
c ’eft que les députés des villes furent admis ( i ) »
cette époque ail parlement.
Edouard, qui eut fans celfe des guerres à fou-
tenir en Ëcofle ou fur le continent , & qui reti-
xoit alors peu de chofes des domaines de la couronne
, fut fouvent réduit aux befoins les plus
preflans. Par une fuite de l'efprit de ce fiècle,
al fe permit bien des injuftices de détails mais il
jfentjt qu'il lui étoit'impoffible détendre une op-
preflioiï générale fur une noblelïe & un peuple
qui fçavoient fe réunir : il fut donc obligé, pour
avoir des fubfides, de prendre une nouvelle route,
& de chercher à obtenir de la nation ce que fes
prédéceffeurs avoient attendu de leur puiffance.
Les Sheriffs invitèrent les bourgs & les villes des
différens comtés à envoyer leurs députés au parlement
s & c'eft à cette date qu'il faut rapporter
l'origine de la chambre des commune$ ( i ) .
Les députés du peuple n'eurent pas d'abord
des droits fort conlidérabïes j ils étoient bien éloignés
de jouir de ces belles prérogatives dont la
chambre des communes eft aujourd'hui rev.êtue :
on ne les appella que pour confentir aux réfolu-
rions que prend.roient le roi & l'affemblée des
feigneurs (3). Mais ç'étoit avoir beaucoup acquis,
que d'avoir obtenu le droit de donner leur avis
& de porter des plaintes au nom du peuple. Au
lieu de la relfource dangereufe des infürreftions ,
c'étoit beaucoup d'avoir une influence légale fur
les opérations du gouvernement. La pontion dé-
favantageufe où fe trou voit la chambre des_ communes
à l'égard du roi & des lords, fut bientôt
compenfée par la prépondérance qu'acquiert toujours
la nation, lorfqu'ellè peut fe mouvoir ^vec
règle (4). . ' '
C e dro it, qui paroifloit foiblë , ne tarda pas
à produire des effets importans. Malgré fa répugnance,
& après des fubterfuges indignés d'un
auffi grand ro i, Edouard fut réduit à confirmer
la grande charte 5 il la confirma même onze fois
durant fon règne. Il déclara que tout ce qui' fe
feroit de contraire à la grande charte, feroit nul5
qu'elle feroit lue d^ux fois par année dans les
cathédrales, & qu'on prononcerait ]a peine d'excommunication
contre ceux qui la violeroient (5).
Enfin il établit, par une lo i, un privilège dont
la nation n'avoit joui jufqu'alors que par tolérance
, le ftatut de tallagio non concedendo > & déclara
qu'aucune impofition ne fe leveroit fans
l'aveu des pairs & de la chambre des communes
(6) : ftatut important, qui, joint à la grande
charte , eft la bafe de la conftitution d’Angleterre.
Si la grande charte jetta les premiers fondemens
'de la liberté des anglois, c'eft du ftatut dont je
viens de parler qu'il faut eh dater l'établiffement:
& fi la grande charte étoit le rempart qui pro-
tégeoit toutes les libertés individuelles, le ftatut
protégeoit la charte elle-même ; & à l'aide de ce
titre, le peuple anglois devoit faire déformais des
conquêtes legales fur l'autorité du roi.
Les députés de la nation entière étoient admis
au parlement, & le roi fe voyoit dans leur dépendance
pour les fubfides > c'eft-à-dire, pour la
chofe la plus néceflaire à tous les monarques.
L'influence qu'acquit lé peuple s'accrut & fe développa
fous les règnes qui fuivirent celui d'E-
dpuârd.
Sous Edouard II les communes joignirent deè,
pétitions aux bills qui accordaient des fubfides i,
c'eft alors que commença leur pouvoir légiflatif.
Sous Edouard III elles déclarèrent qu'elles ne re-
connoîtroient déformais de lo i, que celles quelles
auroient approuvé. Bientôt après elles exercèrent,
un privilège qui eft aujourd'hui' un des grands
contrepoids de la conftitution : elles accufèrent
& firent condamner quelques-uns des principaux
miniftres. Sous Henri IV elles refufèrent de fta-
tuer fur les fubfides, avant qu'on eût répondu
à leurs pétitions. En un mot, chaque événement
un peu confidérable ajouta quelque chofe au pouvoir
des communes : ces additions furent lentes,,
à la vérité > mais paifîbles & légales, & par cela
même, plus propres à former le caractère de la
nation , & à lui donner toute l'énergie :de la
liberté.
