
** chaque conceflion d’ argent conditionnelle ,
» en choififfant fi bien fon temps , que le refus
M de fubfides ne feroit qu’embarraffer le gouver-
” nemenc, fans donner aux puiffances étrangères
" aucun avantage fur nous ? Si les communes
** dépendoient du roi de la même manière, fi au-
*» cun de fes membres ne poffédoit rien qu’à
» titre de don du roi , leurs réfolutions ne dépen-
»> droient-elles pas auflx de fes ordres , & de ce mo-
55 menthe feroit-il pas totalement le maître? Quant
» aux pairs, ils ne font un foutien puiffant pour
» la couronne , qu’aufli long-temps qu’elle-mênae
” fait la leur : mais l’expérience & la raifon
» nous prouvent également qu’ils n’ont ni force ,
» ni autorité , pour fe foutenir feuls d’eux-
» mêmes & fans un pareil appui.
” Comment trouverons-nous donc la folution
33 de ce paradoxe ?. Par quel moyen ,ce membre
» de notre conftitution eft - il contenu dans fes
“ propres limites , puifque par la nature de notre
conftitution même, il doit nécelfairement avoir
51 tout le pouvoir qu’il demande, & qu’il, ne re-
33 connoît de bornes, que celles qu’il fe fixe lui-
33 même ? Comment accorder une pareille puif- ,
« lance avec l’expérience de la nature humaine ?
» Je réponds que l’intérêt de tout le corps eft ici
» reftreint par l’intérêt de chaque individu, &
33 que la chambre des communes n’excède pas fon
» pouvoir , parce qu’ une pareille ufurpation feroit
« contraire à l’intérêt de la plus grande partie de
« fes membres. La cour a tant d’emplois à fa difpofition
, que lorfqu’elle fera fécondée parla
33 partie honnête & défintéreffée de la chambre,
-33 elle décidera toujours les réfolutions de tout le
»»corps,‘du moins en tout ce qui ne portera au-
»» cune atteinte à la conftitution. Ainfi nous pou-
>» vons donner à cette influence le nom qu’ il nous
33 plaira, nous pouvons l’appeller corruption ou
33 dépendance^ ; mais il faut ' qu’il y en ait toujours |
» quelque dégré, de quelque efpèce que ce Toit,
»> par la nature même de notre conftitution, &
»» pour conferverla forme de notre gouvernement
»» mixte v. Traduction des EJfais de Hume.
1°.. Les défauts de la police font un autre abus
qui paroît aux anglois inféparable de leur conftitution.
Les loix accordent aux citoyens une fi
grande liberté, qu’on ne peut les gêner en aucune
manière. On fait que fi les maréchauffées & les
elpions remédient à un mal, ils en introduifent un
autre.
On craint d’ ailleurs eq Angleterre tout- ce qui
peut augmenter la puiffance du roi ; & on n’y veut
point de ma réchauffées. C ’ eft une maxime reçue
jufqu’ à préfent, que tous les défordres commis
par les voleurs qui infeftent Y Angleterre, font un
moindre mal que celui dont la nation fe trouveroit
menacée par ce nombre d’hommes armés , qui
feroit à la difpofition du fouverain 5 car on eft per-
fuadé que ces fatellites dépendroient du pouvoir
exécutif.
30. La corruption du peuple, effet du luxe,!
fait des progrès fi rapides en Angleterre , qu’il faudra
, tôt ou tard, imaginer un moyen de détruire
cette foule innombrable de voleurs qui rempliffent
les grands chemins & les avenues de Londres ,
& qui volent en plein jour au milieu de la capitale.
C e moyen n’eft pas facile à découvrir > & il
eft peut-être impoffible d’établir la fûreté fur les
routes > fi les citoyens, ne veulent pas facrifier une
partie de leur liberté.
