
m C H I C H I
» confervation de la fociété & leur prfipre bon-
,, heur dépendoient de leur fidélité à remplir ces
» devoirs; enforte que perfonne ne pût être tente
« d'en violer aucun , fans être obligé de juger
» qu'il alloit devenir un mauvais père, un fils in-
» grat 3 un frère dénaturé ; porter, une atteinte fu-
» nefte au bonheur public, encourir la haine du
» Tien 3 & attirer fur lui la honte , le chagrin &
» le malheur. . ..
jj Les légiflateurs chinois établirent donc une
» inftruCtion de morale & de politique dans tout
» rempire : l'empereur Yao en donna la direction
jj à fon frère ; il le chargea d'expliquer & de faire
» enforte que l'on expliquât à tous les chinois les
sj rapports eflentiels que la nature établit^ entre les
» hommes qui vivent en fociété, & qui forment
» une grande famille çompofee de plufieurs fa-
» milles particulières.
Cette inftru&ion s'étendit à tous les ordres de
l'état ; 8c voici comme elle fe donnoitcomme
elle fe pratique encore.
L'empereur afîemble de temps en temps les
grands de la cour 8c tous les premiers mandarins
des tribunaux 3 pour leur faire une inftruéhon fur
le gouvernement 3 fur les devoirs réciproques des
citoyens, fur les obligations des empereurs 8c des
miniftres, fur les avantages de la vertu ^ i) .
jj Le premier & le quinzième jour de chaque
jj mois , dans toutes les villes , un mandarin char-
jj gé d'inftruire le peuple, afîemble les gouver-
» neurs, les mandarins, les préfets & tous les
jo citoyens, & fait un difcours fur quelques-uns
» des devoirs du père, du fils, de 1 ami, du ci-
jj toyen : il développe tous les principes de ce
90 devoir , & fait connoître les avantages qu'il
»9 procure à la fociété 8c à ceux qui le pratiquent.
Dans les lieux où il n'y a pas de mandarins ,
deux anciens font chargés de faire cette inftru&ion.
jj Tous les jours un vieillard vénérable par fes
jj vertus marche dans les rues, une cloche à la
» main ; & à certaines diftances, dans les places ,
93 & aux carrefours, fait l'énumération de tous
» les devoirs que chaque citoyen doit pratiquer,
s» 8c termine cette efpèce d'inftruCtion, en difant
39 qu'elle renferme les ordres de l'empereur.
Telle eft l'inftrudlion qu'on donne encore à la
Chine aux perfonnes en place & aux chefs de famille.
Les légiflateurs ajoutèrent à la force de l'inf-
tru&ion l’autorité des loix, en faifant des obliga-
99 tions civiles de tous les devoirs que la morale
jj prefcrivoit, & portèrent les citoyens à remplir
99 ces devoirs par les motifs les plus puiflans fur le
99 coeur humain (2).
§. V I.
De l'éducation nationale. _
99 Les foins des légiflateurs de la Chine pour
30 l'éducation, précédent la naiflance du citoyen...
Les rites enfeignent 8c prefcrivent aux mères
tout ce qu'elles ont à faire pendant leur grofleffe,
enforte qu'en s'y conformant , elles mettent au
monde des enfans bien conttitués, & dont l'ame
n'a reçu dans le fein maternel aucun obftacle particulier
à la vertiT(3). _ , ' .
Si la mère ne nourrit pas fon enfant, il faut lui
* choïfîr une nourrice, qui foit en même temps capable
d'être fa gouvernante, qui foit modefte ,
tranquille , tendre , foumife , affable, complai-
fante, attentive, prévoyante, filencieufe (4).
Tous les enfans en fortant des mains de la nourrice
font élevés enfemble ; ils s’habillent eux-mêmes,
&fe rendent tous les matins dans l'appartement
du père 8c de la mère : dans cette vifite,
toute la famille eft occupée à procurer au père 8c
à la mère tout ce qui peut leur être agréable.
C'eft une efpèce, de culte religieux que toute la
famille rend aux chefs ; chacun le rend avec plaifîr
& fe reprocheroit d'y manquer.
