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religion romaine , tandis que les luthériens 8c les
calviniftes fe réunifient pour travailler , d’un commun
accord 3 au maintien 8c à 1’avancement de
la religion protefiante.
Ceux de l’églife romaine s’afîemblent fous la
direction de l’éleâeur de Mayence ; ces aflem-
blées ou conférences ont été fort rares. Depuis
la réformation jufqu’à nos jours , les catholiques
ont toujours été les plus puifians en Allemagne,
& ils ont tâché fans cefle d'empiéter fur les droits
8c privilèges des protefians : il ne falloir pas beaucoup
de conférences fur cela, & chaque prince
catholique travailloit en particulier à ce but. Mais
les états protefians 3 plus foibles par eux-mêmes 3
& perpétuellement attaqués par les autres 3 fe font
vus dans la néceflité de fe concerter fort fouvent
Air les moyens les plus propres à prévenir les coups
qu’on avoit defiein de leur porter. Voilà pourquoi
le corps évangélique eft li connu dans l’empire;
8c c’eft aufli la raifon qui nous oblige d’en parler
en cet endroit.
La maifon de Saxe eft chargée de la direction
du corps évangélique. Lorfque l’éleéleur Frédéric-
Augufte de Saxe abandonna la feéte luthérienne
pour occuper le trône de Pologne 3 les protefians
fe trouvèrent dans un étrange embarras. Il n’étoit
pas convenable de laifler à la tête de leur corps
un prince catholique 3 qui pouvoit avoir adopté
les idées de perfécution 3 fuites ordinaires de
l’apoftafïe. D’un autre côré 3 on ne vouloit
pas perdre une puiflance aufli confidérable que
la Saxe , 8c on craignoit de la voir paner
dans le parti oppofé ; ce qui eut donné une
force plus grande aux catholiques. Cette dernière
raifon l’emporta, & la maifon de Saxe con-
ferva la direction du corps évangélique, à des
conditions qui lui furent prefcrites , & auxquelles
elle s’engagea folemnellement.
Le corps évangélique n’eft plus fi foible , depuis
que les maifons de Brandebourg, de Hanovre ,
de Hefle, de Brunfvick & autres, ont acquis
tant de puiflance ; mais il n’en eft pas moins vrai
que le clergé catholique eft aufli puiflant en Allemagne
qu’ailleurs ; qu’il a des revenus immenfes,
& que les archevêques, les évêques & quelques
abbés y font princes fouverains. Les eccléfiaftiques
protefians, au contraire, n’ont ni pouvoir ,
ni titre, ni riçhefles, ni autorité ; ils font partout
fournis au pouvoir temporel, & on ne leur
a pas même laiffé Jes perfpeélives de dignité op
de fortune, qui excitent l’émulation.
Les états eccléfiaftiques catholiques exercent la
jurifdiétion fpirituelle fur leurs fujers de la même
religion , non comme états de l ’empire , mais en
qualité d’archevêques,. d’éyêques, Scc. Iis dépendent
du pape, & les règles qu’ils fuivent font
prefcrites par le droit canonique.' Les états catho-
Kquçs fécuücrs, au contraire, en fuivant le même
droit, abandonnent la jurildi&ion fpirituelle, fur
Jeurs fujets ecçléfiaftiquçs ou laïques de leur égjife,
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au pape , à fes nonces ou aux archevêques 8c
évêques, dans le diocèfe defquels ils font fitués,
félon que les règles du droit canonique défignent
le refiort de l’affaire en litige. L e leéleur fent
que ceci n’ eft plus vrai pour l’Autriche , depuis
les fages loix de l ’empereur aéluel. Plufieurs
princes laïques àé Allemagne jouiflent, en vertu
de leur avocatie , fur les couvens immédiats
de leur domination, de divers droits en matière
fpirituelle , à titre d’avocatie ( kaftenvegtey ) ou
à titre de patronage.
Les publiciltes, aufli bien que les états de l’empire
eux-mêmes, varient beaucoup à l’égard de
la jurifdiétion fpirituelle que les feigneurs catholiques
eccléfiaftiques ou feculiers ont droit d’exercer
fur leurs fujets protefians ; ce qui donne lieu
à beaucoup de plaintes de la part de ces derniers.
