
rent plus les quakers ; ils adoptent peu à peu la
-tolérance des autres provincesj ils commencent à
la regarder comme la feule bafe d'une légiflation
fage & éclairée ; & vu leur bon fens & leur
aptitude pour les affaires qui font l'admiration
des voyageurs, ils ne tarderont pas à fe débar-
raffer de la rouille de fanatifme, qui a jufqu’â présent
fouillé leurs vertus.
Les colons des autres provinces ont appelle ceux
du Conneéticut yankees. 11 feroit inutile de rechercher
ici d’où vient ce terme de dérifion.
Suivant un tableau publié par le congrès, ilfe
trouvoit 192,000 habitans dans le Connecticut, i
-l’époque de la révolution. Cette province expor-
toit une quantité immenfe de lard, le meilleur du
continent, de boeuf falé , de beftiaux pour les
ifles, de graine de lin, de lin, de fer , de mer-
rain, de foude, &c. Ils envoyoient beaucoup de
vaifïèaux dans les pays' étrangers ; ils donnoient
leurs bâtimens à fret , & les armateurs étoient
contens de la modicité de leurs prix.
En ce qui regarde le commerce d’exportation
& d’importation , le - Connecticut eft, pour ainfï
dire, fournis à la ville de NeW-Yorck , où la
grandeur & la bonté du havre , la commodité des
quais & des magafins, 8c les grands capitaux ont
depuis long-temps fixé le centre du commerce de
cette partie de l’Amérique. Le ConneSticut envoie
aux ifles un grand nombre' de chevaux, de volaille
& de légumes. Il abonde en fer 8c en
plomb.
L’état fuivant'qu’on trouve dans le Voyageur
américain , donnera une idée plus nette du commerce
du Connecticut, 8c des deux. autres provinces
réunies à la Nouvelle-Angleterre. Ces exportations
8c ces importations eurent lieu quelques
années avant le commencement de la guerre d’Amérique.
Marchandifes exportées de la Grande-Bretagne
pour le ConneBicàt, l’iflé.de Rhode & la Nou-
velle-Hampshjre.
Fer, acier, cuivre, bronze, fer blanc 8c plomb
travaillés, draps de laine , étoffes, flanelles, mol-,
leton , diverfes toiles, foies , galons d’or 8c d’argent
, mercerie, bonneterie , chapeaux ,- velours
de coton, coutellerie , quincaillerie, chanvre, toile,
à voiles, cordages, ouvrages detapiflerie, fellerie
8c menuiferle, couleurs ,■ outils de navires', agrès ,
poterie , marchandifes des. ifles, meules à aigui-
fer filets pour la pèche, fromages, viande falée ,
colifichets, breloques , 8cc. femences, tabac , pipes
, bierre forte, liqueurs, vins 8c drogues médicinales.
Tous ces articles, au prix moyen de
trois années , ont coûté................ *12,000 liv.
Marchandifes exportées du CdnnccliéM, l’iflede
Rhode 8c la Nouvelle-Hampshîre,.
Mâts, planches, poutres, ais,
........................ ........ . . . . . . . 30,000liv. ft.
De Vautre part,.................................. 30,000 1*
Viande fumée , beurre, : fromage, 1
Graine de chanvre, .................. S • •1 $j00° r
1500 tonneaux d’huile de baleine & autres |
à 1 y liv - .................................. ............... 21,500
Maqueraux falés, alofes & autres poiffons, 7,000
Chevaux & gros bétail, . . . . . . ............25,090
6000 barriques de potaffe, à 50 f. • • • • 1 5,000
T o t a l ................................ .... .114,500 1. IL
5 C O N N É T A B L E ,
cC O N N É T A B L IE . Voye^cts deux mots dans
le Dictionnaire de Jurifprudence.
C O N N O IS SA N C E ^DES HOMMES. Nous
n’ entrerons pas ici dans les détails de morale que
pourroit comporter cet article j nous ne parlerons
que de la connoijfance des, hommes nécefiaire aux
princes & aux hommes d’ état.
