
Léopold fit enlever 5 par un détachement de cette
garnifon, le prince Guillaume de Furftenberg at-
taché à la France.
C O L O N IE , f. f. tranfmigration d'un peuple
ou d'une partie d'un pays à un autre , pour s'y
établir à demeure * à l'aide de l'agriculture.
Soit qu'on adopte le fyftême de population du
monde , tel qu'il nous eit préfenté dans les livres
ià c rés , & dont chaque pas que l’on fait vers la
connoiflance de l'hiftoire du genre humain , nous
fait retrouver les traces j foit qu’on veuille fe
jetter dans la mer d'incertitudes où mène le pyr-
rhonifme, on ne fauroit nier 3 fans révoquer en
doute fa propre exiftence , que toute la terre ne
fe foit peuplée par colonies.
Eflains d'une ruche fociale dont ils retracent le
gouvernement , les colonies font comme lui un
établiffement formé par l'induftrie humaine excitée I
par la néceflité, & comme lui ont été réduites
en art > mais il s'en faut bien qu'elles foient parvenues
à la même perfection. L'art des colonies
eft encore, félon nous, dans fon enfance. C 'e ll
ce que nous allons prouver par quelques détails.
On doit diftinguer trois fortes de colonies 3 auxquelles
on peut afligner trois différentes époques.
l ° . Les colonies des temps héroïques & fabuleux,
c'eft-à-dire, de ceux dont la mémoire n'eft parvenue
jufqu'à nous qu'enveloppée de fables, à travers
lefquelles il eft comme impoflible de découvrir
quelques traces de vétité. 2°. Les colonies des
anciens, à compter depuis les premiers fiècles où
la guerre n'étoit qu'un brigandage, où le flambeau
de la tradition & celui de l'hiftoire ont commencé
a* éclairer l'efprit humain, jufqu'aux temps où la
guerre, ceffant d.'être un mal de néceflité, devint
une efpèce de droit parmi les peuples. 30. Les
colonies modernes , dont le commencement peut
fe rapporter au temps de la découverte des deux
Mondes par les européens.
Nous n'avons connoiffance des premiers âges de
l ’homme que par nos livres facrés. L'étude des
faits ne peut être qu'un cahos dans fon origine ,
dans fon cours, dans fon enfemble pour quiconque
rejette le plus ancien & le plus authentique
des hiftoriens. Celui qui refufe de prendre ce 1
guide, e f t , dès les premiers pas, environné de
ténèbres & d'incertitudes, & ne fauroit plus for-
tir du dédale des contradictions où il fe trouve.
Il ne peut remonter à la fource , ni fuivre les traces
du genre humain 5 il eft fans ceffe réduit à
s'appuyer fur des conjectures & à mettre de vaines
fpéculations à la place de la vérité. Mais fi
dans fon embarras il a recours aux livres de Moy-
f e , tout fe débrouille & s'éclaircit à fes yeux j
alors il découvre l'origine de l'homme , le commencement
& les progrès de la population , &
il v o it, d'une famille préfervée d'un naufrage uni-
verfel , fbrtir trois nombreufes familles qui dirigent
leur marche vers les extrémités oppofées de ia terre.
C eft donc h feule hiftoire que nous avons des
commencemens de l'homme qu'il faut confulter,
pour connoitre la marche de la population & des
colonies des premiers temps. On y voit les premiers
hommes 3 prefque tous pafteurs, errer avec
leurs ramilles & leurs troupeaux, utiles & pré-
Cieufes richefiès. Les autorités de père '3 dè chef,
de maître, unies & confondues, compofoienttou-
tes les loix 5 la guerre n'étoit autre chofe que le
droit d une défenfe légitime , & la paix que l'hoir
pitalite & la bonne foi. Les familles même les
plus unies fe feparoient. auflï-tôt, ou peu après la
mort du patriarche ou père commun, & les liens;
de la fociete étoient alors rompus ; il ne reftoit
d attachées au tronc que les branches trop foibles-
pour fe palfer de fon appui > les autres, gardant
leurs rejettons, alloient faire de nouvelles fouches,
dont la ramification étoit bientôt fujette aux mêmes
partages.