Toute jurifdiétion eccléfiaftique du pape 8c du
clergé catholique, fur les états protefians 8c leurs
fujets, demeure fufpendue jufqu’à'la réunion des
deux communions : comme on ne peut plus efpé-
rer cette réunion , la jurifdiétrôn du pape & du
clergé catholique e f t , par cela même, entièrement
abolie.
Ainfi ces états font entièrement libres 8c indé-
pendans en matière de religion, à moins que les
loix de l’empire ne renferment quelque reftri&ion
à cet égard. Chacun d’eux peut régler fuivant fou
bon plaifir, dans fon territoire, tout ce qui eft
relatif aux affaires eccléfiaftiques , à moins qu’ il
n’en ait perdu le droit par quelque convention
paflee avec les états de la province ou avec fes
fujets.
C ’eft à caufe de ces conventions particulières
que les divers états protefians fe conduifent en
ce point d’une manière fi différente. Nous ne
pouvons dire ici que des chofes générales. Le fei-
gneur territorial fe réferve communément la dé-
cifion de toutes les affaires importantes; il nomme
ou confirme, tranfpofe, avance, dépofe ou punit
les deflervans d’ églifes ou d’écoles ; il fait des ré-
glemens concernant les temples, ordonne les jours
3e fêtes , de jeûne & de pénitence, établit des
collèges, qui règlent en fon nom tout ce qui a
rapport au culte extérieur.
Les états protefians confient ordinairement
l’exercice de leur jurifdiélion eccléfiaftique à un
collège appellé confiftoire ; il y a dans ces confif-
toires des membres eccléfiaftiques 8c des membres
féculiers : fon autorité eft plus ou moins étendue
, fuivant que le feigneur territorial le juge à
propos. Dans beaucoup d’endroits il.y a de plus
des fynodes & des confeils eccléfiaftiques. Les
deflervans d’églifes & d’écoles font nommés, ou
par le feigneur territorial, ou par les confiftoires,
ou par les anciens de Féglife, ou par ceux qui ont
le droit de patronage , ou même par le corps, des
paroiffiens. Parmi le« eccléfiaftiques protefians,
ceux qui ont des dignités plus éminentes, & qu*
foüt prépofos aux autres * font appelles infpçiïwi
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prélats y ©u furîntendans , 8c quelquefois furin-
tendans généraux.
Le pouvoir des états protefians, fur leurs fujets
catholiques, eft le même que celui des états catholiques
fur leurs fujets protefians. Il eft convenu
que ceux qui avoient l’exercice public de la •
religion catholique en l’année 1624, reconnoitront
la jurifdiétion fpirituelle des évêques qui l’exer-
çoient en la meme année ; ainfi ceux qui n’ont
eu que l’exercice privé de leur culte, ou qui ne
font tolérés que par une grâce fpéciale, dépendent
uniquement de leur feigneur temporel, lequel
cependant ne fçauroit leur prefcrire des chofes
contraires aux principes fondamentaux de leur
églife. Il n’eft point permis aux états protefians
de renvoyer les moines d’un couvent fitué dans
leur territoire, &c de les remplacer par des moines
d’un autre ordre, à moins que les premiers ne
foient entièrement éteints ; & même alors le couvent
ne peut être rempli que par des moines créés
avant la réforme.
Enfin il a été convenu entre les proteltans,
que fi un état luthérien embrafloit la communion
calvinilte , ou s’il acquéroit une province vouée
à cette communion 8c vice verfa, il laifleroit jouir
librement fes fujets de l’exercice de leur religion
& de tout ce qui en dépend; que fi une communauté
adoptoit d’elle - même le culte de fon
feigneur territorial, l’exercice public lui feroit
accordé, .mais à fes propres frais & fans préjudice
des autres.
Les confeillers de confiftoire, furîntendans &
profeffeurs de théologie & de philofophie, doivent
profefler là religion qui étoit en ufage dans le
pays lors de la paix de Weftphalie.
S e c t i o n X V I I Ie
De la forme du gouvernement du corps germanique.
Si l’on examine le corps germanique félon les
.principes d’Ariftote, on ne peut le ranger fous
aucune de fes quatre clafles ou formes de gouvernement.
