
certains 8c plus étendus , quoique les fuccès de
l’injuftice ne foient pas durables.
Ceci nous fait connoitre la politique des grecs ,
& porte la lumière fur leur hiftoire. Elle nous
préfente une foule d'hommes célèbres dans tous
les arts, & dans tous les genres d'émulation j un
grand nombre de capitaines & de légillateurs ,
qui s félon les temps & les lieux paroiffent des
hommes & des génies fublimes 5 car on paroît
bien grand ou bien habile quand on fait beaucoup
avec peu de moyens. De-là l'influence de leurs
exemples & de leurs ouvrages en Europe fur l'en-
leignement des connoiffances dans les âges fubfé-
quens 5 de-là l'admiration des peuples pour la Grèce
y lorfque , commençant à fortir de la grofliéreté
de la barbarie exercée 3 ils vôulurent paffer à la
civilifation & en chercher la voie fur les traces de
ces grecs fi fameux.
. Entre ces nations qui voulurent fe modeler fur
cèt exemple 3 nous devons citer les romains qui entreprirent
3 fous le nom de république 3 la conquête du
monde connu, & vinrent à bout de l'afTervir. Il fallut
alors conferver l'Empire 3 8c cela n'appartient qu'au
pouvoir d'un feul j mais fi conquérir peut n'avoir
pas de bornes 3 gouverner 3 preferver, maintenir
en ont de naturelles & néceffaires, au-delà desquelles
tout s'achemine vers le démembrement.
C e n'eft pas ici le lieu de pouffer plus loin ces
recherches généalogiques de la politique moderne
des contrepoids , d'autant que cet efprit 8c ce
genre d'invention viennent de foi-même à tout le
monde. Les premiers romains ne connoiffoient point
les grecs 3 quand ils fomentèrent leur effai de république
: heureux en ce point d'avoir été constitués
par des rois qui fentoient que l'autorité fans
bornés eft auffi fans appuis contre la déception intérieure
& contre les attaques du dehors 3 & qu'elle
conduit à l'impuiffance abfolue de réfifter au tor-
•rent de l'habitude toujours deftru&ive , quoique
néanmoins elle prolonge la chute où tend toute
Société, chez laquelle les volontés ne s'accordent
plus que dans le defir véhément de courir au pillage
de la chofe publique.
Les véritables contrepoids politiques 3 qui préfervent
l’autorité abfolue de dégénérer en arbitraire
, par la fuggeftion de l'intérêt particulier des
mandataires 3 font ceux qui furent établis par des
princes affez inftruits pour prévoir les abus renaif-
fans de f autorité même fous des fucceffeurs foi-
bles & inexpérimentés. Ces contrepoids confiftèrent
principalement dans l’inftitution des compagnies
ou corps prépofés à diverfes fonctions 3 dont l'objet
& l'exercice doivent être invariables , & qui fe
rapportent aux lo ix , c'eft-à-dire, aux conventions
fociales preferites par la nature immuable des chofes.
Le fymptôme qui annonce le plus - clairement
à des yeux vraiment politiques 3 que l'autorité légitime
fe corrompt 3 fe diffout & paffe par déception
dans des mains étrangères 5 c’eft quand j
l'adminiftration, c’eft-à-dire , la portion de l'auto- i
rité qui doit fe régler fur des circonftances mobiles
3 fe trouve en contradiction avec les corps
prépofés au maintien des loix permanentes 3 8c
parvient à compromettre le fouverain avec fes
mandataires royaux. Ils doivent fans doute lui être
fournis comme tous les autres > mais c'eft jperfon-
nellement félon la loi & parla lo i, de maniéré que
la forte de contrepoids qui réfulte de leur exiftence
civile ne foit que l'appel à la fouveraineté y l'invocation
& la manifeftation des titres qui la rendent
augufte autant que favorable, & le renouvellement
y au fouvenir des peuples , du devoir
d’obéiffance qui feul eft le garant de leurs droits."
