tous ces coloffes brillans au bras de fer & aux '
pieds d'argile.-
Des voyageurs & des millionnaires qui ont parcouru
la Chine, qui s'y font long-temps arrêtés &
en ont étudié les u fa g e sn o u s ont donné dans
des mémoires biftoriques des relations de fa fa-
geffe, de fa profpérité & de fa population telles,
qu'on les a prifes pour des panégyriques outrés,
parce que l'niftoire connue, ancienne & moderne
ne nous o'ffre rien de fembiable. Quelques écrivains
trouvant dans ces mémoires fur la Chine
l'exemple d'un gouvernement defpotique , dont
les fujets font heureux, & cet exemple contrariant
en même tems, & l'idée qu'ils s'étoient faite d'un pareil
gouvernement, & les fyftêmes de politique qu'ils
avoient publiés, ils fe font élevés avec force contre
les relations des millionnaires, & ont voulu les faire
regarder comme prévenus pour le gouvernement chinois
s ou même comme fufpeds d'une partialité
intérelfée. Nous ne croyons pas devoir adopter
les fentimens de ces critiques, vu qu'ils n'avoient
que le poids de leurs opinions particulières pour
infirmer la force de ces mémoires, fondée fur les
connoilfances de leurs auteurs, témoins oculaires
& inftruits de la plupart des chofes & des faits
qu'ils rapportent.
L'ancienneté & la profpérité de la Chine fuffi-
fen t, félon nous, pour démontrer la bonté de
fon gouvernement, & doivent donner à cet égard
un grand crédit aux mémoires des millionnaires.
Nous ne voulons pas cependant les fuivre en aveugle
; mais, pour nous tenir à la vérité d'auffi près
qu'il nous eft polïible, fans nous en lailfer impo-
fer par le nom des hommes célèbres qui ont écrit
pour ou contre le gouvernement de la Chine , nous
allons donner ici par analyfe ce que nous avons
trouvé de plus judicieux & de plus inftru&if fur
ce fujet, dans les ouvrages de divers auteurs reconnus
pour très-exa&s & très-inftruits dans la
partie de l'économie politique, parmi lefquels
nous pouvons noter le Defpotifme de la Chine du
doéteur Q u e s n a y , Inféré dans les tomes 3 , 4 ,
< & 6 des Ephémérides du citoyen de l'année 17(37,
& les livres clàffiques de la Chine , dont les deux
premiers tomes viennent deparoître (1 ).
L'auteur du Defpotifme de la Chine , dont noi}S
fuivons ici plus particulièrement la marche , a
diftribué fon ouvrage en huit chapitres, ou il dif-
cute ce fujet avec beaucoup de fagacité.
L e premier traite de l'origine , de l'étendue &
de la profpérité de la Chine j le fécond contient le
détail des loix fondamentales de cet empire ; le
troifième eft une analyfe de fa légiflation pofitive ;
le quatrième roule fur le fyftême de l'impôt \ le
cinquième fur l'autorité de l'empereur ; le lixième
fur l'adminiftration, les loix penales & les mandarins
i le feptième, fur les défauts reprochés au
gouvernement de la Chine 5 enfin le huitième, un
des plus importans, eft le réfumé des précédens,
& contient un parallèle entre les conftitutions naturelles
du meilleur gouvernement des empires &
les principes de la fcience qu’on enfeigne & qu'on
pratique .à la Chine. Nous ne donnerons pas l’extrait
de celui-ci, parce que nous rapportons l'ef-
fence des matières qui le compofent dans différens
articles d'économie -politique de ce dictionnaire ,
comme on peut le voir aux mots D r o i t n a t u r
e l , L o i x , I m p ô t , S o c ié t é s , & e .
C'eft au fameux Marc Paul vénitien , qui vivoit
au treizième fiècle, que l'Europe doit la première
connoiflance de la Chine, jufqu’où il avoit pénétré
en voyageant : mais les relations magnifiques qu’il
en publia, pafsèrent pour des fables.
Le temps a diffipé ces préjugés. Les premiers
millionnaires envoyés à la Chine, publièrent des
relations de cet empire, qui juftifierent celles de
Marc Paul. On rendit alors juftice à fa fincérité.
