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CO N CU S S IO N .. Foyci le Diâionnaire Jè
Jurifprudence. :
C O N D A M N A T IO N . Voye[ le même Dictionnaire.
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C O N D IT IO N . Voytç les articles C o n d it io n
& E t a t du Dictionnaire de Jurifpr.
C O N D U IT E PO L IT IQ U E DES SO U V E R
A IN S . On entend ici par le mot de conduite
politique, l’attention confiante que doit avoir un
fouverain de régler toutes fes actions, foit dans
fa vie privée, foit dans la direction des affaires
publiques , de manière qu’elles tournent au maintien
8c à l’accroiffement de fa propre grandeur *
ainfi qu’ à l’avantage de fes fujets. Et comme la
Souveraineté dans un état réfide, tantôt dans le
monarque ou prince feul , tantôt dans un fénat
compofé de plufieurs membres de la république ,
& tantôt dans l’ affemblée de tous les citoyens 3
cette conduite doit varier dans le gouvernement
monarchique, arillocratique & démocratique.
La conduite politique des rois doit fe régler fur
le degré de puiffance que poffède chacun d’eux >
& , quoique le plus petit prince indépendant jouiife
des mêmes droits que le plus grand monarque ,
il n’a pas lés mêmes moyens de les faire valoir ,
& il faut par conféquent qu’ il fe gouverne fur
des maximes fort différentes. Il eft cependant plu-
jfieurs points à l’égard defquels ils ÔntTïous les
mêmes principes à fuivre j nous commencerons par
, les rapporter, avant d’indiquer les points fur lef-
quels leur conduite doit varier.
Rien ne fait plus d’impreffion fur les hommes
que l’exemple 8c fur - tout l’exemple de leur
maître : Regis ad exemplum totus componitur or-
bis. Ç ’eft un proverbe qui fe trouve dans la bouche
de tout le- monde. Le premier devoir d’un
fouverain eft donc de pratiquer lui-même les vertus
qu’ il demande de fes fujets.
L ’humanité eft la plus belle vertu des rois.
Nous comprenons fous ce mot la bonté, la douceur,
la clémence & la tendreffe qu’un monarque
doit avoir pour tous les hommes, pour fes fujets,
pour fes ferviteurs, pour ceux qui ont l’honneur
de l’approcher, & principalement pour fa famille.
La rudeffe, la brutalité, l’infenfibilité annoncent
toujours le défaut du véritable courage, fur-tout
dans un fouverain qui , couvert de fa puiffance,
peut outrager les particuliers, fans craindre leur
yeffentiment.
Les princes ont encore deux écueils à éviter,
la prodigalité 8c l’avarice. Celui qui donne toujours
, fe met hors d’état de pouvoir jamais donner
à propos. Il doit être ferme, contre les demandes
indifcrètes, & trop fouvent réitérées de
fes courtifans. A u refle, l’avarice eft de toutes les
paffions celle qui dégrade le plus un monarque.
Comme elle laiffe le mérite 8c. les fervices fans
récompenfe, elle étouffe l’émulation. Le defir
d ’accumuler fans ceffe de nouveaux tréfors porte
d’ailleurs un prince avare à- une épargne qui arc
o N
rête la circulation des efpèces, 8c ne_ fait pas retomber
dans la maffe générale tout l’argent qui
devroit. s’y trouver. |
Les flatteurs font les plus cruels ennemis qu un
fouverain ait à combattre , & ils deviennent
toujours plus dangereux, à mefure qu ils font aimables
8c fpirituels.
Si le prince aime la 'flatterie, il approchera de
lui des complaifans , des hommes ferviles , des ef-
claves } s’il aime la vérité , il appellera^ des hommes
libres, des gens d’ efprit 8c de mérite , des
fujets dignes de porter ce nom.
Depuis qu’il y a des rois , l’inconftance des for-
! tunes de cour eft célèbre , 8c cependant c eft une
des plus grandes fautes contre la faine politique ;
car rien d’abord ne marque plus de légéreté dans
un prince, que cette fucceffion rapide de faveurs
& de difgraces, qui tantôt élève 8c tantôt abaiffe
fes courtifans. 1 f .
