
tumeroit à un genre de vie. plus paifible : qu'une
confiance entière s'établirait infenfiblèment entre
Jes américains , les européens 5 & qu’avec le
temps ils ne ' formeraient qu’ un peuple ; que la
cour de Lisbonne auroit la fageffe de ne pas
troubler par des partialités une harmonie fi inté-
reflante j & qu'elle chercherait , par tous les
moyens pofiibles , à faire oublier les maux qu'elle
avoit faits au nouvel hémifphère.
Mais combien les réalités font éloignées de ces
douces apparences! Dans les provinces de Fernambuc,
de Bahia,-de Rio-Janeiro , de Minas
Geraes, les brefiliens font reftés mêlés avec les
portugais, avec les nègres 3 & n'ont pas changé
de caractère 3 parce qu'on n'a pas travaillé à les
éclairer , parce qu'on n'a rien tenté pour vaincre
leur pareflfe naturelle , parce qu'on ne leur a
pas diftribué des terres 3 parce qu'on ne leur a
pas fait les avances qui auraient pu exciter leur
émulation.
A Para , à Maragnan, à Matto - Groffo 3 à
-Goyas., à faint-Paul , les indiens ont été réunis
dans cent dix-fept bourgades. Chacune eft préfî-
dée par un blancT C'eft lui qui règle les occupations
3 qui dirige les cultures, qui vend & achette
pour la communauté , qui punit & qui récom-
penfe. C'eft lui qui livre aux gensdu fife le
dixième des productions territoriales. C ’eft lui
qui nomme ceux d’entre eux qui doivent aller
faire les corvées dont on les accable. Un chef
revêtu “d'une grande autorité , furveille les opérations
des prépofés fubalternes répandus dans les
différentes peuplades.
Ces combinaifons ont partagé les efprits. Un
écrivain, qui n'eft jamais forti de l'Europe 3 feroit
regardé comme bien hardi, s'il ofoit prononcer
entre deux parties, qu'une expérience de trois fiè-
clés n'a pu réunir ; mais qu’il foit permis au moins
de dire qu’un des hommes les plus éclairés qui
aient jamais vécu dans le Brejil 3 m'a répété cent
fois que les indiens qu’on laiffe maîtres de leurs
actions dans la colonie portugaife, font fort fupé-
rieurs en intelligence & en induftrie à ceux qui
font tenus dans une tutelle perpétuelle.
' S f C T I O N I V e.
Obfervations particulières fur les divers gouvernement
du Brefil.
L e gouvernement de Para eft le plus fepteu-
trional de tous. Il comprend la partie de la Guiane
qui appartient au Portugais le-cours de l'Amazone
,. depuis le confluent de la Madeire ôc du
Mamoré ; & à l'e ft,,to u t l'efpace qui s'étend
jufqu'à la rivière de's Tocantins. C'eft la contrée
la plus ftérile & la moins faine de ces régions.
Dans la Guiane 3 on ne peut demander des
productions qu'à la rivière noire , dont les bords
élevés feraient très-propres à toutes les denrées
qui enrichirent les meilleures colonies de l'Amérique
j mais le pays n'eft habité que par des indiens,
que Ja pêche de la tortue occupe pref-
qu uniquement, & qu'on n'a pu encore déterminer
qu'à la coupe de quelques bois de marqueterie.
Cette rivière reçoit celle de Cayari-,. oà
1 on découvrit en 1749, une mine d'argent, que
des raifons de politique ont fans doute empêché
d'exploiter.
Du côté du nord , les rives de l'Amazone font
prefque généralement noyées. Le peu de terrein
fec qu'on.y rencontre, eft continuellement dévoré
par des infeétes de toutes les efpèces.
Quoique le fud de l'Amazone fort marécageux
par intervalles, le fol y eft communément plus
folide & moins infefté de reptiles. Les grandes &
nombreufes rivières qui s'y jettent, offrent de
meilleures reffources encore pour les cultures,
fans qu'il s'y en foit établi aucune.