L'incertitude fit place à la conviction} & celle-ci
entraîna la furprife & l'admiration.
Les relations fe font depuis multipliées à l'infini
} cependant on ne peut fë flatter de connoître
affez la Chine & fes productions, pour avoir des
notions parfaitement exaCtes de cet empire. On
ne peut guères compter que fur les mémoires des
millionnaires j mais leurs études & les travaux de
leur éta t, les foins & les occupations que leur
impofoit leur réfidence à la cour, ne leur ont permis
de nous donner exactement que le réfultat de
leurs opérations géométriques, & les dimenfions
précifes d'un empire aulïi étendu.
-Les connoilfances fur l'hiftoire morale & politique
qu'ils y ont jointes, quoiqu'affez fatisfai-
fantes , n'ont pas toute la profondeur qu'ils au-
roient pu leur donner (2). On les accufe d'écouter
quelquefois les préjugés de leur état , & de n'avoir
pas toujours eu autant de fidélité dans leurs
récits que de zèle dans leurs millions.
Quant aux productions de cette vafte contrée ,
ils n'ont pas. eu alfez de loifîr pour fe livrer à cette
étude ; & c'eft dans l'hiftoire de la Chine, la partie
(1) Les üvces claniques de la Ch ine , traduits du chinois en latin par le père Noël, ont été mis en françois par M;
l’abbé Pluquet, qui vient d’en publier les deux premiers volumes précédés d’obfervations auffi jultes que profondes , fur
l’origine, la'nature & les effets de la philofophie morale & politique de «et empire. Ces livres çlaflïques font le .plus
beau & le plus ancien cpde de légiflation dont un peuple exiflant puifle fe faire gloire. Jls détruifent absolument les critiques
élevées contre le gouvernement de la Chine, & prouvent, de la manière la plus authentique , l’exa&itude & la
vérité des mémoires hifloriques 6c autres ouvrages , d’après lefquels nous avons rédigé cet article.
(2I Les livres clafliques de la Chine qui ne laiflènr plus rien à defirer fur ce fujet, & laréferve avec laquelle M.Quefnaj^
fuivoit les relations des millionnaires, prouvent 4 la fois l’impartialité 5c le grand fçns de cet écrivain , & la profondeur
fçs vues 5c la jufteflç 4e fçs induirions,,
la
la plus défcClueufe. On peut conclurre de leurs
rapports, que nulle part fa nature n'étend fa bien-
faifanee avec plus de profufion, qu'elle y a raf-
femblé les productions de tous les pays $ mais
cette profufion même n'a pas permis aux miffion-
naires de nous donner fur ces objets une inftrue-
tion complette.
Le père du Halde a pris foin de ralfembler différens
mémoires, & d'en faire un corps d'hif-
toire. Nous avons traité de la Chine d'après cet
écrivain , fans nous difpenfer d'avoir recours aux
originaux dont il s'eft fervi. Nous avons aulfi con-
fulté plufieurs voyageurs qui ont écrit fur la Chine,
& dont le père du Halde n'a pas fait mention :
tels que Marc Paul, Emmanuel Pinto, Nava-
rette, le voyageurs hollandois, Gemelli Carreri,
Laurent Lange, envoyé du Czar Pierre à l'empereur
de la Chine, le Gentil, Ysbrantfides, l'amiral
Anfon, les Voyages d'un philofophe ( par
M. Poivre ) , & plufieurs autres.
C H A P I T R E P R E M I E R .
P a r a g r a p h e I.
Origine de l'empire de la Chine.
L'origine des chinois fe perd dans la nuit des
temps. Plus un peuple eft devenu célèbre, plus,
il a prétendu accroître fon luftre , en tâchant
d'enfevelir fa fource dans les fiècles les plus reculés
: c'eft ce qu'on impute aux antiquités chi-
noifes.
