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m e , conquis en 806 par les génois , qui' eh chassèrent
les farralînsv Les . pifans l'enlevèrent aux génois
deux fièeles après : ris furent ;obligés d’y
renoncer dans le fiècle fuivant.3 mais, dans le treizième
, ils tâchèrent de s'en emparer de nouveau.
En 1420 Alphonfe V ,• roi d’Arragon, voulut,
mais en vain, s'en rendre maître. En 1 4 ^ , des
revenus & le gouvernement de .-l’ifle furent donnés
à la banque de Saint-Georges, dont, les directeurs
la cédèrent en 146 y a u duc de Milan:
Mais les génois ne voulant plus reconnoître l'autorité
de ce prince, l'ifle rentra fous celle de la
banque. En 1533 , les françois s'emparèrent de la
plus grande partie de l'ifle , 8c ils la ieftituèrent
en 1 ^ 9 , par la paix de Château-Cambréfîs. En
1 y64 3 les corfes fe révoltèrent contre les génois 3 -
ils furent réduits à Fobéiflance en 1:5:69 j mais ,
depuis cette époque, ils ont toujours confervé une
haine mortelle contre les génois. La république
rendit en effet fa domination odieufe. Elle traita les
corfes avec une extrême rigueur 5 elle ôta la no-
bleffe à leurs plus anciennes maifons 5 elle les exclut
de toutes les charges eccléfiaftiques 8c militaires
3 elle leur interdit'toute efpèce de commerce
j elle paya à vil prix* les productions de leur
pays, & leur fit acheter fort cher ce.dont ils
avoient befoin ; elle les punit de leur4gnoranoe &
de leur parefifefans s'occuper des moyens qui
pouvoient les inftruire 8c leur donner de l'aClivité 3
elle leur fit fubir des peines rigoureufes , 8c elle
mit à feu 8c à fang des cantons entiers, tandis
que d'un autre côté elle laiffoit impunis les fré-
quens-homicides-qui fe commettoient dans l'ifle ;
qu'elle les accablqit fous le poids des impôts énor-
nies , 8c que fes gouverneurs des rendoient quelquefois
victimes de leur- cupidité.; Tant d'abus excitèrent
, en 1726, des troubles qui furent appai-
fés. Les corfes ayant été fournis en 1729 à une
nouvelle impofition , ils refusèrent de la payer , &
demandèrent à la république la permiflion de faire
eux-mêmes- leur fel'j afin de n'être pas obligés dd-
cheter fort cher celui des génois! Le gouverneur
Pinello la leur ayant r e f ü f é e & voulant-les forcer
a payer l'impôt, dis prirent lès armes pour fe défendre
, fans vo&lqlr écouter les réclamations des
génois, & plufieurs puiffances étrangères leur fournirent
fous main des-fêcours. En 1731 & 17 3 2 ,
la république obtint de l'empereur des troupes
auxiliaires -qui rétablirent la paix, & en 173 3
l'empereur contribua à procurer aux corfes là réforme
de quelques abus. Mâis-1* peine les troupes
impériales eurent - elles' évacué l'ifle , que
la rébellion éclata de nouveau. En '173-7, les mé-
contens drefsèrent le plan d'une nouvelle forme de
gouvernement, qui ne dépendroit plus de Gênes 3
& en 1736, ils déclarèrent' roi de Corfe le baron
Théodore de Neuhof, -originaire du comté de la
Marck en Weftphalîe, & ils créèrent dès’ loix
■ fondamentales. Théodore fut inftallé fur le trône.
