
pendante des fonds remis pour la folde des troupes,
& pour les autres dépenfes militaires.
C'eft donc uniquement fous des rapports politiques,
que la poffeffion de la Corfe eft avanta-
geufe au Roi ; mais les produ&ions de cette ifle,
femblables à-peu-près aujourd'hui, à celles de
quelques parties méridionales de la France, font
fufceptibles d'augmentation; car malgré les en-
couragemens que le roi a donnés, il y a des ter-
reins confidérables à mettre en valeur. L'on a commencé
, dans quelques parties de la Corfe, à élever
des vers à foie : & l'on a tiré d'excellens bois
de cette ifle, pour le fervice de la marine royale.
La fubvention en nature de fruits, qui forme
la principale contribution de la Corfe, a été établie
pendant mon miniftère ; & le fuccès a répondu
aux efpérances que les états en avoient
conçues.
± Cette ifle ne payoit point de taille ; & les états
s’étoient abonnes à 120 mille livres pour l'impôt
du vingtième ; cette fomme paroifioit modique,
& cependant la levée en étoit très-difficile : on fut
donc conduit à penfer, que dans un pays où l'on
éprouvoit une grande rareté de numéraire , & ou
la circulation intérieure devoit être long - temps
encore imparfaite, un tribut en nature de fruits,
réuniroit beaucoup de convenances : cependant,
comme le roi ne cherchoit point dans cet arrangement
une augmentation de revenu, mais uniquement
le plus grand bien de fes fujçts de Corfe 3
Sa Majefté déclara, que fi la nouvelle contribution
s'éleyoit au-deflus de l'abonnement du vingtième,
l'exçédent feroit laifle à la difpofition des
états, pour en faire tel emploi d’utilité ou de bien-
Faifànce publique qu'ils juger oient le plus convenable.
La contribution en nature de fruits, a été réglée
à un vingtième des récoltes, en exemptant
les bois de haute-futaie, les arbres fruitiers & les
jardins potagers. Cette nouvelle forme a très-bien
réuffi : l'impôt a été recouvré facilement ; les étàts
ont paru très-fatisfaits, & le produit s'eft élevé à
environ 200 mille francs. Il n'y a plus de trace en
France d'une pareille nature d'impôts, excepté
dans quelques parties de la Provence, où les communautés
, profitant de la liberté qui leur eft laif-
fée, adoptent fouvent cette forme de contribution
: l'on doit donc voir avec plaifîr, qu'il en
çxifte un modèle régulier dans une des dominations
du roi. C'eft la grandeur des befoins de l'état
& la eonftitution du gouvernement, qui oppo-
fent des obftacles au defir qu'on pourroit avoir,
de généralifer une pareille méthode ; & telle forme
de tribut, qui fous l'infpeétion tutélaire d'une ad-
miniftration provinciale , s'adapte fans inconvénient
à des objets circonfcrits, ne feroit pas ap»
plicable de même à l’univerfalité d'un vafte royaume
5 fur-tout, fous l'autorité feule de l'adminif-
tration générale. La néceffité de pourvoir, d'une
manière certaine, à une imrnenfe étendue de dettes
& de dépenfes, obligerait bientôt à mettre
en ferme générale le produit des dixmes réelles :
ces premiers traitans auraient befoin d'une infinité
de fous-fermiers, & tous voudroient être indem-
nifés des rifques inféparables de femblables enga-
gemens, & des frais qu'entraînerait une manutention
de cette étendue. Cependant, fi de grande*
variétés dans les récoltes expofoient quelquefois
à des pertes , on foiliciteroit des dédommage-
men s, fur le jufte fondement, que des particuliers
ne peuvent pas garantir des événemens majeurs
: enfin, comme félon les temps, il s'accumulerait
néceflairement une grande quantité de denrées
entre les mains des agens du f i f c , les befoins
fréquens du tréfor royal occafionneroient des ventes
préc ipitées, q u i , en bouleverfant les prix ,
dérangeraient tous les calculs du commerce &
des propriétaires de terre, & de grands défordres
pourroient en être la fuite.
C 'e f t ainfi qu'en adminiftratîon, on peut rarement
argumenter du petit au grand ; mais auffi
l'on ne doit jamais adopter de principe général
tellement ex c lu fîf, qu'on foit contraint à détourner
fes yeux de toutes les circonftances qui exigent
des exceptions.
