une population de quatre à cinq cens ftiille âmes.
Oh n'y voit que peu de cés 'infortunés ëfclaves
que fournit l'Afrique, & là plupart font confa--’ -
crés au fervice domeftique. Les defcertdans des
premiers fauvages, que de féroces, aventuriers âf-
fervirent avec tant de peine, ou fe font réfugiés
dans des montagnes inaçceflibles , ou fe font perdus
dans le fang dë leurs conquéransv -Tous le£
colons font regardés & traités comme efpagnols.
La hobleffe de cette origine ne leur a: pas infpiré
cet éloignement invincible pour les occupations
utiles 3 qui eft fi général dans leur nation’* La
plupart de cés hommes fains, agiles & robuftes
vivent fur des plantations éparfes 3 & cultivent de
leurs propres mains un terrein plus ou moins Vafte.
§. I I I.
De la fertilité du Chili * de fort état a£theli& de
j fo n cbmmerce.
Les habitans du Chili font encouragés aux travaux
de l'agriculture 3 par un ciel toujours pur
& toujours fereîn, par le climat le plus agréable-
fnent tempéré des deux hemïïpheres , -fur - tout
par uh fol dont la fertilité étonne tous les voyageurs.
Sur cette heureufe terré, les récoltes dé
vin, de bled , d'huile, qupiqu'aflez négligemment
préparées 3 font quadruplés de celles que nous obtenons
avec toute notre activité &: toutes nos lumières.
Aucun des fruits de l’Europe n'y a dégénéré.
Plufieurs de nos animaux s'y font perfectionnés ,*
& les chevaux , en particulier, ont acquis une
vîteffe & une fierté que n'ont jamais eu -les àn'da-
lous dont ils defcendent. La nature a pouffé plus
loin fes faveurs encore ; elle a prodigué' à cette
région un excellent cuivre 3 qui eft utilement employé
dans l'ancien & le Nouveau-Monde. Elle
lui a donné de l'or.
Avant 1750 s le fifc n'avoit jamais reçu,
pour fon vingtième , de ce précieux me'tal > au-
delà de 5*0,220 liv. A cette' époque fut érigé dans
la colonie un hôtel des rponnoiës. L'innovation
eut des fuites favorables. En 1771, 1e droit royal
s'éleva à 200,032 liv. 4 fols -, & il doit avoir
beaucoup augmenté. L’àlcavala & les douanes ne
rendoient que 324,000 livres , & on en tire
1,080,000 liv. Ces diverfes branches de revenu
font groflies, depuis 1753 , par la vente ëxclufive
du tabac. . . . . ; .
Aufli le Chili n'a-t-il plus befoin de puifer dans
les cailles du Pérou pour fes dépenfes publiques.
La plus confidérabfe eft l’entretien des troupes.
Elle monte à 490,125- liv. 12 f. pour la foldedes
mille fantalfins, des deux cens quarante cavaliers,
des deux compagnies d'indiens afFe&ionnés, qui,
depuis 1754, forment l'état militaire du pays. Indépendamment
de ces forces difperfées dans les
illes de Juan Fernandez & de Chiloé , dans les
ports de la Conception & de Vaîparayfo, furies
frontières desr Andes , il y a dans Valdivia unfi’
garnifon particulière de fept -cents quarante - fix
foldatsy qui coûte 6y 5,473 dm 12 ;f. Ces moyens;
de défehfe feroient appuyés, s'il le falloit, par;
des milices très-nombreufes. Peut-être la partie qui*
combattroit à pied .ne- feroit-elle qu'une foible ré-,' •
fiftaûce i malgré les peines qu'on s'eft depuis peu
données pour l'exercer-: mais il feîôit raifonnable
d'attendre quelque vigueur des- ‘meilleurs hommes
de cheval qui foient peut-être fur le globe.
Le Chili a -toujours eu des liaifons de commerce
avec -le« Pérou y le Paraguay & les fauvages de fa
propre frontière.
On vend à ces barbares des mords de bride ,
des éperons, des couteaux , d'autres ouvrages de
fer , diverfes fortes de merceries. Leur parelfe &
leur mépris pour l'or fur lequel ils màrchent, les
• réduifent à donner en échange des boeufs, des
chevaux y leurs propres enfans qu'ils facrifient aux
plus vils objets.
