
corps, dont le pape eft le chef fpirituel, & l’empereur
le chef temporel j qu'ils ont l'un & l'autre
une certaine iurifdiâion univerfelle ; que l'empereur
eft le general - né, le défenfeur , l'advoué de
l'églife, principalement contre les infidèles, &
que les titres de facrée majefté, & de faint-
tmpire viennent de là 5 qu'à la vérité ces prérogatives
! ne font pas de droit divin j mais que
c'eft une efpèce de fyftême politique formé par le
confentement des peuples, & qu'il feroit Utile
s'il fubfiftoit en fon entier. Ce qui rend cette belle
théorie plus curieufe encore, c'eft qu'elle n'a pas été
imaginée par un allemand catholique, mais par un
luthérien.: les lecteurs voudront bien fe fouvenir
que ce Léibnitz , inventeur d'un pareil fyftême ,
eft fort eftimable à bien des égards. Nous allons
analyfor fon ouvrage en peu de mots & fans aucune
remarque , car il n'a pas befoin d'être réfuté.
Conftitution de la république chrétienne. Je penfe ,
dit Léibnitz, que la dignité d'empereur eft un peu
plus élevée qu'on ne le croit communément $ qu'il
eft l'advoué ou plutôt le chef, ou, fi l'on aime
mieux, le bras féculier de l’églife univerfelle j
que toute la chrétienté forme une efpèce de république
, fur laquelle l'empereur a quelque autorité j
que l'empereur eft le commandant ( imperator ) ,
c'eft-à-dire, le chef-né des chrétiens contre les
infidèles f que c'eft à lui qu'il appartient principalement
d'éteindre les fchifmes , de concourir à
l'aflemblée des conciles, d'y maintenir le bon ordre
, enfin de faire ufage de fon autorité en tout
ce qui pourrait nuire à l'églife & à la république
chrétienne.
Ainfi on ne peut refufer à l’empereur une portion
d'autorité dans une grande partie de l'Europe,
& une efpèce de primauté analogue à la primauté
eccléfîaftique. 11 y a dans l'empire germanique
des réglemens généraux qui concernent le
maintien de la paix publique, la levée des fubfi-
des contre les infidèles, l’adminiftration de la
juftice entre les princes eux-mêmes : l'églife univerfelle
a fouvent jugé les caufes des princes j les
princes ont appelle aux conciles j on a prononcé
dans les conciles fur leur rang & leur préféance j
des conciles ont, au nom de toute la chrétienté,
déclaré la guerre aux ennemis du nom chrétien.
Si le concile étoit perpétuel, ou s'il exiftoit un fé-
nat général de chrétiens revêtu des pouvoirs du
concile , ce qui fe fait aujourd'hui par des traités,
& , comme on dit, par des médiations & des
garanties, fe terminerait alors par l'interpofition
de l'autorité publique, émanée des chers de la
chrétienté, le pape & l'empereur.
Autorité du pape dans la république chrétienne.
Nos ancêtres, continue Léibnitz, regardoient l'é-
glife univerfelle comme formant une efpèce de république
gouvernée par le pape, vicaire de Dieu
pour le fpirituel, & l'empereur, vicaire de Dieu
pour le temporel, J-’emperpur çft effectivement ap*
pellé, dans la Bulle daor, le chef temporel de /’/-
glife, & il n'y a rien de plus connu & de plus
fréquemment fuppofé1, dans ies aétes publics & les
hiftoires, que fa qualité d'advwé de l'églife romaine,
c'eft-à-dire, de l'églife univerfelle. Il n'y a rien non
plus dans cette qualité qui puifle révolter les pro-
teftans & leur faire ombrage, parce que l'advoué
de l'églife ne doit fa protection que dans des cho-
fes juftes & honnêtes j & , s'il s'eft par hafard
glifle des abus, on peut toujours y'remédier. Au
contraire, il eft de fon devoir d'empêcher dé touL
tes fes forces que la véritable églife catholique ne
fouffre quelque dommage. Ceux qui s'efforcent
d’enlever à l'empereur une fi belle prérogative ,
veulent donc détruire le moyen principal de la
puiflance impériale} & les favans qui font confifter
la puiflance de l'empereur des romains dans lé
droit qu'il a fur la ville de Rome & fur quelques
petites fouverainetés contiguës , fe trompent. Le
droit temporel de l'empereur s'étend au contraire
aufli loin que le droit fpirituel de l'évêque de Rome
, c'eft-à-dire, fur toute l'églife.
