
tive 8c plus s tire.,D’ailleurs il eft beaucoup plus '
aifé de trouver des fujets propres à régir une
branche particulière , quJà en diriger plufieurs j f
celui qui eft au-delfus de fa befogne travaille avec i
plus de zèle, d'ardeur , de fatisfadfion, & con- j
féquemment avec plus de gloire pour lui 8c davantage
pour le public.
L'adminiftration eft ordinairement mieux ordonnée
dans les grands états que dans les petits.
Cela vient fans doute de ce que l'immenfité des
affaires fait mieux fentir Je befoin de Tordre , ou
de ce que les grandes affaires formant les grands
hommes, ceux-ci mettent dans la régie l'efprit
d'ordre 8c d'arrangement qui eft dans leurs vues 8c
dans leurs penfées. On reproche à prefque toutes
les petites cours d'Allemagne, dit M. de Mofer,
de n'avoir point de fyftême de théorie ni de pratique
} il y en’ a où l'on n'apperçoit pas même la
trace de quelque ordre. Remontez à cinquante ou
foixante ans, ou jufqu'à un fiecle fi vous voulez ,
vous trouverez une fuite de maîtres & deferviteurs
nés & élevés enfemble , qui perpétuent d'âge en
âge l'ancien défordre. Le même écrivain qui a étudié
8c fenti plus profondément que perfonne cet
abus fi nuifible aux fbuverains 8c à leurs peuples ,
a jprbpofé une méthode qui pourroit avec le temps
rétablir l'ordre dans toutes les branches de l'admi- i
niltration. il forme quatre colleges , un confeil,
privé ou de régence, un confiftoire, une chambre
des revenus ou des finances , & un confeil de
fuerre , divifés chacun en plufieurs bureaux con-
és à autant de fujets habiles & intègres.
De La fageffe dans la direction des affaires. La fa-
geffe doit préfider à tous les confeils, régler toutes
les dédiions , fe faire toujours entendre par
l'organe des miniftres 8c de leurs fubordonnés.
Elle eft fur-tout néceffaire aux*chefs. Leur probité
, leur prudence , leurs lumières influent juf-
ques fur les moindres parties de l'adminiftration ,
8c entraînent les fubalternes. Si les chefs font cor-r
rompus , la corruption fe communique par degrés
jufqu'aux moindres commis , & infeéte toutes les
affaires. Il n'eft point d'état qui n'ait pu recon-
noître cette vérité.
Les rois qui font des gentilshommes, des in-
tendans, des gouverneurs, des miniftres, ne fau-
roient faire des hommes habiles ou des hommes
vertueux. Ils donnent des titres , des honneurs,
des richeffes , mais ils ne peuvent donner ni les
talens ni la vertu. Heureux celui qui fait diftin-
guer le mérite dans la foule des courtifans , l'ap-
percevoir dans l'obfcurité, & le chercher au fond
d'une province où il languit I
Le miniftre, le préfidènt , directeur ou fénateur
qui eft à la tête d'un département, doit furpalfer
en lumière tous ceux qui font fous fes ordres >
fans cela les fubalternes manqueront de confiance
en lui} ils feront la critiqùe de fes dédiions > ils ,
ne feront pas portés à y fouferire. On forme des
plaintes 8c des murmures contre une adrainiftratîon
qu*on ne croit pas affez éclairée, & on fe
foumet volontiers au gouvernement d'un homme
dont la fageffe eft connue.
Un chef de département eft refponfable du mal
qu'il fait, & de celui qu'il laiffe faire , du bien
qu'il ne fait pas 8c qu'on attend de lui 8c des
hommes qui font fous fes ordres. Il ne peut
donner fon ignorance pour exeufe , car il ne doit
rien ignorer de ce qui fe paflè fous fa dire&ion.
Chargé de nommer aux emplois de cette branche
des affaires publiques qu'il dirige , il eft digne de
blâme s'il choifit mal. Il faut qu'il connoiffe affez
les fujets pour les employer fuivant leurs qualités ,
leurs talens , leurs inclinations : ce dernier article
eft auffi eflendel que les autres , car fi on réuflit
ordinairement aux chofes qu'on fait avec goût,
lorfqu'on a d'ailleurs l'habileté néceffaire , il eft
rare qu'on fe diftingue dans un emploi pour lequel
on a de la répugnance. C ’eft donc un trait
de fageffe d'employer les hommes aux chofes qu'ils
aiment. Le dégoût amene la négligence, la pareffe
& toutes fortes d'abus.