Ainfi le refpeCt pour les parens eft la première
habitude que l'enfant, contrarie, la première loi
de fa confidence ; & dès les premières années de
fa vie il trouve fon bonheur dans l'accompliffement
des devoirs de la piété filiale.. . .
Les pàrens inftruifent les enfans jufqu à l'âgè de
huit ans : ils leur apprennent les règles 8c les loix
de la politefle 5... on leur infpire de l'amour pour
tous les hommes , du refpeCt pour la vertu , de là
haine pour la méchanceté, du mépris 8c Ig IV
verfion pour l'emportement, pour la colère, pour
les grands parleurs, pour les étourdis, pour les
inconfidérés, pour jes avantageux, pour les glorieux,
pour les âmes dures, & pour tous ceux
qui ne refpe&ent pas leurs fupérieurs en âge, en
dignité, en mérite.
On les prémunit' furtout contré cinq vîces,
qu'on leur fait envifager comme le principe de la
fubverfion des familles, & comme des fources de
malheur 8c: de honte.
Le premier eft d'aimer paffionnément la volupté,
d'avoir en horreur la fobriété, de n'être occupé
que des, moyens de fe procurer des commodités ,
de reietter ou de dédaigner les exhortations que
l'on fait pour exciter la compaftion envers les
malheureux.
Le fécond vice eft d'ignorer lès manières 8c les
procédés des hommes lettrés , de ne pas goûter la
<i> H'ftoire générale de la Chine , tom. i , règne d’Yao, &c. Duhalde, tom. 2 , pag. jj.
(2) Obfetvat. prélim. des livres claffiques de la Chine, tom. 1 , pag. 47 & fuiv.
(3) Noël, philof. imp. JinenJis de ethic, asconomiça , cap. 1 , fiel. 1 > pag. sa9 > &c%
(4) Ibid , pag. 133.
do&rine des anciens fages, de ne pas s'humilier
intérieurement à. la vue des maximes 8c des vertus
des anciens héros, de ne faire qu'avec nonchalance
& en plaifantant ce qui demande de la célé- ,.
rité & de l'attention , d'avoir de l'averfion pour
les hommes éclairés, parce qu'on eft ignorant.
Le troifième vice eft de ne pas refpeCter fes fu-
périeurs, d'aimer les flatteurs, de ne trouver du'
plaifir dans la converfation, que lorfqu'elle eft fa- j
cétieufe ou frivole, d'écarter tout ce qui peut j
rappeller le fouvenir des moeurs fimples 8c des
rites des anciens fages, de ne relfentir que de
l'envie 3 lorfqu'on entend le récit des vertus des
autres, de divulguer leurs défauts ou leurs fautes, j
de fe familiarifer peu à peu avec le mal, d'attaquer
8c de détruire les principes d'équité 8c de juftice,
de fe parer avec complaifance & avec oftentation.
Le quatrième vice eft d'eftimer & d'aimer les
fpeélacles, de fe plaire dans les orgies , & d'en
louer avec affeélation. l'ufage , de meprifer l'exac-
titude à remplir fon office, de contracter telle- ‘
ment l'habitude de tous ces défauts, que l'on ne
puiffe s'en corriger.
Le cinquième vice eft de defîrer ardemment les
honneurs, les dignités ou les charges ; 8c pour
les obtenir de devenir efclave des hommes en faveur
8c en crédit.
De puiflans motifs engagent les parens à ne
point s'écarter des principes de cette éducation,
8c à regarder comme l'objet le plus important
pour eux, de former l'efprit, le coeur &le caractère
de leurs enfans fur ces maximes : i°. la ten-
dreflfe paternelle 5 2°. l'eftime publique accordée
aux pères qui ont des enfans vertueux ; gjf les
honneurs que l'on rend,, après la mort aux pères
dont les enfans fe diftinguent par leurs lumières 8c
par leurs vertus. Ce n'eft point le père qui ennoblit
le fils , c'eft le fils qui illuftre le père....
