
Nous aurons occafion d'en parler nous-mêmes, à
l’article C r im é e & U k r a i n e .
C O V E N A N T , ligue fameufe que formèrent
les écoffois en 1638, pour maintenir leur religion
contre toute efpèce d’ innovation.
En 1580, l’affemblée générale d’Ecoffe rédigea
une confefïion de foi qu’elle préfenta à Jacques I :
ce prince la ligna , & donna des ordres pour
qu’ elle fût lignée par tous fes fujets.* Cette con-
felïion de foi de l’année i j 8o fut reçue, 8c de
nouveau confirmée en 1 y 90 , & on en renouvella
la lïgnature en 1638, par la délibération des états-
généraux d’Ecolfe. Ceux qui lîgnoient la confef-
lion de fo i, s’engageoient en outre à maintenir la
religion dans l’état où elle étoit en iy8 o , 8c à re-
jetter toutes les innovations introduites dans l’é-
glife depuis ce temps-là. Leur ferment joint à la
confeflion de foi reçut le nom de Covenant , c’ eft-
à-dire , contrat, ligue, convention faite entre
ceux qui le fouferivirent. Le but du Covenant
n’étoit pas de dépouiller Charles I de. fes droits ,
mais de les retenir dans les bornes fixées par les
lo ix , & d’empêcher que le prince ne pût abolir le
presbytéranifme. Tels étoient précifément les deux
points dont s’occupoit ie roi 5 auffi ce Covenant
fut-il l’origine des triftes brouilleries qui partagèrent
le royaume entre les deux fairions des pref-
bytériens & des épifeopaux ; de même que des
guerres qui s’élevèrent bientôt après entre fes
écoffois & Charles I , & dont l’ilfue fut fi tragique
& fi remarquable.
C O U P S DE M A IN , C O U P S D ’E T A T .
Exprelfions effrayantes qui fe font introduites dans
les ouvrages des auteurs politiques, & qui mal-
heureufement font devenues en ufage dans les
gouvernemens.
Il n’ eft pas aifé de définir ce qu’on entend par
des coups de main & des coups d‘état : je les appellerai
des violences brufques exercées contre des
individus ou contre des corps.
On a écrit fur cette matière des chofes fort cu-
rieufes. Les politiques qui croient la violence né-
ceffaire, difent à leurs élèves : obfervez qu’un
coup de main règle un concert, qu’ un coup de gouvernail
peut faire entrer un vaiffeau dans le port,
qu’un coup de main habile peut exciter le courage
des foldats, ou bien appaifer une émotion-populaire
3 & fondés fur ce beau principe, i° . ils abu-
fent de ce paffage : on conduit le cheval avec
un fouet, l’ ane avec le frein, 8c les fous avec une
verge , equo flagellum , afino fr&num, ftulto virga
adkibetur : ils difent qu’on lit à chaque page de
l’ancien Teftament, ego regam vos in virgçL fery
reâ : virga cafiigationis, correBionis 3
difcipline ,
equitatis : bacculus , fufientationis 3
confolationis ,
feeptrum ferreum, à c . Ils ne craignent pas de raporter
les merveilles opérées par les coups de la
aguette de Jacob , de M o y fe , d’Aaron 8c de
Jofeph. 20. Ils citent avec emphafe ce mot de
j’empereur Marc Aurele : j’ ai appris dans les ouvrages
qde Cicéron fit pour Flaccus, que phryx
plagis tantum emendatur $ & ils donnent à ce paf-
fage l’interprétation que voici : on ne peut corriger
de leurs vices les phrygiens, les nègres, les
femmes 8c les peuples, que par des coups violens
& redoublés. 30. Ils obfervent fans rougir, que
le fage gouvernement des chinois n’explique fes
volontés qu’à coups de bâton 3 que les allemands
emploient journellement avec füccès leurs fchla-
geurs pour corriger le foldat, 8c que cette efpèce
de châtiment eft une correction plus fage que celle
des arrêts ou de la prifon. 40. Ces graves écrivains
ont pouffé la démence jufqu’à approuver l’ufage
de quelques Corfes , qui autorifent les voifins à
aller battre les veuves, parce qu’ils difent que les
maris ne mourroient point, fi leurs femmes les
confervoient foigneufement : dans leur enthou-
fiafme pour les coups de main 8c les coups d'état , ils
rappellent l’ufage des japonois , qui pour faire
refpeCter leur Daïri, donnent dès coups de. bâton
à toutes les idoles qui font de garde pendant la
nuit ', lorfqu’elles ne lui ont pas procuré un doux
fbmmeil. y°. Comme on trouve de tout dans les,
livres, on a imprimé que les égyptiens de l’antiquité
ont eu de très-bonnes raifons de peindre
Ofîris tenant une baguette ou un fouet à la main ,
& que les grecs en ont eu d’excellentes pour af-
sûrer que les coups feuls peuvent diffiper la pareffe
& faire naître naître les arts 8c les fc-iences 3 que
Vulcaia fut obligé d’employer un coup de hache
I pour faire fortir Pallas de la tête de Jupiter : ils
difent qu’il faut piquer le boeuf pour le faire avancer
, battre les~ours pour les éduquer ; battre le
fer pour lui donner une forme, & qu’enfin San-
cho-Pança , qui connoiffoit parfaitement l’efprit
des peuples, & fur-tout l’efprit féminin, avoit
raifon de dire dans le roman de Dom Quichotte....
bats ta femme & ton bled, tout ira bien che% toi.
