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font accules de les avoir précipitées par une ani-
mofite perfonnelle. Les zuricois vouloient réduire
les deux cantons , e:i leur refufant le paffage des
grains que ces peuples montagnards tirent de L’étranger.
Mais ceux -ci , appuvés du fecours des
autres confédérés, forcèrent a leur tour les zuricois
a foumettre tous leurs différends à un jugement
prononcé , fuivar.t la forme qu'ordonnaient
les traités. Ils furent condamnés à fe défiller xle
quelques petites conquêtes & des prétentions qui
faifoient l'objet de la querelle , & s'engagèrent à
perpétuité à ne jamais gêner les cantons , par
rapport au tranfît des denrées. Ils accufèrent ces
décrets de partialité. Pour marquer leur reffenti-
ment & fe ménager au befoin un nouvel appui ,
ils fe liguèrent avec l'empereur Frédéric I I I , & les
autres princes de la maifon d' Autriche que les confédérés
regardoient toujours comme les anciens ennemis
de leur liberté. Ils crurent fauver les apparences
en relervant les traités de confédération ;
mais le canton de Schwitz s'éleva avec vivacité
contre un engagement , dans lequel il voyoit' une
léfion mani felle des traités d'union , & fomma
les zuricois de foumettre leur nouvelle alliance avec
les princes à l'examen & au jugement des cantons.
Les zuricois j fe fondant fur un droit qu'ils s'é-
toient réfervé dans tous leurs traités antérieurs ,
refufèrent de compromettre un privilège auffi ef-
fentiel devant des juges'qui pouvoient leur paraître
intéreffés ou prévenus.
Menacés par les confédérés , ils fe jettèrent entièrement
dans les bras des princes ,. & reçurent
les garmfons que leur envoya la nobléffe autrichienne.
On reprit les armes. Dans un combat
aux portes de la ville, les zuricois & leurs alliés
furent défaits, & le::.; bourguemeftre tué. Bloqués
dans leurs murs, ils .virent pendant deux campagnes
leur territoire cruellement faccagé. C'étoit en
même-temps une guerre civile entre Zuric & quelques
cantons, & une guerre de rivalité entre les
confédérés & le parti autrichien. Berne, Bâle &
Soleure, bien dilpofés en faveur de Zuric , dirigèrent
leurs efforts contre les terres des ducs.
Ceux-ci j trop foibles pour protéger leurs fujets
& leurs alliés, appelèrent des troupes étrangères.
Louis, dauphin de France, s'approcha avec
une forte armée, pour difperfer le eonciiç de Baie
& dégager Zuric. Alors fe paffa cette fameufe
journée de S, Jacques près de Bâle, où douze
cens fuiffes attaquèrent fi opiniâtrement l'avant-
garde de 1 armee du dauphin, qu’ ils fe firent tuer
prefque raus fur le champ de bataille. C e prince,
qui a régné depuis fous le nom de Louis XI, fe
contenta de cette preuve de leur valeur, dont il
£é fouvint dans la fuite. Leur défaite refroidit du
moins le reffentiment des cantons contre les zuricois
& ceux-ci plus las encore de la guerre,
s'eftiraèrent heureux d'obtenir la reftitrution de
leurs pays , en abandonnant le fond du procès.
P'aprçs un décret ^arbitres prononcé, cpnfor-
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mément au traité d'union, l'alliance avec 1*Autriche
fut annullée, & la confédération fut confirmée
de nouveau.
Ainfi les fept cantons , par une guerre fan*
glante & des pacifications forcées, conftatèrent
deux axiomes important de leur droit public. Le
premier , que tout différend entre les cantons doit
etre fournis à la négociation , ou au jugement des
cantons neutres, & que ceux-ci peuvent employer
les armes, pour réduire le parti qui refufe de fe
foumettre au décret, & de donner fatisfadion
pour les hollilités qu'il a commencées ; cètte condition
pofitivc ell énoncée dans le traité des trais
premiers cantons , qui fait la bafe de la confédération.
Le fécond axiome ell que, nonobllant le privilège
réfervé par divers cantons de former de
nouvelles alliances, les autres confédérés ont le
droit de juger, fi un tel engagement ell compatible
avec celui de leur union générale. Cette
dépendance affujëttiffoit indirectement tous les
cantons à la condition de ne pouvoir former des
alliances, fans le çonfentement des~autres coiv
Jfédérés.