On fent aifément que fi de telles féparations laif-
loient lieu pendant quelque temps à une forte de
fraternité^ entre des peuples, qui,ne reconnoif-
foient qu un- même père, ce ne pouvoit être que
^uand les cantons ou ils fe fixoient refpeCtivement
etoient fort voifîns , & l'on voit encore que ,
par une fatalité inhérente à l 'efpèce humaine tour
jours cupide & inquiète, ces peuples n’attendoient
louvent que le terme d'une génération, pour fe
regarder en ennemis fouvent implacables.
Il s enfuit de-là, que les familles qui fe fépa-
roient & alloient fonder de nouveaux peuples ,
emportaient avec elles la plénitude de leur liberté ,
& ne confervoient aucune forte de dépendance de
la famille d'où elles fortoient. Les exemples de ces
fortes de féparations qu'on trouve dans l'hiftoire , '
nous montrent même une condefcendance réciproque
& attellent une convention établie, par la-
quelle le territoire premier demeuroit neutre, pour
ainfi dire, & chacun alloit de fon côté s'établir
en d autres lieux.
Cependant il n'eft pas à préfumer que cette
iimplicite de moeurs fe foit étendue fort loin, ni
qu elle ait duré long-temps. La vie errante & paf-
torale ne pouvoit convenir qu'aux premiers hommes,
qui ne faifant encore qu'un petit nombre
avoient des terres a choifir, ou à des brigands qui
mfeftent un pays immenfe plutôt que de l'habiter.
Le brigandage a fuccédé à la population, & ii
etoit impoflible qu'il l'eût précédée.
Les^ hommes donc reflerrés par la néceflité, &
décidés meme par la différence des terreins & des
climats, qui tous.ne font pas propres au pâturage
,. furent obligés de s'adonner à l'agriculture ,
pour pouvoir fubfifter en plus grand nombre fur
un plus petit terrein. Dès-lors fl n’eft plus pofli-
ble d'imaginer que la mère ruchè, furchargee
d habitans & pouffant au-dehors fes élèves , abandonna
fon logement pour donner aux jeunes eflains
l'exemple & le courage de fonder des colonies..
La terre nourricière demeuroit habitée, & ù peupîade
en pouffoit au-dehors de nouvelles qui alloient
habiter des pays vacants. Il n'eft pas difr
ficile de comprendre que le monde fut de la forte
peuplé très-promptement, & vers fes extrémités
auflï-tôt que dans le centre.
Quelques réflexions fur l’inquiétude naturelle
à notre efpèce , fur le penchant de l'homme vers
l'efpérance, fur fon attrait pour les courfes &
fon dégoût pour revenir fur fes pas , nous amèneront
à penfer que des hommes jeunes'& robuftes
accoutumés à une vie pénible, & n'ayant prefque
aucuns befoins, une fois les-maîtres d'errer
dans la vafte.étendue de l'univers & de fe choifir
un domicile, durent aller bien loin , & n'être arrêtés
que par. les barrières de l'élément, qui fait
aujourd'hui la jonélion des différentes parties de
l'univers, & qui en faifoit alors les bornes. En
effet ÿ fi l'aurore de l’hiftoire nous montre la trace
de la population première, partant du centre pour
aller à la circonférence, nous voyons dans l'hiftoire
ancienne la population fécondé revenant,
pour ainfi dire , de la circonférence fur le centre.
Cependant ces premières peuplades n'apportèrent
de leur pays natal qu'une tradition foible de
quelques points principaux, telle, par exemple ,
que celle du déluge, dont toutes les annales des
nations nous montrent la trace, quoique bientôt
obfcurcie par une infinité de fables. Les néceflités
qu'impofoient les lieux & le climat firent naître
quelques arts méchaniques, variés dans leur objet
& dans leurs procédés , félon la différence des
pays & en proportion de ces néceflités j & bientôt
les hommes, répandus fur la furface de la
terre, n'eurent plus rien de commun entr'eux ,
que ce mélange inconcevable de grand & de bas ,
de fort & de foible, type de leur origine & de
leur décadence.
