
6^2 C O N
là plupart des chanoines avoient abandonné la
v ille, qui s’étoit liée par une com-bourgeoifîe avec
Zurich 8c Berne 3 pour fe foutenir dans leur nouvelle
pvofcfiion de foi. L ’ifïue de la guerre civile
de religion en Suiffe, fatale aux réformés , rompit
cette liaifon.
Une guerre femblable , aufli défavantageufe au
parti proteftant en Allemagne , abattit la liljjue de
omalcade, dans laquelle la ville de Confiance s’é-
toit engagée. Charles-Quint diéla alors la fameufe
loi de Yinterim \ que l’abattement d’un parti fans
chef fit recevoir par la plupart des villes protefi-
tantes. Tandis que les députés de la ville de Conf-
tance fuivoient la cour pour obtenir des conditions
moins rigoureufes ; que l’empereur fe préparoit à
profiter de fa fupériorité pour donner un exemple
de châtiment a 8c augmenter les domaines de fa
^îaiTon en Allemagne : il fit publier un ban contre
la ville de Confiance. Un partifan raffembla en
fecret quelques troupes efpagnoles 8c italiennes en
Suabe a 8c chercha à s’emparer -de la ville ; mais
les bourgeois qui fe tenoient fur leurs gardes3 re-
poufsèrent les aflaiilans. Cependant la crainte d’un
fiege 8c la timidité des cantons réformés de la
Suiflè> découragèrent les habitans de Confiance ;
& les intrigues de Ferdinand , roi des romains ,
achevèrent de les fixer au parti de la foumiffion.
L a propriété de cette ville fut confirmée à la mai-
fon d’Autriche par la diete de l’empire en 1559,
malgré les oppofitions du cercle de Suabe. Ainfi
s ’évanouit pour elle tout efpoir d’indépendance.
Affoiblie par la retraite d’un grand nombre de fes
habitans, & négligée par dès maîtres éloignés,
Confiance vit fa population & fa fortune s’évanouir.
Quoique fa fituation foit très-favorable au
commerce > quoiqu’ elle fe trouve au milieu d’un
pays fertile & agréable , elle n’offre plus que le
luxe de quelques chanoines , des couvens bien dotés
, une bourgeoifie foible 8c pauvre, & des rues
défertes ; 8c ce tableau de comparaifon doit faire
fenrir aux Suiffes les avantages de leur liberté.
La jurifdiétion fur le lac de Confiance appartient
en partie à la maifon d’Autriche, en partie aux
cantons maîtres de la Turgovie* & à^ l’abbé de
Saint-Gall. Les limites font déterminées par un
traité conclu en 1685 avec l’empereur Léopold.
C O N S T IT U T IO N politique, ou eonfiitution
de Citât. Le mot eonfiitution lignifie en général l’ é-
tabliffement de quelque chofe. Dans la fcience politique
& dans le droit des gens , l’on entend pat
eonfiitution de l'é ta t, le réglement fondamental qui
détermine la manière dont l’autorité publique doit
être exercée. Elle préfente la forme fous laquelle
la nation agit en qualité, de corps politique j elle
explique comment & par qui le peuple doit être
gouverné, quels font les droits & les devoirs de
ceux qui gouvemént. Dans le fond ce n’ eft autre
chofe que l’ établiffernent de l’ordre dans lequel
fine nation fe propofe de travailler en commun
c o N
pour obtenir les avantages, qui font le but de toutes
les fociétés.
La eonfiitution de l’état eft donc d’une fouve-
raine importance. Lorfqu’ une nation veut former
une fociété politique , elle doit avant toutchoifir la
meilleure eonfiitution poflîble 8c la plus convenable
aux circonftances. Au moment où elle fâit ce choix ,.
elle pofe les fondemens de fa eonfervation , de fon
fal-ut , de fa perfection 8c de fon bonheur : elle ne
peut donner trop de foins à rendre ces fondemens
folides.
Malheureufement les- peuples ont prefque toujours
négligé ce devoir effentiel, où lors de leurs
premières affociations , ils fe font trouvé à la merci
des hommes puiffans qui ont diété eux-mêmes les
loix fondamentales de l’état. Les meilleures constitutions
de l’antiquité ont été l’ouvrage des circonftances
ou de quelques hommes ; 8c l’hiftoire politique
n’offre guères que les confiitutions des Etats-
Unis de l’Amérique qui aient été rédigés félon
les principes pofés ci-deffus.