Le plaifîr feul d'enfanter un nouveau fyftême a-t-il
donne lieu à cet écrit de Léibnitz ? ou Léibnitz voulut
il plaire aux empereurs de fon tems ? fut-il de bonne
foi ou ne fut-il qu'un lâche flatteur ? De pareilles
I queftions font aujourd'hui bien oifeufes ; leur fo-
lution n'apprendroit rien, & nous ne nous amu-
ferons pas à *y répondre.
CHRISTIANSBOURG , fort & comptoir
. d'Afrique fur la côte d'or : il appartient aux danois.
CHRISTOPHE. ( Ille de faint)-L’une des
Antilles > elle a été le berceaü de toutes les colonies
angloifes & françoifés du Nouveau-Monde.
Les deux nations y arrivèrent le même jour en
162 y. Elles fe partagèrent l'ifle ; elles lignèrent
une neutralité perpétuelle 5 & elles fe promirent des
fecours mutuels contre l'ennemi commun : c'é-
toient les efpagnols , qui depuis un fiècle , enva-
hifîoient ou troubloient les deux hémifphères §
mais la jaloufie divifa' bientôt ceux que l'intérêt
avoit unis. Le françois vit avec chagrin profpérer
les travaux de l'anglois qui, de fon côté , fouf-
froit impatiemment qu'un voifin oifeux, dont toute
l'occupation étoit la chafle ou la galanterie, cherchât
à lui débaucher fa femme. Cette inquiétude
réciproque enfanta bientôt des querelles, des combats
f des dévaluations, mais fans projet de conquête.
Ce n'étoient que des animofités de famille ,
auxquelles le gouvernement ne prenoit aucune part.
Des intérêts plus grands ayant allumé la guerre
en 1666 entre les deux métropoles , Saint-Cjhrif-
tophe devint, pendant l'efpace d’un demi-fiècle ,
un théâtre de carnage. Le plus foible, oblige
d'évacuer la colonie, ne tardoit pas dfy; revenir
en force, autant pour venger fes défaites ijue pour
recouvrer fes pertes. Cette alternative, fi longtemps
balancée de fuccès & de difgraces, finit en
I742 par l’expulfîon des françois, à qui le traite
d'Ütrecht ôta tout efooir de retour.
. Ce facrifice étoit médiocre alors pour une nation
qui n'avoit, pour ainfi dire, exercé dans cette
pofleflron qu'un droit de chafle & de carnage. Sa
population s'y réduifoit à 667 blancs de tout âge
& de tout fexe, à 29 noirs libres, à 659 efcla-
ves : i$7 chevaux, 16y bêtes à cornes formoient
tous fes troupeaux. Elle ne cultivoit qu'un peu de
coton & d’indigo 5 elle n'avoit qu'une, foule fu-
crerie.
Quoique l'Angleterre eût fu depuis long-temps
faire va/loir fes droits dans cette ifle, elle ne profita
pas d'abord de la ceflion qui la lui laifloit toute
entière. Sa conquête fut long-temps en proie à des
gouverneurs avides qui vendoient les terres à leur
profit, ou qui les diftribuoient à leurs créatures,
fans pouvoir garantir la durée de la vente ou de
ia conceflion au - delà du terme de leur adminiftra-
tion. Le parlement d'Angleterre fit enfin cefler ce
défordre. Il ordonna de mettre à l'enchère les terres
, & d'en porter le profit aux caifles de l'état.
Depuis cette fage difpontion, les pofleflions nouvelles
furent cultivées comme les anciennes.