C'eft à la faveur de l’inftruCtion générale qui
enfeigne ces vérités, & parla réunion favorable des
volontés qu'elle opère,que s'établit lefeul contrepoids
immuable & univerfel. T out autre, formé par l'op-
pofition & employé comme barrière entre l'autorité
légitime 8c circonfcrite 8c le defpotifme, n'offre
à des yeux non prévenus qu'une caufe de fciffion
intérieure dans le même corps , un appareil de
guerre civile, un code de prétentions refpeétives
& oppofées , fufceptibles d'une extenfion fraudu-
leufe ou violente au gré des pafftons ambitieufes.
C e font , deux armées en préfence qui n'attendent
qu’ un fignal pour faire feu. L'effet de ces
fortes d'éruptions eft toujours la deftruétion de
tout ordre 8c les fléaux qui en réfultent, c'eft-à-
dire, l'établiffement de la tyrannie 8c les angoiffes
que tout un peuple fouffre avant qu'un nouvel
ordre puiffe renaître des ruines produites par les
haines furieufes 8c par l'efclavage.
Des publiciftes plus ingénieux que folides, &
néceffairement fautifs dans leurs fyftèmes fans ba-
fes, ont été jufqu'à dire que , dans les fociétés ,
ce ferment intérieur d'oppofitioneft utile, comme
l'eft dans le- monde celui des élémens î mais
quand même on pourroitbien s'entendre dans de
pareilles comparaifons , celle-ci feroit inadmiffible
j par fon peu de jufteffe : car les élémens font de
genre divers, & tout eft foncièrement de même
nature dans ce qui compofe les fociétés.
Il ne faut dans chacune d'elles qu'une feule ai*-
torité } il faut qu'elle y foit propriétaire 5 que cette
propriété ait un titulaire, 8c que perfonne n'empiète
fur fa part ; il faut que cette part foit connue
& devienne facrée par le moyen de l'inftruCtion
générale, feul véritable contrepoids , feule barrière
contre toute invafion, 8c que cette inftruétion qui
doit opérer la réunion des volontés pour lemaintien
des droits de tous 8c de chacun quel qu'il fo it ,
donne la connoiffanee de l'origine & de la nature de
ces droits , & faffe fentir toute l'importance attachée
à leur confervation.
Cette connoiffanee fera regarder comme facrî-
lège tout attentat fait au nom du public contre la
moindre des propriétés : l'inftruCtion générale donnera
des miniftres inftruits des conséquences de
ces attentats, des fouverains promoteurs aCtifs de
rinftru&ion comme étant la fauve-garde de tous»
Cette généralité d'opinions eft le feul contrepoids
qu’approuve 8c favorife la nature, contrepoids feul
puiliant contre l'effort des paffions particulières &
difeordantes, qui cherchent toujours à envahir
& à rompre l'union civile. Nous ne parlerons
pas ici de ce genre de contrepoids 3 appel!é balance
politique de ÜEurope y équilibre de puiffance, 8cc.
( nous en avons traité ailleurs j voye% le mot Ba l
a n c e p o l i t iq u e . ) Nous nous contenterons de
dire que l'étude des cabinets varie félon les circonftances
j mais que quand l'union 8c la force
intérieure font bien établies dans un état, loin
d'être alors dépendant des variations 8c des vi-
ciffitudes des cours, il étendra 8c donnera par-tout
la loi de l'équité, pourvu qu'il veuille l'obferver
au-dehors comme au-dedans, ce qui eft abfolu-
meht indifpenfable j car l'un ne peut pas aller
fans l'autre.
( Cet article efi de M. G r i v e l .')
C O N T R IB U T IO N S DES PEUÇLES. Ce
qui a rapport aux contributions des peuples , fe
trouvera dans le Dictionnaire de Finances- , &
nous y renvoyons le leCteur.
C o n t r ib u t io n s m i l i t a ir e s . La contribution
eft en général la répartition d'une charge, taxe ou
dette fur plufieurs perfonnes > mais par contributions
militaires , on entend les importions ou tributs
que payent des peuples à une armée ennemie
pour fe fauver du pillage, 8c prévenir la dévaluation
qu'elle pourroit caufer dans leur pays.
Les payfans labourent la terre fous la foi des
contributions, auffi tranquillement que dans une
paix profonde.
La guerre feroit bien onéreufe au prince , s'il
falloît qu'elle fe fît entièrement à fes dépens. On
compte toujours vivre un peu aux dépens de l'ennemi.