Nous avons un exemple d'une date antérieure ,
q ui, au premier coup d 'oe il, pourrait faire juger
que les confédérés s'attribuoient une influence
même fur les affaires intérieures de chaque canton.
Il s’étoit élevé, en 1404, un différend entre
la ville de Zoug & les trois communautés, qui
partagent avec elle, dans une certaine proportion,
les droits & les emplois de ce gouvernement démocratique.
Les communautés qui demandoient
une plus grande égalité, étoient foutenues par un
parti nombreux des habitans de Schwitz; ceux-ci,
en même-temps qu'ils offraient de prêter main-
forte , infinuaient aux communes que les cantons
h'avoient aucun titre' pour s’immifeer dans leur
querelle. Les cantons -, appellés par les bourgeois
de Z ou g , terminèrent ces troubles les armes à la
main. Mais nous ne pouvons envifager cette démarche
que comme auxiliaire, ou tout au plus
comme l'exécution d?une garanti© de l'ancienne
conflitution. L'intérêt commun femble, au rçfte,
inviter les cantons - à fe déclarer médiateurs &
garants, lors même que les traités ne les appellent
pas pofîtivement à jouer ce role.Lestems poflérieurs
fourniffent plufieurs exemples, qui confirment notre
opiniqn.
La conquête de laTurgovie en 14(30, les inquiétudes
que les cantons ne ceffoient de caufer
aux ducs d'Autriche, occafîonnèrent leurs liaifons
avec Charles, dernier duc de Bourgogne. Ces
liaifons produisirent la guerre célèbre, imprudemment
entreprife par-les cantons, & terminée par
trois défaites & par la mort du téméraire Charles.
Louis X I avoit fomenté la querelle pour occuper
l'afnbition d'un • rival dangereux ; il profita de fa
chute, tandis que les fuiffes recueilloient une
gloire plus éclatante Qu’utile. Nous fommes
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penfe's d'en dire davantage dans un article def-
tiné feulement à l’hifloire du droit public.
Cependant cette guerre fut l'époque de deux
liaifons importantes pour la nation helvétique : la
paix & l'union perpétuelle -avec la maifon d'Autriche
, & l'alliance avec la couronne de France.
Déjà en 1471 Louis XI avoit ménagé un traité
de pacification entre Sigifmond d’Autriche & les
cantons, qui fe préparoient à entrer en guerre,
avec le duc de Bourgogne. C e traité contenoit la
renonciation formelle de Sigifmond aux terres
conquifes fur les ducs fes predéceffeurs, par les
confédérés 5 la promeffe de paix & de garantie
réciproque pour leurs pays., l'acceptation de l’ évêque
ou de la ville de Bâle, au choix des parties,
pour être les arbitres ou les juges des différends,
entre les états ou-les fujets réciproques, & l'engagement
de forcer les réfradaires à cet arrange-.
ment, & d'exécuter lev decret des arbitres ; les
deux puiffances fe promirent des troupes auxiliaires,
à la folde de la partie qui les demandèrent, &
pour sûreté de la barrière, le duc s'engagea à ouvrir
aux troupes des confédérés les quatre villes
forêtîères fur le Rhin.
L'alliance formée avée Louis XI en 1480, n'é-
toit au fond qu'un contrat mercenaire, par lequel
les cantons abandonnoient au roi le fort des francs-.
comtois, & lui vendoient leurs fervices à un prix
proportionné à d'opinion que Louis avoit conçue
de leur valeur. C e traité fervit de bafe à ceux que
les cantons firent dans la fuite avec la couronne
de France. Ils rouloient à peu-près tous fur cet
intérêt oppofé, d'une part de vendre chèrement
fes fervices, & de l'autre de les payer à bon compté.
Il devoit réfulter de-là, que les fuiffes profiteraient
fouvent desbefoins de la France pour hauffer
leurs demandes, & que leur avide crédulité ferait
fouvent déçue par des promeffes illufoires.
