaux naîtra l’opinion qu'il en faut prendre.
Toutes les routes faites ou à faire en France étant
évaluées à ézoo lieues, les unes ayant de largeur