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» plus nette, & dans la forme la plus étendue,
» il y en aveit de particuliers fur toutes fortes de
»» fujets. Dans ceux par exemple qui regardoient
89 la guerre , on indiquoit les moyens de maintenir
** fi exactement la difcipline, confidéfée, non-
» feulement dans l’exercice aCtuel de la guerre ,
» mais encore dans le temps de la paix, qu’ils
»» eulfent rendu facré pour le foldat la perfonne
»» du marchand, de l’artifan, du pafteur & du la-
89 boureur. Ces quatre fortes de profeffions, fur
p . lefquelles il elt vrai de dire que roule tout l’é-
»» tat, auroient trouvé toute forte de fûreté c©n*
« tre les violences de la noblelfe, dans d’autres
?» mémoires fur la police & le gouvernement in-
*8 térieur. Ceux-ci marquoient fi jufte la diftinc-
î» tion des conditions l’étendue de leurs
88 droits, qu’aucune d’ elles n’edt pu dans la fuite,
89 ni abufer de la fupériorité , ni fe îbuftraire à la fu-
** bordination. L’objet de ceux qui avoient rap-
30 port au clergé , étoit d’engager tous les ecclé-
v fialtiques à faire d*un bien , qui à proprement
» parler, n’ell point à eux , l’ufage qu’exigent
?» les canons ; à ne point unir enfemble deux bé-
» néfices de la valeur de fix cens livres de re-
88 venu ; à n’ en pofleder aucun qui rapportât plus
P de dix mille livres-: du refte, à s’acquitter di-
« gnement de leurs fonctions, & à regarder le
89 bon exemple comme la première des loix qui
?» leur font impofées »».
Cette efpèce d’école muette pour la finance,
la guerre, le commerce, en un mot,pour toutes
les parties de l’adminillration, ou de la fcience
du gouvernement, paroit heureufement imaginée.
Pourquoi les miniftres & les employés fu-
balternes font-ils tant de fautes ? Parce que il n’y
a ni règles pofitives, ni principes écrits qu’on
puifife cônfulter ; parce que les hommes chargés
du gouvernement travaillent prefque toujours au
hafard, & fans avoir un plan fixe. On parle beaucoup
de l’efprit de l’adminiftration ; il elt clair cependant
qu’il n’y a pas de fyftême fixe, & que
les divers départemens font abandonnés aux vues
particulières ' des minières : c’eit pour cela que les
nations arrivent fi tard au but qu’elles devroient fe
propofer, & que très-fouvent on le manque tout-
à-fait. Il n’y a guère de corps ou de communautés
qui puiffent fubfifter deux ou trois fiècles fans une
règle d’inftitut, toujours préfente à ceux qui les
conduifent. Comment l’état qui les renferme tous
pourra t j § s’en paffer ?
C A D A S T R E , f. m. On entend communément
par ce m o t, une forte de dénombrement
des propriétaires fonciers d’un royaume, d’une
province, & c . auquel on joint l’état & l’étendue ,
des fonds que chacun d’eux y poffede, ainfi que
l ’eftimation de ces fonds d’après kurs qualités &
leurs: produits ordinaires.
C e dénombrement contenu dans un rolle ou
regiftre public, eft appellé cadafire, parce que
lors de fa confection dans chaque parojlïe -, 8c
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tous les ans après les changemens que les mutations
de propriétés y ©ccafionnent, on expofe
pendant un certain temps, Sux yeux de tous les
paroifliens, les feuilles'de ce regiftre, renfermées
dans un cadre comme un tableau fournis à leurs
obfervations.
C’eft fur de tels cadajlres, employés en Dauphiné
, en Provence, en Languedoc , en Querci,
en Guyenne, en Bourgogne, en Bretagne, en
Flandre , en Arto is, en Alface 8c en Corfe,
qu’on règle les impofitions de chacune de ces
provinces, 8c qu’on fait enfuite dans chaque pa-
roilfe la répartition de ce que tout habitant propriétaire
doit en fupporter pour fa cotte-part au
marc la livre de fes revenus.
Les cadajlres portent, en Languedoc, le nom
de compoix , en Bretagne celui de fouages , & en
Dauphiné le nom d'affouagemcns, On peut regarder
tous ces noms comme fynonymes les uns des
autres.
