
dant que la ville de Genève luttoit contre l’autorité
dangereufe des ducs de Savoie favorifés par
les évêques , Berne & Fribourg, qui embraffèrent
la défenfe , fentirent fouvent le befqin d'une communication
libre avec leur alliée j & les marches
multipliées qu’ils firent pour la fecourir , leur
prouvèrent la facilité de s’emparer du pays de
Vaud. Enfin cette conquête Ce fit prefque lans
réfîftance, en 1556. Voye% les articles B er n e ,
F r ib o u r g & G e n e v e .
La maifon de Savoie voulant Ce remettre en pof-
feffion des terres que Berne , Fribourg 8c la république
duVallais lui retenoiênt 3 & les cantons
catholiques 3 allarmés des progrès de la réforma-
tion j cherchant à Ce raffurer par l’appui des pnif-
fances étrangères , donnèrent lieu à une première
alliance de fix cantons avec le duc de Savoie , en
1 560. Fribourg refufa d’y accéder, tant que la
cour de Turin formerôit des prétentions fur le
pays de Vaud. Cette alliance facilita le traité du
duc Emmanuel Philibert avec les bernois , en 15-64,
par lequel ce prince obtint des derniers la reftitu-
tion d’une partie des pays conquis, en renonçant
pour toujours au refte. Les bernois formèrent eux-
mêmes une alliance avec le duc Charles Emmanuel,
en 1617. Ce traité ayant été conclu au milieu
d’une guerre onéreufe du duc avec les efpa-
gnols, 8c borné au terme de vingt ans, il doit
être regardé comme une capitulation pour les
troupes que la république promit à ce prince : Berne
fournit encore de nos jours un régiment à la folde
de la cour de Turin. Ce traité n’offre d’ailleurs
qu’une convention de paix & d’amitié, auffi naturelle
qu’indifpenfable entre des états voifins. La
nouvelle alliance que les cantons conclurent en
1651 pour la vie du duc régnant alors , 8c que
Viétor Amédée II confirma en 168$ , eft plus
étendue ; outre les engagemens de fecours mutuels,
le duc ajoute, dans un article particulier ,
la promeffe d’intervenir comme médiateur dans
les différénds entre les cantons, 8c au befoin ,
d’employer la force contre la partie qui refuferoit
de fe foumettre à une décifion j les cantons promirent
, de leur côté, de ne point s’intéreffer
pour la ville de Genève, tant que les prétentions
de la maifon de Savoie fur cette ville fubfifte-
roient.
Le royaume de Bourgogne avant été féparé de
la monarchie de France , vers la fin du neuvième 1
fiècle, les peuples de l’Helvétie n’avoient plus de
fiaifon avec les françois. Les deux nations apprirent
de nouveau à fe connoître, lors, du combat
de S. Jacques, en 1444. H en réfulta un traité
entre le roi Charles VII 8c les cantons confédérés,
en 14y 3 , 8c ce traité fut confirmé dix ans
après par Louis XI. Ce prince adroit tira ' parti.
du courage des fuiffes, pour perdre le duc de
Bourgogne. La maifon d’Autriche ayant fuccédé
a celle de Bourgogne, dans les querelles que pro-
duifoit cette rivalité, il importoit à chaque parti
de retenir les fuiffes dans fes intérêts. Louis por-
toit des regards avides fur la Bourgogne. Ses fuc-
ceffeurs formèrent des prétentions fur le, royaume
de Naples 8c le duché de Milan. Les intrigues ,
les révolutions, les guerres 8c les traités , que
tant de projets firent éclore , ne font pas de notre
fujet. Il feroit même trop long 8c allez fuperflti
d indiquer toutes les conventions entre la France
8c les cantons. La cour de France n’ayant pour
but que d’obtenir des fuiffes des fecours de troupes,
8c de les empêcher d’en fournir à fes ennemis
, les penfions qu’elle leur promettoit faifoient
la bafe de fes conventions, 8c la négligence de
les acquitter fut un fujet inépuifable, de mécontentement
8c de brouilleries. Il en coûtoit ordinairement
plus à la France pour appaifer les fuiffes
mecontens, qu’il n’en eût coûté pour leur tenir
parole. Ces peuples, à portée de faire des incur-
fions dans la Lombardie, décidoient fouvent dii
fort du Milanès,. fe vengeoient aifément des pro-
meffes trompeufes , 8e formoient l’obftacle. le plus
difficile aux conquêtes des françois , lorfqu’on ofoft
meprifer leurs prétentions ou leurs plaintes. Enfin
le roi François I , dans la mémorable bataille de
Marignan , qui dura deux jours, triompha de l’opiniâtreté
jufques-là invincible des fuilfes, 8c conclut
enfuite une paix perpétuelle avec les cantons ,,
en 1516.
