
poffède un grand territoire ; car e’eft de leurs
richeffes que doit naître la fubfiftance de la nation
, Taifance publique , les revenus du fouve-
rain , ceux des propriétaires ,-du clergé , Une
grande dépenfe diftribuée à toutes les profeffions 3
une nombreufe population., la force & la prof-
périté de Tétât.
Ce font les grands revenus qui procurent les
grandes dépenfes > ce font les grandes dépenfes
qui augmentent la population, parce qu'elles étendent
le commerce & les travaux , & qu'elles procurent
des gains à un grand nombre d'hommes.
Ceux qui n'envifagent les avantages d'une grande
population, que pour entretenir de grandes armées
, jugent mal de la force d'un état. Les milL
taires n'eftiment les hommes qu'autant qu'ils font
propres à faire des foldats > mais l'homme d'état
regrette les hommes deftinés à la guerre, comme
un propriétaire regrette la terre employée à former
le folfé qui eft néceffaire pour conferver le
champ. Les grandes armées l'épuifent $ une grande
population & de grandes richeffes le rendent redoutable.
Les avantages les plus effentiels qui
réfultent d'une grande population, font les productions
& la confommation qui augmentent ou
font mouvoir les richeffes pécuniaires du royaume.
Plus une nation, qui a un bon territoire & un
Commerce facile , eft peuplée, plus elle eft riche3
& plus elle eft riche plus elle eft puiffante, Il n'y
a peut-être pas moins aujourd'hui de richeffes pécuniaires
dans le royaume que dans le liècle pané j
mais pour juger de l'état de ces richeffes , il ne
faut pas les conlïdérer Amplement par rapport à
leur quantité 5 mais aufli par rapport à leur circulation
relative à la quantité , airdébit & au bon
prix des productions du royaume. Cent feptiers
do bled, à 20 liv. le feptier, font primitivement
une richeffe pécuniaire, quatre fois aufli grande que
cinquante feptier à dix livres le feptier 1 ainfi
la quantité des richeffes exifte aufli réellement
dans la valeur des productions , que dans les espèces
cTor & d'argent, fur-tout quand le commerce
avec l'étranger _affuré le prix & le débit
de ces productions.
Les revenus font le produit des terres & des
hommes. Sans le travail des hommes, les terres
n'ont aucune valeur. Les biens primitifs d'un grand
état font les hommes, les terres & les 'beftiaux.
Sans les produits de l'agriculture , une nation ne
peut avoir d'autre reffource que la fabrication St
le commerce de trafic ; mais Tune & l'autre ne
peuvent fe foutenir que par les richeffes de l’étranger
: d’ailleurs de telles reffources font fort
bornées & peu affûrées, & elles ne peuvent fuf-
fire qu'à de petits états.
Observations fur (a taille , levée fur la culture des
grains. On ne doit impofer les fermiers à la taille
qu'avec beaucoup de retenue fur le profit des
beftiaux, parce que ce font les beftiaux qui font
produire les terres : mais fans étendre la taille fur
cette partie , elle pourroit, par Tacèroiffement des
revenus, monter à une impofition égale-à la moitié
du prix du fermage': ainfi , en fe conformant
aux revenus des propriétaires des terres , qui fe-
roient de quatre cens millions , la taille ainfi augmentée
& bornée là , pour toute impofition fur
les fermages j produiroit environ ico millions ,.
cela non compris celle qui eft impofée fur les
rentiers & propriétaires taillables a fur les mai-
fons, furies vignes , fur les bois taillables, fur
le fermage particulier des prés , fur les voituriers *
furies marchands, fur les payfans , fur les arti-
fans , manouvriers, &c.
Sur les 200 millions de taille que produiroît la
culture des grains ., il faut en retrancher environ
un vingtième pour l'exemption des nobles'& privilégiés
, .qui font valoir eux-mêmes la quantité
de terres permife par les ordonnances : ainfi il ref-
teroit 190 millions ; mais il faut ajouter la taille
des fermiers des dixméS", qui étant réunies à ces
190 millions, formeroit au moins pour le total de
la taille 290 millions (1).
La proportion de la taille avec le loyer des
terres, elt la règle la plus fûre pour l'impolkion
fur les fermiers, & pour les garantir des inconvé-
niens de Timpofition arbitraire. Le propriétaire’
& le fermier- connoiffent chacun leur objet, St
leurs intérêts réciproques fixeroient au jufte les
droits du roi (2). Il feroit bien à defirer qu’on put
trouver une règle aufli fûre pour Timpofition des
( 1 ) N ohs ne fuppofons ici qu’environ 10 millions de saille fur les fermiers des dîmes ; mais le produit des dîmes
n’étant point chargé des frais de culture, il eft fufceptible d’une plus force taxe : à-in S la dîme qui eft affermée, c’eft-à-
dïre , qui n’eft pas réunie aux cures, pouvant monter à plus de 106 millions1'par le tétablifFement, leur culfüre pourroit
avec juftice être impofée à plus de 20 millions de taille. En effet, elle n.e feroit" pas. dans ce cas même proportionnée à
celle des cultivateurs } & ceux qui affermeroiem leurs dîmes .profiteroient encore beaucoup fur le rétab.iiffe;nent-de
notre culture. ..............