Nous ignorons fi les premiers empires uferent
de cadajlres , pour établir fur leur territoire une
jufte répartition des impôts} mais l’hiftoire 8c ies
loix romaines nous font connoître que dès le
temps de fes rois, Rome établit chez e lle , fous
le nom de cens , un cadajlre, pour diftribuer à
chaque citoyen fa part d’une taille réelle, à raifon
de chaque arpent de fonds dont il étoit propriétaire.
L ’ufage du cens ou cadajlre , fous la république
, s’étendit à toutes les terres des peuples
qui furent fubjugués par fes armes : il fubfilta juf-
qu’à la fin de l’empire romain.
Les cenfeurs, magiftrats inftitués pour la confection
du cens ou cadajlre , le faifoient publiquement
à Rome tous les cinq ans. Les officiers municipaux,
ou les décurions de chaque cité , le
rédigeoient dans les provinces fur de grands regif-
tres, q ui, après avoir reçU l ’approbation du pro-
conful, paffoient dans les archives publiques.
L ’Italie conferve encore, fous le nom de cenjt-
menti des cadajlres , qui font vraisemblablement
une fuite de ceux établis par les romains, du moins
l ’opinion publique eft , que ces cenfimenti ont été.
rédigés , dans leur origine , par ordre des empereurs.
En Chine, l’ufage des cadajlres eft de la plus
haute antiquité. Le cadajlre général de cet empire
a été exécuté fur le plus grand plan topographique
que l ’on connoiffe. Non-feulement il contient
le dénombrement de tous les habitans, de toutes
les terres 8c de leurs revenus, taxés depuis le trentième
jufqu’aiï dixième ; mais il eft comme le répertoire
général des projets les plus utiles à l’état.
I l fert à diriger la culture des terres vers les productions
les plus lucratives & les plus néceftaires
à la fubfiftance des hommes, à indiquer la conduite
des canaux de navigation qui traverfent ce
vafte empire, & celle des canaux d’arrofement, qui
font une des premières caufes de la fertilité des terres.
I En Europe , l ’ufage des cadajlres a paffé des
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romains à plufîeurs états formés des débris de leur 1
empire , ou qui depuis fa chûte ont adopté les loix
romaines. Outre l ’Italie 8c la Hollande, l’Allemagne
& la Hongrie fe fervent de cadajlres depuis
long-temps, 8c fe.font toujours occupées du foin
de les perfectionner;
A l ’imitation du gouvernement de la Chine,
celui de la Grande - Bretagne fait lever, fur une
échelle d’un douzième de ligne par toife , un plan
topographique de l’Angleterre dans le delfein,
non - feulement de corriger les anciens cadajlres de
ce pays, mais encore pour y préfenter à l ’admi-
niltration de nouvelles vues d’utilité publique.
On prétend que l ’ufage des cadajlres , établi
dans, les Gaules fous les romains, fut adopté par
les premiers rois Francs qui en firent la conquête.
Ceux qui le jugent ainfi fe fondent fur deux pacages
de Grégoire de Tours, où cet évêque hilto-
lien parle dé defcription 8c de. dénombremens
faits, fous les règnes de Chilpéric 8c. de Sigebert,
dans le Poitou & dans la Tourraine, 8c qui, devenus
défectueux & caducs, furent enfuite réformés
fous celui de Childebert le jeune, qui parvint
ainfi à ÿ régler tous les impôts par une meilleure
répartition.
Cet ufage des cadajlres 3-établi au moins dans la
plupart des provinces qui-s’en fervent encore , a
fubfifté fous la fécondé 8c la troifième race de nos
rois, comme on peut le voir dans un capitulaire de
Charles le chauve de 864, & dans diverfes ordonnances
publiées fous Philippe le hardi, Philippe
le bel, le rpi Jean, Charles V & Charles V I.
Dans le regiftre d’affouagemenr, ou dans le
cadajlre général de Provence, les feuls biens roturiers
font infcrits pour y être impofétés à la taille.
La qualité de noble ou d‘eccléfiajlique n’exempte
point les propriétaires qui les poftedent, de payer
comme tels leur contribution à cet impôt, tandis
que les roturiers qui poftedent des biens nobles,
en font exempts.
