
écarter à jamais des charges : ils forment alors une
république féparée dans une autre république ;
c'eft introduire un ennemi dans fon fein. C'eft ainfi
qu'ont péri les états des famiens, des fybarites ,
des gnidiens & plulieurs autres. Ces évènemens
font arrivés plus récemment à Sienne, à Gênes , a
Zurich , à Cologne. On. doit donner peu à peu le
rang de citoyens aux étrangers ; lorfque l'heureufe
fituation les attire en foule, il faut faire enforte
qu'ils fe confondent , qu'ils deviennent naturels par
les alliances. L'ancienne politique dé Venife eft
trop dure & trop injufte : elle a été obligée de l'a- ,
doucir 3 comme on le verra à l'article V enise.
On peut compter parmi les caufes intérieures les
plus ordinaires 3 qui concourent à renverfer les
monarchies 3 l'inexécution & le mépris des loix
fondamentales ; la cruauté du prince, la diflolution
de fes moeurs 3 les affronts dont il accable quelqu’
un de fes fujets 3 l'extinélion de la famille du
fouverain.
Les royaumes éleétifs ont leurs caufes de changement
particulières ; ce font les divifions & la foi-
blefle de l'interregne : mais ils ne font pas autant
fufceptibles des autres. On n'a pas communément
recours aux remèdes violens , îorfqu'on en a de
doux & de naturels. La mort de chaque roi donne
à chaque citoyen l'efpérance de choifir un prince
exempt des défauts de celui qui eft fur le trône; & on
fupporte les défordres avec plus de patience. La fermentation
s'appaife dans les commencemens d'un
nouveau règne , qui 3 pour l'ordinaire 3 donne
d'heureufes efpérances.
En général le régime de ces états eft plus modéré.
Chaque élection fournit l'occafion d'une
nouvelle convention. La nation peut faire des loix
qui arrêtent le cours des maux qu'on a reflentis.
Les concurrens en promettent toujours le maintien.
Il eft naturel que fi l'éle&ion eft entre les mains
de la noblefle , la conftitution devienne approchante
de l’ariftocratie. Si le peuple partage le
droit d'élire, il en doit réfulter une république
mixte.
Les royaumes héréditaires peuvent aufli changer
légitimement leur conftitution, ou la modifier,
lorfque la maifon qui règne, s’éteint. Alors le
droit d'éle&ion , ou celui de faire un changement
abfolu, eft inconteftablement dévolu à la nation.
Quels font les moyens de changer les moeurs & les
maniérés d'une nation! Les loix font des inftitu-
tions particulières & précifes du légiflateur, & les
moeurs & les manières, des inftitutions de la nation
en général. De-là il fuit q ue, lorfque l'on
veut changer les moeurs & les manières, il ne
faut pas les changer par les loix ; cela paroîtroit
trop tyrannique : il vaut mieux les changer par
d'autres moeurs & d’ autres-manières.
Ainfi , lorfqu’ un prince veut faire de grands
changemens dans fa nation, il faut qu'il réforme
par les loix ce qui eft établi par les loix, & qu'il
change par les- manières ce qui eft établi par les
maniérés ; & c'eft une très-mauvaife politique, de
changer par les loix ce qui doit être changé par
les maniérés.
La loi qui obligeoit les mofcovites à le faire
couper la barbe, & la violence de Pierre I , qui
faifoit tailler jufqu'aux genoux les longues robes
de ceux qui entroient dans les villes, étoient tyranniques.
Il y a des moyens pour empêcher les
crimes, ce font les peines : il y en a pour faire
changer les manières, ce font les exemples.
La facilité & la promptitude de la plupart des
réformes établies par le czarPierre, ont bien montré
que ce prince avoit trop mauvaife opinion
de fes peuples, & qu'elles n'étoient pas tout-à-fait
des bêtes , comme il le difoit. Les moyens violens
qu'il employa paroiflent inutiles ; il y a lieu de
croire qu'un peu plus de douceur i'auroit mene
également à fon but.
Il éprouva lui-même la facilité de ces change-
mens. Les femmes étoient renfermées, & en quelque
façon efclaves ; il les appella à la cour, il les
fit habiller à l'allemande , il leur envoyoit des
étoffes. C e fexe goûta d'abord une façon de vivre
qui flattoit fi fort fon goût, fa vanité & fes
paffions , & la fit goûter aux hommes.