Pour donner une idée de fa conftitution,
on peut dire : le faint empire romain efi gouverné
par un fénat de fouverains, tous de la nation allemande
, qui s'ajfemblent pour prendre et un commun
, accord les réfolutions nécejfaires au bien de la patrie,
G* qui réuniffent leurs forces pour la défendre. Le
prince qui préfide a ce fénat eft choifi parmi fes
membres. I l obtient, par fon élection , le titre d‘empereur
, avec la première dignité de l'empire ,• i l repréfente
la majefté de tout le corps germanique, £r*
en cette qualité on lui accorde toutes les marques
extérieures du plus profond refpeêt ,* mais i l efi obligé
de gouverner félon les loix fondamentales du pays ,
& les conditions qui lui ont été prefcrites ,• & i l ne
peut rien entreprendre fans le confentement de ce même
1 fénat, dont i l n eft que le premier membre.
Quelques politiques regardent l'empere ur comme
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un fimulacre de prince, 8c ils le comparent au
doge de Venife : cette opinion eft fort exagérée.
Ceux qui fe font appliqués à l’hiftoire <¥Allemagne
y fçavent combien les empereurs ont toujours
eu de crédit & d’autorité dans l’empire,
fur-tout depuis que la couronne impériale eft portée
par la maifon d’Autriche. Quoique cette autorité
ait été pouflee fouvent au-delà de fes juftes
limites, il elt fur que les loix mêmes accordent
beaucoup de pouvoir à l ’empereur, comme on
peut le voir par la bulle d’o r , & par toutes les
autres conftitutions fondamentales. Voye^ bulU
d‘or, &c. Nous nous contenterons d’obferver ici
que le pouvoir 8c l ’autorité de l’empereur font
plus grands à mefure que le prince qui occupe
cette 'dignité eft plus ou moins puiflant par lui-
même.
En parlant des éleéleurs, de l’empereur 8c de
la diète, nous avons dit de quelle manière procède
le corps germanique dans les affaires qui inté-
reflent l’empire ; nous ajouterons ici qu’il eft com-
pofé de pièces de rapport qui doivent en affoiblir
la conftitution, par la difficulté d y maintetenir
l’harmonie. On verra, dans les diflerens articles
des états de l’empire , qu’ici la puiflance fouve-
raine eft héréditaire, que là elle eft éleétive ; que
dans quelques-uns le pouvoir du prince eft abfolu,
8c que dans d’autres il eft limité par des capitulations
8c par la loi ; que les villes libres ont un
fénat compofé des principaux citoyens, 8c que
l’éle&ion en eft confiée aux fénateurs^ mêmes ;
qu’ailleurs le gouvernement eft ariltocratique ; que
ce font les tribus qui élifent les fénateurs, qu’elles
peuvent abfoudre ou flétrir, 8c qu’ ainfi elles conf-
tituent une véritable démocratie.
Le gouvernement en général ne peut être regardé
comme ariftocratique. Un pareil gouvernement fup-
pofe un fénat fixe & permanent, dont l’ autorité fou-
veraine délibère fans oppofition fur tout ce qui
concerne la république, 8c qui confie à des officiers
fubalternes 8c à des magiftrats l'exécution
de fes ordres 8c de fes délibérations. La chambre
impériale & le confeil aulique ne font qu’une
image imparfaite de ce fénat fouverain : on n’y
porte que les affaires par appel; ainfi ce tribunal
refteroit fans fonélion , fi les parties jugées étoient
fatisfaites du premier arrêt. Les diètes ne doivent
point être regardées comme un fénat permanent
& abfolu , quoique tout s’y décide à la pluralité
des voix. L ’Angleterre & la Suède ont leurs parlerons
, où les affaires font réglées par les fuf-
frages des députés des provinces , fans que le
gouvernement prenne le nom d'ariftocratique. Les
biens de chaque fénateur , dans l’ariftocratie , dépendent
abfolument des loix & du fénat, qui
peut en prendre une portion pour les befoins de
l’ état : en Allemagne tous les états enfemble n’ont
point de droit fur les biens des particuliers.
On a fouvent difeuté fi X Allemagne pouvoit être
mife dans la claffe des monarchies. L a queftion