'(2 ) Peut-être que la taille égale à la moitié du'fermage paroîtra forcée, & cela peut être vrai en effet; mais au. moins
cette taille étant fixée, les fermiers s’y conformeroient en affermant les terres.-Voilà l’avantage d’une taille .qui feroit
fixée : elle ne feroit point rinneufe, parce qu’elle feroit prévue, par les fermiers; au lieu que la taille arbitraire peut! les
ruiner, étant fujets à des augmentations fucceffives pendant ja durée des baux, & ils ne peuvent éviter leur perte par
aucun arrangement fur le prix du'fermage. Mais toutes les fois que le fermier connoîtra parle prix du bail l:a taillé qu’ il "
doit payer, il né Iailïèra' point tomber fur lui cette impofition,' ainfi elle ne pourra' point nuire à la culture; elle fera
prife fur le produit de la ferme , & la partie du revenu du jiropriécaire en fera meilleure & plus afturée , parce que là
taille ne portera point d’obftacle à la culture de fon bien; au contraire, la taille impofée fans règle fur ie fermier , rend'
l ’état de celui-ci incertain : fon ga;n eft limité par fes arrangemens avec le propriétaire; il‘ne peut fe prêter aux variations
de cette impofitioc. Si elle devient trop forte, il ne peut plus faire les fef'is de la culture, & le bien eft dégradé ; if
I
taétayers ï mais fi la culture Te rét’abliffoit , le
nombre des fermiers augmenteroit de plus en
plus , celui des métayers diminueroit à proportion..
Or une des conditions çffentielles pour le
rétabliffement de la culture & l'augmentation des
fermiers, eft de réformer les abus de la taille arbitraire.,
& d’affurer aux cultivateurs les fonds
qu'ils avancent pour la culture des terres. On doit
fur-tout s'attacher à garantir les fermiers, comme
étant les plus utiles à l'état , des dangers de cette
impofition. Aufli éprouve-t-on que les défordres
de la taille font moins deftruétits dans les villes
taillables que dansées campagnes, parce que ce font
les campagnes qui produifent les revenus, & que
ce qui détruit les revenus détruit le royaume.
L'état des hab-itans des villes eft établi fur les revenus,
& les villes ne font peuplées qu'à proportion
du revenu des provinces. Il eft donc effen-
tiel d'affujettir dans les campagnes Timpofition de
la taille .à une règle fûre & invariable, afin de
multiplier les riches fermiers, & de diminuer de
plus en plus le nombre des colons indigens, qui
ne cultivent la terre qu'au défavantage de l'état.
Cependant on doit appercevoir que dans l'état
aétuel de la grande Sc de la petite culture, il eft
difficile de fe conformer d'abord à ces règles ;
c'eft pourquoi nous avons pour la fûreté de Timpofition
propofé d'autres moyens à l'article F e r m
i e r ; mais dans la fuite le produit du bled ou le
loyer des terres fourniroit la règle la plus fimple
& la plus convenable , pour Timpofition proportionnelle
de la taille fur les cultivateurs. Dans
l'état préfent de l'agriculture, un arpent de terre
traité par la grande culture, produifant 74 l iv ., ne
peut donner qu'environ un vingtième du produit
total du prix du bled pour la taille. Un arpent
traité par la petite culture, produifant 24 l iv .,
donne pour la taille un vingt-quatrième. Un arpent
qui feroit traité par la bonne culture, les autres
conditions pofées produifant i c G l i v . , donneroi:
j pour la taille environ un onzième j ainfi par la feule
différence des cultures, un arpent de terre de
même valeur , produiroit ici pour la taille 1 o liv .,
là il produit 3 liv. 10 f . , ailleurs il ne produit que
1 liv. On ne peut donc établir pour la taille aucune
taxe fixe fur les terres, dont le produit eft
fi fufceptible de variations, par ces différentes cultures
; on ne peut pas non plus impofer la taille
proportionnellement au produit total de la récolte
,• fans avoir égard aux frais & à là différence
de la quantité de femence relativement au profit,
félon les différentes cultures : ainfi ceux qui ont
propofé. une dixme pour la taille (1) , & ceux qui
ont propofé une taille réelle fur les terres, n’ont
pas examiné les irrégularités qui naiffent des diffé-
rens genres.de culture, & les variations qui en réfui*
tent. Il eft vrai que dans les pays d’états, on établit
communément la taxe fuir les terrés , parce que
ces pays étant bornés à des provinces particulières
, où la culture peut être à-peu-près unifaut
toujours que PimpofitiOri porte fur le fonds & jamais fur la culture , 8c qu’elle ne porte fur le fonds que relativement
à fa valeur & à, l’état de la culture; & c’eft le fermage qui en décide.