S e c t i o n V I e.
Obfervations fur la population 3 les fortifications ,
les productions , les chemins , le commerce & le
clergé de la C o r fe .
O n a partagé l'ifle en p iè ve s , en provinces ÿ
en jurifdiétions ; cette dernière divifion deviendra
la plus générale ; parce que les françois viennent
d'établir neu f tribunaux fubalternes, reflortiflfant
au confeil fupérieur de l'if le , entre lefquels on a
partagé l'ifle pour fixer l'étendue du reffort d e chacun
d'eux.
O n fait monter la population de la Corfe' à cent
vingt-deux mille habitans. D'après le dénombrement
général fait en 1 7 4 0 , on n'y trouva pas plus
de 333 paroifles , 427 villages, 26,8 54 fe u x , &
en tout 120380 âmes, dont le nombre étoit monté
en 1760 à 130,000. L e calcul de B o fw e ll qui
le porte à 220,000 eft exagéré. En 1 6 7 6 , une
troupe de g r e c s , échappés de laM o r é e , vint s 'y
établir. L a république de Gènes leur accorda trais
cantons incultes dans la piève de V i c o ; fa v o ir ,
Paom ia , Revida & Salogna. Ils étoiènt y 50 en
arrivant, & fe font augmentés depuis. Dans les
troubles qui ont agité la Corfe, ils ont été chaflfés
de leur premier ét^bliflement, & fe font retirés à
A ja cc io . Plufîeurs d'entr'eux ont été recueillis par
des bâtimens que le do&eur Turnbu ll envoyoit
dans la Floride avec d’autres grecs , & ils fe trouvent
aujourd'hui dans cette partie du monde.
Qu oiqu e la population de la Corfe foit peu considérable,
on peut compter qu'en 1768 & 1769 il
y
y avoit dans l'ifle 30 à 35,006 corfes armés. Plu-
fieurs avoient deux &: jufqu’à trois fufils ( & c'é-
toitle grand nombre) fans y comprendre les 6080
gros fufils que Paoli, dans les derniers temps fit faire
en Italie & apporter en Corfe , & que les françois
nommèrent, ainfi que les corfes, fort mal-à-propos
fufils anglais. 11 y exiftoit donc même, de l'aveu des
habitans, <50 à 70,000 fufils. Sur ce nombre, environ
12,000 feulement ont été remis aux magasins
du roi. On voit combien il doit y en refter.
Baftia, Ajaccio, Bonifacio, Calvi, Corte,San- j
Fiorenzo font les villes principales ; & quelques- J
unes d'elles méritent à peine ce nom. Corte en 1
effet ne contient'que 309 maifons & 1332 habi:
tans. Suivant le dénombrement fait en 1769, on
connoît des villages beaùcoup plus confidérables ;
mais cette place eft importante par fa Situation au
centre de l'ifle : c'eft le féjour d'un officier général
, d'une garnifon, d'un évêque, d'une jurifdic-
tion, voilà fes titres pour être appellée ville. Les
françois l'ont entourée de bonnes fortifications,
ils y ont bâti un corps de cafernes pour loger deux
bataillons & leurs officiers : afin d'être tranquilles
poffeffeurs de la Corfe, ils comptent conftruire
une citadelle à Carrèggia, près de Campoloro;
ils occuperont ainfi Baftia & San-Fiorenzo aux
deux extrémités du cap, Corte au centre de l'ifle,
Bonifacio à l'autre bout de fon plus grand diamètre,
Çalvi, Ajaccio & Carrèggia aux deux extrémités
de. fon plus petit ; avec ces points de dé-
fenfe il eft difficile qu'on puiffe la leur enlever.