Sous Henri V la nation ne fut- occupée que
de fés guerres avec la France , & fous Henri V I
commencèrent les fatales querelles entre les,mai-,
fcps d'Yorck & de Lancaftre > le bruit des armes
fe fit feuL entendre. A u milieu du filence des^
lo ix , on ne penfa guères a en établir de nou-r,
velles, & XAngleterre n'offre, pendant plus de
trente années, qu'une v^fte fcène, de défolation.
Sous Henri V I I les communes., ainfi que les
( 1 ) Je ne parle ici que de l’admiffion légale ; car le comte de Leicefter . qui avoir ufurpé le pouvoir pendant
Une partie du règne précédent, les y avoit déjà appelles.
(*)'Anno 129$.
(3 ) Le Summon, ou là lettre d’appel que les feigneurs recevoîent du roi pour fe rendre en parlement, .portoît ai.
deïïberanium 6* faàendum : celui des communes , ad àudiendum & cçnfentiendum. Ce ne fut qu’àprès un certain temps que
celles-ci s’aflèmblèrent feparément, & eurent par,t enfuite à la légiflation. ' ; "
(4) La France eut bien auffi fes émts-^néraux'Vqâàis’ il nV eut que les députés des Villes du Romaine, patticpKer delà -e*
couronne:t c’eft-à d i r e d ’une 'très-pente partie de la nation quiLotis Te nom de iièrs-0 (it j y furent admis , & l’on,
comprend qu’ils n’acquirent pas une grande influence dans une aflfemblée de (ouy^rains qui faifoiem J a loi à leur maître,
Auffi, dès que les états-généjaux'éurént. difpàru ,!on vit s’établir la maxime: gui veut lé rça > Ji veut l'a'ïou ,
( 5) Çonfjrnja.-iones chârtarum , cap. 2. 3'. 4.
- *» (6Î Nullum tallagium vël aux ilium per nos, vel hæredes noftros in regno noftrO ponatur feu léyetur fine yoluntate
» & aflenfu arebiepifeoporum, epifeoporum , comitum, batonum,. milicum , ( des chevaliers) , burgenfium & àlioium
«> iibçiorum com. de regno noftbe », Stat, an, 34, edi 1.
pairs, achetèrent leur fureté perfonnelle aux dépens
de la liberté générale : ôn créa les loix les
plus aviliflantes , on rendit les jugemens les plus
odieux j & en lifant l'hiftoire des deux premiers
princes de la maifon de Tudor , on croit lire ce
que Tacite raconte de Tibère & du fénat romain
(1 ).
On eût dit que la nation ahgloife allpit fubir
à fon tour le fort des autres nations de l’Europe i
que toutes ces barrières, dont elle avoit muni fa
liberté, n'avoient fait que retarder les inévitables
effets du pouvoir.
Mais Je fouvenir des anciennes loix , de cette
grande charte, fi fouvent & fi folemnellement
confirmée, étoit trop bien gravée dans le coeur
des anglois, pour que l'oppreffion leur donnât
le caractère de la fervitude.
L ‘Angleterre en outre avoit Hneftimable avantage
d'être réunie en un feul corps. Si elle eût
été divifée en plufieurs, elle auroit eu plufieurs
aflemblées nationales. Ces affemblées, convoquées
en des temps & 'en des lieux différens,
n'auroient pu agir de concert j & le droit de
refufer des fubfides , ce droit important, quand
il réduit le fouyerain à l'impoffibilité d'agir, n'eût
été que le droit funèfte d'irriter un maître qui
auroit eu ailleurs des reffources.
Chacun de ces parlemens ou états généraux
ne pouvant fe faire un mérite que d'une prompte
obéiffance, auroit accordé à l'envi ce qu'il eût
été inutile & même dangereux de refufer : le roi
n’auroit pas tardé à exiger, comme un tribut,
un don qu'il étoit fûr d'obtenir 5 ou f i l'on avoit
encore demandé le confentement des peuples, ce
n'eût été que comme un moyen de plus de les
opprimer fans périls.
