
titution d'état parfaite, fans le concours focial, ce
qui n'eft pas 3c ne fauroit être, puifque e'eft
offenfer la nature que de vouloir exhéréder une
portion de fes enfans ; quand, dis-je , il feroit
poffible de rétablir, il eft évident' qu'elle ne pourrait
fubfifter ; car l'homme libre de fa nature,
ne trouve rien qui lui répugne autant que de rentrer
dans fes langes, de voir faire fon propre bien
fans lui, & par conféquent malgré lui. Il faut
donc néceiTairement le mettre en état de connaître
fon propre bien, 8c de fortir des entraves où
les préjugés de l'erreur 8c de l'ignorance le retiennent
; il faut qu'il fâche 3c qu'il puifle, afin de
confentir 8c de vouloir.
Mais enfin, que faut-il qu'il connoifié, qu'il
fâche? i°. Les droits & les devoirs de l'homme
dans leur elTence. x ° . Les avances qui lui procurent
les uns 3c qui l'obligent aux autres. $°. La
propriété dans toutes fes acceptions, dont les
unes , qui font les avances de la nature, 8c par-là
même facrées, répandent fur les autres, fruits
du travail de l'homme , cette facrée immunité.
Telle eft l'inftruCtion primitive dont la lumière,,
répandue par les foins du gouvernement 8c par
des tnftitutions folides fur l'univerfahté des individus,
donnera à l'homme des idées faines de fa'
liberté , de fa direction, 3c des bornes qui la limitent
j le rendra docile à la voix des puiffances,
par le fentiment des bienfaits, le délivrera de la
fervitude en l'accoutumant au refpeCt 8c à la déférence
, 8c augmentant fans celle fes forces &
fes progrès par l'émulation, le rendra digne de
s'élever à des fentimens religieux.
Ces premières notions, confiées à l'univerfalité
des peuples, ne feront reçues, fi on veut, parla
portion laborieufe de la fociété que comme préjugés
; mais tous les citoyens, que des ioifirs 8c
une éducation plus foignée , auront mis à portée
d'en approfondir les conféquences 8c d'en appliquer
les réfultats , verront clairement à quoi tient
le bonheur des états, quelle eft la direction que
l'économie doit donner aux moeurs ;. quelle influence
les moeurs doivent avoir fur les iifages qui
feront confacrés par les loix. Ces loix éclairées.,
avouées 8c appuyées de toute la fociété, feront
I'expreffion du favoir de tous fes membres, la fau-
vegarde du pouvoir de tous , 8c le principe du
vouloir 8c du bien-vouloir de tous. Néceffaire-
tnent elles feront durables, car elles feront conformes
au voeu 8c à l'intérêt de tous, qui ne fauroit
éprouver de changement, que dans le cas où
f auteur de la nature viendroit à changer les loix
de l'ordre naturel; e'eft- à - dire celles de notre
naiffance , de notre croifiance 8c de nos befoins.
E)es loix fages 8c durables néceffitent la durée de
la foçiété ; car elles perpétuent ce qui fait les premiers
defirs de l'homme, la liberté 8c la fûretç,
& e'eft pn cela que çonfifte le bonheur des états.
Mais tant que les hommes demeureront dans
les ténèbres de leur propre ignorance j 8c que leurs
I guides auffi péu cîairvoyans , les mèneront à tarons
, tant qu'ils prendront la défiance pour la
politique, la crainte pour l'ordre, la cupidité
pour le favoir, le clinquant pour la richeffe , 8c lé
hafard pour, le bonheur , tant que l'idole des
nations , fimuiacra gentium 3 fera argentum & àurum 9
tant que des loix pofitives, jettées au hafard au
milieu des nations déroutées, s'écarteront des
loix de l'ordre naturel, 8c feront proprement
opéra manuum hominum , l’ouvrage de la main des.
hommes, on dilfertera vainement fur les caufes
de la grandeur & de la décadence des empires ,
on prendra habilement l'une pour l’autre, 8c l'on
n'avancera jamais dans la eonnoiffance des véritables
caufes du bonheur des états.
( Cet article eft de M. G r i v e l . )
B O N N E - E SPÉRANC E. F b yq C a d de
B o n n e - E s p é r a n c e .