Le même prince contracta avec eux une alliance
plus étroite, en 1521 relie devoit durer trente
ans apres la mort du roi. Ce traité a été renouvelle
par plüfieurs dé fes fucceffeurs j, par Charles
IX en 1 y£45 par Henri III en 1582, 8c par
Hènri IV en 1602. Louis XIV forma une nouvelle
alliance avec tout lé corps'helvétique, c’eft-
a-dîre, avec les Treize-Cantons 8c les affociés de
la ligue des fuiffes, en 1663.. Après la dernière
guerre civile entre les fept cantons la cour pra-
pofa un Renouvellement d’alliance en 1713 jamais
les fuiffes proteftans refufèrent de s’y prêter. Les
efprits étoient encore trop agités ; la partialité
qu’avoit montrée l’ambaffaaeur de France durant la
querelle, la confiance- imprudente du parti catholique
fur l’appui de cette couronne, fon emprefV
.fement à renouveller l’alliance a cette époque in-
difpofèrent les réformés, qui ne: voulurent pas
prendre part aux mêmes engagemens. On répandit
d’ailleurs que, par des articles feerers , le roi
avoit promis aux catholiques de leur faire reftituer
ce que venoit de leur ôter le traité de pacification.
mort de Louis XIV fit évanôuir ces efpérançes
llafardées 8c ces.fôupçons conçus fi légèrement.(.1}.,
( ï ) il eft moralement impoffiblé^ue dés. petites, républiques , & des états démocratiques fur-tout faffènr des traités
fecrets 5 il n’elt pas vraifemblable que des. peuples, fi,jaloux de juger par eux-mêmes de leu« intérêts, confient, à des
Depuis Charles VIII jufqu’à Henri II, les rois
de France avoient fait fervir le courage des fuiffes
à leurs vues ambitieufes. Durant les guerres civiles
qui éclatèrent fous les fils de Henri, les fuiffes
s’attachèrent aux deux partis, auxquels la religion
fervoit plutôt de prétexte que de motif, 8c ils
s’expofèrent fouvent à combattre les uns contre
les autres, dans des querelles que le fanatifme ne
leur permettoit pas de regarder comme étrangères.
Le plus grand nombre cependant fe trouvoit
toujours du parti de la cour ; 8c quand la fameufe
ligue voulut exclure Henri IV du trône, les fuif-
fes des deux religions, réunis fous fes drapeaux,
furent un des principaux inftrumens de fon triomphe.
On a vu fous les règnes ftiivans un grand
nombre de fuiffes à la folde de la France.Ils y forment
aujourd’hui une armée permanente, régulièrement
complettée par de nouvelles recrues (r). La plupart
des régimens ou des compagnies fuiffes fervent
fous des conditions que les capitulations ont
réglé5 ces capitulations font des traités formels,
entre le roi 8c les gouvernemens fuiffes, 8c des
efpeces de titres du droit public entre les deux
nations.
Il en eft de même des privilèges que les fuiffes
obtinrent, fous les règnes de Louis X I 8c de
Charles VIII , Relativement au commerce. Ces
franchifes , perpétuées par des liaifons fi variées
8c fi foutenues entre les deux nations, ont été
ratifiées par des titres particuliers, 8c font con-
fîgnées dans les traités d’alliance. . Voye^ dans le
Dictionnaire de Jurifprudence, article .Cantons
(T reize), des détails fur le traité conclu à So-
leure, le 28 mai 1777, entre la France 8c les
fuiffes. ' ’ - • . ■
Pour achever le tableau hiftorique des aétes
qui ont rapport à l’hiftoire politique de laSuiffe,
nous indiquerons quelques liaifons, ou paffagères
ou permanentes, formées, tantôt par quelques
cantons particuliers, tantôt par la nation en corps,
avec des puiffances éloignées qui ne peuvent avoir
qu’une influence indirecte fur les intérêts des peuples
fuiffes.
