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voient même tefter. Cette loi étoit introduite ,
fans doute, pour engager le citoyen à vaincre ou
à mourir : elle étoit dure , même cruelle. S'il
eft quelques circonftances où il eft honteux de fe
rendre à l'ennemi , il y en a mille autres où l'opiniâtreté
à fe faire tuer feroit condamnable. On
peut dire en général que le poltron s'enfuit, 8c
que le brave homme fe fait tuer ou prendre.
On peut abfolument être citoyen fans être fûjet ,
lorfque ce titre eft donné Amplement comme un
titre d'honneur. Louis XI fut le premier des rois
de France qui eut le droit de bourgeoifie chez les
fuiffes. Les athéniens avoient donné ce|, exemple
fur la tête de plufieurs rois : on.a vu, de nos
jours, des républiques accorder ce même titre à
des particuliers qui ne ceflent pas d’être fujets de
leurs fouverains. Ce font des exceptions à la règle
générale.
Il arrive encore qu'une ville donne le droit de
bourgeoifie à une autre ville, qui en fait autant de
fon côté. L'une ne devient point fujette de l'autre
> mais le particulier de chacune peut fe rendre
fujet de celle des deux qu'il lui plaît de choifîr :
il peut changer fon habitation , & jouir du privilège
de citoyen, 'fans avoir befoin d'être naturalisé
: nous en avons plufieurs exemples en Suifle.
On peut encore être citoyen de plufieurs villes
fous une même fouveraineçé; mais on ne peut être
fujet de deux fouverains, à raifon des domaines
que l'on poftede dans les deux états, fans
leur confentement. Ils peuvent le donner fans con-
féquence pour une perfonne privée ; mais la faine
politique ne devra jamais fouffrir qu'un corps,
qu'un collège ou communauté reconnoifle une autorité
hors du territoire de la fouveraineté. Enfin
la naiflance, généralement parlant, fuffit pour faire
le fujet : il lui faut quelques conditions pour faire
1 çr'citoyen.
CLEMENCE , vertu morale propre aux fouverains
: le Dictionnaire de Jurifprudenceén a fait
un article auquel nous renvoyons : nous ajouterons
feulement ici quelques mots.
Quand fàut-il punir ? quand faut-il pardonner ?
C'eft une chofe qui fe fait mieux fentir , qu'elle
ne peut fe prefcrire. Si ‘la clémence a des dangers
, ces dangers font très-vifibles : on la diftin-
gue aifément de cette foiblefle, qui mène le prince
au mépris & à l'impuiffance même de punir:
L'empereur Maurice (i): prit la réfolution de
ne verfer jamais le fang de fes fujets. Anaftafe (2)
ne punilfoit point les crimes. Ifaac l'Ange jura que
de fon règne il ne feroit mourir perfonne. On a
vu, dans ces derniers temps , Elifabeth, impératrice
de Ruflie, former la même réfolution 5 il
ne paroît pas que ce grand trait de clémence air eu
des fuites facheufes : les délits ne furent punis fous
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fon règne que par l'exil , la prifon, le déshonneur
8c quelques peines corporelles, 8c on ne trouve
pas que les crimes aient été plus nombreux. L'empereur
d'Allemagne aCtuel a voulu imiter de fi nobles
exemples , ou , plutôt guidé par d'autres
principes non moins refpeétables , il a voulu abolir
la peine de mort dans fes états 5 mais il a cru
devoir réformer l'article de fon édit, qui regarde
les affaflins j & le philofophe qui admet le moins
de ces fortes d'exceptions, auroit bien de la peine
à décider nettement, s'il ne faut pas condamner
les affaflins à la mort.
CLERGÉ, voye{ le Dictionnaire de Jurifpru-
dence.
On y parle fort en détail des décimes, de la capitation,
de la fubvention, du don gratuit, du
dixième denier 8c de tout ce qui a rapport aux
contributions du clergé de France. Le même dictionnaire
reviendra encore fur cette matière en
d’autres articles, & nous nous contenterons d'ajouter
ici, par forme de fupplément, quelques
obfervations touchant les bornes que les Ioix doivent
mettre aux richeffes du clérgé. ~
Les familles particulières peuvent périr : ainfi
les biens n'y ont point une deftination perpétuelle.
Le clergé eft une famille qui ne peut pas périr :
les biens y font donc attachés pour toujours, 8c
n'en peuvent pas fortir.
