
viandes fur d'autres, ou n'accordent qu'à un
certain nombre d'hommes privilégiés le droit
d'exercer la boucherie & d'en faire le commerce ;
taxativ.es ,' elles veillent uniquement à l'avan-r
tage du confommateur. Dans:.ces deux cas,
elles font acception de perfonnes, & bleffent les
droits de la fociété.
L'intention de ces règlemens eft de favorifer le
confommateur au préjudice du vendeur ; mais
quel en eft le fruit ? On veut procurer Tappro-
vifionnement au plus bas prix, poflible, & l'on
commence à écarter & à détruire la concurrence.,
qui feule pourroit l'établir, en accordant le droit
de vendre à un certain nombre d'hommes privilégiés.
Dans prefque toutes les villes les bouchers
forment une communauté > dans d'autres on leur
adjuge , par bail exclufif , le droit de fournir.. On
craint enfuite qu'ils n'abufent de l'exclufion pour
Survendre. On a recours à la taxe l'on croit
pare r, par ce moyen forcé & fautif, à un inconvénient
qu'on a fait naître. , ^ . :
Mais quel eft l'effet de cette opération ? Si l'on
taxe la viande au jufte,prix ,1 a taxe^ell fuperflue,
4a concurrence l'eût établi d'elle-même. Si on la
taxe trop cher, on renchérit la confommation du
peuple j enfin , fi on la taxe trop bas ,T o n met
en perte les foumififetors en leur enlevant un gain
légitime 3 & comme nul homme ne, peut être
obligé de vendre à perte & ne pourroit foutenir
long - temps, cette condition , on les force de regagner
, fur la moindre qualité de la fourniture,
c e qu'on leur ôte fur le prix qu'elle doit valoir
étant bonne.
Telle eft -la caufe des plaintes continuelles qui
fe font élevées contre les bouchers. T e l eft l'effet
néceffaire d'une opération contre nature. L ’on
croit remédier à ces abus par des condamnations
d'amende, & l’on ne fait qu'ajouter une nouvelle
injuftice à la première. Ces condamnations retombent
fur les confommateurs 3 car.le boucher qui fait
fon compte ajoute le montant, & même le rifque
des amendes, au préjudice que-lui caufe la taxe ,
& tâche de s'en indemnifer en fourniffant mal, ou
en vendant au-deffus de la tax e, dès qu'il croit
pouvoir le faire en fureté.
L e boucher trouve encore un autre moyen de
fe tirer d'affaire 3 c'eft d'acheter moins cher.
Chaque territoire a pour débouché naturel la yille
la plus voifine: dès que la vente de fes produc,
lions s'y trouve affeivie au privilège , & détériorée
par une ta x e , le prix en première main s'en
xeffentnéceffairement. Cette perte, que 1t boucher
paroît fupporter > retombe en grande partie fur le
cultivateur, à qui.leboucher armé de fon privilège,
& ,g ên é lui-même dans le prix de la revente,
fait la loi dans fes achats 5 le relie porte fur les cpn-
fommateurs, & fur-tout fur le bas peuple, qui fe
trouve forcé de payer plus cher la viande , quoique
le boucher la donne d’une moindre qualité.
L ’autorité, qui fait une première.-plaie, en refroidiffant
la concurrence, en fait une fécondé,
en rendant la condition fort inégale, entre les
habitans des villes .& ceux des campagnes. Tous
font alternativement vendeurs & acheteurs ; tous
n’ont pour acheter ce qui leur manque que ce
qu'ils ont à vendre. La grande loi de la jultice ne
met entr'eux aucune différence. Sur quel fondement
l'autorité, qui n'eft inftituée que pour protéger
le droit; de chacun , fe croiroit - elle obligée
de rompre l'égalité que la juftice établit ?
Pourquoi-,le laboureur ne fe ro it-il pas libre dans
les ventes comme l'artifan ? -Pourquoi faut -il qu'il
trouve un taux pour fes productions, tandis que
l'artifan n'effuie aucune réduction forcée dans la
vente de fa main-d'oeuvre? Il n'y a que la force
qui ait pu .diCter des loix fi inégales & fi injuftes.
