
cellos, lâche & vil inftrument du cabinet de Madrid.
Le nouveau roi lia Tes intérêts , fes reflenti-
mens à ceux des anglois 3 des François 3 de tous
les ennemis de l'Efpagne. 11 conclut en particulier
/le 23 de juin 1641 avec lès Provinces-unies,
une alliance offenfive & défenfive pour l'Europe,
& une trêve de dix ans pour les Indes orientales
& occidentales. NaflTau fut aufli-tôt rappelle avec
la plus grande partie des troupes, & le gouvernement
des poiieflions hollandoifes dans le Brefil
fut confié à Hamel, marchand d'Amfterdam 5 à
Baflîs, orfèvre de Harlem ; à Bulleftraat, charpentier
de Middelbourg. Ce confeil devoit décider
de toutes les affaires que l'on croyoit déformais
bornées aux opérations d'un commerce
avantageux.
Un grand obftacle s’oppofoit à ces efpérances.
Les terres appartenoient aux portugais qui étoient
reliés fous la domination de la république. Les
uns n'avoient jamais eu des moyens fuffifans pour
former de riches plantations, & la fortune des
autres avoit été détruite par les calamités infé^
parables de la guerre. Cette impuiflànce ne fut
pas plutôt connue en Europe , que les capitaliftes
des Provinces-Unies ç'empreÉerent de fournir les
fonds nécefiaires pour tous les travaux qu'il étoit
poflible d’entreprendre. .Aufli-tôt tout change de
race , tout prend une nouvelle vie 5 mais des bâ-r
timens trop fuperbes font élevés j mais une maladie
contagieufe fait périr un nombre infini d'ef-
çlaves; mais on fe livre> généralement à .tous les
excgs du luxe. Ce$ fautes & ces revers mettent
les débiteurs hors d'état de remplir leurs enga-
gemens. Afin de ne pas perdre tout crédit, ils fe
permettent 4’emprunter à trois à quatre pour cent
par mois. Une conduite fî folle les rend de plus
en plus infolvables , & les prifons fe remplirent
de coupables ou de malheureux. Pour préferver
d'une ruine totale ce bel établiflement, la-compagnie
efi réduite à fe charger des dettes; mais
elle exige que les cultivateurs lui livreront le prix
entier de leurs productions 3 jpfqu'à ce que toutes
les créances foient acquittées.-
Avant cet arrangement , les agens du monopole
avoient laifle tomber les fortifications j ils,
aveient vendu les armes & les munitions de
guerre ; ils avoient permis le retour dans la métropole
à tous les foldats qui le defiroient. Cette
conduite avoit anéanti la force publique 3 &
faire entrevoir aux portugais qu'ils pourroient bri-
fer un joug étranger. La ftipulatiop , qui les pri-
voit de toutes les douceurs de la vie auxquelles
ils étoient accoutumés , les détermina à précipiter
la révolution.
Les plus hardis s'unirent en 164.5. Leur projet
étoit de maffacrer dans une fête, au milieu de
la capitale de Fernambuc $ tous les hollandois
qui avoient part au gouvernement, & de faire
enfuite main-baffe fur le peuple , qui étoit fans
précaution, parce qu’il fe croyoit fans danger.
Le complot fut découvert ; maïs Ceux qui y
étoient entrés , eurent le temps.de fortir de la
place & de fe mettre en fûreté.
Leur chef étoit un portugais, né dans l'obfcu-
rite 3 nommé Jean Fernande^ de Viera 5 de l'état
de domeftique 3 il s'étoit élevé à celui de coni-
miflionnaire, & enfin à celui de négociant. Son
intelligence lui avoit fait acquérir de grandes ri-
cheffes; il devoit à fa probité, la confiance uni-
ver Eelle , & fagénérofité attachoit inviôlablement
une infinité de gens à fes intérêts. Le revers
qu'on venoit d'éprouver n'étonna pas fa grande
ame. Sans l'aveu, fans l'appui du gouvernement.,
il ofa lever l’étendard de la guerre.