Les familles particulières peuvent s'augmenter :
il faut donc que leurs biens puilfent croître aufli.
Le clergé eft une famille qui ne doit point s'augmenter
, les biens doivent donc y être bornés.
Nous avons retenu les difpofîtions du Lévitique
fur les biens du clergé, excepté celles qui regardent
les bornes de ces biens- : effectivement oa
ignorera toujours parmi nous quel eft le terme
après lequel il n'eft- plus permis à une commis
nauté religieufe. d'acquérir.
. Ces acquifitions fans fin paroiflent aux peuples
fi déraifonnables , que celui qui voudroit parler
pour elles, feroit regardé comme un imbécille.
Les loix civiles trouvent quelquefois des ohf-'
tacles à changer des abus établis, parce qu’ils
font liés à des chofes qu'elles doivent refpeCter :
dans ce cas, une difpofition indirecte marque plus
le bon efprit du légiflateur, qu'une autre qui frap-
peroit fur la chofe même. Au lieu de défendre les
acquifitions du clergé, il faut chercher à l'en dégoûter
lui-même, laifler le droit & ôter le fait.
Dans quelque pays de l'Europe, la confidéra-
tion des droits des feigneurs a fait établir en leur
faveur un droit d’indemnité fur les immeubles acquis
par les gens de main-morte. L'intérêt du
prince lui a fait exiger un droit d’amortiflement
dans le meme cas. En Caftille , où il n'y a point
de droit pareil, le clergé a tout envahi > en Arrar
(i) Evagre, hift.
’{*) ragmens de Suidas, dans Conftàntin Porphyrogénète-*
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gon , où il y a quelque droit d’amortiflemènt, îl
a acquis moins } en France, où ce droit 8c celui
d'indemnité font établis, il a moins acquis encore ;
& l'on peut dire que la profpérité de cet état eft
due en partie à l'exercice ae ces deux droits.
Augmentez-Ies ces droits , 8c arrêtez la mainmorte
, s'il eft poflible.
Rendez facré 8c inviolable l'ancien 8c nécef-
faire domaine du clergé j qu'il foit fixe 8c éternel
comme lui j mais laiffez fortir de fes mains les
nouveaux domaines.
Permettez de violer la règle, lorfque la règle
eft devenue un abus j fouffrez l'abus lorfqu'il rentre
dans la règle.
On fe fouvient toujours à Rome d'un mémoire
qui y fut envoie à I'occafion de quelques démêlés
avec le clergé. On y avoir mis cette maxime : le
3’ clergé doit contribuer aux charges de l'état,
7» quoi qu'en dife l'ancien Teftameat ». On en
conclut que l'auteur du mémoire entendoit mieux
le langage de la maltôte que celui de la religion;
CLEVES { duché de ) , petit état d'Allemagne
au cerclé de Weftphalie, appartenant au roi de
Prufle, électeur de Brandebourg.
Ses limites font vers le levant l'évêché de Munf-
ter & le comté de Recklin^haufen j vers le midi,
l'abbaye d'Effen, le duché de Berg, la principauté
de Meurs, une partie détachée de l'archevêché
de Cologne, 8c la G.ueldre pruflienne ; vers
le couchant , le Brabant 8c la Gueldrej vers le
nord, la même Guèldre 8c l'évêché de Munfter.
Sa longueur eft dé 16 lieues, & fa largeur de
4 à j lieues.
Précis de l1hifloire politique de ce duché. L'hif-
toire des premiers comtes de Cleves eft obfcure,
incertaine, 8c en partie fabuleufe. Ils étoient en
même temps comtes de Teifterbant. Le comte
Louis fut le dernier fouverain des deux comtés.
Son frère Everard prolongea la branche des comtes
de Cleves , & fon frère Robert commença celle
des comtes de Teifterbant. Everard, qui doit avoir
été le neuvième comte de Cleves, mourut en 83 y.