Voilà quelle eft chez les chinois l'éducation
jufqu'à huit ans : on leur apprend pendant ce temps
à compter, à diftinguer les points cardinaux, à
fupputer les jours félon le calendrier.
A huit ans ils paflent aux écoles publiques,
dont voici l'ordre :
On diftingue l'empire en Li-, c'eft-à-dire, en
efpaces qui contiennent 2 y maifons. Au bout de .
chaque Li eft une maifon à laquelle on envoyé tous
les enfans des 25 maifons, auffitôt qu'ils ont atteint
l'âge de huit ans. Cette école eft confiée à
l'homme le plus vertueux 8c le plus éclairé des
2 f maifons.
50 maifons font un Tarn j & c'eft dans cette
clafle qu'on fait pafler ceux qui ont profité fuf-
fifamment dans la clafle du Li.
Deux mille cinq cent maifons forment un Cheu:
dans ce Gheu il y a une clafle fupérieure, dans
laquelle on fait pafler ceux qui ont été inftruits
dans la clafle du Tarn.
Enfin il y a dans la capitale une clafle dans laquelle
on élève ceux en qui l'on a reconnu de
grands talens.
La première clafle eft celle des enfans ; les trois
autres font les claffes des adultes.
On ne peut entrer ici dans le détail des principes
8c des leçons qu'on y donne aux enfans de
tous les âges ; il nous fuffira de dire que chez les
chinois l'éducation de la mère, l'éducation de la
nourrice , l'éducation paternelle 8c l'éducation
civile 8c nationale, tendent à développer les inclinations
fociales, à ,-Ies changer en habitudes, à
ne pas permettre aux citoyens de chercher le bonheur
dans d'autres objets que dans l'amour 8c
dans la pratique des vertus fociales (1).
Il n'eft point de ville, de bourg, de village qui
n'ait des maîtres pour inftruire la jeunefle, lui
apprendre à lire 8c à écrire ; les villes confidéra-
bles ont des écoles où l'on prend comme en Europe
les degrés de licencié & de maître ès arts ;
celui de dodteur ne fe prend qu'à Pékin : ce font
ces deux dernières claffes qui fourniflent les ma-
giftrats & tous les officiers civils.
Tous les enfans chinois fans exception font obligés
d'aller aux écoles dès l'âge de huit ans; leur
alphabet confifte en une centaine de caractères
hiéroglyphiques, qui donnent la figure linéaire de
divers objets palpables ou vifibles, tels que le fo-
leil, la lune, l'homme, 8cc. Cette peinture réveille
leur attention, 8c fixe leur mémoire.
Ils étudient enfuite le San-tse-King, petit livre
qui eft le fommaire de ce qu'on doit apprendre.
Il contient, en trois caractères rangés en rimes, plufieurs
fentenees fort courtes. Quoiqu'elles foient
au nombre de plufieurs mille, le jeune écolier eft
obligé de les favoir toutes. Il doit réciter deux
fois par jour ce qu'il a appris ; & s'il y manque
plufieurs fois, il en eft puni par dix ou douze
coups de latte qu'il reçoit fur fon caleçon. Le«
écoliers n'obtiennent jamais de congés, 8c n’ont
de vacances qu'un mois au commencement, &
cinq à fix jours au milieu de l'année. On voit
que , dans ces petites , écoles il ne s'agit pas
Amplement de montrer à lire 8c à écrire; on y
joint en même temps l'inftruCtion qui donné un
vrai favoir.
Quand ils en font venus à étudier les Tséi-Chu,
livres qui renferment la doCtrine de Confucius 8c
de Memcius, on ne leur permet pas d'en lire d’autres
, qu'ils ne les fâchent par coeur. On leur apprend
en même temps à bien former leurs lettres
avec le pinceau, parce que l'art de bien peindre
les lettres eft fort eftimé chez les chinois. Les écoliers
connoiflent-ils aflez de caractères pour la com-
! pofîtion, on leur donne une matière à amplifier.
( e) Obfervat. prélim. des Iiyrps clalfiqucs de la Chine, tom, 1 , pag. 70*—
A a a a z