. Les loix font des règles qu’établit l’autorité' publique
pour le bon ordre 8c la profpérité de la fo-
ciété. Elles doivent toutes fe rapporter au bien de
l’état 8c des citoyens. Celles qui ont rapport feulement
aux particuliers , font des loix civiles ; 8e
celles qui concernent le corps même 8c l’effence
de la fociété, la forme du gouvernement la manière
dont l’autorité publique doit être exercée $•
celles en un mot dont le concours forme la confii-
tution de l’état , font les loix fondamentales.
La eonfiitution de l’ état 8c les loix fondamentales
font la bafe de la tranquillité générale, le plus1
ferme appui de l’autorité politique 8c le gage de
la liberté des citoyens. Mais la eonfiitution eft un*
vain phantôme, 8c les meilleures loix fondamentales
font inutiles, fi on ne les obferve pas reli-
gieufement. Il faut donc qu elles foîent refpeClées
fans ceffe de ceux qui gouvernent, 8c du peuple
deftiné à obéir. Bleffer la eonfiitution de l’ état, violer
fes loix, eft un crime de lèfe-nation ; 8c fi ceux
■ qui s’ en rendent coupables font des perfonnés revêtues
d’autorité, elles ajoutent au crime en lui-
même un perfide abus du pouvoir qui leur eft confié.
Il eft rare de voir heurter de front les loix fondamentales
8c la eonfiitution d’un état 5 ce font les
attaques fourdes 8c lentes que les peuples ont fur-
tout à craindre. Les révolutions fubites frappenc
rimagination des hommes : on en apperçoît les
refforts, mais on néglige les changemens qui-arrivent
peu à peu. Ceux qui lifent attentivement-
l’hiftoire, favent combien d’ états ont ainfi changé-
de nature 8c perdu leur première eonfiitution.
Cette excellente maxime, principiis obfia , n’eft-
pas moins effentielle en politique qu’en morale.
Les fuites d’une bonne ou d’une mauvaifé constitution
étant d’une telle importance, le peuple qui
fecoue le joug de fes oppreffeurs, ou qui dans!
d’autres cireonftances change lui-même fa confii
tution ou la confirme, a droit à toutes les chofes
CO N
qui réfulteht de ce premier arrangement folem-
nel : s’il adopte le gouvernement démocratique ,
il a droit de toucher fans ceffe à fa eonfiitution, de
$a perfectionner, 8c de régler à fa volonté tout ce
qui concerne l’adminiftration.
Dans la conduite ordinaire de l’état, le fenti-
ment de la pluralité doit paffer fans contredit pour
celui de la nation, entière ; autrement, il feroit
comme impoffible que la fociété prît jamais de
réfolution. Il paraît qu’une nation peut changer
la eonfiitution de l’état, à la pluralité des fuffrages ;
8c toutes les fois qu’il n’y aura rien dans ce changement
de contraire à l’aéte même d’affociation
civile,, tous feront tenus de fe conformer à la réfolution
du plus grand nombre. Mais les principes
de la raifon univerfelle produifent trop peu d’eff
e t , pour établir avec tant de foin les maximes
rigoureufes du droit ; 8c en pareille occafion il y a
toujours plus ou moins de violence.» 8c c’eft la
force qui domine.
Les écrivains politiques examinent ici une autre
queftion. Il appartient effentiellement à la fociété
de faire des loix fur la manière dont elle prétend
être gouvernée, 8c fur la conduite des citoyens ;
ce pouvoir s’appelle puijfance légifiative. La nation
peut en confier l’exercice au prince ou à une af-
femblée, ou à cette affemblée 8c au prince conjointement
; dès-lors le prince ou. l’affemblée fépa-
rément, ou le prince 8c l’affemblée réunis ont
droit de faire des loix nouvelles 8c d’abroger les
anciennes : on demande fi leur pouvoir s’ étend
jufques fur les loix fondamentales, s’ils peuvent
changer la eonfiitution de l’ état. Il eft clair que l’autorité
de ces légiflateurs ne va pas fi loin, 8c que
les. loix fondamentales doivent être facrées pour
eux, fi la nation ne leur a pas donné très-expreffé-
ment pouvoir de les changer. Car la eonfiitution de
l’état doit, être llable 5 8c puifque la nation, après
l’avoir établie, a enfuite confié la puiffance légifiative
à certaines perfonnes, les loix fondamentales
font exceptées de leur commifïion ; mais la réflexion
qui terminé le paragraphe précédent, eft
applicable à celui-ci ; 8c c’eft,ce qu’il, ne faut jamais
oublier, quand on veut fe dépouiller de toute
çfpèce de prévention.
