
Tout homme qui découvre une mine , doit
avertir le gouvernement. La veine eiL - elle jugée
de peu d'importance par les gens de l'art chargés
de l'examiner, on l'abandonne toujours au public.
Si elle eft déclarée riche , le fife s'en réferve une
partie : le commandant en a une autre ; la troilîème
ell pour l'intendant , & l'on en affûre deux à l'auteur
de la découverte. Le -relie eft partagé à tous
les mineurs du diftriéi, félon l'étendue de leurs
facultés » arbitrées par le nombre de leurs efcla-
ves. Les contellations 3 que cette efpèce de propriété
peut faire naître , font du reflbrt de l'intendant
3 mais il eft permis d'appeller de fes arrêts
a la cour fuprême, établie à Lisbonne, fous le
nom de confeil d3outre-mer.
Les obligations des mineurs fe réduifent à livrer
au roi le cinquième de l'or 3 que des Opérations 3
plus ou moins heureufes 3 leur fendent. Ce quint
fut autrefois confîdérable 3 & il pafla 9,600,00©
de liv. chaque année, depuis 1728 jufqu’en 1734.
On l’a vu diminuer par dégrés. A&uellemerit le
produit annuel de Minas-Geraès n'eft que de
18.750.000 liv., de Goyas que de 4,687,500liv.,
de Bahia & de Saint-Paul réunis, que de 1,562,-
500 liv., c'eft en tout 25,312,500 livres, dont il
revient au gouvernement 5,062,500 livres. Son
droit pour la fabrication de l'or en efpèces, lui
donne 1,647,500 liv, & à raifon de 2 pourcent,
il retire 393,000 livres pour le tranfport que font
fes vaiffeaux de tout l'or qui appartient au commerce;
de forte que fur 25,312,500 livres que
rendent les mines, le miniftère en prend. 7,103,-
000 livres. Il obtiendroit même quelque choTe de
plus, s'il ne fortoit tous les ans en fraude environ !
600.000 livres qui ne payent pas les deux dernières
impofitions.
On ne fait pas monter à plus de 20,000,000 de
livres les métaux qui circulent habituellement dans
Je Brefil.
Il faut joindre à ce numéraire ce qu'on tire
d’argent en fraude de Buenos- Ayres. Cetté contrebande,
étoit autrefois immenfe. Les mefures
qu’a prifes l'Efpagne, l'ont réduite, dans les derniers
temps, à environ trois millions chaque année.
Beaucoup de gens font même furpris que
cette communication exifte entre deux nations
qui, ne fabriquant rien , & mettant à peu près les
mêmes importions fur l'induftrie étrangère , ne
devroient rien avoir à fe vendre. On ne fait pas j
attention que la côte de Portugal, qui eft très-
étendue’& par-tout acceffible, donne des facilités
que n’a pas la prefqu'ifle de Cadix, pour dérober
à la vigilance des douanes les marchandifes
expédiées pour le Nouveau-Monde. D'ailleurs
les échanges ne font pas le feul principe du verfe-
ment de l'argent efpagnol dans les caifTes portu-
gaifes. Indépendamment de tout achat, les péruviens
trouvent un grand bénéfice à faire arriver
en Europe leurs capitaux par cette voie détournée.
Les premiers écrivains politiques * qui portèrent
leur attention fur les fuites que de voit avoir la
découverte faite dans le Brefil, ne craignirent pas
de prédire que les prix de l'or & de l'argent fe
rapprocheroient. L'expérience de tous les pays &
de tous les âges , leur avoit appris que , quoiqu'il
eût toujours fallu plus d'une once d'argent pour
une once d'or, parce que les mines de l’un ont été
conftamment plus communes que celles de l'autre
, la proportion entre ces métaux avoit varié
dans chaque pays, fuiyant leur abondance ref-
pe&ive.
Dans le Japon , la proportion de l’or à l’argent
> eft comme un à huit ; à la Chine, comme
un à dix; dans les autres parties de l'Inde, comme
un a onze , à douze, à treize , à quatorze, à me-
: fore qu'elles approchent de l’occident.
L'Europe offre des variations femblables. Dans
; l'ancienne Grèce , l’or étôit à l'argent comme un
; à treize. Lorfque le produit de toutes les mines de
l'univers fut porté à Kome * maitreffe du monde *
la proportion d'un à dix fut la plus confiante.