L ’homme d’ état ne peut conduira les hommes
avec fageffe, n i . les éfnployer avec difcernement
6 avec avantage, fans les bien connoître i & lî
un monarque' abandonné à lui-même néglige une
fcience, qui eft, à proprement parler, celle des
rois , qui doit faire l’étude de toute leur vie , &
q u i, après beaucoup de réflexions & d’expériences,
demeure toujours très-imparfaite , fon règne
n’offrira qu’une fuite de fautes & d’égaremens. i
N ’eût-on que des troupeaux à conduire, il fau-
droit connoître leurs inclinations naturelles & leurs
befoins j il faudroit être attentif à ce qui peut leur
nuire ou leur être utile j il faudroit étudier les manières
de les gouverner qui réuflîffent le mieux x .
& profiter de ce qu’on découvre tous les jours
, fur leurs maladies, & les remèdes dont elles font
fufceptibles.il eft donc indifpenfable à un prince,
chargé de la conduite des hommes, de mettre tous
fes foins à les bien connoître, afin qu’ il ne les
gouverne pas au hafard ; qu’ il n’ emploie à leur
égard que la raifon & l’intelligence} qu’il fatif-
faffe a leurs véritables befoins, & qu’il ne contrarie
leurs paflfions qu’en ce qu’elles ont d’in-
jufte.
Un bon prince defire avec ardeur de (avoir ce
qui peut émouvoir les hommes, les attirer, les
attacher & les porter au bien, afin d’employer
tout ce qui produit de tels effets. Tl veut êtreinf-
truit de ce qu’ils attendent de leur maître, afin
de ne pas tromper leur efpoir. Il examine quelle
efpèce d’intérêt les tient fournis à fon autorité ,
afin de ménager cet intérêt même, & de rendre
leur fourrtiffion plus fûre & plus confiante. Il
examine ce qui les bleffe, ou ce qui les-porte à
la défiance, & il l’évite avec foin. Il difcerne,
dans leurs inclinations & leurs defirs , ce qui eft
légitime pour le leur accorder i & fur le refte , il
craint d’entretenir par une foible complaifance ,
des maux qu’il faut guérir par une fermeté rai-
fonnable.
Il s’applique, fur toutes chofes, à bien connoître
par quel moyen on peut alfujettir tant d’efprits
& de cara&ères différens ; par quelles infî-
nuations on entre dans leurs cbeurs 5 par quels remèdes
on détruit leurs préjugés} par quels degrés
on arrive à leur confiance i quels indices annoncent
une autorité affez puiffante pour établir tout
le bien qu’on juge néceffaire.
Indépendamment de ces raifons preffantes , le
prince doit faire une étude particulière des hommes
, pour connoître leurs talens , leur mérite,
leur capacité. C’eft à lui à les chôifir & à les placer
: c'eft fur lui que retombent toutes les fuites
d’un mauvais choix : c’eft lui qui réporid de leur
conduite.
L’intérêt perfonnel du prince lui rend plus néceffaire
encore la connoijfante des hommes. Il ne
peut éviter de traiter avec eux , de partager avec
eux fon autorité, de les admettre dans fa confiance
& dans fes confeils. Et il eft pour lui de
la dernière importance de bien connoître ceux à
qui il fe fie, & auxquels, il donne une partie de
fon autorité : car, s il fe trompe fur ce premier
point, il fera trompé fur tout le#refte.
Il doit étudier toute fa vie les moyens de discerner
le vrai du faux, la fauffe modeftie de la
vraie, la fauffe (implicite de celle qui eft fîncère
& naturelle , le faux défintéreffement de celui
qui eft dans le coeur, la fauffe probité de celle
qui eft établie fur de fermes principes, la fauffe
piété de celle qui eft folide & éclairée.
Les particuliers ont peu d’intérêt à examiner
fcrupuleufement fhypocrifie des hommes & leur
dépravation couverte du mafque de l’honnêteté.
Ils doivent même pour leur bonheur ne pas foupçon-
ner légèrement qu’ un extérieur fage & modefte
cache un mauvais coeur. Mais un roi ou un homme
d’état doit approfondir ce myftère, parce que les
individus ne peuvent guères le tromper, fans qu’il en
réfulte du mal pour.les-autres, & qu’il ne peut
être plus dangerèufement trompé qu’en favorifant
un frippon qui lui paroît un homme de bien.