B O N N E -FO I . Nous renvoyons au DiCtîon-
naire de Morale pour fa définition : nous ne parlerons
ici que de la bonne- fo i néceffaire aux fou-
verains , & même nous nous bornerons à citer
quelques maximes 8c quelques exemples.
Si la vérité 8c la bonne - fo i étoient perdues |
difoit un prince , il faudroit les chercher dans lé
coeur 8c dans la bouche des rois ; parce qu'elles
y doivent réfider comme dans leur temple.
A fon retour d'Afrique , où il avoit effuyé les
derniers malheurs, Marius fe réfugia auprès du
conful Cinna q u i, accompagné de Sertorius',
foutenoit la guerre civile en Italie ; Sertorius
exhorta Cinna à ne pas recevoir un homme qui
ruinerait leurs affaires par fes cruautés 8c fes violences,
8c qui voudrait avoir dans l'armée la principale
autorité. Cinna répondit que fes raifons
étoient très - bpnnes, mais qu'il ne pouvoit écarter
Marius, après l'avoir appelle lui - même. Sertorius
lui répliqua : « Je croyais que Marius étoit
» venu de fon propre mouvement en Italie ; 8c dans
» le confeil que je vous donnais , je n'avois égard
«.qu'à ce qui me paroiflhit utile,, mais puifque
» vous l ’avez appellé dans votre camp, il nç vous
» eft pas même permis de délibérer ; vous devez
» le recevoir : la bonne - fo i ne fouffre ni difcuffioa
» ni incertitude ».
Saint - L o u k , prifonnier des farrafins , promit
deux cens mille livres pour fa rançon. Philippe de
Montfort fut chargé de compter cette fomme aux
vainqueurs. Mais il eut l'adreffe de les tromper ,
8c de retenir dix mille livres; 8e charmé d'une
fourberie qui pouvoit être avantageufe à l'armée
françoife qui manquoit d’argent, il vint en inftruire
le roi. Le religieux monarque, pénétré d'indignation
, réprimanda le comte, traita fon aCfcion de
perfidie ? 8c lui commanda de la réparer a l'inftant*
’ « E t , ajouta-t-il, malgré les dangers que je cours j
» je ne partirai point que les deux cens mille livres
» ne foient payées ».
• BO P F IN G ÉN , petite ville impériale d'Allemagtie
dans la Suabe. V-oyc\ 1c Diûionnaire de Geo-
graphie, ÿ
ÉORNÉO , ifle d'Afie. Voye% le Dictionnaire
Géographique.
BOUCLIER, f. m. On appelle ainfî celui qui
tue les gras animaux, qui les prépare, les habille,
les dépèce, & qui en vend la chair pour la bouche ,
c’eft-à-dire, pouf fervir à la fubfiftance journalière
du public.
BOUCHERIE, f. f. Eft le lieu ou le boucher
vend fa marchandife : il fe dit auffi de fon commerce
8c de fa profeifion.
La chair des animaux qü'on appelle v ia n d e , en
italien vivanda 3 parce qu'elle fert à l’entretien de
la v i e 3 e ( t une nourriture plus fubftantielle que
celle qu'on tire des végétaux , 8c comme telle eft
employée concurremment 8c fouvent de préférence
par ceux qui font en état de la payer. Les
peuples du midi, qui, habitant un climat fort
chaud , ont la fibre naturellement relâchée 8c
font par-là même fort fobres, font peu d'ufa-
ge de la viande ; d'un autre coté , les familles 8c
les fociétés pauvres n'en confomment guère, parce
qu’elle eft Un aliment trop cher pour eux ; mais
les peuples riches, 8c Ceux du nord fur-tout,
ên font un fréquent ufagé 8c une grande çon-
fommatiôn.
La boucherie 3 c*eft-à-dire, le commerce de la
viande, n'a pu prendre naiffance que dans la fociété
déjà fort accrue , riche en troupeaux 8c en
produits; elle ne s'eft bien étendue que dans les
pays froids, où l'abondance des pâturages rend
les grands troupeaux communs, 3c où l'homme
confomme beaucoup de nourriture fur un fol ingrat.
En effetla profeifion dé ceux qui tuent la
viande pour la revendre en détail, ne pouvoit
être exercée que dans des temps 8c dans les lieux
où le débit 8c la confommation dé la viande
étoient en quelque forte néceffités, par la facilité
de s’en pourvoir 8c par la fréquence des befoins.