Elle s'éleva d'un à treize fous Tibère. On trouve
des variations faiis nombre & fans mefure dans'
les temps de barbarie. Enfin , lorfque Colomb
pénétra dans le Nouveau-Monde , l’or étoit à
l’argent au - defïbus d’un à douze-
La quantité de ces métaux qu’on porta du Mé-
xique & du Pérou, ne les rendit pas feulement plus
communs ; elle hauffa encore la valeur de l’or
contre l’argent, qui fe trouva plus abondant dans
ces contrées. L'Efpagne, qui étoit le juge le plus
naturel de la proportion , la fixa comme un à feizé
dans fes monnoies ; & fon fyftême, avec quelques
légères différences, fut adopté par toute l'Europe.
Ce fyftême exifte encore , fans qu'on foit en
droit de blâmer les fpéculateurs qui avoient annoncé
qu'il devoit changer. Si l'or, depuis que le
Brefilen fournit beaucoup, n’a baillé que peu
dans les marchés, & n'a point baiffé du-tout dans
les monnofes, c'eft par des circonftances particulières
qui- ne détruifent point le principe. Un
luxe nouveau en a fait employer beaucoup en bijoux,
en dorures, & a empêché l'argent de diminuer
de prix autant qu'il le devoit faire naturellement,
s'il ne fût pas arrivé-de changement dans,
nos ufages. C'eft le même luxe qui a toujours
foutenu le prix des diamans , quoiqu'ils foient
devenus plus communs.
Il étoit àcraindre que les révolutions qui boule-
VÊrfent fi fouvent l'Indoftan , ne rendiffént les
diamants plus rares: on fut ralïuré par une découverte
qui, en 1728, fut faite au Brefil for quelques
branches de la rivière das Caravelas , & à
oerra - de-Frio, dans la province de Minas-Geraès;
Les efclaves , condamnés à chercher dé ,
l'or, y trouvaient mêlées de petites pierres lui-
fantes, qu'ils repouffoient comme inutiles avec
le fable & le gravier. Antoine Rodriguès Banlaa
foupçonna leur prix, & fit part de Tes idées à
Pédro d'Alméida, gouverneur du pays.
Pour favoir fi les pierres trouvées à la Serrade-
Frio, dans le Brefil, étoient des diamants, la
cour de Lisbonne chargea en 173? d’Acunha,
fon miniftre en Hollande, d’éclaircir-les foupçons
qu'on en avoit; Les gens de l'art, après avoir taillé
plufieurs de ces pierres, répondirent que c'étoient
de très-beaux diamants.
,Auflitôt après la découverte des diamants au
Brefil, les portugais en ramaffèrent ayec tant de
diligence, qu'il en vint onze cens q,uarante-fix onces
par la flotte de Rio-Janeiro. Cette abondance
en fit baiffer le prix confidérablement ; mais les
mefures prifes par un miniftère attentif, les ramenèrent
bientôt à leur première valeur. Il conféra
à quelques riches affociés le droit exclufif de
la fouille des diamants. Pour mettre même des
bornes à; la cupidité de cette compagnie , on régla
qu'elle ne pourroit employer à ce travail que fix
cens efclaves. Dans la fuite on lui accorda la liberté
d'en multiplier à fon gré le nombre, en payant
cent fols par jour pour chaque tête de mineur.
Pour afîurer l'exécution du privilège » les mines
d'or qu'on exploitoit au voifinage , furent
généralement fermées ; & ceux qui avoient fondé
Pefpoir de leur fortune Tur cette bafe, fouvent
trompeufe, fe virent contraints de porter ailleurs
leur aélivité. Il fut permis aux autres citoyens de
relier for leurs héritages ; mais la loi décerna des
peines capitales contre ceux d'entre eux qui blçf-
feroient les droits accordés au monopole. Depuis
que le fouverain a pris la place de là compagnie,
tous les colons ont la liberté de faire chercher des
diamants ; mais fous l’obligation de les livrer aux
agens" de la couronne , au prix qu'elle-même a
fixé, & en payant vingt pour cent de cette valeur.