Ces alliances nous paroiflent moins des engage-
mens pris par les confédérés en corps, qu'une
affociation de traités particuliers ; puifq.ue chaque
canton étoit libre de ne pas s’y intéreffer. Nous
voyons fouvent varier le nombre des cantons qui
prenoient part à ces capitulations, & nous voyons
aufli des villes.ou pays, alliés avec quelques cantons
feulement, telles que Fribourg, Soleure,
Bâle, AppenzeU, avant leur admiffion dans la ligue
, participer à ces alliances fur le même, pied
que les cantons. Ces villes avoient alors avec les
confédérés exactement les mêmes rapports, qui
fubfiftent encore; aujourd'hui entre les cantons &
quelques petits états, appellés les allies ouajfociês
de la ligue des fuiffes.
■ Une rivalité fécrette entre les confédérés avoit
refroidi leur empreffement à étendre la ligue. Le
befoin preffant de la défenfe de leurs perfonnes &
de leurs propriétés , n'avoit pas permis aux premiers
confédérés de faire attention à la diverfité-
des principes de leurs conflitutions particulières ;
mais les captons ariilocratiques ayant fait des con-
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qüêtes pour leur propre compte, ils ne tardèrent
pas à exciter la jaloufie des cantons démocratiques
; fur-tout après que ceux-ci eurent tenté
avec fuccçs de conquérir à leur tour des fujets ;
efpèce d'ambition qui pouvoit d'abord paraître
contradictoire avec l'efbrit de leur conflitution.
Cette jaloufie fe manifella dans toute fa force au
milieu des contellations occafionnées par l'extinction
de là maifon de Toggenbourg. Les villes ne
virent pas fans mécontentement les excès auxquels
fe livrèrent alors les cantons populaires dans leurs
hollilités contre Z u r ic ; & fans l'inimitié contre la
maifon d’Autriche, qui fe mêla de cette querelle,
on ne fait pas fi elles fe feraient prêtées à des
moyens auffi extrêmes. Durant la guerre contre le
duc de Bourgogne, plufieurs cantofis ne fournirent
des troupes, que fous la reftriCtion qu'elles
ne ferviroient ni aux fièges, ni pour faire des
conquêtes. L'habitude de la victoire infpiroit aux
communes, fur-tout à celles des cantons démocratiques,
une préfomption indocile; les dépouilles
du duc Charles, les rançons extorquées aux
fujets de la maifon de Savoye , les perdions de
Louis X I accumulèrent fubitement des richeffes ,
qui mal partagées , ou pillées & diffipées, exci-
toientchez une milice indifciplinée une cupidité fi arrogante,
que les villes avoient également à craindre
des invafions de ces bandes ameutées , & des
foulevemens de leurs propres fujets. Au milieu de
ces allarmes elles formèrent une affociation dé-
fenfive, qui fit tout-à-coup éclater l'oppofition
des divers préjugés. Heureufement cette crife fe
termina par une réconciliation qui fait époque
dans l'hilloire dü droit public des fuiffes.
■ C e fait nous offre un tableau vraiment intereP.
fant. Un refpe&able anachorète, Nicolasde Flue,
defeend de fa retraite dans l'affemblée des députés
à Stantz ; & là , par une éloquence moddle,
aidée de la vénération qu'infpire une piété auftère ,
il rallume dans les coeurs des <epréfentans de la
ligue les fentimens de la fraternité nationale, &
devient l'arbitre des cantons. La célèbre convention
de Stantz ell un monument immortel du
triomphe de la jullice & de la vertu fur un peuple
prêt à fe corrompre & à fe divifer, mais dont
le caraélère primitif n'étoit point encore effacé par
des opinions & des habitudes étrangères.
Les confédérés fe promirent une protediort
mutuelle contre toutes les violences des peuples
voifins, & contre les foulevemens intérieurs dans
chaque état : ils attribuèrent à la jullice de chaque
lieu la punition des perturbateurs du repos public.
Ils réglèrent le partage des bénéfices qu'on retirerait
de la guerre, fuivant la proportion des con-
tingens de troupes, fournis-par chaque canton. Ils
confirmèrent leurs anciens traités d'union ; & ils
s'engagèrent à en renouveller le ferment tous les
cinq ans. Enfin ils rappelèrent encore le pade fait
en 1370, au fujet de la jurifdidion eccléfiaffique*
& celui de 13 5? 3 , relatif à la police militaire.