
jfon confentement > mais fi on l'enyifage fous un
autre rapport, il n'eft que magiftrat, 8c les loix
qui exiftoient avant lui 3 8c celles auxquelles il a
donné l'exiftence par Ton confentement , 'doivent
diriger fa conduite dans l'adminiftration ^ 8c elles
l'obligent aufli-bien que fes fujets. Sâ prérogative
fous ce rapport demeure néammoins allez étendue.
I. En fa qualité de magiftrat fuprême 3 il eft
chargé de lJadminiftration de la juitice 5 il- eft la
fource de tout pouvoir judiciaire ; il eft le chef
de tous les tribunaux * les juges y font regardés
comme fes fubftituïs; tout s'y paflfeen fon nom ,
les fentences & les arrêts doivent être munis de
fou fceau, & ce foîit fes officiers qui les exécutent
. - " „
‘ Par une fi&ion de la loi , qui ne doit pas allar-
iheriês .le&eurs. étrangers , on le regarde comme
le propriétaire univerfel du royaume 5 il eft cep fe
dire&ement intéreffé dans tous les délits 3 8c c eft
en fon nom qu'on les pourfuit devant les tribunaux.
J , A ,
Il à le droit de faire grâce, c elt-a-dire-, de remettre
la peine qui a été prononcée à fon inf-
ta n c e i'- ..., n
II. I l eft la fource des honneurs , c eit-a-dire,
le diftributeur des titres 8c des dignités. Il crée les
pairs du royaume3 il confère les différentes charges
dans les tribunaux 8c ailleurs.
III. Il eft le furintendant du commerce 3 il fixe
les différehs poids & mefures : lui feul a le droit
de battre monnoie 8c de donner cours à la mon-
nôie1 étrangère'. , | , , , |5 |
■ IV . I l eft chef fuprême de 1 egltfe. En cette
qualité' il nomme aux évêchés 8c aux deux archevêchés
; 8c il convoque l’affemblée du clergé.
Ce tte affemblée eft formée fur le modèle du parlement
; les évêques compofent la chambre haute 3
les députés des diocèfes & des chapitres particuliers
, compofent la chambre baffe- Les^ réfolu-
tions de ces deüx chambres du clergé n'ont aucune
force fans le confentement du ro i, 8c il eft
le maître de proroger ou de diffoudre ces efpèces
de fynodes. , ■ _ , I
V . Il eft généraliffime ne des forces de terre 8c
de mer 5 il a feul le pouvoir de lever des troupes *
d'éqùiper dés flottes3 de bâtir des fortereffes, &
il nomme à tous les emplois militaires.
• V I . Il eft, relativement aux nations étrangères|!
le repréfentant. .& le dépofitaire de toute la puiffance
8c de toute la majéfte de la nation 5' il envoie
8c reçoit les ambaffadeurs ; il contracte les
alliances; il a droit de déclarer la guerre, 8c de
faire la paix. v
' V I I . Enfin, ce qui femble mettre le comble a
tant de pouvoirs, c'eft une maxime fondamentale'
que le roi ne peut mal faire ( king can do no
Wrong ) ce qui lignifie feulement qu'il eft hors
de l'atteinte des tribunaux , 8c que fa perforine çft
inviolable 8c facrée.
JJ oaroft d’abord 4î$ c ik de concilier ces pouvoirs
du roi d‘Angleterre avec l’idée d’une monarchie
qu'on nous dit être limitée. Non-feulement
le roi réunit toutes les branches du pouvoir
exécutif ; non - feulement il difpofè de toute la
puiffance militaire : U £lt encore, ce femble, le
maître de la loi elle-mêmé , puifqu'il appelle 8c
fait difparoître, à fon gré-, le pouvoir légiflatif.
On lui trouve donc , au premier coup d'oeil ,
toutes les prérogatives qu'ont revendîquéps'le^mp^
narques les plus ■ abfolus 3 8c l'on cherché cette
liberté dont les anglois fe glorifient.