. On peut foupçonner que la taille proportionnelle aux baux pourroit occalîoTmer quelque intelligence frauduJeufe entre
lçs proprietaires Se les fermiers, dans, l’expofp du prix du fermage dans les baux; mais la fûreté du propriétaire ex igeroit
quelque tlaufc ou quel,qu’acte particulier imrfùé & fufpeû, qu’ il faudroic défendre : telle feroit par exemple une rccon-
noiflance d’argent prêté par le propriétaire au fermier. Or comme ii eft très-rare que les propriétaires prêtent d'abord de
l’argent à leurs fermiers, cet a&e feroit trop fufpeét, fur-tout fi la date étoit dès les premiers temps du bail, ou fi l'acte
ri’étoit que fous feing-privé. En ne permettant point de telles conventions , on exciuroit la fraude; mais on pourroit
admettre les a&es qui,furviendroient trois ou quatre ans apres le commencement du bail, s’ils étoienr pafles pardevanc
notaires, & s’ils ne changeoient rien aux claufes du bail; car ces a&es poftérieurs ne pourroienc pas fervir à des arrangemens
frauduleux à l’égard du prix du fermage, & ils'peuvent devenir neceffaires encre le propriétaire & le fermier,
à caufe des accidens qui quelquefois arrivent aux beftiaux ou aux moiffons pendant la durée d’un bail, 8c qui engageroietre
un propriétaire à fecotïiir fon fermièr. L’argent avancé .fous la forme de' poc de-vin par le fermier, en diminution du
prix du bail, eft une “fraude qu’on peu: reconnoître par le trop baspEix du fermage -, par comparaifon avec le prix des
autres terres du pays. S’il y avoir une différence trop marquée, il faudroic anéantir le bail exclure le fermier.
( 1 ) On a vu, par les produits des différentes cultures, que la taille convertie en dîme- fur la culture faite avec ies
boeufs ,, monterott à plus des deux tiers du revenu des propriétaires. D’ailleurs la taille ne peut pas être fixée à'demeute
fur. le revenu àÊfcue’l de cette culcure, parce que les terres ne produifant pas les revenus qu’elles donneroienr lorfqu’eiles
feroient mieux cultivées-, il arriveroit qu’elles feroient taxées fepe à. huit fois’’moins que celles qui feroienc actuelle ru eue
en /pleine valeur.
Dans l’état aéluel de 1^-grande culture, lec terres produifent davantage-,, mais elles donnent la moitié moins de revenir
qu’on en redreroit dans le cas de la liberté du comnierce des grains, pans l’état préfent la dîme eft égale à la moitié du
ferqiage, la taille convertie en. dîme feroit encore fore onéreùfe mais dans le cas d’exportation, les terres donneroienc
plus de revenu; la dîme ne fe troüveroic qu’environ égale à un tiers du -fermage'-. La taille convertie en dîme ne feroit
plus dans une proportion convenable avec les- revenus, car elle pourroit alors être portée à l’égal de la moitié des revenus,
& être beaucoup moins onéreùfe que dans l’état préfent; ainfi les proporions de la taille & ne.la dîme avec le fermage ,
font fort.différentes, félon les differens produits des terres. Dans la petice culture, la taille feroit force fi elle égaloic la
moitié de la dîme; elle feroit foible dans -une bonne culture, fi elle n’étoit égale qu’à la totalité de la dîme. Les proportions
de la taille avec le produit font moins difeordantes $ans "lés‘ différens états' de culture ; maïs toujours le font-elles
trop^pour pouvoir fe prêter à Une règle générale. C’eft. tout enfemble le prix 'des grains , l’état de la culcure & la qualité
des terres qui doivent former la bafe dé l’impofition de la taille, j à raifon du produit net du revenu du propriétaire : c’Hr
•ce qu’il faut obferver. aufli dans l’impo^ûtion du dixième fur les terres cultivées avec des boeufs aux frais des propriétaire/
car fi on (prenait le dixième .du produit, ce feroit dans-des cas la moitié du revenu, Çc daas d’autres, ie revenu cç-K
entier qw’on enlever oit. J