Le métier de boucher s'établit donc comme
les autres-à!la fuite dés befoins de la fociété, 8c
fe perpétua par les facultés d’en payer la marchandée
8c les falaires.
La boucherie a fes motifs ; elle a fes règles 8c fes
procédés fondés en conféquence. Le boucher fai-
gne les animaux qu’il tue , 8c en fait couler tout
le fang, non feulement, parce que la chair èn eft
plus belle, mais plus faine 8c plus facile à con-
ferver : l'extravafiorç du fang dans la viande lui
donnerait fine couleur défagreable 8c la corromprait
très-vite. C'èft fans doute pour toutes ces
râifons qüe le léglflateur des Juifs qui habitoient
un pays très^-chaud, leur défendit expreffément
de manger des animaux étouffés ou qui feraient
morts dans leur fahg , 8c déclara dans ce cas ces
animaux immondes.
11 ne paraît pas que lès anciens peuples , même
ldng-temps après la :guerte de Troye , euffent
une profeifion d'hommes particulièrement deftinés
à Temploi de tuer les animaux & d'en vendre
la chair, puifqu'on voit au contraire dans
Moyfe, dans Homère , dans Hérodote même ,
les patriarches, les héros, les prêtres occupés
fouvent à tuer, à couper 8c à faire cuire eux-
mêmes les viandes. Cette fonction que nos moeurs
nous font paraître dégoûtante, rare alors, 8c ré-
fervée aux perfonnàges éminents comme importante
, ne préfentoit rien de rebutant. Les Grecs
connurent affez tard la boucherie. Elle fut établie
à Rome, peu de temps après fa fondation ; 8c
l'on diftingua enfuite dans cette capitale du monde
deux corps ou collèges de bouchers, diftinguéS
en fuarit 8c en boarii, qui jouirent du privilège
exclufif de tuer les animaux 8c d'en vendre la
chair : coutume qui paffa enfuite aux peuples
qui s'établirent fur les débris de l'empire Romain ,
& qui contraire à la liberté naturelle des propriétés
, n'a pu caufer que beaucoup de préjudice aux
campagnes dans tous les pays où elle s'eft perpétuée.
Nous ne dirons rien ici des boucheries de
Paris, eorporées fur celles de Rome, fi ce n'eft
que ces corporations ne font que gêner le commerce,
nuire à la nourriture des beftiaux, 8c ren-»
dre la viande plus chère.
Quoique l'homme foit doté par la nature d’organes
propres à faire nourriture 8c pâture de
préfque tout ce qui a vie ou végétation , il ne paraît
pas qu'il foit carnivore par effence : l'homme
a naturellement horreur du fang.
Les peuples pafteurs , 8c par conféquent nomades
par nécefïité, vécurent d'abord du produit
de leurs troupeaux , e'eft-à-dire du lait qu'ils en
tiraient. Il paraît que pour s'accoutumer à tuer
quelques bêtes 8c à les manger, leurs premières
victimes furent dévouées aux autels. Les immoler
étoit un facrifice plutôt qu'un aéte de propriété.
Ils facrifioiènt aux Dieux, ce qu'ils avoient de
plus précieux , la vie des animaux qui étoient leur
richeffe , 8c dont les produits faifoient leur nourriture.
Les premiers repas qu'ils firent de la chair
de ces animaux, furent ainfi confacrés par cette
offrande 8c par l'aveu du ciel.
Les peuples chaffeurs, armés d’abord par la
nécefïité-& pour l'utilité ; mais fige des peuples
féroces, tuèrent pour atteindre, 8c vécurent de
leur proie, parce qu'il faut vivre. Delà réfulta la
guerre , la barbarie 8c fes excès affreux. Heureux
encore que la nature ait réfifté dans fes derniers
retranchemens, 8c que le crime de s'entre-dévorer
n'ait eu lieu chez les plus brutaux que pour les
prifonniers de guerre.
L'agriculture fut ordonnée à l’homme 8c à tout
homme par la nature de fes befoins ; 8c les principes
de l’ordre naturel nous font voir que dans la
fociété, depuis le premier jufqu'au dernier , depuis
le plus petit jufqu'au plus grand, l’homme
qui né prend aucune part à l'agriculture , foit directement
par fon travail, foit indirectement par
fa confommation, 8c par un travail.auxiliaire d»