. Durant les guerres renouvellees fi fouvent pour
la poffeflion du duché de Milan 3/ deux papes ,
Jules I 8c Léon X , qui, en qualité de fouverains
de Rome, -étoient intéreffés aux révolutions de
l’Italie, firenten 1 y 10 8c 1 yi y, des traités avec
les fuiffes pour en obtenir des troupes.- A l’exemple
des autres princes, ils répandirent de l’argent
dans les cantons, par l’entremife du cardinal Schei-
ner leur négociateur j ils promirent de plus grandes
fommes encore , 8c comme les autres princes
iis manquèrent de parole. Cette conduite fournit
aux réformateurs de la Suiffedes armes, qui portèrent
à l’autorité du faint liège des coups plus fit-
neftes que les conquêtes des puiffances étrangères
en Italie.-En iyôy, le pape Pie IV forma une
nouvelle alliance avec les cinq cantons^ catholir-
ques > il leur promit, au nom du faint fiège, fous
un engagement réciproque , des fecours de troupes
8c d’argent, lorfqu’ils feroient attaqués pourcaufe
de religion. _ / .
Depuis 1615, il exifte une alliance ou traité de
fubfides, entre les deux cantons de Zuric 8c de
Berne 8c la-république de Venife, pour des fecours
mutuels, de troupes de la part des deux
villes , 8c d’argent de la part de Venife. Ce traité
a été renouvelle en 1648 8c 1658. Le tarif delà
folde des troupes a été change en 170(5, conformément
à la révolution arrivée dans la valeur
des monnoyes. Les traités ftipulent que les
troupes de ces deux cantons ne feront employées
qu’à la défenfe des poffeffions de la république eh
terre ferme.
La première liaifon politique des cantons fuiffês
proteftans avec l’Angleterre 8c la Hollande, date
de 1(554. En reconnoiffance de leurs bons offices ,
ils furent alors compris dans le traité de paix ,
entre le prote&eur Cremwel 8c les Provinces-
Unies. Guillaume, prince d’Orange, ayant obtenu
la couronne d’Angleterre, rechercha l’alliance
des cantons proteftans, dafis la vue d’en tirer auffs
des troupes. Un traité de fubfides fut figné eh
1(596. Depuis cette époque, les fuiffes du parti
évangélique entretinrent des liaifons avec l’Angleterre
, mais plus particuliérement avec les états dte
la république de Hollande , dont Guillaume fut le
•repréfentans le pouvoir de contraâer des engagemens fi dangereux , fans vouloir les connoître. Si l’on s’etoit contente
de dire, que la France avoit flatté les cinq cantons de leur faire rendre ce qu’ils perdirent dans la paix de *712 | or*
pôurroit y ajouter quelque foi j mais que cette puiflance ait voulu férieufement s’intéreffer , &c cjue les cantons catho»-
liques aient pu coufentir à faire eeftitution à la maifon d’Autriche & à. la Savoie , des terres cédées par ces puiffances;
& poffédées de bonne foi par les fuilfes depuis deux ou trois fiècles ; que la Fiance ait d’efiré le récablilïëmenc des évêques
à Geneve, à Bâle & à Laufanne, & qu’on ait psojetté dans un traité folemnel dé donner âtous les cantons une:
•propriété égale; c’eft:ce qu’on ne peut croire, malgré les projets bizarres ou- dangereux que prelente l’hiftoire ds lai
politique. Louis XIV fe laifla féduire aifément par des vues de religion fur la fin dé fa carrière ; mais le prince religieux
n’ôublia point alors qu’il écoit le maître d’une grande nation, & il ne fongea jamais a donner un nouveau degré de-
force à fes voifins. Efpérons que le temps, l’expérience funefte du pafiê, & les progrès des lumières dans les divers gou-
-vernemens de laSuilfe, aflorbliront , dans les deux partis; les préventions d’une jaloufie populaire & d un zèle exagère»
Au relie , ce Coupçon. de quelques articles fecrets, inférés-dans.le traité de 17.1s , donna de fortes.inquiétudes aux fuiffes.
proteftans, & la publication, de ces prétendus ariicles, eaufa en 172a, dans l’aflèmblée du peuple a Zoug, une fermentation
violente , fuivie de la renonciation que .fit le canton à la nouvelle alliance. Un mécontentement pareil a porte le:
canton de Schwitz à la même démarche, en 1765. _ - . . _
(1) On peut actuellement l’évaluer à .15,500 hommes. Sous, le règne de. Louis XLV en iô a .6 le nombre des- luirtss
au, fervke. de France alloû» à 2.8000..