Mais les reprérentans du peuple ont toujours
la même arme quia établi la conftitution 3 ils font
les maîtres d'accorder ou de réfufer des fubfides
au roi 5 8c aujourd'hui que j par une fuite des' progrès
du commerce 8c de l'efprit de; calcul, tout
s'évalue en argent 5 aujourd’hui que çe métal, eft
le gfand mobile des affaires , on peut dire que
celui, dont le pouvoir eft borné fur un article
fi important, fe trouve dans une entière dépendance^
quelque foit d'ailleurs fon-autorité nominale*
Le roi d’Angleterre eft dans ce cas. Il n’a pref-
qile point de revenu par lu i- même. Quelques
droits héréditaires fur l'exportation des laines,
droits q ui, depuis l’établiffement des manufactures
, font tacitement an'nullés 3' une branche de
l’accife qui, fous Charles I I , fut donnée à la
couronne pour la dédommager dés'fervîces militaires
qu'elle abandônnoit, 8c q u i, fous .Georges
I , a été fixée à 7000' liv. fterling ; un droit
de deux shellings fur chaque tôhndàu dè vin -importé
; les débris de yaiffeaux, dont le- proprië-:
taire n'eft pas connu 5 les baleinés jettées, fur la
côte 3 lés cygnes nageant dans le courant des grandes
rivières 3 8c quelques autres0 reyénüs d'un
produit auffi mince , font tout ce-* qui . rèfté aujourd'hui
dé l'ançieri domaine dé la couronné*
Le roi d'Angleterre ± i l eft vrai',' lèv„ède^'armées
8c équipe des flottes ; mais’, fans fonr£>at-
; bernent ,d l ne peut lés ëirtrôténiV: il dbnne: des
places 8c des dignités , mais fansTori parlement il
1 ne peut en payer les appointeftiens ; il déclare la
guerre , mais fans fon parlement il né peutlàfou-
tenir. En un mot 3 la puiffance foyale rirayant pas
le droit d'établir des impôts ; a ' befôin d'une
force étrangère, pour fe mouvoir dans lès grandes
opérations: « ç ’eft*, dit M. de' Lolmé' un
w vaiffeau équip-é, fi fo’ri veut, -completterpent 5;
» mais auquel le parlement p e u tq u a n d il veut,
» retirer les eaux 8c le mettre à fe c , comme auffi
„ le remettre à flot , en accordant des fubfides >*.
Qu'on ne croie pas au _refte_ que le.roi puiffe ,
en ufant d'adreffe, éluder cette prérogative des
communes 3 qu'il puiffe, par exemple , ne convoquer
un parlement que pour èii obtenir des fublî-*
des 3 8c, en le diffolvant immédiatement après,
fe délivrer d’un èérifeiir qui doiylui rappeller fes
devoirs^Il y a long-temps que le parlement ne
1 ^'occupe dés fubfidçs que lorfque tous, les antres
objets font réglés. Dès le règne d’Henri IV,les communes
attenaoient la réponfe dû roi à leurs pétitions
, avant de rien ftatuer fur cet article : 8c
elles ont confervé précieufement ce droit, qu’ elles
revendiquèrent dès leur origine. Pour me fervir
de l'expreffion de Thomas WentWorth : « Subfi-
h des & plaintes fe font toujours tenues par la main y
î» quand le roi a montré de la répugnance pour
» un bill jugé convenable au bien public , on
33 Ta joint à un bill de fubfides, 8c il n'a pas man-
33 qué de paffer dans cette agréable compagnie
Dans tous les états où l'on a cherché jufqu'ici
à établir une conftitution libre, on n'a fu trouver
d'autre moyeu que de divifer la puiffance exécutrice
: d'où il eft réfulté un choc continuel entre
les corps ou les individus qui en étoient dépofi-
taires 3 8c il eft toujours arrivé que l'un des ordres
de la nation a fubjugué les autres, 8c s'eft affranchi
de toute règle. En voici la raifon : pour renverfer
les lo ix , il n'y avoit qu'à détruire les prérogatives
d'un certain nombre de particuliers, ou des
formalités qui n'étoient pas d'une grande importance.
Mais en Angleterre 3 le contrepoids que la conftitution
a donné à la puiffance royale , e ft, pour
ainfi dire, indeftruétible. Il eft tel que le fouve-
rain, qui voudrait feulement y toucher, fe mettrait
aux prifes avec la nation entière, 8c en attaquerait
tous les membres à la fois par l'endroit le
plus fenfible.