Leur hiftoire nous dit que Fohi ayant été élu
roi, environ 2400 ans avant Jefus-Cnrift ( c'eft à
peu près du temps de Noé ) , ce fouverain civi-
lifa les chinois, & fit différentes loix également
fages & juftes ; qu’il fut un mathématicien profond
& un génie créateur. Il apprit à entourer les
.villes de murs j il impofa différens noms aux familles
, afin de les diftinguer ; il inventa des figures
fymboliques, pour publier les loix qu'il avoit
faites.
A Fohi fuccéda Chin-nong, qui enfeigna à fes
fujets à femer les grains, a tirer du fel de l'eau
delà mer , & des fucs falutaires de plufieurs plantes.
Il favorifa le commerce, & établit des marchés
publics.
^ On attribue à fon fucceffeur Hoang-ti, l'invention
du cycle fexagénaire, celle du calendrier,
de la fphère & de tout ce qui concerne les nombres
& les mefures. Suivant la même hiftoire, il
fut aufli l'inventeur de la monnoie, de la mufique,
des cloches, des trompettes, des tambours & de
différens autres inftrumens ; des arcs., des flèches
& de l'archite&ure ; il trouva encore l'art d'életes
teindre en differentes couleurs, & d’en faire
des habits 5 de conftruire des ponts, des barques,
des chariots qu’il faifoit tirer par des boeufs. Enfin
c eft fous le règne de ces trois empereurs, que
les chinois fixent l'époque de la découverte de
toutes les fciences & de tous les arts en ufage
parmi eux.
Apres Hoang-ti régnèrent fucceffivement Chao-
hao fon fils , Tchuen-hio , Tcho, Y-a-o & Xun.
Sous le régné d'Y-a-o, dit l'Hiftoire chiaoife, le
foleil parut dix jours de fuite fur l’horifon, ce qui
fit craindre un embrâfement général (1).
Les auteurs anglois de l'Hiftoire univerfelle,
font de tous les écrivains ceux qui ont le plus
combattu toutes les preuves qu'ont voulu donner
de l'antiquité chinoife le père du Halde & fes
partifans. Cet hiftorien fixe la première époque
de la chronologie chinoife au règne de Fohi ,
*$57 ans avant Jefus-Chrift, & l’a fait fuivre fans
interruption jufqu a notre temps, ce qui comprend
une période de plus de 4000.
Les hiftoriens anglois font bien éloignés de regarder
comme démonftratif, ce que le père du
Halde rapporte des neuf premiers empereurs &
de leur régné. La durée de ces règnes, fuivant
ces hiftoriens, comprend une période de712années
y & fait la bafe de la chronologie chinoile :
mais rien, difent-ils, n'eft moins folide que tout
ce qu'on^raconte depuis Fohi jufqu'au règne d’ Yu
qui fuccéda à Xun, au temps d'Abraham. A ce
régné d’ Yu, commence inconteftablement l’ordre des
dynafties ou familles qui ont occupé le trône juf-
qu'à préfent. Avant lui l'hiftoire chinoife eft mêlée
de fables.
Néanmoins toutes les preuves qu'ils allèguent
feraient fort faciles à réfuter, quant à ce qui concerne
les evènemens remarquables des rè<mes
^ufl & d'Ytf , à peu près contemporains
d Abraham.
font qu'une colonie d'égyptiens j que leurs lettres
ont ete formées des lettres égyptiennes & phéniciennes
j que les premiers empereurs de la Chine
font les anciens rois de Thèbes & de Memphis •
fi 1 on trouve , dit-il, dès monumens égyptiens
jufques dans les indes, il ne fera pas difficile de
fe peifuader , que les Yaiffeaux phéniciens ont
tranfporte dans ce pays quelques colonies égyptiennes
, qui delà ont pénétré à la Chine environ
1200 ans avant Jefus-Chrift-, en apportant leur
hiftoire avec eux.
Il eft étonnant qu'on n’ait pas fait une réflexion
tort limple , qui pourrait être appuiée d’un développement
curieux. Quand même on démontre-
(1) Ceci eft fans doute un récittrès exagéré des effets que produifirect,
dun etc brûlant 6c de la fecherefle qui en fut la fuite.
OEcpn. polit. 6* diplomatique• Tom. I.
fpus le règne de ce prince, la chaleur extrême
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