
Dans le gouvernement de plufîeurs, il eft fou-
vent utile que la condition des affranchis foit peu
au.-delfous. de celle des ingénus , 8c que les loix
travaillent à leur ôter le dégoût de leur condition.
Mais dans le gouvernement dJun feul , lorfque le
luxe & Je pouvoir arbitraire régnent , on n'a rien-
a • faire à cet égard. Les affranchis fe trouvent
prefque toujours au-deffus des hommes libres : ils
dominent à la cour du prince & dans les palais
des grands } & comme ils ont étudié les foibleffes
de leur maître j & non pas fes vertus , ils le font
régner 3 non pas par fes vertus 3 mais par fes foi-
bleffès. Tels étoient à Rome les affranchis du
temps des empereurs^
Lorfque les principaux efclaves font eunuques *
quelque privilège qu'on leur accorde 3 on ne peut
guère les- regarder comme des affranchis. Car
comme ils ne peuvent avoir de famille , ils font
par leur nature attachés à une famille j & ce n'eft
que par une efpèce de fiétion qu'on peut les con-
fidérer comme citoyens.
Cependant il y a des pays où on leur donne
■ toutes les magiftratures : « Au Tonquin ( j ) , dit
« Dampierre ( 2 ) 3 tous les mandarins civils &
militaires font eunuques ». Ils n'ont point de
famille j & quoiqu'ils foient naturellement avares.,
le maître ou le prince profitent à la fin de leur
avarice même. Efprit des Loix 3 tom. i , pag. 89,
édit. in -n . Voye\ l'article fuivant 8c les articles
E s c l a v a g e & S e r v i t u d e .
A F FR AN CH IS SEM EN T f f. n?. Aftion
d 'affranchir g de rendre libre , ce qui étoit dans la
fervitude 3 dans la gêne~, fe dit des perfonnes &
des chofes.
-Affranchir un homme 3 c'eft lui rendre fon droit
primitif à la liberté 3 c'eft lui redonner la propriété
de fon individu, dont il.avoit perdu le
libre ufage en entrant dans la dépendance d'un
autre homme, c’ eft enfin le dégager de fes liens
pour le faire paffer à l'exercice de fes facultés,
afin qu'il en ufe déformais à Ion gré & à fon
profit fous l'autorité des loix.
Affranchir une denrée , une marehandife , c'eft
décharger cette denrée ou marehandife des diffé-
rens droits qui en gênoient le produit, la fabrication
ou le tranfport 5 c ’eft la délivrer des entraves
des infpeCtions , des douanes , des excluio
n s que les vrais principes 8c la légiflation du
commerce prohibent.
Si la fervitude eft un attentat contre lé premier
droit de l'homme , qu'elle tend à détruire 8c prétend
anéantir ; fi elle bleife également les loix divines
, la politique & la raifon. ( Voye^ les art.
E s c l a v e , E s c l a v a g e ). Uaffranchiffement qui 1
répare autant qu’il eft poffible ce t attentat , eft un
a6 te qui mérite d'être loué & fur-tout imité pat
tout homme inftruit & fenfible qui eft dans le cas
d ’en faire ufage.
L'injuftice la plus grande & la plus révoltante [
eft fans contredit ce lle qui abufe de la force &
du pouvoir j pour enlever à un homme innocent
& toible c e qu’il a de plus précieux & dé plus I
cher. O r , que peut-il avoir de plus c h e r , que ce I
qui conftitue une partie de fon effe flee , que les I
droits inhérens à l’humanité ? En lui raviffant 1» i
propriété de fa perfonne , on le prive des droits I
effentiels à fon bien-être , on le rabaiffe à la condition
des brutes : au contraire on lui reftitue fa
qualité d’homme en l'affranehiffant, on le crée I
pour ainfi dire une fécondé fois pour la vie &
pour le bonheur.
Mais ne nous bornons pas ici à confidérer
1 homme pris individuellement, , ne nous arrê- 1
tons pas à i ’efclavage p e r fo n n e l, tandis que la fer- 1
vitude étend fes entraves dans le monde ,' pénétre I
dans les fo c ié té s , gagne routes les in ftitu tion s ,
Se qu il y a par-tout tant à faire pour y répandre
les heureux effets de \‘ affranchiffement.