Depuis que les communes ont le droit d'accorder
ou de refufer des fubfides, la balance en
effet a toujours penché du côté du peuple. U Angleterre
n'a pas toujours été auffi éclairée qu'elle
l'eft aujourd'hui fur les droits des nations : il n'y
a pas long - temps qu'une partie de fes fujets étoit
encore dans la fervitude’j plufieurs de fes rois,
-qui voulurent régner à titre de conquérants, ne
lui laiffoient que peu de droit précis à réclamer 3
cependant les communes ont toujours refferré l'autorité
royale. La liberté a paru fouffrir des éclip-
fe s , mais le roi n'a jamais contefté aux repréfen-
tans de la nation le drait d'accorder ou de refufer
des fubfides : 8ç c'eft par ce droit, qu'ils ont empêché
l ’établiffement du defpotifme.
S e c t i o n I V e.
Des moyens quant pris ' les anglois pour maintenir
leur confiîtution & réformer les abus.
Plus on étudie les principes qui ont établi les
üfages ou les loix de l’Angleterre , 8c plus on eft
étonné de leur fageffe. Le parlement a fenti que
s'il ufoit de toute l'étendue de fon droit, il porterait
peut - être le roi à des extrémités dangereufe
s , qu’il renverferoit lequilibre de la conftitution
, 8c il a modéré lui-même l’exercice de fa
prérogative.
D ’après un ancien ufage au commencement de
chaque régne, 8c dans la forte d'épanchement
qui a lieu entre un roi 8c fon premier parlement,
on accorde au R oi} pour fa v ie , un fubfide annuel
(1 ). C e fubfide ne l'affranchit pas des communes
dans les grandes opérations, mais il le met
du moins en état de foutenir la dignité de la couronne
, 8c il lui accorde , en qualité de premier
magiftrat de la nation , une indépendance que la
loi a donnée auffi aux magiftrats particuliers (2).
Cette conduite du parlement a ménagé à l'état
une reffource admirable. Quoique , par l'arrangement
des chofes, les grandes ufurpations fe trouvent
impraticables, l’effort fourd 8c continuel du
pouvoir exécutif entretient des abus 5 8c la fur-
abondance de prérogative que le parlement a mife
en réferve, en fournit le remède. A la fin de chaque
régne, la lifte civile , 8c par conféquent la
forte d'indépendance qu'ejle procuroit, ne lub-
fîfte plus. Le nouveau roi trouve un trône, un
fceptre 8c une couronne , mais il n'hérite d'aucun
pouvoir : 8c avant de le revêtir de l'autorité que
lui accordent les lo ix , le parlement fait la revue
de l'état 3 il réforme les abus qüi s'étoient introduits
fous le régne précédent, 8c la conftitution
eft ramenée à fes principes.
L 'Angleterre jouit donc en cela, d’un avantage
ineftimable, que tous les états libres ont chérché
vainement à fe procurer. Les moyens que les législateurs
ont imaginé ailleurs pour réformer l'é ta t,
ont toujours eu ^ dans la pratique , les plus fâ-
cheufes conféquences. L'exécution des loix , par
lefquelles on voulut ramener à Rome l'égalité, fut
toujours impoffible. L'effai qu'on en fit penfa renverfer
la république : 8c l'opération que les florentins
appelaient repigliar i l ftatq_ 3 n'eut pas de
meilleurs effets. C 'eft que tous-ces remèdes étoient
détruits à l'avance par les maux qu'ils dévoient
guérir 5 8c plus les abus étoient grands, plus il
étoit impoffible de les corriger.
Le moyen de réforme qu'emploie le parlement
d Angleterre , eft |Ê utant plus affûré , qu'il vz
moins dire&ement à fon but. Il ne s’oppofe pas de
front au pouvoir ufurpé ; il ne l'attaque pas dans
le milieu de fa courfe : il va le chercher dans le
principe de fa vie. Il ne s’efforce pas de le renver-
fer : il en détruit les refforts.
C e qui augmente ra douceur de l'opération ,
c'eft qu'elle ne porte que fur les ufurpations elles-
mêmes , 8c ne bleffe point l'orgueil des ufurpa-
teurs. Tout fe paffe avec un fouverain qui jufques-
là n'a point eu de part aux affaires, 8c dont l'amour
propre n’eft point compromis. Enfin , on
< 1 ) Il eft ordinairement d’environ 800, 00© liv, fterling, Il eft aujourd’hui de plus d’un million.
(*) Les douze grands juges,
OEcon. polit, & diplomatique, Tom, 1, X.