40. Le roi eft, a peu prés , dfiuré de la pluralité des
fufrages dans la chambre des pairs. C e troifîèmé
abus paroît encore aux anglois inféparable de leut
conftitution. En effet, les intérêts des lords temporels
fe confondent, à bien des égards, avec
ceux du monarque î enfiiite il trouve dans les lords
fpirituels, ou les évêques, un parti qui lui eft
toujours dévoué : ils font à fa nomination , & le
clergé eft par-tout plus difpofé à flatter les princes,
qu’à défendre la liberté des peuples.
y°. L'enrôlement forcé des matelots ou la prejfe y
eft mis, par M . Hume, au nombre des abus de
cette première efpèce. «En ce point, d i t - i l , on
33 pe.rmet feulement au roi d’exercer un pouvoir
» contre les loix ; & quoiqu’on ait fouvent déli-
»» béré fur les moyens de le rendre légitime, &
33 fous quelles reftriélions on pourroit l’accordèr
»» au prince, on n’a encore propofé aucun expédient
33 fur pour parvenir à cette fin $ & il a toujours
33 paru que la loi mettroit la liberté en plus grand
33 danger que l’ufurpation. Lorfque le pouvoir n’ eft
33 exercé que pour armer la flotte , les hommes s’y
33 foumettent volontiers, par la perfuafîon où ils
33 font de fon avantage & de fa néceflité : les ma-
33 telots, les feuls fur qui s’ exerce une pareille
33 contrainte , ne trouvent perfonne qui prenne
33 leur parti, lorfqu’ils réclament des droits & des
33 privilèges que la loi accorde à tous les fujets
33 anglois, fans aucune diftinétion. Mais f i , dans
33 quelque occafion , un miniftre faifoit fervir ce
33 pouvoir à foutenir fa faction & fa tyrannie, la
33 fa&ion oppofée, ou plutôt ceux qui aiment leur
33 pays, prendroient bientôt l’allarme, & foutien-1
33 droient le parti opprimé. La liberté des anglois
33 feroit maintenue j les jurés ferorent implacables 5
33 & les inftrumens de la tyrannie, qui aüroient
33 agi contre la loi & l ’équité, feroient livrés à là
33 vengeance publique. Le parlement ferme les
33 yeux î s’il autorifoit la preffe fans reftriétion , il
33 en réfulteroit de grands abus , pour lefquels il
33 n’y auroit point de remède : s’il y mettoit beau-
33 coup de modification, elle perdroit fes effets
33 en gênant l’autorité de la couronne. L ’illégalité
« même de la preffe prévient ces inçonvéniens par
33 la facilité des remèdes qu’elle fournit.
33 Je ne prétends pas qu’il fok impoffible de
33 trouver un réglement, pour les matelots , qui
33 pourvoie à l’armement de la flotte, fans être
33 dangereux pour la liberté... J’obferve feule-
33 ment que l’on n’a pas cnçore préfenté un
?» plaft
« plan de cette nature que plutôt d’adopter 1
t> aucun de ceux qui ont été imaginés jufqu’ici (1 ) ,
33 nous fuivons un ufage trèsrabfurde 8c trèsr-
33 déraifonnable en apparence. Une ufurpation ou -
33 verte & continue ell permife à la couronne, au
33 milieu de la plus grande jaloufie & de la plus
«5Sgrande vigilance de la part du peuple.
33 L ’état fauvage de la nature eft renouvellé atï
33 milieu d’une’ des fociétés les plus civilifées du
33 genre humain. De grandes violences , & toutes.
33 fortes de défordres fe commettent impunément
33 parmile peuple qui a le plus de douceur & d ’hu-
33 manité, tandis que l’un des partis exige l’obéif-
33 Tance au fuprême magiftrat, & que l’autre récla-
33 me en fa faveur les loix fondamentales de la
33 conftitution 33 (2),
Pour ajouter encore à ces réflexions de M, Hume
, j’ obferveraLqu’en claffant les matelots fur le
modèle des milices de terre , Y Angleterre ne feroit
jamais fûre de trouver des équipages pour fes vaif-
féaux, ou qu’il en refulteroitd.es inquifitions contraires
aux (oix. C ’éft dans las ports, c ’eft fur la
mer que fe tiennent les~ matelots j à l’approche
d ’une guerre, qui empêche les matelots cîaffés de
paffer au fervice d’une puiffance étrangère ? Tous
les anglois ayant le droit de fortir de leur ifle fans
paffe-port, les miliciens peuvent auffi s’enfuir fur
le continent j mais qu’y fe ron t-ils? & où trouveront
- ils de l’argent pour ce voyage ?
Enfuite , il faut l’avouer, toutes les puiffances
maritimes racolent, à peu près de force, leurs
matelots en temps de guerre. D ’ailleurs la preffe ,
qui paroît fi dure au premier coup d’oe i l , l’eft
beaucoup moins lorfqu’on l’examine de près ; les
matelots font très bien payés, & durant la paix
ils font maîtres abfolus de leur perfonne & de
leur induftrie. Les enrôlemens volontaires fuffifent
pour former les équipages des vàiffeaux qu’arme
alors. Y Angleterre. A
Des abus qui paroi(fent inhérens a la nature humaine.