On méprife aujourd’hui les bouffons gages qui,
dans les temps de barbarie , infeéfcoient les palais
de la plupart des grands princes de l’Europe. La
politeffe des cours & des nations a réformé cet
abus , 8c tout le monde dédaigneroit un homme
qui , pour un vil intérêt, dégraderoit l’humanité
au point de faire le métier d’infenfé à titre d’of-r
fice.M
ais fi l’on ne fe permet plus guères de bouffonneries
pour amufer les princes, on cherche à
les égayer par des plaifanteries plus délicates} 8c
lorfque le mérite voit prodiguer les grâces à un
courtifan qui n’a eu d’autre titre que celui de faire
rire fon maître, il eft également découragé.
Quant à la conduite politique d’ un fouverain envers
fes fujets en général, & hors' de la vie privée
, le monarque eft homme 8c roi. Il n’ a pas
perdu fes titres d’homme, parce -qu’il eft roi, 8c
il peut, dans fpn intérieur , fe livrer à toutes les
paflions raifonnables que permet la nature aux particuliers
; mais comme chef de la nation , il ne
doit aimer que fon peuple. C ’ eft un précepte vague
que tous les moraliftes prefcrivent, Tans trop
déterminer ce qu’ ils entendent par cet amour, 8c
les bornes qu’ils lui donnent. Il faut comprendre
ici fous le mot d’amour une affeétion tendre 8c
délicate, qui anime tellement le fouverain pour fes
fujets 3 qu’ il cherche à mériter leur approbation 8c
leur refpeél, en les rendant heureux.
D ’où il fuit encore qu’ un fouverain doit toujours,
j par fa conduite , imprimer un grand refpeét à fes
fujets 5 mais pour infpirer ce refpeét, il fe gardera
bien de rompre tout commerce avec fon peuple,
de vivre comme un fultan dans fon férail, de ne
fe faire voir que pour fe faire adorer. Les monarques
les plus révérés ont été les plus acceflibles
8c les plus populaires. C é fa r , Charlemagne ,
Henri IV 8c tant d’autres en font des preuves.
Les grandes 8c les belles aérions que, fait le
prince, font les moyens les plus efficaces pour lui
attifer l’amouf 8c le-refpett des peuples j cepen-
CON
dant il ne faut pas qu’il s’attende à une approbation
univerfelle, quelque fage que foit fa conduite.
Les meilleurs rois- font toujours expofés à une
févère critique de la part de leurs fujets. Guillaume
III fut détefté des anglois pendant fa vie. On
but publiquement dans les tavernes de Londres à
la fanté du gentil cheval ( r ) qui, par(fa chute,
avoit ocoafionné la mort de ce digne prince 5 mais
peu de temps après on changea de langage j 8c
cette nation, alors ingrate , révère aujourd’hui la
mémoire de ce monarque, qu’elle nomme fon glorieux
libérateur (2,),
Les écrivains politiques ont fouvent difcuté., lî
le prince doit gouverner tout parriui-même, ou
déférer aux confeils de fes miniftres, 8c ne rien
faire fans leurs avis. Parmi les différentes opinions
fur cette matière, je crois devoir rapporter celle
du cardinal de Richelieu. Voici comment il s’exprime
dans fon teftament politique (3) : « on fe-
33 toit des volumes entiers des raifons qui fe peu-
« vent mettre en avant de part 8c d’autre j mais,
après avoir préféré le prince qui agit plus par
3? fon confeil que par îe fien propre, à celui qui
” préfère fa'tête à toutes celles des confeillers , 1
» je ne puis que je rie dife , qu’ainfi que le plus
« mauvais gouvernement eft celui qui n’a d’autre
99 reffort que la tête d’un prince qui , étant inca-
*> pable , eft fi préfomptueux qu’il ne fait état
=* d’aucun confeil j le meilleur de tous eft celui
30 dont le principal mouvement eft en l’efprit du
99 fouverain qui , bien que capable d’agir par foi-
99 même, a tant de modeftie 8c de jugement ,
qu’il ne fait rien fans bon av is , fondé fur ce
99 principe qu’un oeil ne voit pas fi clair que plu-
99 fieurs ». Il ajoute plus bas : f| un prince capa-
» ble eft un grand tréfor en un état $ un confeil
» habile, 8c tel qu’il doit être, n’en eft pas un
» moindre > mais le concert de tous les deux en-
» femble eft ineftimable, puifque c’eft de-là que
» dépend la félicité des états, 8cc ».