Telle fut la marche de la population & le régime
des colonies, dans les temps dont nous com-
pofons le premier âge de l'humanité. L'ignorance
de leur origine où fe trouvèrent tous les peuples,
quand ils voulurent en faire la recherche, prouvent
que les colonies de ces premiers tems étoient
entièrement indépendantes de leur fouche} qu'ils
n'en avoient pas reçu de io ix , ni même confervé
le fouvenir. Paflons maintenant aux colonies du
fécond âge.
Les plus anciennes annales de l'humanité éclairé
e , nous difent que le premier que l'on vit porter
atteinte à la liberté de fes femblables, fut un chaf-
feur intrépide & audacieux, qu'il fournit une grande
étendue dé pays, & lui donna des MKx. La
fociété forcée qui en fut la fuite, dut néceflaire-
ment en néceffiter plufieurs autres. Dès que la
force foumet quelques hommes, la crainte qui
s'éveille, en raflemble d'autres pour la repouffer j
dès lors l'humanité entière dut fe réunir en différentes
fociétés, qui impofèrent un nouvel ordre
de néceflités, & conféquemment engendrèrent un
nouveau genre d'induftrie.
II fallut des loix civiles pour ordonner l'intérieur
de ces fociétés, des loix militaires pour les
défendre , des loix municipales pour le maintien
de la chofe publique, & c . ( L e commencement
des fociétés eft le temps des plus nobles efforts
de l'efprit humain : aum toutes les légiflations ea
général portent-elles l'empreinte de ce principe de
grandeur & de difeernement du bien & du mal
moral, qui diftingue & caraélérife l'humanité dans
toutes fes branches. ) La fociété, comme un rempart
univerfel , mettant chaque individu plus à
l'abri des craintes , & plus en état de fournir
avec facilité aux befoins qui jufqu'alors avoient
affaiffé fon entendement, les grands objets fe pré-
fentèrent $ les vues fubjimes fe firent jour } les arts
s'élevèrent & s'étendirent j & l'induftrie profitant
des facilités que lui procuroit la réunion des forces
, porta fes ouvrages à un fi haut point de perfection
, que loin de faire des progrès, ils ont décliné
depuis, à mefure qu'on a vu baiffer le génie
des peuples qui les ont imités. L'art de la navigation
fut long-temps dans un état d'enfance ; mais
fes premiers efforts, qui font peut être plus d'honneur
à l'induftrie humaine que les derniers, commencèrent
à lier entr'elles les differentes parties
des continens , qui n'étoient féparées que par des
mers bornées. .
C ’ eft à cette époque que nous devons fixer les
colonies du fécond âge. Des mécontens ou des
bannis de quelques-unes des fociétés déjà établies,
des fugitifs ou des ambitieux emmenant avec eux
ceux qu'ils avoient pu attacher à leur fortune, alloient
chercher à fonder de nouvelles villes, s’é-
tablifloient dans des cantons encore déferts, ache-
toient le territoire qui leur convenoit des anciens
poffeffeurs, ou s'en rendoienc les maîtres les armes
à la main. Quelquefois une fociété détruite
renaiffoit de la forte de fes débris, c'eft ainfi que
les reftes de Troie s’établirent dans l'Italie, &c.
T elle fut l’origine des plus anciennes villes du
fécond âge. Argos & Athènes étoient des colonies
de l’Egypte, ThèbesTétoit de la Phénicie. Carthage
reconnoît T y r pour fa fouche. Marfeille fe
vante encore de .tirer fon origine des phocéens.,
Les colonies grecques peuplèrent l'Ionie & cette
partie du royaume de Naples qu'on appelloit la
grande Grèce. Toute l'hiftoire ancienne en un mot
montre par-tout des traces de ces fortes de filiations.
Ces colonies du fécond âge emportèrent plus de
chofes de la ruche mère, que n'avoient fait les
premières, parce qu'il y en avoit plus à emporter.
L'invention, bornée de fa nature aux mefures de
la néceflité, n'eft extenfible à l'infini, que parce
que fon principe l'eft aufli. C e qui n'eft d'abord
que commodité, devient dans peu néceflité par
l'habitude 5 en conféquence les arts néceflaires
pour fe vêtir, fe loger, & c . lesréglemens inventés
pour établir & ordonner la fociété, toutes fu-
perfluités inconnues aux premières colonies de l'u