Son nom ,. fes vertus & fes projets affemblent
autour de lui les bréfiliens, les foldats portugais,
les colons même. Il leur infpire fa confiance , fon
activité, fon courage. On le fuit dans les combats;
on fe preffe autour de fa perfonne ; on veut
vaincre ou mourir avec lui. Il triomphe, & ns
s'endort pas fur fes lauriers ; il ne laifle pas au
vaincu le temps de fe reconnoître. Quelques disgrâces
qu'il éprouvé , en pourfuivant le cours de
fes prospérités , ne fervent qu'à développer la
fermeté de fon ame, les reflources de fon génie ,
l'élévation de fon caraCtère. Il montre un front
menaçant, même après le malheur, ileft plus redoutable
encore par fa confiance que par fon intré-
pité. La terreur qu'il répand ne permet plus à fes
ennemis de tenir la campagne. A ce moment de
gloire , Viera reçoit ordre, de s’arrêter.
- Depuis la trêve , les hollandois s'étoient emparés
, en Afrique & en Afie, de quelques places
qu'ils avoient opiniâtrement réfufé de refti-
tuer, La cour de Lisbonne, occupée de plus
grands intérêts, n'avoit pu fonger à fe faire juf-
tice ; mais fon impuifiance n'avoit pas diminué
fon reffentiment. Dans cette difpofition, elle avoit
été charmée de voir la république attaquée dans
le Brefil ; elle avoit- même favorifé fous main
ceux qui avoient commencé des hoftilités. L’attention
qu'elle eut toujours de faire répondre en
Amérique, & de répondre elle-même en Europe
, qu'elle défavouoit les auteurs de ces troubles
, & qu'elle les en puniroit un jour, fit croire
long-temps à la compagnie que ces mouvemens
n'auroient pas de fuite. Son avarice , trop longtemps
amufée par ces proteftàtions faufles & frivoles
, fe réveilla enfin. Jean IV, averti qu'iî fe
faifoit en Hollande des armemens confidérables ,
& craignant d'être engagé dans une guerre qu'il
croyoit devoir éviter, voulut de bonne foi mettre
fin aux hoftilités du B refil,
Viera qui, pour achever ce qu’il avoit commencé,
n’avoit que fon argent, fon crédit 8c
fon talent, ne délibéra pas feulement s’il obéî-
roit. « Si le roi , dit-il , étoit inftruit de notre
» zèle , de fes intérêts & de nos fuccès, bien
« loin de' chercher à nous arracher les armes, il
« nous ençoûrageroit à pourfuiyre notre entre-
1 » prife ,
»» prife, il nous appuieroit de fa toute-puiflance ».
Enfuite , dans la crainte de voir ralentir Tardeur
de fes compagnons, il fe détermina à précipiter
les événemens. Ils continuèrent à lui etre fi favorables,
qu’avec le fecours de Bâretto , de Vidai,
de quelques autres portugais qui vouloient
& qui favoient fervir leur patrie , il confomma
la ruine des hollandois. Le peu de ces républicains
, qui avoient échappé au fer & à la famine,
évacua le Brefil par une capitulation du 28
janvier 1654.
La paix que les Provinces-Unies lignèrent quelques
mois après avec l’Angleterre , paroifloit devoir
les mettre en état de recouvrer une importante
pofleflion , que des vues faufles & des cir-
conftances malheureufes-leur avdient fait perdre.
La république & la compagnie trompèrent l'attente
destiations. Le traité qui, en 166^1, termina
les divifions des deux puiflances , aflura^ la propriété
du Brefil entier au Portugal, qui s'engagea
de fon côté à payer aux Provinces-Unies huit
millions en argent ou en marchandifes.
Ainfi fortit des mains des hollandois une conquête
qui pouvoît devenir la plus riche des colonies
européennes du nouveau monde, & donner
à la république une confiftance quelle ne pouvoit
obtenir de fon propre territoire. Mais il auroit
fallu, pour s’y maintenir, que l'état fe fût chargé
de fon adminiftration, de fa défenfe ; & pour la.
faire profpérer, qu'on l’eût fait jouir d'une'liberté
entière. Avec ces précautions , le Brefil eût été
confervé, & auroit enrichi la nation, au lieu de
ruiner une compagnie. Malheureufement on igno-
foit encore que défricher des terres en Amérique,
étoit l'unique moyen de les rendre utiles, & que
ce fuccès ne pouvoit être que l'ouvrage d'un commerce
ouvert à tous les citoyens fous la protection ’
du gouvernement.