Quelque paflion qu'ils aient pour ces bagatelles
quand ils les voient,- ils n'y penfent point quand
elles ne fe trouvent pas fous leurs yeux. Audi ne
; fortent-ils pas de chez eux pour fe les procurer j .
i il faut les leur apporter. L'efpagnol qui veut entreprendre
ce commerce, s’adrefle d'abord aux chefs
de familles, feuls dépofitaires de l'autorité publique.
Loriqu'il a obtenu la permiflion dont il avoit
befoin, il parcourt les habitations, & livre indifféremment
la marchandjfe à tous ceux qui fe
préfentent; Dès. que fa vente eft finie, il annonce
fon départ, & tous les acheteurs s'empreffent de
lui livrer, dans -le premier village où il s'eft montré
, les effets dont on eft convenu. Il n'y a jamais
eu d'exemple de la moindre infidélité. On lui donne
une efcorte qui' l'aide à conduire jufqu'à la frontière
les troupeaux & les efclaves qu'il à reçus en
paiement.
Jufqu'en 1724, on vendoit à ces fauvages du
vin & des liqueurs fortes , dont ils ont la paflion
co.mme prefque tous les peuples. Dans, leur ivreife ,
ils prenoient les armés, ils maflacroienrtous' les
efpagnols qu'ils rencontroient, ils foridoient inopinément
fur les forts, ils pottoient la défolation
dans les campagnes de leur voifinage. Ces expériences
cent fois répétées ont fait févérëment prof-
crire un genre de commerce fi dangereux. On recueille
tous les jours le fruit d'une politique fi
raifonnable. Les môuvemens de ces peuples font
moins fréquens & moins dangereux. Avec cette
tranquillité, les liaifons qu'on entretient avec eux
augmentent fenfiblemeht j mais il n'eft guère poflij
blé qu'elles deviennent jamais aufli confidérableS
que celles qu'on a avec le Pérou.
Le Pérou tire annuellement du Chili une grande
abondance de cuirs, de fruits fecs, de cuivre ,
de viande falée, de chevaux, huit mille quintaux
de chanvre, vingt mille quintaux de faindoux y
cent quarante mille fanègues de froment, & beau-’
■ coup d'or. Il lui fournit en échange, du tabac y
du fucre,-du cacao , de-la faïên'cë, des dra£>s-,
dés toiles.,- des chapeaux fabriqués d Quito, tous
les objets de luxe arrivés d'Europe. C'étoit autrefois
à la Conception,- c'eft maintenant,à Val-
parayfo qu'abordent les vaiffeaux expédiés de Cal-
îao pour former cette,communication. Les yoy.ages
furent quelque temps fi longs 9 qu'il falloit compter
fur une année entière pour l'aller & pour le
retour. Jamais-on; n'avoit ofé perdre les terres de
vue , & on s’éroit réduit -à louvoyer continuellement^
Un pilote européen 3 qui avoit obfervé les
vents, n'employa qu'un mois à cette navigation.
On le crut forcier. L'inquifition le fit arrêter : fon
journal fit fa juftification. Il fut reconnu que, pour
avoir le même fuccès, il ne falloit que s'éloigner
des côtes. Bientôt, fa méthode fut adoptée univer-
fellement.
Celle que fuit le Chili dans fon commerce avec
le Paraguay , eft bien différente. La communication
des deux colonies ne fe fait point par mer.
Il faudroit ou pafler le détroit de Magellan, ou
doubler le Cap de Horn, deux routes que les ef-
pâgnols ne prennent jamais fans une extrême nér
ceffité. On a; trouvé plus court, plus fur & même
moins difpéndieux de fe fervir de la voie de terre,
quoiqu'il y ait trois cens lieues de Sant-Yago .à
Buenos-Ayres., & qu'il en faille faire quarante dans
les neiges & les précipices des Cordillières. Ceux
qui ont entendu parler de la quantité de mulets,
de l'abondance de fourrage dont ce grand efpace
eft couvert, ne jugeront pas cette prédilection auffi
déraifonnable qu'elle le paroît au premier coup
d'oeil: , .