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8c ôn lui donna une couronné de: laurier fàuvage*
-il fit frapper d e ;la'monnoieide omyre:,.: de;petites
pièces é Jargents, 8c le. 16. feptembre ilinftitua u»
ordre de chevalerie , : fous, le nom d‘ordre de la ré-
j dempdon. Vers la . fin du mois de novembre , il
fortit de 'Corfe pbm aller chercher dufecours, 8c
il y revint, en. 1737 avec.des munitions de guerre,
qu'il obtint, dequelques-négocians hollandais, auxquels
il fit efpérôr un commerce d ’huile fort avanr
tageux: avec la Corfe 3 mais Bientôt après il difpar
rut pour la. fécondé - fois. Cependant là cour de
France accorda aux génois des troupes auxiliaires :y
| qui pacifièrent la plus grande partie de l'ifle. Mars
| quand elles fe furent retirées en 1 7 4 1 le feu' de
la révolte fe ralluma 3 les troubles agitèrent la
Corfe pendant l'année 1743 3 & s’ augmentèrent, par
le retour de Théodore & par les Cecours de l'A n gleterre
: ■ Théodore quitta l'ifle peu de temps
après 5 il n'y eft pas retourné,f & il eft mort à
Londres en prifon pour dettes. On rétablit une
forte de tranquillité pendant les années 1743 &
1744 5 & quoique la ville de Baftia eût été bombardée
en 174y par la flotte angloife , 8c que les
mécontens fe fuflent emparés de cette v ille, on
les en chafla bientôt.-Les troupes que la république
obtint de la France y lés affaiblirent encore
davantage5 mais ils n'étoient pas.fournis. Dans
l'aflemblée de toute la nation , tenue àGafinca en
17 6 1 , ils réglèrent même qu'ils n'ehtendroient à
aucun accommodement avec la république, avant
qu'elle eût çonfenti aux conditions préliminaires
qu'énonçoit le premier-article de,leurs réfolutions*
Voici ces conditions : « nous proteftons que nous
» ne -prêterons jamais l'oreille’ à aucune propofi-
» tion d'accommodement avec les génois , à moins
» qù'âVant tout ils n'aient reconnu notre liberté
» & l'indépendance de notre gouvernement, &
»» qu'ils ne nous aient cédé le peu de places du
« royaume «Font ils font encore en pofleflion ».
Les corfes demandèrent en effet que la république
renonçât au droit de fouverainëté qu'elle récla-
moit, 8c qu'ils puffent regarder leur pays comme
un état abfoluriient libre.' Ils envoyèrent en 17(33
des députés^au pape, à Vienne & à Turin, avec
un écrit en forme de manifefte, où ils dé.claroient
que la république ayant enfreint les conventions ,
ils avoient le droit de recouvrer leur liberté. Ils
rédigèrent une conftitution 3 ils créèrent un con^
fëil ; ils établirent .une marine 8c ils mirent -fur
pied un corps de. troupes réglées 5 enfin ils firent
frapper de la înonnoie. En 1768 , Gênes céda au
roi de France lé domaine fouverain de la Corfe ,
. pour hypothèque des fommes qu'elle en avoit reçues
, & les troupes françoifes fe difposèrent à
s'emparer de l’ifle. Elles éprouvèrent cependant
une réfiftance aflez vigoureufe 3 mais la fupério-
rité de leurs forces , aidée de la défertion &
1 capitulation d'un grand nombre de corfes ', les
rendit en 17(39 maitreffes dé bouté l'ifle 3 8c leur
■; général Pafchal Paoli fut contraint .de: s'enfuir.
S e c t io n
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S e c t i o n I I * .
Remarques fur la dernière révolution de la Corfe.
Afin qu’on puifle juger fi les corfes ont eu tort
ou raifon d'être mécontens du gouvernement de
Gênes, il faut dire d'abord de quelle manière on
les gouvernoit.
Je ne connois que deux moyens de gouverner
les hommes, c’eft-à-dire, défaire obéir le plus
grand nombre au moindre, celui de la crainte ou
celui de la juftice. Les génois ne pouvoient employer
le premier de ces moyens, & ils n'ont jamais
voulu fe fervir du fécond. Voilà lalfource
de leur mauvais gouvernement, & l'origine de la
révolte des corfes. Par fa conftitution ariftocrati- j
que, Gênes ne peut ni ne doit entretenir un grand
nombre de troupes 3 fa puiflance militaire nuiroit
a celle du fénat, 8c la détruiroit infailliblement.
Ainfî la force de la république eft, par la nature
de fon gouvernement très - peu redoutable 3 car
outre que le militaire ne peut y être nombreux,
n'étant^pas le premier corps de l’état, n’y jouif-
fant même que d’une foible confidératioti, il ne
peut être compofé que de mauvaifes troupes. La
république ne pouvoit fe flatter d’imprimer , dans
le coeur^des corfes , cette crainte qui nous fait
obéir même aux ordres injuftes. Eût - elle voulu,
pour obvier à cet inconvénient, entretenir toujours
dans l’ifle un corps de troupes auxiliaires ?
Ce moyen ruineux pour elle n’eût fait qu’apprendre
aux corfes à la méprifer davantage, & à lui
défobéir impunément, à l’inftant que ces troupes
auroient abandonné l'ifle. Il ne lui reftoit donc ,
pour y conferver fa puiflance, que le moyen de
gouverner les corfes avec juftice & modération.
Voici le détail fuccint des reproches dont les
corfes ont accablé la république, pour tâcher de
juftifier leur foulévement contre elle.