Tous les 30 ans on renouvelle les cadajlres
dans chaque paroifîe de la province. Chaque communauté
-s’aflembie alors afin de connoître s’il y a
des plaintes à écouter, & des changemens à faire
fur la fixation de chaque cotte, & pour y faire
droit fur le champ. La vérification finie, \c cadajlre
eft reçu & approuvé par le confeil, & dès
ce moment, chaque contribuable connoît au jufte
ce que doivent fes pofleffions § car le montant général
de la taille de la province, comme celui de
chaque communauté eit déterminé , & fur celui-
ci chaque propriétaire peut calculer ce qui lui en
revient pour fa part.
Lorfqu’il y a tranflation d’une propriété, une
note marginale faite, fur le cadafire , avertit le collecteur
quel eft le nouveau propriétaire qui en doit
la taille.
En Languedoc le cadafire, qui porte le nom de
compoix, eft également un regiftre qui contient le
dénombrement 8c l ’évaluation des héritages. Là,
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comme en Provence, les feuls poflefïeurs des
biens nobles font exempts de tailles. Tous les
autres , fans exception & fans égard pour leur
rang ou leur qualité , paient au prorata de ce que
doivent leurs fonds. I l y a plus de trois fiécles
que le cadafire général de la province n’a pas été
renouvellé j mais il eft d’ufage de renouveller,
tous les 30 ans, celui des diverfes paroifles.
Des commiffaires choifis à cet effet par les états,
& autorifés par un arrêt du confeil, font l’examen
& l ’eftimation des biens fonds de chaque
paroifle. Ils en dreffent un procès - verbal qui ,
rapporté & vérifié dans l ’aflemblée générale des
états, eft enfuite approuvé par un fécond arrêt du
confeil, enforte que le gouvernement & les bureaux
de la province , favent toujours , avec pré-
cifion, les changemens faits dans les cadajlres des
communautés, 8c quel eft le réfultat de ces chan-
gemens.
Le cadafire en Bretagne , appellé fouage , eft à
peu - près le même que celui de Languedoc.
I l n’y a point de cadajlre général en Bourgogne;
mais dans quelques cantons , où la taille eft réelle ,
on la perçoit fur d’anciennes eftimations , d’après
la répartition faite par les élus généraux de la province.
En Artois on paye un impôt réel appellé centièmes
3 réparti fur une ancienne eftimation des biens.
D ’après le cadafire des revenus de la province , les
états fixent ce que chaque communauté doit payer
pour fa part de ces centièmes, & chaque propriétaire
eft enfuite taxé à raifon de fes fonds.
Enfin; en vertu de plufieurs arrêts du confeil,
il a été commencé dans l ’ifle de Corfe , après la
ceffion que Gènes en a fait à la France , un cadastre
pour affeoir , fur les propriétés foncières de
fes nabitans , un impôt réel, avec autant d’égalité
que de juftice, & pour leur procurer en même-
temps des aétes authentiques q u i, en indiquant
•leurs légitimes pofleffions, fuppléent aux anciens
titres détruits par les ravages de la guerre.
Les Ordonnances qui prefcrivent la confe&ion
de ce cadajlre 3 veulent qu’il foit levé , fur une
échelle d’un huitième de ligne par toife, un plan
topographique de tous les terreins qui compofent
le diftriâ: de plufîeurs communautés nommées pie-
ves dans le pays ; que ce plan donne exactement
l ’étendue & la configuration du terrein , & fa
mefure en arpens & divifions d’arpent. Celui-ci
doit contenir 100 perches, & la perche 20 pieds
de roi. ( Voyeç le mot C a d a s t r e aux Dictionnaires
de Jurifprudence & de Finance J.
Tous ces cadajlres , particuliers à certaines provinces
j dénotent le befoiri. d’un cadafire général
pour le royaume. Quelques imperfections ou même
quelque défàutque contiennent ceux-dont on vient
de parler, il eft toujours certain que la répartition de
l ’impôt faite en conféquence , eft plus exaCte &
plus égale que lorfquelle eft arbitraire. Un cadafire
(général, en réglant d’une manière ftable la ré par