Les diamants qui doivent paffer du Nouveau-
Monde dans l'ancien, font enfermés dans une caf-
fette à trois ferrures , dont les principaux membres
de l'adminiftration, ont féparémênt les clefs;
& cès clefs font dépofées dans un autre coffre for
lequel le vice-roi doit appofer fon cachet. Au
temps du privilège -exclufif, ce précieux dépôt,
à fon arrivée en Europe , étoit remis au gouvernement,
qui retenoit, foivant un tarif réglé , les
diamants infiniment rares qui paffoient vingt karats,
& en livroit tous les ans , au profit de la
compagnie, à un ou plufieurs contra&ans réunis ,
quarante mille karàts à des prix qui,ont focceflive-
ment varié. On s'étoit engagé d'un côté à recevoir
cette quantité , de l’autre à n'en pas répandre
davantage ; & quel que fût le produit néceflaire-
ment varié des mines , ce contrat ne reçut jamais
d'atteinte.
Aujourd'hui, la cour jette dans le commerce
foixante mille karats de diamants. C'eft un feul
négociant qui s'en faifit, & qui donne 3,120,000
livres, à raifon de 25 livres leJtarat. Si la fraude
s'élève à un dixième, comme le penfent tous les
gens inftruits , ce fera 312,000 livres qu’il faudra
ajouter à la fomme to’uçhée par le gouvernement.
Il fe trouvera que le produit de ces mines, dont
on aime à exagérer la richefie, ne s’élève pas an-?
nuellement à plus de 3,452,000 livres. L’Angle-?
terre & la Hollande açnettent ces diamants bruts,
& les fourniffent plus ou moins bien taillés aux
autres nations.
Les plus beaux diamants que l’on connoifle ,
font celui du grand - mogol, qjli pèfe deux cens
foixante-dix-neuf karats & un feizième 5- celui du
grand-duc, de cent trente-neuf karats ; le Sanci
de cent - fix karats ; le Pitre de cent trente-fix karats
trois grains. Tout cela eft pien peu de chofe
en comparaifon du diamant envoyé du Brefil au
roi de Portugal : il pefe feize cens quatre-vingt ka-r
rats ou douze onces & demi. Comme il n’y a
point de mefure connue pour l’apprécier , il s’ell
trouvé un écrivain anglois qui a ofé l’eftimer un
milliard deux cens quatre-vingt dix-huit millions.
Il y auroit bien à rabattre de cette valeur , fi,
comme de très-habiles lapidaires le foupçonnent,
ce diamant n’étoit qu’une topafe.
Dans les pays de l’or & des diamants, on trouve
encore des amétiftes, des topafes très-imparfaites,
& descrifolites d’une affez grande beauté. Ces
pierres n’ont jamais été foumifes au mono pôle ; &
ceux qui les découvrent en peuvent difpofer de la
manière qu’ils jugent la plus convenable à leurs
intérêts. Cependant leur exportation annuelle ne
s'élève pas au - de 150,000 liv. ; & les droits que
perçoit le gouvernement, à raifon d'un pourcent,
fe réduifent à 1500 liv.
Ces riches contrées offrent aufli des mines de
fer, de foufre, d'antimoine, detain, de plomb ,
de vif-argent, qui fe trouvent dans quelques-au-
tres provinces du Brefil, fans qu'on fe foit jamais
occupé du foin d’en ouvrir aucune. La nature
paroît n'avoir refufé que le cuivre à cette vafte ÔC
fertile région du nouvel hémifphère.
S e c t i o n V I e.
Du commerce & des productions du Brefil.
Tous ceux qui ont porté un oeil attentif for le
; Nouveau-Monde, font inftruits que les côtes
du Brefil font très - fertiles. Les cannes à focre y
font plus fortes que celles des colonies rivales;
& les autres denrées y ont la même fopériorité.
On n'y eft pas réduit à exploiter des campagnes
maigres ou epuifées. Le terrein eft fi étendu qu’on
peut quitter un fol qui fe lafle , pour en prendre
un nouveau, qui offre des récoltes faciles & abondantes.
L’intérieur du pays n'attend que des bras
qui veuillent femer ; & quantité de fleuves navigables
s'offrent d'eux - mêmes au tranfport des
denrées. Des ouragans deftru&eurs, des féche-
reffes dévorantes , ne ruinent jamais les travaux