Les^ navigateurs portugais n'étoient pas'entrés
dans l ’Amazone avant 153$. Ayres d'Acunha &
ceux qui le fuivirent y firent prefque tous nauV'
m m m ne fut qu’en 1,61 y que François. CaL
dèira jetta fur fes rives les fondemens d'une ville ,
qui reçut le nom de Belem. Le gouvernement
donna en 1663 » à Bento-Maciel Parente, le territoire
de Macapa, & plûtard l'ifle de Joannes à
Macedo ; mais ces deux concédions furent depuis
réunies à la couronne, la première par l'extinCtion
de h famille qui l'ayoit obtenue, & la fécondé par
des échanges.
Pendant long-temps les portugais fe bornèrent
a faire des courfes, plus .ou moins prodigieufes »
peur enlever quelques Brefiliens. C ’étoient des
fauvages inquiets & hardis, qui cherchaient à
affervir d'autres fauvages moins forts &: moins
çourageux. Ces fatigues meurtrières, ces cruautés
inutiles duraient depuis un fiècle, lorfque
les millionnaires entreprirent de civilifer les indiens
errans. Ils en ont réuni un affez grand nom-
bre dans foixante-dix-huit bourgades, mais fans
pouvoir, les fixer, entièrement. Après quatre ou
cinq mois d'une vie oifive & fédentaire ces
hommes , entraînés par leurs anciennes habitudes
, quittent leur demeure & leur famille pour
aller cueillir dans les forêts des productions a une
nature brute , qu'avec un peu de travail, ils pourraient
obtenir près de leurs foyers ou remplacer
par des productions meilleures. C e que ces cour-?
fes deftruCtives & renouvellées chaque année
donnent de cacao fauvage, de vanille., d'écaille de
tortue, de crab., de falfe-pareille , d'huile de
coupeau, de laine végétale , eft porté à Belem,
ch e f lieu du gouvernement.
Cette ville bâtie à vingt lieues de l'océan > &
fur un terrein qui s'élève treize pieds, au-deffiis
du niveau de la mer, ne fut long-temps que
l'entrepôt des richeffes, qu'on y portoit de
l’intérieur des terres. Des noirs qu'elle, s'eft enfin
procurés ont fait croître à fon voifinage un pqu
de coton qui eft fabriqué dans lé pays même,
quelques cannes à fucre, dont le mauvais produit
eft Converti en cau-de-vie : ils ont cultivé
pour l’exportation, du café , du ris & du cacao.
La vente des troupeaux qui paiffoient, dans l’ifle
de Maraja fut long-temps une de fes reffources.
A peine y refte-t il maintenant affez de boeufs pour
fa propre confommation.
Avant 175 y , cet établiffement voyoit arriver
tous les ans de la métropole treize à quatorze
navires. Depuis que le miniftère l'a affervi au monopole,
il ne reçoit plus que quatre ou cinq bâ-
timens. La. valeur de ce qu'ils exportent s’élève
rarement au dèffus de 600,000 livres. Ce foible
produit n'eft que peu groflî parles bois de conftruc-
tion que le^gouvernement fait acheter & emporter
par fes vaiffeaux.
La population de la colonie eft de quatre mille
cent vingt-huit blancs , de neuf mille neuf cens
dix - neuf noirs efçlaves ou mulâtres libres , &
de trente-quatre mille huit cens quarante-quatre
indiens.
Cette contrée qui, en 1778, a été débaraffée
des entraves inféparables d'un privilège exclufif,
mettra fans doute à profit fa liberté. Le port de
Belem , appellé Para 3 nom qu on donne auffi
quelquefois à la ville, n'oppofe pas au fuccès d’auffi
grands obftaeles qu'on le croit communément.
L’approche en eft, à la vérité, difïicile.'Des cou-
xans, en fens contraires, occafionnés par une
multitude de petites ifles , rendent la marche
des bàtimens incertaine & lente ; mais arrivés à
la rade , ils mouillent dans un fond de vafe , fur
quatre, cinq &' fix braffes d'eau. Cependant le canal
qui y conduit diminue tous les jours de profondeur.
Dans peu, il ne fera plus praticable fi, !
comme il faut le croire, les eaux continuent à y
dépofer autant de terre, qu'ils y en ont entraînée
depuis un fiècle. Le Maragnan eft féparé au nord , du Para , par
la rivière des Tocantins ; au fud, du Goyaz ,
par la Cordelière 3 appcllée Guacuraguay au le* ;
vant, de Fernambuc, parles montagnes Ypia^ |
paba.