L'ifle, prife dans fa totalité, peut avoir foixante-
dix milles de circonférence. Le centre en eft occupé
par un grand nombre de montagnes élevées &
ftériles. On voit éparfes , dans la plaine, des habitations
agréables, propres , commodes, ornées
d'avenues, de fontaines & de bofquets. Le goût
de la vie champêtre, qui s'eft plus confervé en
Angleterre que dans les autres contrées de l'Europe
civilifée, eft devenu une forte de paflîon à
Saint-Christophe. Jamais on ne fentit la néceflité
de fe réunir en petites aflemblées pour tromper
l'ennui} & fi les françois n'y avoient laifle une
bourgade où leurs moeurs fe confervent, on n'y
connoîtroit point cet efprit de fociété qui enfante
plus de tracafleries que de plaifirs > qui fe nourrit
de galanterie, aboutit à la débauche, commence
par les joies de la table, & finit par les querelles
du jeu. Au. lieu de ce fimulacre d'union, quin'eft
qu’un germe de divifîon, les colons vivent ifolés,
mais contens, au milieu de leurs plantations , &
parmi leurs efclaves qu'ils gouvernent fans doute
en pères, puifqu’ils ieur infpirent des fentimens
généreux & quelquefois héroïques.
Les repréfontans des propriétaires, prefque tous
fixés en Europe, vivent au nombre de 1800 fur
les plantations, dont par les bras de 24 à 2 y mille
efclaves, ils arrachent 18 millions pefant d'un fu-
cre brut, le plus beau du Nouveau-Monde. Ce
produit met la colonie en état de fournir aifément
aux dépenfos publiques, qui ne paflent pas annuellement
68,14 y liv.
Cette ifle a été prife par les françois dans la
guerre qui vient de fe terminer ; mais le traité de
paix de 1783 l’a rendue à l'Angleterre.
La ville de la bafle-terre eft la principale : elle
eft défendue par deux forts. Le gouvernement eft
le même que celui de la Barbade : mais la Bar-,
boude, l'Anguille. & les Vierges font fous fa protection.
CHUR. (évêché de) Foye% C o ir e .
. CIMETIERE, c'eft un terrein vague, où l’on
enterre les corps des fidèles.
Cette réunion des fépultures d'une même peuplade,
a été inconnue aux cultes anciens, &I’eft
encore aux cultes qui diffèrent du chriftianifme.
Les romains enterroient le long des grands chemins.
L'ufage de briller les corps a eu lieu chez
eux ; mais c’eft fur - tout dans l'Orient & dans
les Indes qu’il a été établi. On ne peut diffimu-
ler que cette pratique ne foit très - raifonnable,
& par la facilité qu'elle donne de recueillir les
cendres des parens & des amis, ne puiffe produire
des effets d’un attendriffement durable &
utile. Elle eft impraticable parmi nous, fingulière-
ment par la rareté des bois.
Les chrétiens ont les premiers entaffé dans un
même endroit les cadavres de leurs frères. L'origine
de cet ufage eft vraifemblablement prife dans
le refpeâ qu'ils avoient pour leurs dépouilles, &
dans les premières perfécutions.
t On agite depuis quarante ans (i) la queftion des
fépultures dans les églifes & dans les cimetières
fitués au centre des habitations. Nous avons vu
paraître, au milieu de la fermentation qu’un objet
de cette nature doit produire, des traités, des
mémoires , des mandemens, plufieurs arrêts des
cours fouveraines, & des déclarations. Il eft cependant
vrai que la défunion de tous les agens qui
dévoient contribuer à la révolution, a empêché
qu’on ne la vît dans fes principes & dans fes fuites,
avec la jufteffe & la fermeté néceffaires.
Paris voyoit tous les jours fon immenfe population
augmenter, fes limites s’étendre, & plufieurs
villes nouvelles & magnifiques s’adoffer à fon humble
enceinte. Cependant les terreins antiques de
la fépulture de fes habitans paroiffoient encore
fuffire, lorfque tout-à-coup on y a entendu-le cri
douloureux , que l’humanité bleffée venoit de
pouffer dans le Languedoc & dans la Bourgogne.
Alors l’efprit d’analyfe & d’obfèrvation a commencé
à parcourir' nos cimetières. On examina
d’une manière férieufe leur étendue, & les maux
que leur fituation pouvoit ocrafionner. La méditation
embraffa toutes les circonftances, & donna
un réfultat qui étoit le fruit du temps, du travail
& du génie. Les cimetières furent dès-lors prof1
crits au tribunal de l’humanité, & par conféquent
à-celui de la religion. Les loix parlèrent j mais il
11) Eu 1744,