Les portugais ne fe virent pas plutôt délivrés,
par une convention folide, d’un ennemi qui les
avoit fi fouvent vaincus , fi fouvent humiliés ,
qu’ils s'occupèrent du foin de donner de la fiabilité
à leur pofleflion, & d'y multiplier les richef-
fes. Quelques - uns des arrangemens qu'on fit pour
avancer, pour aflurer la profpérité publique , portaient
malheureufement l'empreinte de l'ignorance
8c du préjugé : mais ils étoient très - fupérieurs à
tout ce qui s’étoit pratiqué jufqu'à cette époque
mémorable.
Tandis que la cour de Lisbonne régloit l’intérieur
de fa colonie » quelques-uns de fes plus aCtifs
fujets cherchoient à l'étendre. Ils s'avancèrent au
midi, vers la rivière de la Plata , & au nord, jufqu'à
celle fies Amazonçs. Les efpagnols paroif-
foient en pofleflion de ces deux fleuves. On ré-
folut de-les en chafler, ou d’en partager avec eux
l'empire.
Pendant que des hommes inquiets & entreprenons
défoloient la Plata & l'Amazone 3 des citoyens
paifibles & laborieux multiplioient, fur les
Q$con. polit, & dipionuftique, Tem, I»
côtes du Brefil3 des productions importantes au’ils
livroient à leur métropole qui, de fon côté, four-
nifloit à tous leurs befoins.
Ces échanges fe faifoient par la voie d’une flotte
qui partoit tous les ans de Lisbonne & de Porto ,
dans le mois de mars. Les bâtimens qui la for-
moient, fe féparoient à une certaine hauteur pour
aller à leur deftination refpeCtive : mais ils fe réu-
nifloient tous à Bahia, pour regagner les rades du
Portugal, dans les mois de feptembre & d’oéto-
bre de l’année fuivante, fous l’efcorte des vaif-
feaux de guerre qui les avoient convoyés à leur
départ.
Un ordre de chofes , fi oppofé aux maximes
généralement reçues, blefloit les bons fpécula-
teurs. Ils auroient voulu qu'on eût laifle aine négo-
cians la liberté de faire partir , de faire revenir
leurs navires, dans la fai fon qu'ils auroient jugé
là plus convenable à leurs intérêts. Ce fyftême
auroit fait baifler le prix du fret, multiplié les
expéditions, accru les forces maritimes, encouragé
toutes les cultures. Les liaifons, entre la
métropole & la colonie, devenues plus vives,
auroient répandu des lumières , & donné au gouvernement
plus de facilité pour diriger l'influence
de fa protection & de fon autorité.
La cour de Lisbonne montra plus d’une fois
du penchant à céder à ces confidérations. Elle
fut retenue par la crainte de voir tomber dans
les mains de l’ennemi des vaifleaux qui auroient
navigué féparément ; par l'habitude , qui prend
plus d'empire encore fur les gouvernemens que
fur les citoyens ; par les infinuations de quelques
hommes puifians , dont la révolution auroit contrarié
les intérêts ; par cent préjugés, tous hors
d’état de foutenir la difeuflion la moins févère.
C'eft fur cette mauvaife bafe que portoient les
rapports des pofleflions portugaifes de l'ancien &
du nouveau monde , lorfque la découverte des
mines d'or & dediamans fixa fur 11 Brefil 3 au
commencement de ce fiécle, les yeux de toutes les
nations. On penfa généralement que ces richef-
fes, ajoutées à celles d'un autre genre que donnait
la colonie , en feroient un des plus beaux
établiflemens du globe. L'Europe n'étoit pas encore
entièrement détrompée , lorfqu'elle apprit
avec furprife que la plus importante partie de
cette région venoit d'être mife fous le joug du
monopole.
S e c t i o n I Ie.
Adminifiration du Brefil , troupes 3 Çyc.
Le Brefil eft. actuellement divifé en neuf provinces,
toutes conduites par un commandant particulier.
Quoique ces diftérens chefs foient tenus
de fe conformer aux règlemens généraux que le
vice-roi juge à propos de faire , ils font comme
indépendans de fon autorité, parce qu'ils reçoivent
directement leurs ordres de Lisbonne, &