De La promptitude dans l’expédition des affaires.
Il eft des départemens , des colleges , des bureaux
dont on loue l'exaélitude 8c la célérité. On
n'y eft jamais rebuté j on y trouve des chefs en
état de parler à chacun de Y affaire qui le concerne*
On y reçoit toujours des réponfes fat^faifantes ,
lors même qu'elles font défavorables. Mais il en
eft d'autres où les affaires languiffent, où les môin*
dres commis font inabordables , où l'on éprouve
des délais fans fin , des difficultés fans nombre ,
où l'on vous donne des raifons pitoyables, &
enfuite des décifions mal vues 8c contraires aux
principes d'une bonne adminiftration. Ces derniers
bureaux ont des maximes qui favorifent la
négligence, l'injuftice même, 8c dont on s'écarte
rarement. D'abord on ne fait prefque pas attention
aux affaires dont les parties intéreffées ne
follicitent pas l'expédition : malheur donc à celui
qui compte trop fur le zèle des miniftres de
l'autorité ! On l'oublie, s'il eft affez fimple pour
croire que l'adminiftration’ il fouviendra lorsqu'il
n'a pas foin de fe montre*. On dit froidement 8c
on le penfe : s'il importoit à cet homme de voir
la fin de fon affaire , il la folliciteroit. . . . Mais
s'il la follicitoit feroit-il sûr de l'obtenir ? Point
du tout j car une autre maxime que l'on fuit aufli
exactement, c'eft qu'il faut employer tour-à-tour
la douceur 8c la rüdeffe , pour fe délivrer des fol-
liciteurs importuns. La meilleure manière de s'en
délivrer , feroit de faire prononcer fur leur fort.
Ces lenteurs infupportables pour les particuliers,
ne manquent guères de caufer de juftes plaintes.
Un miniftre eft l'homme du peuple , l'homme
de l'état , l'homme de chaque particulier. L ’ affaire
du moindre citoyen le regarde , comme fi
c'étoit la fienne propre , puifqu'il s'en eft chargé
en entrant dans le miniftère, & fi par fa faute,
elle traîne en longueur, il manque au. particulier * à
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l’état & à lui-même. S'il eft digne de fapîace,ilfe fera
un devoir, un honneur de la remplir dans toute fon
étendue,de partager fes foins entre toutes fes fonctions,
fans en dédaigner aucune. Il animera par la rapidité
de fon travail, celui des fubalternes. Il fera
toujours au courant j aucune requête, aucune plainte
, aucun mémoire ne reliera dans les bureaux .ou
entre fes mains, que le temps néceffaire pour être lu,
examiné , répondu , expédié avec la promptitude
qu on doit attendre d'une adminiftration diligeufe
8c active. L'ordre dan sl'ts affaires en accélère beaucoup
1 expédition -, un efprit éclairé , expérimenté,
qui voit d un coup d'oeil toutes ; les faces d'un
objet, qui faifit le vrai point de la queftion la plus
embrouillée, 8c fe décide d'après des principes
invariables , la hâte encore davantage. Un chef
de bureau qui connoît à fond fon département,
expédié plus d affaires en un jour que n'en pourvoit
finir en un mois un commis; dépourvu de-
lumières j celui - ci eft embarraffé à chaque cas
nurV^aU J ne W quà tâtons , eft fouvent
obligé de revenir fur fes pas. Il eft dpnç très-important
que les emplois fuper'eurs & inférieurs de
1 adminiftration foient remplis par des hommes
mllruits , laborieux , aélifs 8c intègres. Sans cela
on ne peut efperer qu'il y ait jamais de l’ordre
dans les affaires , de la fageffe dans la direction
, de la célé-rité dans l'expédition,
jij'^ Fî!AII^ES étrangères. On donne le nom
d affaires étrangères à tous les intérêts qu'un prince,
une republique ou un autre corps politique peut
avoir à traiter, à difeuter avec les autres puiffan-
xes. La politique extérieure des états, n'étoit pas à
..beaucoup près auffi compliquée autrefois qu'elle l'eft
au|oiird hui. Les grands intérêts des peuples fe de- :
jcidoient prefque toujours par la force des armes 8c
trarement par la voie de la négociation. Chaque
|etat n avoit guères^ à traiter qu'avec fes vôifîns j
J p Çonnoiflances géographiques étoient fi impar-
|raites, çju'on ignoroit fouvent jufqu'au nom des
|Peuples éloignés. On apperçoit cette ignorance
Mans toutes les hiltoires anciennes. Tacite, le meïl-
Jeur politique de fon temps , Tacite-qui avoir parcouru
la plus grande partie de l'Allemagne , dit
pu au-delà de la mer baltique, il n'y a point de
..terres au nord (i) ; il ne foupçonnoit pas même
•• exiitençe de ces contrées que nous appelions Dan-
,nemarck , Suède , Norwege , Laponie , Livo-
p e , Finlande, &c.