Mais le roi d'Angleterre ne pouvoit alors ex-
pofer fes befoins qu'à une feule affemblée : quelle
que fût l'augmentation de. fon pouvoir, le parlement
feul pouvoit lui fournir les moyens de le
déployer ; foit que ceux qui le compofoient
fentiffent vivement 'leurs avantages > foit que
l'intérêt particulier vînt à l’appui du patriotifme ,
ils revendiquèrent dans tous les temps le droit
de refufer des fubfides 5 « & , dans l'abandon gé-
33 néral de tout ce qui devoit leur être cher, dit
3> M. de Lolme, qui nous fournit ces remarques,
33 ils tinrent du moins opiniâtrement embraflêe la
33 planche qui devoit enfin les fouver (2) «.
Sous Edouard V I les monftrueufes loix de trahison
, inventées fous Henri V I I I , fon prédécef-
feur, furent abolies j mais ce jeune & vertueux
prince n'ayant occupé le trône qu'un moment,
la fanguinaire Marie étonna l'univers par fes
cruautés.
L1 Angleterre commença à refpirer fous le beau
règne d’Elifabeth, & la religion proteliante rétablie
fur le trône , amena avec elle un peu plus
de liberté & de tolérance.
La chambre étoilée, ce monument affreux de
la tyrannie des deux Henri, fubfiftoit"cependant
toujours : on créa même le tribunal de la haute-
commiffion, qui exerçoit une inquifition redoutable
; & le joug du pouvoir accabloit encore
les fujets. Mais l'amour pour une reine dont les
malheurs avoient excité un fi v if intérêt, les
dangers éminens auxquels XAngleterre échappa ,
& l'adminiftration glorieùfe d'Elifabeth, firent
fupporter des violences qui paroîtroient aujourd'hui
le comble de la tyrannie. Lorfque les anglois
ont propofé la reine Elifabeth pour modèle ,,
ce n'étoit pas à caufe de fes principes (3 ), mais
à caufe de fes grands talens.
Enfin, fous le règne ; des Stuarts, la nation
reprit toute fa fierté. Jacques prince plus imprudent
que tyrannique, leva le voile qui avoit
jufques-là déguifé tant d'ufûrpàtions î fes prédé-
cefleurs les avoient tenu cachées, il ne craignit
point de les montrer au grand jour.
Il répétoit qu'on ne doit pas plus s'oppofer au
pouvoir des rois qu'à celui de Dieu ; qu'ils étoient
tout-puiflans ainfi que le maître de l'univers ; que
ce s privilèges, réclamés par la nation avec tant
de bruit, comme un héritage & comme des droits
apportés en venant au monde, ne dévoient être
attribués qu'à la faveur & à la tolérance de fes
ancêtres (4)
Ces principes, confervés jufqu'alors dans le
fecret au cabinet & des cours de juftice, s'étoient
maintenus par leur obfcurité même : énoncés
du haut du trône, & retentiffans dans les chaires ,
ils répandirent une alarme univerfelle. Le commerce
, les arts, qui en font la fuite, & fur-
tout l'imprimerie, donnoient des idées plus faines
à tous les ordres de l'état j un nouveau jour com-
mençoit à éclairer la nation, & l'on apperçut fous
ce règne un efprit d’oppofition, auquel les monarques
anglois n'étoient plus accoutumés dès
long-temps, . . .
Mais l'orage , qui n'avoit fait que fe préparer
fous Jacques , éclata fous Charles premier, fon
fucceffeuri & à l'avénement de ce prince, tout
' annonçoit une grande cataftrophe.
I Les idées religieufes * par un concours fingu-
/ , ) Quantô quis illuftrior, tanto magis falfi ac feftinantes. , , , . .
( 2 ) Lorfque, fous Charles premier , le pouvoir du roi fut réduit à céder à celui au peuple, 1 Irlande, a peine civi-
ïifee ne faifoit qu’augmenter la dépendance en augmentant fes befoins ; l’Ecoflè n pbciuoit plus au toi. Quoique 1 Lçolle
& l’Irlande ne foient, par la petitelfe de leur étendue, qu’accefloires à VAngleterre-, d’apres ce qui selt patte dans ces
deux contrées depuis la révolution de 1615.9/, c’eft un bonheur pour les anglois que la grande crue du régné e Gnar es
premier & le pas décifif que fit alors la conftitution, aient devancé l’époque de la reunion des trois royaumes,
(3 ) En matière de gouvernement. . . . .
( 4 ) Déclarations faites en parlement dans les apnées 1610 &