C e qui rendit le changement plus aifé, c’eft que
les moeurs d'alors étoient étrangères au climat, &
y avoient .été apportées par le mélange des nations
& par les conquêtes. Pierre I donnant les moeurs
& les manières de l'Europe à une nation de l'Europe
, trouva des facilités qu'il n'attendoit pas lui-
meme. L'empire du climat, quoiqu’on en dife,
eft le premier de tous les empires. Il n'avoit donc
pas befbin de loix pour changer les moeurs & Jes
maniérés de fa nation; il lui eût fuffi d'infpirer
d'autres moeurs & d'autres manières.
En général les peuples font très-attachés à leurs
contumes ; les leur ôter violemment, c'eft les rendre
malheureux ; il eft rare qu'il faille les changer ,
il faut les engager à les changer eux-mêmës.
Toute peine qui ne dérive pas de la néceffité eft
tyrannique. La loi n'eft pas un pur aâ.e de puifi
fance, les chofes indifférentes par leur nature ne*
font pas de fon reffort.
Voye% les articles A b o l it io n des L o i x ,
A b r o g a t io n des L oix , A r is t o c r a t ie ,
D ém o c r a t ie & M o n a r ch ie .
C H A R G E S ( vénalité des ) , voye\ l’article
V é n a l i t é .
CHARG E S PU B L IQ U E S L ’article C h a r ges
publiques de M. Boulanger, qui eft dans
Y ancienne Encyclopédie f fe trouve dans le Dictionnaire
des finances. Nous n'avons pas cru' devoir
faire ici un article charges publiques : nous avons
cru qu'il valoit mieux renvoyer à l’ art. Impôt :
& aux articles des divers noms qu’on donne aux
charges publiques
C H A R IT É , adminiftrations de charité. Qtx article
ne fe trouvant pas achevé, au moment de
l'impreflion de la lettre C , nous le placerons à
Secours pour les pauvres. Voye^ l'article SECOURS
PO U R LES P A U V R E S .
C H A R T R E ( grande chartre ê!Angleterre ).
Quoique nous ayons parlé à l'article A n g l e t e r r e
des principaux articles de la grande chartre , cette
pièce eft fi importante, que nous croyons devoir
lâ donner ici dans fon entier. L'article que je viens
de citer indique l'époque de la grande chartre.
33 Jean, parla grâce de Dieu, roi d'Angleterre,
« à tous les archevêques, évêques, comtes, ba-
** rons, &cc. qu'il foit notoire que nous, en pré-
as fençe, de Dieu, pour le falut de notre ame, &
a» de celle de nos ancêtres & defcendans , à l'hon-
*» neur de Dieu, à l'exaltation de l'églife, &pour
a* la réformation de notre royaume, en préfence
»a des vénérables pères, Etienne, archevêque de
» Cantorbéry, primat d'Angleterre, & cardinal
*a de la fainte églife romaine ; Henri, archevêque
*> de Dublin ; Guillaume, évêque de Londres, &
aa autres, nos vaffaux & hommes-liges, avons ac-
» cordé, & par cette préfente chartre accorda
dons, pour nous & pour nos héritiers & fuccef-
*» feurs à jamais.
• »a I. Que l'églife d'Angleterre fera libre, jouira
aa de tous les droits & libertés, fans qu'on y puiffe
aa toucher en façon quelconque. Nous voulons
a> que les privilèges de l'églife foient par elle pof-
aa fédés, de telle manière qu'il paroine que la li-
aa berté des élevions, eftimée très-néceffaire dans
aa l'églife anglicane, & que nous avons accordée &
aa confirmée par notre charte, avant nos différends
»a avec nos barons, a été accordée par un aéte li-
aa bre de notre volonté, 8c nous entendons que
aa ladite charte foit obfervée par nous & par nos
a^ fucceffeurs à jamais.
sa II. Nous avons aufli accordé à tous nos fu-
aa jets libres du royaume d'Angleterre, pour nous
a» 8c nos héritiers fucceffeurs, toutes les libertés
aa fpécifiées cirdeffus, pour être pofîedées par eux
aa & leurs héritiers, comme les tenant de nous 8c
aa de nos fucceffeurs.
aa III. Si quelqu'un de nos comtes, barons, ou
aa autres, qui tiennent des terres de nous, fous la
a> redevance d'un fervice militaire, vient à mou-
>a rir, laiflant un héritier en âge de majorité, cet
aa héritier ne payera , pour entrer en poffeflion du
as fie f, que félon l'ancienne taxe; favoir, l'héri-
aa tier d'un comte, pour tout fon fief, cent marcs ;
aa l'héritier d'un baron, cent fchellings; & tous
aa les autres à proportion, félon l'ancienne taxe
a» des fiefs.