Jean, dernier comte de cette g branche , étant
mort en 1368, 8c Marguerite, fiHe du comte
Dietrich, fa mère 8c fon héritière., ayant époufé
Adolphe V, comte de la Mark, celui-ci devint
én même temps comte de Cleves. Adolphe, fils
d'AIphonfe V, fut créé comte de Cleves en 1417
à Confiance par l'empereur Sigifmond , 8c le
comté de Cleves fut alors érigé en duché. Jean III,
duc de Cleves 8c comte de la Mark, devint aufli
duc de Berg 8c de Juliers. Guillaume XII, fon
fils & fon fuccefîeur , hérita aufli du duché de
Gueldres, 8c en prit poffeflion en 15-38 5 mais il
fut obligé de céder ce dernier duché a l'empereur
Çharles-Quint en 1543. ApVès la mort du dernier
duc, Jean-Guillaume,( en1669), plufieurs mai-
fons prétendirent à fa fucceflion, qui coniprenoit
Juliers , Cleves s Berg, la Mark, Ravensberg ,
Ravenftein, Winnenthal 8c Breskefand. Oacomp-
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ta fur-tout parmi ces prétendaos : 1 °. la maifon de
Saxe. La branche albertine ou électorale alléguoit
l'expeCtative, que l'empereur Frédéric III lui
a voit accordée en 1482 fur les duchés de Juliers
& de Berg : la branche erneftine ou ducale faifoit
valoir le même titre j 8c elle produifoit d'ailleurs
le contrat de mariage de l'éleCteur Jean-Frédéric
avec là princeffe Sibylle, fille de Jean I I I , duc
de Juliers & de Cleves. C e contrat de mariage
palféen j p é , confirmé par l'empereur Charles V ,
par les états provinciaux des trois duchés 8c par
l'empire, fubftituoit les duchés de Juliers, de Berg
8c de Cleves auxdefcendans.de Jean-Frédéric, au
defaut d'hoirs mâles du nom de Juliers. 20. Jean
Sigifmond, électeur de Brandebourg, fit d'abord
Valoir les droits de fa femme, Anne, fille de Marié
Eléonore de Juliers, qui étoit la foeur aînée du
dernier duc, & enfuite un privilège de Charles V ,
de l'année 1546, confirmé en 1 j6 6 8c 1 y8o, qui
appelloit les fûéurs du duc de Juliers à la fucceflion
de ces domaines. 30. Philippe-Louis, comte palatin
de Neubourg, infifta pareillement fur les droits
de fa femme, Anne , foeur puînée du duc Jean-
Guillaume, de laquelle il avoit un fils, Wolfang
Louis. Dans cette difpute il y avoit* quatre quel-
tions principales : i° . n ies duchés étoient des fiefs
mafeulins ou féminins 5 20. fi l’expeCtative de la
maifon de Saxe des années 1483, 1495 & fuivan-
tes devoit être préférée à un privilège poftérieur ,
donné en faveur desfoeurs du dernier duc 5 30. fi
ce même privilège' de 15-46 pouvoir être oppôfé
au contrat de mariage de 1 f i 6, 8c 40. fi la fille
de la foeur aînée pouvoir concourir avec le fils de
la foeur puînée. L'éleCteur de Brandebourg & le
duc de Neubourg trouvèrent feuls le moyen de fe
mettre en pofleflîon de la fucceflion conteftée j &
ils cpnvinrent provifîonnellement à Dortmund (en
1609 ) du confentement des états, d'adminiftrer
en commun les domaines de la fucceflion. Par le
traité de partage, fait à Dufleldorp en 1624, l'é-
leCteur de Brandebourg conferva le duché de Cleves
( excepté Melbourg 8c Winnekendonk % ainfi
que les. comtés de la Mark 8c de Ravensberg, &
le bailliage de Windeck dépendant du duché de
Berg ; le comte palatin de Neubourg eut Juliers
Berg, Ravenftein, Iflelbourg & Winnekendonk.
C e traite fubit quelques changémens dans la fuite ;
maw les choies furent invariablement fixées par
celm de Dorften , conclu en 1666 : ce dernier
traité ftipula que l'éleûeur de Brandebourg con-
ferveroit la pofleffion du duché de Cleves & des
comtés de la Mark & de Ravensberg, & que le
duc de Neubourg auroit pour fa part les duchés
de Juliers & de Berg, outre les feigneuries de
Vinnendahl & de Breskefand. II fut décidé de
plus que, malgré ce partage, tous ces domaines
demeureroient dans une union & liaifon perpétuelle,
& que les deux maifons en pourroient
prendre le titre Sc les armes. Les prétentions rel—
peftives fur Ravenftein furent renvoyées à un
F f f f i -