Cette province vit pour la -première fois les
portugais en 1535 , & ce fut une tempête qui les
y jetta; mais ils ne s'y établirent qu’en 1599. j
Les françois s’en emparèrent en 1612, pour en être
chaffés trois ans après. Elle relia fous le joug
hollandois depuis 1^41 jufqu'en 1644. A cette
époque les premiers ufürpateurs rentrèrent dans
-leur poffeflîon pour ne la plus perdre*’
Le foin de ramaffèr fur les côtes de l'ambre
gris, qui amufoit les fauvages, occupa les premiers
européens* Cette foible reffource ne tarda
pas à manquer , & elle ne fut pas remplacée.,
comme elle devoit l'être. L’établiffement a langui
long-temps, ;& l’on s'eft apperçu bien tard
que le ,coton qui eroiffoit fur ce territoire étôit
le meilleur du nouveau monde. Cette culture
fait tous les jours des progrès; & depuis quelques
années J on lui a affocié celle du ris, quoiqu'il
Toit intérieur au ris du Levant , à celui
même de l’Amérique feptentrionale. Le climat
s'y eft abfolument fefufé aux tentatives qu'on a
faites pour y naturalifer la foie ; mais le projet
d'enrichir fon territoire de l'indigo paroît devoir
être heureux. Déjà l'on y recueille le plus beau
rocou du Brejil
Le lieu le plus anciennement peuplé de la colonie:
eft l'ille de faim.Louis, longue de fept
lieues, large de q u a tre ,.& féparée de la terre
ferme par une très-petite rivière feulement. On
y voit une ville du même nom où fe font toutes
les opérations de commerce, quoique la rade en
foit mauvaife. Il y.a quelques cultures; mais les
plus conlidérables font dans le continent, fur les
rivières d'Ytapicorié, de Mouy , d'Iquara , de
Lindaré 8c de ftleary.
Sur les'derrières de la province & dans le même
gouvernemept, eft le pays de Pauchy où les Pau-
liftës pénétrèrent les premiers en i y7 1. C e ne fut
pas fans de grandes difficultés qu’il fut fubjugué,
& il ne Leit pas encore entièrement du côté de
l'eft. C ’eft un terrein inégal, fablonneux, quoique
exceflivement élevé. Des peuples pafteurs
l'habitent. Sur ce fol j'couvert de falpêtre, ils élèvent
un grand nombre de chevaux & de bêtes
à -cornes, qui ont un débit alfez avantageux dans
les contrées limitrophes.; mais’ le mouton y dégénère
, comme dans ie refte du Brejil. Malheu-
reufement des féchereifes trop ordinaires &
deschaieurs exceffives font fouvent périr des troupeaux
entiers, lorfqu'on n'a pas l'attention de les
conduire à. temps dahs des pâturages éloignés.
Les minés de foufre, d'alun, de cou'perofe, de
fer , de plomb , d'antimoine font communes &
peu profondes dans ces montagnes ; & cependant
on n'en a jamais ouvert aucune. 11 fut, à la vé-
'rité, permis en 1 yyz, d’exploiter celle d’argent,
qüi avoir été découverte trois ou quatre ans auparavant
; mais la cour revint, fur. fes pas peu de
temjjs après , pour des raifons qui ne nous font pas
connues.
C e gouvernement contient huit mille neuf cens
quatre-vingt-treize blancs, dix-fept mille huit cens
quarante-quatre noirs ou mulâtres libres & efcla-
yes , trente-huit mille neuf cens trente-fept indiens
épars q.u réunis dans dix bourgades. Les exportations
n’ont pas répondu jufqu’ici à cette population.
Leur valeur n’étoit guère que de fix à fept
cens mille francs ; mais fortis des liens du monopole,
elles ne doivent pas tarder à devenir
confidéràbles.
La province qui fuit celle de Maragnan, & qui
porte le nom de Fernambuc , a été formée de quatre
propriétés particulières.
; Le Fernambuc propre , donné en 1 y Z7 j à
Eduoard Coelho, fut réuni, comme conquête , à