Il n’y a peut-être jamais eu de pays où
l ’on ait exécuté les loix, avec autant d’exaétitude
qu’en Angleterre ,* il eft cependant plufieurs de
ces loix qu’on élude.
i° . Le repréfentant d’un comté doit avoir en
biens fonds 600 liv. fterling de revenus j celui
qui eft député par une ville ou par un bourg,
doit en* avoir 300: en termes de jurifprudence,
on appelle la poffeflion de ce revenu qualification
; celui qui n’a pas cette qualification , & qui
a obtenu les fuffrages des électeurs s’attache à un
parti, ■ & les membres de ce parti lui ont bientôt,
procuré ce qui lui manque j à peu près comme
en d’autres pays on prête un titre ou patrimoine
*aux clercs qui prennent le fous - diaconat.
Jl fera d é c i le ùe réformer cet abu$.
2°. L 'Angleterre fait un commerce fi étendu ;
fes peuples font fi induftrieux & fi a&ifs j elle
a des établiffemens fi co.nfidérables dans toutes les
! parties du monde, qu’il y règne une grande opu:-
j lence. Les anglois.ont toute la corruption qui fuit
la richeffe, & il ne faut pas s'étonner s’ils abu-
fent de leurs richeffes ; fi l’amour de la fortune
y . eft une paflion dominante > mais il eft effen-
tiel de réprimer cet abus qu’on ne pourra
peut-être jamais détruire entièrement. S’ils ne re-
gardoient pas la liberté comme le plus grand des
biens ; s’ils la facrifioieht à des intérêts fordides
ou à la paffion fervile de l’argent, qui , plus que
toutes les autres, eft propre à dégrader les âmes.,
à rétrécir le coeur., à conduire l’homme à l’ef-
clavage , le roi âugmenteroit fon pouvoir. Q u ’ils y
prennent garde , c ’eft la fortune qui les perdra.
Ils ne craignent pas d’être fubjugués par la conquête
j mais ils doivent craindre de l’être par leur
cupidité.
30. A Rome, à Athènes, dans toutes les républiques
de l’antiquité ceux qui afpiroient aux
charges , corrompoient les électeurs : cela fe verra
toujours ; mais il faut avouer qu’ il n’ y a jamais
rien eu d’auffi fcandaleux que les élections des •
membres des communes d'Angleterre.
La populace y vend publiquement fon fuffrage.
C ’eft au milieu des rixes, des cabales , des combats
fanglans d’une troupe ainfi compofée , le
plus fouvent plongée dans la crapule Sc l’ivreffe ,
que s’élifent les hommes qui feront chargés de
défendre la liberté publique contre les entreprifes
d’un monarque ou d’un miniftre en état de corrompre
, par mille moyens, des adverfaires qu’on
lui oppofe.
4°. Une très-longue expérience prouve que le
patriotifme de ceux qui fe trouvent , oppofés à la
cour ou au parti du miniftèrê*, n’a pour objet que
d’importuner le fouverain , de contrarier les actions
de fes miniftres, & de renverfer leurs projets
les plus. fenfés , afin d’avoir part au mjnif-
tère. Ces patriotes fi vantés ne font ordinairement
que des ambitieux qui font des efforts pour
envahir la place des miniftres qu’ils décrient, ou
bien des hommes avides qui ont befoin d’argent,
ou des factieux qui cherchent à rétablir une fortune
délabrée. C e n’eft pas les intérêts de leur
pays qui les anime. Dès qu’ ils jouiffent des objets
de leurs voeu x , ils fuivent les traces de leurs ad-
verfaires deviennent à leur tour les objets de
l’envie & des criailleries de ceux qu’ ils ont déplacés
: ceux-ci jouent alors le rôle de patriotes
aux yeux du peuple , qui croit toujours que fes
vrais amis font les ennemis de ceux qui font revêtus
du pouvoir exécutif.
Pour être un vrai patriote, il faut une ame
jf 1 1 On .croit que Je lord Keppell, aujourd’hui premier lord de l’amirauté , en préfentera un nouveau au parlement,
(2) Difcours politiques.
(JSyPrt. polit. & diplomatique, Tçm. /. A a