Il y a deux fortes de contributions militaires
, celles qu'on perçoit en fubfiftances ou en nature
, 8c celles qui fe perçoivent en argent.
Celles qu'on perçoit en fubfiftances ou en nature
, font les grains de toute efpèce, les fourrages
, les viandes, les voitures, tant par eau que
par terre, les diverfes fortes de bois, les pionniers,
Je traitement particulier des troupes dans ies quartiers
d'hyver, 8c leurs logeniens.
Il faut, avant de faire aucune levée, avoir un
état jufte du pays qu'on veut impofer, afin de
rendre l'impofition la plus équitable 8c la .moins
onéreufe poffible. Par exemple, il feroit injufte de
demàtïdet des bois aux cantons qui n'ont que des
grains ou des prairies j des chariots, aux pays qui
font leurs tranfports par eau. Il faut même que
toutes ces efpèces de levées aient des prétextes
qui en adouciffent la charge au peuple. Celle des
bleds ne fe doit faire que fur le pays qui aura fait
paifiblement £a récolte, 8c comme par forme de
reconnoiffance de la tranquillité dont il a* joui ,
d’ après le bon- ordre 8c la difeipline de l'armée.
Celle des avoines 8c autres grains pour la nourriture
des chevaux, outre ces mêmes prétextes ,
doit avoir celui du bon ordre 5 on doit avertir
due dé cette manière le pays fouffrira moins que
u on l'abandonnoit à l'avidité des officiers 8c cavaliers,
en les laiffant les martres d'enlever les
grains indifféremment où ils les trouveroient.
Il en eft de même de celle des fourrages ; il faut
feulement obferver que cette impofition doit être
faite à une époque favorable aux tranfports.
Les contributions en viandes ne doivent fe faire,
s'il eft poflible, que fur le pays où les troupes ne
peuvent hyverner, afin qu'elles n'amènent pas la
difette dans celui où feront les quartiers d'hyver.
On doit alléguer le prétexte de la difeipline, difficile
à conferver lorfque l'armée manque de viande.
On exige des voitures par terré ou par eau, afin
de remplir les magafins de munitions de guerre 8c
débouché, raffemblés fur les derrières > on les exige
auffi pour conduire de la groffe artillerie & des
munitions devant une place affiégée , ou pour le
tranfport des malades & des bleffés , ou pour
l'apport des matériaux deftinés à nos travaux.
On demande des contributions en bois, ou pour
des paliffades, ou pour la conftruCtion des cafer-
nes ou écuries, ou pour le chauffage des troupes
pendant l'hiver.
On affemble des pionniers pour fortifier des
poftes où l’on veut placer des troupes pendant
l'hiver, pour faire des lignes de circonvallations
autour d'une place affiégée, ou pour réparer des
chemins & ouvrir des défilés , ou pour çonftruire
des lignes deftinées à couvrir un pays & l'exemp-
’ ter des contributions, ou pour combler des travaux
faits devant une place prife. La contribution en argent,
difent les écrivains militaires, doit s’étendre
le plus loin qu'il eft poflible.
On l’établit de deux manières : les pays à portée
des places & des lieux deftinés pour les quartiers
d'hiver l'offrent volontairement ; ou bien l'armée
avancée, ou les gros partis qui en font détachés
pour pénétrer dans le pays qu'on veut foumettre
à la contribution, l'exigent de force.
On fait un grand ufage du reffort de la terreur
pour l'établir derrière les places ennemies & les
rivières î des incendiaires déguifés fement des billets
, ou de petits partis traverfent les rivières 8c
s’attachent à enlever quelques perfonnes confidé-
rabïes du pays , ou à brûler une groffe habitation.
En général, on doit tenir des états de toutes
les fortes de contributions qui fe lèvent ; & le prince
doit furveiller avec une attention bien grande
les perfonnes qu'il en^charge, parce qu’il eft très-
difficile, pour ne pas dire impoflible, de prévenir
les abus fur ce point.
On a bien fait de fubftituer des contributions au
pillage des campagnes & des lieux fans défenfes,
„Quiconque fait une guerre jufte eft en droit de
faire contribuer le pays ennemi à l'entretien de fon
armée , à tous les frais de la guerre : il obtient ainfi
une partie de ce qui lui eft dû > & les fujets de
N n n i u