I l eft de l'effence de tout commerce d'être
libre : il fait fe fouftraire aux loix qu'on veut lui
impofer. Si la violence eft extrême , il difparoît ;
fi le joug auquel on prétend l'affervir lui lâiffe une
certaine aCtion, il trouve le moyen de s'accommoder
au temps & aux cirçonftances, & de regagner
fur la moindre qualité , ou fur le prix en
première main, ce qu'on croit lui ôter fur le prix
de la revente. .
En appliquant ceci aux boucheries, l’effet de la
taxe eft d'abord de mécontenter les. riches, qui
regardent moineaux prix qu'à la qualité des four-:
nitures. Quoique la grofie confommation de viande
qui fé fait chez eux , & le crédit qu'ils on t,
leur procurent ce. que les étaux ont de plus fup-
portable, ils ne fe plaignent pas moins de ce
qu'une'nourriture plus délicate leur eft refufée.
Et pour le.peuple, à qui l'on ne fert que les parties
moins bonnes , qu'on lui fait cependant payer
comme la première viande, le peuple eft dans un
véritable état d'oppreflion, & fournit en partie
fon cpntingent dans la dépenfe que font les riches.
C'eft lui qu'on- a prétendu favorifer. par la
ta?e , & c'eft lui qui eft le plus vexé. Il réfulte de
cette manutention viçieufe un dégoût pour une
efpèce de denrée, qui ne fatisfait perfqnne. Tous
fe pprtent de concert fur des comeftibïes dont Ja
conÇqmmation eft moins utile,: & dont le rapport
eft moins prochain avec la culture des terres; on
confume plus de légumes, de gibier-& de volaille,
& c . tandis qu'il y auro:t plus d'avantage à
tourner la grande confommation vers les matières
qui tiennent au labourage , & à rapprocher toutes
les bouches de la charrue , ce • qui exciteroit l'ac*
croiffement des beftiaux, & par conféquent |a
fécondité du fol & l'amélioration de la culture.. .
Si les boucheries jouiffoient d'une liber té, qui
feroit certainement. leur perfection , les étaux
feroient bien plus abondamment pourvus. La.
bonne viande feroit pour le riche qui ne craindroit
pas d'y mettre le prix, tandis que celle qui n'aurbit.
qu’une baffe qualité, demeureroit au pauvre ; &
celui- c i , en fe contentant d’une nourriture inférieure,
ne la paierait du moins que comme telle*
Les entrepreneurs des boucheries font communément
en tonds : ils jouiffent de quelque aifance.
On fe fert de ce prétexte pour réduire toujours
davantage le taux de la viande, comme s'il n'étoit
défavantageux que pour eux; on ne voit pas qu’ils
ne fe foutiennent que parce que le prix demeurant
égal, les fournitures font différentes; qu'à mefure
qu'ils feront foulés par le taux, ils débiteront en
plus grande quantité la plus mauvaife viande. On
oublie enfin que le monopole comporte de gros Frofits, & que ces entrepreneurs retirent tout
avantage de celui que fe permettent les villes.
Les conféquences de ce détordre font accablantes
: la confommation diminue, & avec elle le
produit des campagnes j les fources du commerce
ne peuvent que baiffer d'une manière fenfible, &
celles de l'impôt doivent fubir le même fort; car
une chaîne imperceptible lie à la fois toutes ces
parties. On conçoit l'analogie qui règne entr'elles:
fitôt qu'elles forment un enfemble & qu'elles fe
dirigent d'après une impulfion livbre , les révolutions
les plus heureufes naiffent ; on marche à
grands pas vers l'opulence publique. C e cercle du
tou t, fe forme de lui - même ; il s'agit feulement
de ne le point troubler (1 ).
( Cet article eft de M. G r i v e l .')
B O U IL L O N ( duché de ). Voye^ le DiCtion-
ijaire de Jurifprudence.
B O U L A N G E R , que quelques - uns écrivent
boulenger, f. m. Mot qui tire fon origine du latin
pu/x , bouillie 3 prono'ncé d’abord poulx 3 8c
enfuite boulx, en s'adouciffant, eft le nom qu'on
donne à celui qui pétrit, qui cuit le pain, 8c qui
le vend au public. •
B O U L A N G E R IE , f. f. eft non-feulement le
lieu ou fe fait la manipulation du pain , mais en*
jcore l'ait & la profeflîon du boulanger.