Des défauts que l'homme d'état doit é v ite r , pour
ne point fe tromper dans la connoijfance des hommes.
La malignité eft pour lui une difpofition bien dan-
gereufe, furtout quand elle eft foutenue par un
efprit qui eft éclairé , & qui a de la pénétration.
L e bien lui eft toujours fufpeft,' parce qu’il croit
peu à la vertu, & qu’ il ne l’a pas rencontrée fou-
vent. De peur d’être trompé par une fauffe apparence,
il repouffe même la vérité.
Il eft clair que la défiance portée à cet excès,
eft auffi dangereufe qu’une imprudence aveugle,
puifqu’elle ôte le difcernement du vrai & du faux,
du vice & de la vertu, du mérite & de i’hypo-
crifie, & qu’elle confond tout en voulant tout deviner.
Il feroit à propos , dit Platon , .que les^ chefs
d’un état bien réglé fuffent avancés en âge &
très-vertueux, afin qu’ils connuffent le bien par
eux-mêmes, & qu’ils ne fuffent inftruits du mal
que par une longue expérience qui les auroit forcés
à le remarquer dans les autres. Il ajoute qu’il
faudroit, au contraire, choifir les médecins jeunes
& dhme foible complexion, afin que, par
leur propre expérience & une longue etude des
maladies, ils devinrent plus habiles, & fuffent
plus occupés du foin de chercher des remèdes.
Un autre obftacle. nuit beaucoup aux études
d’un prince ou d’un miniftre 5 c’eft l’intime perfua-
fîon que tous les hommes font à-.peu-près fem-
blables, & qu’il importe peu par confoquent d examiner
ce qu’ils font & quelle différence leurs qualités
perfonnelles peuvent mettre entr’eux;que cette
différence eft peu de chofe ; qu’ils offrent tous
quelque bien & quelque mal dans une proportion
affez égale 5 qu’ils ont tous plus ou moins de^ ta-
lcns & de defauts, & qu’on a droit d#efpérer
qu’ils réuffiront également dans tous les emplois ,
comme on a fujet de craindre qu’ils ne s en acquittent
mal. ^ , . r
Avec cette difpofition , on eftime & on meprife
également tous les hommes, & on ne voit jamais
de grandes raifons pour les placer ou pour les renvoyer,
parce qu’on ne fe fie pas véritablement a
eux, & qu’on fe défie également des fucceffeurs
qu’on leur donneroit.
La pareffe conduit à cette malheureufe difpofition.
Un prince veut régner & être enrepos. il
veut être le maître , & ne fe donner aucun foin.
L’expérience qui paroît juftifier cette mauvaife
opinion des hommes, eft un autre obftacle. J’ai
vu au commencement de mon règne, difoit un
prince , qu’il falloit difcerner les hommes & les
bien connoître 5 maisl’ufage m’a détrompé. Je n’ai
connu pérfonne qui valût beaucoup plus qu’un autre.
Le temps m’a découvert dans tous des défauts
cachés.
Mais l’indifférence pour le bien public eft le
plus dangereux de tous les obftacles- Le prince à
qui la nature a donné de la pénétration & même
du génie, peut être fort ignorant dans la connoif-
fan'ce des hommes y car ôn n’examine guères ce qui
intéreffe peu. C’eft l’amour du bien public qui
rend attentifs à tout, ceux qui font capables de
l’opérer î l’intérêt de l’état eft le plus puiffant des
mobiles pour agiter un prince , & lui donner de
l’inquiétude fur fon admmiftration : c’eft alors qu’il
defire de trouver des fecours dans' ceux qui partagent
fes foins. Sans cette inquiétude, il s’endort ,
ne fait aucun ufage de fes lumières, & compte
pour perdu tout ce qui n’a pas un rapport immédiat
à lui-même. .
Enfin là baffeffe du coeur met un dernier obftacle
à la connoîjfance des hommes. On fe foucie
peu qu’ils aient ce qu’on n’a pas : on craindroit
même de leur voir des qualités brillantes : ces qualités
infpireroient- de la jaloufie, plutôt que le defir
de les récompenfer. . w
Des connoiffances néceffaires a l'homme deta t.
Tout homme qui fe voue aux affaires publiques
devroic commencer, s’il eft poffible, à