Le gouvernement féodal, en s’emparant de
l’Europe, s’étoit étendu jufqu’en Corfe 3 & les barons
y avoient leurs fiefs & leurs vaflaux. La puiflance
fouveraine qui lutta par-tout contre celle des feî-
gneurs particuliers, & qui enfin la détruifit pref-
que par-tout, fema la divifîon entre les barons
corfes , les arma tous les uns contre les autres,
fecourut le plus fort, partagea avec lui la dépouille
du vaincu, jufqu’à ce qu’une nouvelle guerre lui
fit à fon tour tomber le vainqueur entre les mains.
Gênes, en établiflant fon autorité fur les ruines
des châteaux des barons de Corfe, n’a donc fait
dans cette ifle que ce que faifoient alors tous
les princes de l’Europe dans leurs états. Elle
s’eft fervie de moyens peu généreux, pour ne rien
dire de plus. Les empoifonnemens , les aflafli-
nats ont été fouvent les armes qu’elle a tolérées
pour parvenir à fon but. Seroit-ce donc pour
4es crimes commis il y a trois cents ans , que
les corfes feroient fondés à fe révolter aujour-
(E co n . p o li t . & diplomatique* T om . 2»
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d’hui ? Ils donnent en vain cette vexation ancienne
des génois pour une des raifons qui doivent
faire exeufer leur rébellion. Ils affectent en
vain de fe récrier fur les antiques injuftices de la
republique. On aura peine à croire que trois fiè-
cles ne fuffifoient pas pour calmer leur reflenti-
ment, 8c pour leur faire oublier le mal qu’on
leur avoit fait. Le mauvais traitement que Gênes
a fait efluyer à leurs barons , ne peuvent
donc être une des raifons de leurs révoltes. Mais
voici des griefs mieux fondés : la république avoit
exclu les corfes de tout emploi, office ou dignité ,
dans leur pays. Ce reproche eft juftifié par différons
decrets du fénat du feizième & du dix-fep-
tieme fiècle, qui véritablement excluent de tout
emploi , non-feulement les corfes , mais encore
tout homme né en Corfe, même de père 8c mère
génois , 8c qui fur-tout déclarent incapables d’ad-
miniftrer la juftice, les infulaires nationaux, ceux
meme enfin qui n’y ont que des habitations , ou
des parens au quatrième degré. La Corfe eft naturellement
fertile & avantageufement placée pour
le commerce. Les génois n’y encouragèrent ni les
arts ni l’agriculture, quoique ce fût autant l’intérêt
du prince que celui des fujets. Nulle fabrique,
nulle manufacture n’y furent établies. Le
commerce y fut tout auffi peu protégé, s’il n’y
fut pas prohibé. Une province abondoit en bled
8c manquoit de vin 3 elle ne pouvoit faire avec ft
voifine 1 échangé du fuperflù de fes denrées, pour
lui procurer celles qui lui étoient néceflaires , &
dont elle manquoit. Toutes ces défenfes tiennent
a 1 efprit mercantile, l’ame des républiques purement
commerçantes. Les génois obligèrent les cof-
fes a garder leurs denrées , à les voir fe perdre ,
ou à les leur donner à vil prix , afin de pouvoir
les porter eux-mêmes aux cantons de l’ifle qui en
avoient befoin, & les leur vendre ainfi tout ce
qu’ils vouloient.
Rien ne pouvant fortir de l’intérieur , l’argent
ou du moins la monnoie, ce figne re-
prefentatif de nos richefles , y devint prefque
inconnu. Le particulier qui retira de la terre
les fruits ou le bled néceflaires pour fa fimple
fubfiftance & pour celle de fa famille, qui pue
tondre quelques moutons & s’en faire filer un vêtement
groflier par fa femme ou fes filles, fut auflî
riche que celui qui, pofledant inutilement de beaucoup
plus grands territoires, n’en put également
mettre en valeur que ce qui étoit fuffifant pour
lui procurer la fimple nourriture. La plus affreufe
misere réduifît tout au niveau. On doit voir dans
quelle efpèce de barbarie dévoient végéter ces malheureux
habitans : ils n’en font aflurément pas for-
tis. Ils font encore a plus de fooans de nos moeurs 3
mais ils ont tout ce qu’il faut pour n’y pas relier
long-temps.
La mauvaife adminiftration de la juftice eft fur-
tout le grand crime que les corfes reprochent aux
génois. Le commRidant dans l’ifle avoit le -droit
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