, Selon les livres faints , la culture des grains
pcnir la nourriture de l'homme date des premiers
temps- de l'hiftoire des patriarches. C e pendant
, foit que les grandes révolutions qui ont
bouleverfé le globe , foit que les malheurs arrivés
au genre humain euffent fait perdre la' con-
noiffance de l'art nourricier , il ne paroît pas
qu'il fût connu des premières fociétés policées,
puifqu’ori y jugea dignes de l'apothéofe Offris ,
C e r è s , Triptolême , qui les premiers enfeignè-
rent aux peuples l’art de cultiver les grains , &
la méthode d'en fubftituer l'ufage àcelui du gland.
- On ne trouva le moyen de faire du pain avec
les grains réduits en poudre, que long-temps après
rinvention de l'agriculture. Rôti fur unâtre échauffé
, le bled fe mangea d'abord en fubftance (2).
La trituration du bled bdfé entre les dents 8c
imbibé de falive, fit naître enfuite l'idée d'écra-
fer les grains entre deux pierre-s & d'en délayer
la farine avec de l ’eau ; & ce mélange remué 8c
échauffé fur le feu produifit de la bouillie. C e fut
de cette bouillie rendue plus épaiffe & changée
en pâte , qu’on s'avifa enfin de faire des pains ou
gâteaux, en les mettant cuire fous la cendre chaude
pour leur donner, de la confiftance. Telle fut
la première méthode de faire du pain , méthode
long-temps fuivie , quoiqu'elle ne donnât qu'un
pain mat & azyme. Pour le rendre moins lourd ,
on le faifoit fort mince ; c’étoit une forte de
galette q.ui ne fe coupoit point : on le rompoit
fimplement avec les doigts pour le fe rv ir , ou
pour le manger.
On n'a vraiment connu le pain , que lorfqu'on
a eu trouvé le moyen de fomenter la pâte en y
mêlant du levain. Le hafard ayant fait découvrir
que ce levain, qui n'eft qu’un peu de pâte aigrie
, .pétri avec la farine, éçhauffoit & gon-
floit la pâte où il étoit mêlé, & qu'un jufte degré
de fermentation rendoit le pain léger & favou-
reux , l'ufage du pain levé s'établit par-tout, 8c
le premier des alimens devint pour l'homme plus
fam & plus agréable qu'il n'étoit auparavant.
Chaque maifon, chaque famille fabriqua d'abord
fon pain , & la profeffion de boulangers
publics ne fut exercée qu'affez tard chez les nations
civilifées 3 mais, dès qu'elle y fut admife
& autorifée, on crut devoir l'affujettir, ainfi
que celle des bouchers 3 à divers règlemens d e
police qu'on jugeoit propres à la rendre plus utile
au peuple, plus exaéte & moins coûteufe. On
peut même dire q u e , de nos jours comme an-,
ciennement , la boulangerie a été de tous les arts
celui qu'on a fournis à plus de règlemens, d’inf-
peétions & de taxations.
Pour ce qui regarde le détail des règlemens.
& de la police moderne concernant la boulanger
ie 3 voyez l’article B o u l a n g e r dans les Dictionnaires
de Commerce & de Jurifprudence.
Depuis l'invention du levain , la boulangerie a
fait de grands progrès chez les nations agricoles ;
cependant elle n’y a pas atteint, comme plu-
fieurs arts d'agrément, le degré de perfection auquel
fon extrême importance devoit naturellement
l'élever. Si on s'étonne de cette différenc
e , & qu'on en cherche la raifon, on voit d'a-.
bord que la boulangerie ne doit pas être confidé-
rée d'une manière ifolée, & que de même qu'elle
influe fur le bonheur du peuple, par la bonne
(1) Une partie de cet article eft tirée d’un .mémoire qui, occafionna l’arrêt du parlement de Daupkiné Ju y mars
1770, lequel établit dans fon reffort la liberté du commerce de la viande. L’auteur eft un magiftrat , dont un pareil
ouvrage prouve les lumières & l’humanité.
( % Ç’efl ainfi que les foldats ruflès en ufent encore fouvent dans les longues. marches qu’ils font à travers les vaftac
défères de leur pays, où l’on ne pourioit leur fournir du pain qu’avec beaucoup de difficultés & de dépenfes,
B b b i