; Quoi qu'il en foit, le Chili envoie au Paraguay ■
des étoffes de laine , appellées ponchos, qui fervent :
à faire des manteaux. 11 envoie des vins, des eaux
de vie, fur-tout de l'or. Il reçoit en paiement
des mulets, de la cire, un fuif propre à faire du
favon, l'herbe du Paraguay , des marchandifes
d'Europe, & tous les nègres que Buenos-Ayres J
peut lui fournir. Ceux qui viennent par Panama, j
détruits en partie par une longue navigation & i
par des climats divers, font plus,chers & moins
robuftes.
• Des combînaifons dont le défaut eft fenfible ,
privèrent conftamment le Chili de toute liaifon directe
avec l'Efpagne. Le peu qu'il pouvoit con-
fommer de marchandifes de notre hemifphère lui
venoient du Pérou , qui liii-même les recevoit difficilement
& à grands frais par la voie de Panama.
Son fort ne changea pas même, lorfque la navigation
du Cap de Horh fut fubftituéé à céllé
de rifthme de Darien ; & ce- ne fut que très-tard
qu'il fut permis aux navires, qui rangeoient fes
côtes pour arriver à Lima, d'y verfer quelques,
foibles parties de leurs cargaifons. Un foleil plus
favorable vient enfin de fe lever fur cette belle
contrée-. Depuis,le mois de;février <1778 , il eft
permis à tous les ports de la métropole d'y faire
à leur gré des expéditions. De grandes profpéri-
tés doivent fuiyrecet heureux retour aux bons principes.
Le Chili forme un état tout-à-fait diftinCt du
Pérou. Son chef eft abfolu dans les affaires politiques
, ' civiles & militaires. L'autorité du vice-
rôi fe réduit à -nommer par proVifion à ce gouvernement
3 lorfqüe là mort furprend'cëlui qui en eft
pourvu , avant que la métropole lui ait défigné
un fucceffeur. Si dans quelques occafions il s'eft
mêlé de l'adminiftration du pays , il y a été au-
torifé par une confiance particulière de la cour ,
par la déférence qu'on a eue pour l'éminence de
fa placé j ou pàr-l'ambition que les hommes puif-
ïans ont d'étendre les bornes de leur pouvoir.
Il paroît que la tranquillité règne dé plus en
plus au Chili. On vient d'y mettre en ferme (1 )
les jeux de caftes , le papier timbré & la poudre.
Depuis le commencement des hoftilités , entre
l'Efpagne & l'Angleterre , le Chili a vu dans fes
ports fept bâtimens dë guerre & un brigantin ,
qui devoiënt s'oppofer aux entreprifes que les an-
glois 'auroiënt pu tenter de- ce cpté. Leur, ftation
a été le port de .la Conception 3 ' le pjus abondant
en tout'génre dé provifions. Un particulier dé ce
dernier endroit, nommé. D. Antonio Lorca 3 a
forme à fes dépens à la rade ’ de Saint-Vincent,
à trois lieues de la Conception, un grand aifonal
qu'il a pourvu de tout ce qui eft. .necefeire pour
la Gonfiruétion de toutes fortes de, yaiffeaux. Les
ouvriers qu'il a employés, étoient venus.’ de P.anama
& ' de Çallao ; ils . ont trouve le pays fi fertile
qu'ils ont abandonnéjeiir§ anciennes demeures, &:
fe. font établis pour toujours au Chili. Le bois „
objet principal pour la conftruélion, fe trouve fur
les Andes en grande, quantité &.d.e qualité excellente.
Les pins furpaflent en beauté ceux de
Hollande y leur hauteur eft de 3Q brafles caftifla-
hes, & leur diamètre de deux. Le pays offre d'ailleurs
à bas prix les autres matériaux. D. Antonio
Lorca a xpnftruit pour fon compte un vaifleau de
60 canons, une frégate & quelques barques , dont
la plus foible peut porter 11 mille quintaux , &
fa dépenfe ne paffe pas 250,000 écus.
C H IN E ( G O U V E R N EM E N T D E L A ) .
S'il e ft, & s'il fut jamais un gouvernement dans
lé monde,, qui mérite l'attention du philofophe
& l'étude de l'homme d'état ^ c'eft 5 fans doute ,
cëluî de ce vafte empire établi fur lés loix naturelles
, plus de quinze cent ans avant la fondation
-de Rome, contemporain des anciens empires de
Babylone & d’Egypte, &.qui par la force de fa
çonftitution, fubnfte ftoriflant depuis plus de quarante
fiècles, après avoir vu tomber autour de lui
<i) En 1783,