Par les loix fondamentales de l’Angleterre, les
deux chambres du parlement, de concert avec le
r o i, exercent la puiffance légifiative. Si les deux
chambres voulaient fe fupprimer elles-mêmes, 8c
revêtir le roi d’une autorité abfolue, certainement
la nation ne le fouffriroit pas : fes réclamations fe-
roient bien fondées ; ou h elle le fouffroit, ce feroit
parce que fa réfiftance fuccomberoit fous une
force fupérieure : mais fi le parlement difeutoit un
changement fi confidérable, 8c fi la nation entière
C O N
gardoit le filence, elle feroit cenfée approuver fes
repréfentans.
On pourrait conclure encore, que s'il s’élève
dans l’etat des conteftations fur les loix fondamentales,
fur l’adminiftration publique, fur les droits
des différentes puiffances qui y ont part, il appartient
uniquement à la nation d'en juger, 8c de les
terminer conformément à fa eonfiitution politique.
On parle beaucoup des confiitutions 8c des loix
fondamentales de l’état ; on les invoque partout
avec refpeét, mais s’ il faut le dire, chez la plupart
des peuples on ir.vogue de vains phantomes Les
monarques , 8c meme les monarques abfclus,
doivent fe conformer à la eonfiitution & aux
loix fondamentales : mais s’ il eft de leur intérêt
de les violer , ils fçavent en trouver les moyens.
Ils n’employent cependant ces moyens qu’ à la
dernière extrémité ; 8c ils ont raifon : car les peuples
les plus fournis font dlfpofés à faire des
mouvemens, lorfqu’on attente à cette efpece de
chimère, qui leur procure une forte de confolation.
Au refte, dans l’état monarchique le plus ab-
folu, la volonté fouveraine eft guidée par des loix
qui, pour ainfi dire, appartiennent à l’état, que
nous ne diftinguons pas du fouverain, 8c qui f o n t
fon patrimoine le plus précieux. La réclamation
de ces mêmes loix par ceux qui en font dépofi-
taires , eft permife 8c autorifée ; fans cela ,
l’on auroit vraiment le defpotïfme au foin dé la
fimple monarchie.
Les loix de la religion corrigent quelquefois les
inconvéniens de la eonfiitution politique.
La religion peut foutenir l’état politique, lorsque
lés loix fe trouvent dans l’impuiffance.
Ainfi, Iorfque l’état eft fouvent agité par des
guerres civiles , la religion fera beaucoup, fi elle
établit que quelque partie de cet état refte toujours
en paix. Chez les grecs-, les éléens, comme
prêtres d’Apollon , jouiffoient d’ une paix éternelle.
Au Japon (1 ) , on laiffe toujours en paix la
•ville de Meaco, qui eft une ville fainte : la religion
maintient ce réglement; 8c cet empire qui
femble feul être fur la terre , qui n’a , 8c qui ne veut
avoir aucune reffource de la part des étrangers ,
a toujours dans fon fein un commerce que la
guerre ne ruine pas.
Dans les états où les guerres ne fe font pas par
une délibération commune, 8c où les loix ne fe
font laiffé aucun moyen de les terminer ou de les
prévenir, la religion établit des temps de paix ou
de treves, pour que le peuple puiffe faire les cho*-
fes fans lefquelles l'état ne pourrait fubfifter, comme
les femailles 8c les travaux pareils.
: Chaque année, pendant quatre mois, toute
hoftiiité ceffoit entre les tribus ( 1 , arabes : lemoîn-
(1) Recueil des voyages qui ont fervi à rétablifîemenc de la compagnie des Indes , tom, a , part. I , pag.
U ) V°yei P rideaux, vie de Maliomer > pag, 64.
M am in t