Les Romains envahirent tout j mais ce fut par
des travaux militaires , par le courage & la.conf-
îance , plu:ot que par une conduite douce , ineë-
meuf^ &■ fage, fruit des réflexions du cabinet.
, out le“ r fyfteme politique fe réduifoit à attaquer
; es peuples les uns après les autres ;, à augmenter
pleur puiffance de celle des vaincus , & à foutenir
avec intrépidité les revers de la fortune. Ils du-
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■ rent leurs fucces â leur difciplîn.e militaire , à la
foiblefie, aux vices du gouvernement des autre*
nations, au hafard. Nos meilleurs auteurs jugeant
des motifs par les effets, prêtent aujourd'hui à ces
Romains des vues profondes, des combinaifons
mgénieufes 8c des principes invariables. On attri-
bue a la prévoyance, à l'habileté des chefs de la république,
& a l'excellence de leurs maximes d’état
des evenemens que la fortune feule ou l'enchaînement
fccret des chofes humaines ont produit.
On trouve toutes ces belles chofes dans les hif-
tonens modernes j mais lorfqu'on ouvre les annales
de Rome, on n y voit qu'un peuple intrépide &
heureux, qui d une année à l'autre multiplioit fes
ufurpations par la force de fon caraélère. Quoi
qu il en fpit , les Romains ne prévirent pas que
îeur puiffance trop étendue 8c trop colofkde' dé-
truiroit infailliblement la liberté & enfuite l'état.
Cette faute capitale avouée de tout le monde,
annonce peu de progrès dans l'art de la politique.
C eft 1 etendue des domaines de la république
qui permit a Cefâr d affervir fon pays. Nous
voyons en Europe des monarchies & des républiques
qui fubfifte;nt depuis plus de douze
fieclesi & il y a lieu de croire que la durée de
1 empire romain auroit été très - longue , s’il
avoir eu pour bornes Ja mer adriatique , la mer
de Grèce , la mer d’Italie & les Alpes. Arcadius
& Honorius partagèrent l'empire, 8c l'une de ces
portions formoit encore une monarchie très-puif-
fânte & tres-rédoutable.
Pendant la décadence 8c après la deftruâion de
1 empire Tomain, on vit fortir de fes débris plu-
fieurs'états de moyenne grandeur. Il fembloit que
les peuples de l Europe, délivrés du joug des empereurs
romains, rentroient dans leurs droits naturels.
Charlemagne raffembla quelques parties
eparfes de ce vafte corps , 8c en compola une
efpece de monarchie nouvelle ; mais , après l'ex-
tinction des Carlovingiens, elle fut de rechef démembrée
j & depuis cette époque l'Europe fe
trouve partagée en différens royaumes, républi-
ques ».principautés 8c autres états indépendans,
qui fe foutiennent par leurs armes on par leur po-
litique. On conçoit qu'il faut plus de lumières,
d art & de prudence, pour ménager les intérêts de
tant de purflfances à-peu-près de force égale, que
pour fane valoir ceux d'une monarchie unique ,
dopt les fujets fans celle armés remuoient tout au
gre de leurs volontés. Il n’eft pas fi aifé d'entretenir
dans un mouvement toujours égal une piece de
mechanique compofée de reflforts délicats & caches
, que de faire agir une machine immenfe qui
j e meut, 8c qui entraîne tout par là propre force.
L inégalité de puilfance , qui fubfifte aujourd'hui
entre les diyers états del'EuroDe, les mariages
qui reunilfent les grandes maifoûs , les alliances
£ J ) Voyez le livre de Moribus germanorum,