On peut dire que la liberté eft la fanté dé tout '
corps civil & politique , dont la. fervitude eft la
maladie , & que Y affranchiffement eft le remede j
mais de quelque maniéré qu’on envifage la fervi- :
tude , foit domeftique , foit réelle foit politique , I
& fous quelque forme & dénomination ^qu'elle I
pa ro iife, on ne pourra s'empêcher de convenir I
qu’ elle eft toujours infiniment funefte. En effet.on I
voit que fa pernicieufe influence fe fait également I
fentir au phyfiqué & 'a u moral. A u phyfique elle I
pervertitlanature, abâtardit les animaux & dégrade I
l'homme ; au moral elle offufque & ternit I'efprit, !
énerve le coe u r & àbaiife l'ame en un mot la I
fervitude eft le plus grand fléau de la fôciéte ; I
& Yaffranchiffement qui peut l’én délivrer , eft I
un remede très-défirabie.
Cep en d an t, comme tout remede, quelque bon, '
quelque bien employé qu'il fo i t , en attaquant la I
maladie , n’ én repare pas toujours les ravages ; I
de même Y affranchiffement en repouflant l’efcla- jj
v a g e , en dénouant les liens où,gémit le corn- 1
m e rc e , rend difficilement aux parties qui ont fouf-
fert l’ énergie de la lib e r té , & s’ il n’eft adminillré
par uné main habile , les effets qu’ il produira ne
feront pas toujours heureux. O n peut en juger par
l’exemple.
Qu'une, telle denrée foit libre , ont prononcé
certains régénérateurs ; auflitôt tous les rapports,
tous les liens de l'efclavage ont été ébranlés j
mais l’ enfemble du;filet immenfe qu'ils forment
<»,? CeIa É,oit *u,tre,foÎ! mêrae,* h . Chine- L “ S ârabes-mâhomérans qm y voyagèrent au neuvième fiède, diienc
I eunuque , quand ils veulent parler du gouverneur d une ville. ° ^ *
(a) Tom, j , page 91,
autour de la foc iété a fortement réfifté. Dès-lors
on a pu conoïtre qu'il rie falloit pas fonger à
^rompre ces liens l'un après l'a u t re , que les efforts
qu'on feroit dans ce deifein feroient trop longs 8c
peut-être inu tile s , qu'on ne pourroit établir e f ficacement
la liberté partielle qu'en opérant la liberté
générale î enfin ,, que fi l' affranchiffement ne
cerne en quelque forte & n'enlève à la fois tous
les jets de là fe rv itu d e , comme les fauvages cernent
. 8c enlèvent la chevelure des v ain cu s, il
ajoute aux entraves du pouvoir en faïfaritTentir
fon impuiffance à les extirper,
i, • So y e z libres , ont dit des feigneurs à leurs
efclaves ruraux j & * fo u v en t leurs ferfs n'ont pas
fu ni voulu .être lib re s , parce que la liberté p h y fique
de l'homme tient à fa liberté fociale , celle-
c i à fa liberté p olitique, 8c ce tte dernière à l'or,
dre qui eft une fuite de l'habitude & du confen-
tement de tous.
. C h e z les anc iens, plus les nations fe crurent
[civilifées, plus la cérémonie de faire des affranchis
fu t vaine pour elles. Pourquoi cela ? C 'e f t qu'il
n'eft point de vraie civilifation que pour une vraie
[ fo c ié té , point de vraie foc iété fi elle n'eft fondée
; fur le refpeét abfolu de la propriété , qui exclut
tou t droit 8c toute prétention fur la liberté d 'autrui,
f . L a fauffe civilifation d'une foc iété n'eft qu'un
cfclavage univerfel dès membres qui la composent,
idéguifé fous l'appareil des formalités publiques.
Cha cun défère en apparence à fon concurrent }
tandis que tous cherchent en effet à empiéter fur
[les autres. O n eft efclave des. préjugés publies &
ide* fa propre cupidité excitée par l ’exemple 8c
Ifans ceffe déçue j on eft efclave , 8c l'on joue
[l'homme libre & “l’on fait le feigneur. C e t t e re-
tpréfentation 1 1e peut paffer en habitude que lorf-
Iqu’on l’apprend de jeuneffe $ & néanmoins dans
»certain pays où la bêtife de l’ imitation eft vulg
a i r e , ceux qui fe croient au-deffus du peuple
iaffe&ent cette repréfentation, & tâchent de fin-
Iger les grands $ mais tout cela n’a point de racines
! & ne . tient ni au fol ni à l’opinion 3 & delà le
ld e c lin .d e tant de fortunes, éphémères , delà la
lideftruétion des fortunes rapides- de tant de parv
e n u s , dont l’éclat palfager n'eft pas plus durable
|ique'celui d'un vers luifant.