Cette queftion, ainfi que tant d’autres d’économie
politique, n’eft pas fufceptible d’une folution
générale. Si tous les confeils des princes étoient
bien compofés > fi les miniftres avoient toujours de
grandes lumières, 8c fi le bien feul de l’état les
animoit, Î1 feroit à defirer que les princes s’en
rapportaient toujours aux décifions de leurs confeils
; mais les intrigues 8c les vues perfonnelles ou
étrangères à la caufe publique, qui ont trop fouvent
déshonoré les miniftres, ont fait plus de mal
aux nations que n’en auroient fait les vues bornées
des princes j 8c plus d’un pays regrette que
tel de fes rois n’ait pas fuivi les mouvemens de
fa confidence, 8c les infpirations de fon efprit.
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Au refte, dans l ’état aétuel des ch ©fes , il eft
bon qu’un prince affemble régulièrement un conf
ia compofé des miniftres cui font à la tête des
différens départemens de l’etat : s’il préfide lui-
même à ce confeil $ fi toutes les affaires de quelque
importance y font examinées 8c débattues 5 s’il a
foin de punir ceux qui le trompent dans ces au-
guftes délibérations > s’il y écoute lesavis. de chacun
des membres 5 .s’il examine le pour 8c le contre
j s’il s’occupe de l’étude de l ’adminiftration qui
devroit être la feule fcience des rois 5 fi , après
avoir recueilli les v oix , il prononce en dernier
reffort , les peuples fe plaindront de beaucoup
moins d’abus.
Quelque grand que foit un roi, il doit des égards
8c de la politeffe aux plus petits- fouverains. Lorf-
qu’ils paroiffent à fa cour, il doit les accueillir ,
8c faire refpeéler leur caractère par fes courtifans.
Le rang qu’ils peuvent y tenir eft ordinairement
réglé par des anciens traités , par l’ ufage, ou par
des conventions faites avant leur arrivée. Le monarque
'3 à cet égard, n’abandonne aucune des prérogatives
attachées à fa perfonne , ou à celles
des princes de fon fang.
Quelque formidable que foit une puiffance, elle
doit fe former un parti -entre les petites. C e font
des clients qui augmentent le nombre de fes alliés,
8c qui par leurs troupes, auffi-bien que par l’influence
qu’ils ont dans le fyllême général de l’Europe
, peuvent rendre des fervices importans. Les
maifons de Bourbon 8c d’Autriche fe font toujours
bien trouvées de cette conduite, &■ le corps germanique
offre à la dernière un beau théâtre pour mettre
en^ufage cette maxime. Il eft vrai qu’elle a traité
les princes de l’Empire avec fierté , fouvent même
avec un air de defpotifme ; mais, d’un autre
côté, il n’y a guères de maifon illuftre en Allemagne
qu’ elle n’ ait comblé de bienfaits. Elle a
travaillé à fa propre grandeur en élevant fes créatures.
Cette politique convenoit fur-tout à un fyf-
tême de gouvernement compofé de tant de fouverains
, qui ont chacun leur voix à la diète générale.
Quelques-uns d’entr’ eux, à la vérité, ont
acquis un degré de force qui pourroit donner de
l’ombrage à la cour de Vienne ; mais lorfqu’un
peuple , par les révolutions ordinaires des grandeurs
humaines , a fait des progrès qui le rendent
notre égal, il faut le confidérer comme un fouverain
formidable , 8c la prudence confeille d’adopter
pour ami Ton ancien client.
L ’ojet de la politique des grandes puiffances en-
tr’ elles eft de s’agrandir, en empêchant l’agran-
diffement des autres. Comme ce but leur eft commun
, 8c que tous les efforts des princes redoutables
y tendent, ils doivent fe rencontrer, s’entre-
(1) To the gentil horfe.
(2) Our glorious liberator.
(3) Chap, y in i premiere partie,*