Peut-être valoit-il mieux établir le fiège du gouvernement
fur la côte occidentale de l'ifle ; on
peut y venir de France dans vingt ou vingt-quatre
heures ; on n'a point à 'doubler le cap corfe, con>
me pour fe rendre à Baftia ; la communication
avec la France aurait été plus sûre & moins Ion-'
gue, & durant la guerre cet avantage eft inappréciable
: on en eût impofé davantage aux habitans,
parce qu'on eût été plus aifément le maître
des principales hauteurs de l'ifle & de la Balagne,
qui eft fans contredit fa province là plus riche &
la plus peuplée. Les génois avoient fait leur capitale
de Baftia ; & ils avoient raifon, parce que
Baftia étoit moins loin de Gènes qu'Ajaccio ou
Calvi ; ce qui étoit bon pour eux, relativement à
leur pofition à l’égard, de la Corfe , eft mauvais
pour nous. Sans doute c'eft parce que cette ville
eft plus grande, plus peuplée, mieux.bâtie, qu'on
pouvoity loger convenablement tous les chefs de
î'adminiftration de la Corfe 3 qu'on en a préféré
le féjour, mais je crois que pour fe faciliter les
moyens de garder l'ifle, de la mieux défendre,
d'y empêcher ou d’y contenir les révoltes, il fal-
loit l'abandonner pour une ville de la côte occidentale
, dont on fe fut attaché fur-tout à faire une
place refpeétable.
La Corfe jouit à-peu-près de la même température
que la Provence ; fréquemment infultée par les bar-
barefques, les génois, pour les éloigner & raffûter
ÛEeon. polit. diplomatique. Tant, Z,
les corfes, avoient fait conftruire furfes côtes, & dans
tout leur canton une centaine de tours ou petits
forts, dont les garnifons s'oppofoient à leurs dé-
barquemens & à leurs pirateries. Cette ifle a un
grapd nombre de ports, capables de recevoir les
bâtimens employés au commerce : celui de Porto-
Vecchio eft le plus vafte, le plus sûr ; il s'avance
fort ayant dans les terres : avec quelques travaux
il pourroit devenir l'entrepôt du commerce du levant
; & rendu franc , il nuirait confidérablement
à Livourne, dont il partagerait bientôt la fortune.
Ceux de C a lv i,- l'iffola-Roffa, Ajaccio font placés
auffi avantageufement pour trafiquer avec la
France, que le- font ceux de Bonifacio, Porto-
Vecchio, Baftia & Macinajo, pour commercer avec
ia Sardaigne & l'Italie. Le golfe de San-Fiorenfo
eft immenfe ; & l'on pourroit rendre le port de ce
nom auffi commode qu'il deviendrait utile ; mais
l'air des environs de cette place e f t , ainfi que
celui de Porto-Vecchio , infeété par des marais
voifîns.
Les plaines les plus confidérables de la Corfe,
& pour ainfi dire, les feules qu'on y voie, s'étendent
depuis Baftia iufqu'aux environs de Porto-
Vecchio, fur fa cote orientale; la plus grande
partie de ce terrain eft inhabitée, & on la dit inhabitable,
à caufe du mauvais air qui y règne.
C 'eft le plus beau & le plus fertile canton de l'ifle ;
c'eft celui que les romains habitèrent le plus volontiers
: mais des eaux ftagnantes, que fans doute
ils avoient eu l'art de faire écouler, y ont produit
des marais, dont les exhalaifons font peftilentielles.
Les anciens écrivains ont compté jufqu'à trente-
trois villes en Corfe. Je ne puis croire qu'elles y
aient exifté, dit un obfervateur exaét, à qui nous
devons la plupart des matériaux fur lefquels nous
avons fait cet article; on n'y voit les ruines que
de deux ou trois, & les villes a&uelles ont pour
M plupart une origine peu reculée. Si la Corfe
avoit eu autrefois trente-trois villes , feroit-il pofr
fible qu'elles n'euflfent établi entr'elles aucune communication
, ou que les traces de leurs chemins
dans un pays de montagnes euflfent difparu?
Les chemins étoient inconnus en Corfe 3 ainfi que
toute efpèce de voiture : on n'y trouvoit que des
fentiers où l'on pouvoit à peine marcher deux de
front. Les françois y ont ouvert des grandes routes
de tous les côtes , pour afliirer & faciliter les
communications. Les chemins achevés ne feront
pas la chofe la moins curieufe de l'ifle ; on a coupé
des montagnes, on a fait des travaux prodigieux ,
dont on fent déjà tout l'avantage. On a cherché ,
autant qu'on l'a pu, les lieux les moins élevés &
les pentes les moins rapides, pour y faire paflfer
ces routes ; ainfi elles ne traverfent prefqu'aucuns
villages , attendu que leurs guéri es' éternelles
avoient fait éviter aux corfes de s'établir dans des
lieux dominés , préférant d’habiter des endroits
efearpés, d'un abord difficile, & fufceptibles d'être
mieux défendus ; d'ailleurs, l'idée que l'air eft
S f f f