[' L 'affranchiffement 3 comme nous l’ avons vu , ne
[ peut être ni Utile ni folide s’ il eft partiel j pour opé-
Lrer les grands effets qu’on a droit d’en attendre
p i faut qu'il foit général} mais celui-ci dépend de
T opinion publique ; il faut donc travailler fur
■ 1 opinion publique. V o ilà le régime propre à pré-
avenir ou a réparer les maux caufés pat la fervi-
L.tude & beaucoup plus purifiant que le- remède
j lui-même } & ce régime qui doit précéder le re-
Lmède doit fur-tout le fuivre & le fuivre fans
f eefié. O r pour opérer fur l'opinion & préparer les'
efptits 8ç les,coeurs au rétabliffement de la liberté,
il eft néceffaire de leur en montrer les avantages
1 ffll. flambeau de l'inftruciion j cat privé de fa lu -
mière, l'amour propre aveugle égare chaque individu
8c tend infailliblement & fans le favoir à
l'efclavage de fon femblâble.
L'homme n'eft jamais plus efclave ni fi longtemps
efclave de tout autre que de lui-même ,
de fes habitudes ou de fon erreur. C 'eft de ces
premiers tyrans qu’il faut d'abord le délivrer, 8c
la vraie , la feule, manière d! affranchir l'homme,
c’eft de l’éclairer , 8c celle de l’éclairer c'eft de
l'inftruire. On entraîne d'homme par le charme de
l’éloquence, on le féduit par le préftige des arts ,
on agite fon coeur par l'émotion des fentimens
tendres, on élève fon ame par l’exemple de la
vertu. Nous ne citons ici que des moyens juftes
& louables de d’émouvoir 8c de le diriger } mais
ces moyens feuls ne fuffifent pas pour le faire marcher
avec affurance 8c fans fe tromper, dans la
route du bonheur propre à l'homme foc ia l, où
la nature & fes befoins l'appellent } ils ne font
pas à la^ portée de tous les citoyens q u i, tous
ayant journellement des appétits phyfiques à fatis-
fairë, doivent apprendre à les contenter fans
troubler l’ordre de la fociété, difons mieux en
contribuant à fon harmonie.
La véritable inftruétion pour l’homme en fociété
doit fe tirer des - loix phyfiques de l’ordre
naturel, qui ayant affujéti l'homme à ces befoins
fans ceffe renailfans , lui affignent fa part à la
fubfiftance 8c au bien-être , conftituent fes droits
& préferivent fes devoirs. Cette inftruètion, qui
pour être profitable autant qu’elle peut l'être ,
devroit nous être donnée dès l'enfance , nous
montreroit l'ufage qu’on peut faire de ces droits
& nous feroit connoître les vrais, moyens de les
étendre 5 elle nous feroit voir comment la. propriété
perfonnelle qui eft notre premier droit, établit
notre liberté , 8c comment l’une & l'autre étà-
bliffent la propriété foncière , qui s'augmente 8c
s'améliore par les avances. En nous apprenant que
chaque homme tient de la nature les mêmes droits
que nous , elle nous convaincrait qu'il eft de
notre devoir de n’y point porter atteinte par l'intérêt
même de nos propriétés, en un m o t, que
les droits & les devoirs circonfcrivçnt & refpec-
tent la propriété d'autrui comme facrée. 1 elle
eft la vraie méthode & l'unique moyen d'opérer
Y affranchiffement général & particulier} c’eft-à-dire,
deidélivrer l'homme & la fociété des entraves de
la fervitude (G ).
A F R IQ U E , l'une des quatre parties du monde.
L e Dictionnaire ' de Géographie offre plufîeurs
: détails auxquels nous renvoyons les lecteurs.
' Comme Y Afrique joue un très-petit rôle dans
le monde politique, cet article ne fera pas long.
Nous aimons mieux renvoyer aux articles B a r b
a r e s q u Es , Alger 3 Maroc , Fe^, Tunis , ce qui
regarde les peuples qui l'habitent au nord. Nous
parlerons de quelques-unes des nations qui habitent
le côté occidental dans des articles particuliers,
& à l’art. Es c l a v e , N e g r e s , ducom-*