>a IV . Si l'héritier fe trouve en âge de minorité,
»> le feigneur de qui fon fief relève, ne pourra
aa prendre la garde-noble de fa perfonne, avant
»> que d'en avoir, reçu l'hommage qui lui eft dû.
«a Enfuite cet héritier étant parvenu à l’âge de
M vingt-un ans , fera mis en poffeflion de fon héri-
• *aSea fans rien payer au feigneur. Que s'il eft
* fait chevalier pendant fa minorité, fon fief de*
»a meurera pourtant fous la garde du feigneur,
»> jufqu'au temps marqué ci-deffus.
*s V . Celui , qui aura en garde les terres d'un
»a mineur, ne pourra prendre fur ces mêmes ter-
99 res, que des profits & des fervices raifonnables#
99 fans détruire, ni détériorer les biens des tenan-
» ciers, ni rien de ce qui appartient à l'héritage.
99 Que s'il arrive que nous commettions ces terres
99 à la garde d'un shériff, ou de quelqu'autre per-
99 fonne que ce foit, pour nous en rendre compte»
99 & qu'il y fafle quelque dommage, nous pro-
99 mettons de l’obliger à le réparer, & de donner
aa la garde de l'héritage à quelque tenancier dif-
39 cret du même fie f, qui en fera refponfable en-
»9 vers nous de la même manière.
33 V I . Les gardiens des fiefs maintiendront en
93 bon état tant les maifons , parcs, garennes ,
33 étangs, moulins 8c autres chofes en dépendant »
39 que les revenus ; & les rendront à l'héritier »
99 lorfqu’il fera en âge, avec la terre bien fournie
as. de charrues 8c autres chofes néceffaires, ou du
99 moins, autant qu’ils en auront reçu. La même
93 chofe fera obfervée dans la garde qui nous ap-
33 partient des archevêchés, évêchés , prieurés »
aa abbayes, églifes, & c . excepté que ce droit de
» garde ne pourra être vendu.
33 VII. Les héritiers feront mariés félon leur
93 état & condition ; 8c les parens en feront in-
33 formés avant que le mariage foit contrarié.
»3 VIII. Auflitôt qu'une femme fera veuve, on
33 lui rendra ce qu'elle aura eu en dot, ou fon
93 héritage, fans qu'elle foit obligée de rien payer
33 pour cette reftitution, non plus que pour le
33 douaire qui lui fera dû fur les biens qu'elle 8c
33 fon mari auront pofledé jufqu'à la mort du mari.
33 Elle pourra demeurer dans la principale maifon
33 de fon défunt mari, quarante jours après fa
33 mort; & pendant cetems-là on lui aflignerafon
#3 douaire, en cas qu'il n'ait pas été réglé aupara-
m vaut. Mais fi la principale maifon étoit un châ-
33 teau fortifié, on pourrait lui afligner quelqu'au-
93 tre demeure où elle foit commodément, jufqu'à
33 ce que ce douaire foit réglé. Elle y fera entre-
39 tenue de tout ce qui fera raifonnablement né»
93 ceffaire pour fa fubfiftance, fur les revenus des
33 biens communs d’el e & de fon défunt mari. L e
33 douaire fera réglé à la' troifième partie des ter-
33 res pofledées par fon mari, pendant qu'il étoit
33 en vie, à moins cjue par fon contrat de ma*
93 riage il n'ait été réglé a une moindre portion.
33 IX. On ne pourra contraindre aucune veuve
»9 par la faifie de fes meubles, à prendre un autrç
93 mari , pendant qu'elle voudra demeurer dans
«s l'état de viduité : mais elle fera obligée de don-
9» ner caution qu'elle'ne fe remariera point fans
» nôtre confentement, fi elle relève de nous, ou
! 3> fans celui] du feigneur de qui' elle relève immé*.
m diatement.
Qq qi