Après avoir rapporté les atroces obfervations
des fophiftes & des pédans, examinons les principes
qui s’oppofent 'à un fyftême fi.dangereux.
Les fagçs adminiftrateurs, les moraliftes judicieux
, & les politiques, ou les légiflateurs éclairés
foutiennent au contraire, que les coups ne peuvent
que révolter le coeur, avilir l’ame & abrutir
l’efprit des enfans, des femmes, des foldats, des
peuples, 8c même dégrader l’inftinCt des animaux.
Le célèbre Mentefquieu rapporte dans YEfprit
des loi» , que chez les anciens perfes on puniffoit
les crimes des citoyens , en fe bornant à fuftiger
leurs habits, 8c que les perfonnes condamnées ,
étoient pour lors fi violemment affeCtées de ce
deshonneur, que la plupart fe donnolent la mort :
mais qu’aujourd’hui comme le defpotifme a détruit
l’idée du point d’honneur, qui eft le grand
reffort dçs fages gouvernemens pour contenir les
paffions , les fupplices réitérés de la baftonade,
de la feie, du pal, du feu, &c. ne peuvent contenir
les criminels. Les paffions humaines vont
toujours au-delà de la cruauté des fupplices. Obfervons
en paffant, qu’un des hommes les moins
tolérans avoit dit avant Montefquieu : quos tor-
menta non vincunt, interdiim vïncit pudor ; ingénia
liberaliter educata facilius vereeundia fuperat
quam metus.
N’eft-il pas clair, que le feeptre dans la main
des fouverains, & le bâton dans la main du maréchal,
du commandant, du major ou de l’exempt,
font des marques fymboliques & facrées de leur
autorité, 8c des honneurs qu’on doit leur rendre 3
qu’on ne peut les employer fans crime comme des
inftrumens de fupplice ou de brutalité. Il eft évident
que les coups 8c les loix pénales des Dra-
cons anciens ou modernes révoltent tout le monde j
& que fi les violences contiennent un moment ,
c’eft pour caufer enfuite le débordement de toutes
les paffions.
Lès livres qui traitent des coups d'état ou de
l’hiftoire des révolutions des empires, nous ap*1
prennent que les coups d'état n'ont jamais été
avantageux à une nation, que les violences même
employées contre les premiers empereurs de Rome,
& celles que dans le fiècle dernier l’on employa
contre trois reines d’Angleterre yne furent que des
intrigues, dont le but n’avoit rien d’eftimable.
T qus les fiècles attellent que la patience 8c la j
modération des chefs des peuples eux-mêmes font
le meilleur des,remèdes contre les calamités phy-
fiques, morales 8c politiques. L’expérience démontre
d’ailleurs, que les adminiftrateurs qui ont
des talens & de la vertu, n’ont pas befoin de re- j
courir à la violence, aux fuppreffions, aux prof- ;
criptions, aux inquifitions, pour diriger ou pour
réformer les fujets. . <
La baftonade 8c les fupplices ordonnés légèrement,
flétriront toujours les états defpotiques : les
tyrans permettent ces épouvantables violences aux
dépofitaires de leur autorité : ils permettent quelquefois
aux pères de battre & de faire mourir
leurs enfans, leurs efclaves 8c même leurs femmes5
& lorfqu’on dit ce qui fe paffe dans les gouvernemens
defpotiques, il fîiffit d’expofer les faits3
il n’eft pas befoin d’y ajouter des reflexions.
Dans les états monarchiques au contraire, les
coups de main 8c les violences.attentent au point*
d’honneur, 8c la nature de ce gouvernement les
profcrit.
C O U R , lieu qu’habite unfouverain.
La cour d’un fouverain eft compofée des princes,
des princeffes, des miniftres, des grands &
des principaux officiers. Il n’eft donc pas étonnant
que ce foit le centre de la politeffe d’une nation.
La politeffe y fubfifte par l’égalité à laquelle l’extrême
grandeur d’un feul réduit tous ceux qui
l’environnent 3 8c le goût y eft rafiné par un ufage
continuel des fuperfluités de la fortune. Ces fu-
perflyités offrent néceffairement des produirions
artificielles de la perfection la plus recherchée.
Cette forte de délicateffe 8c de grâce fe répand
fur d’autres objets beaucoup plus importans 3 elle
paffe dans le langage, dans les jugemens, dans
les opinions, dans le maintien, dans les manié*
res, dans le ton, dans la plaifanterie, dans les ouvrages
d’efprit, dans la galanterie, dans les ajuf-
temens , dans les moeurs même. J’oferois prefque
affurer qu’il n’y a point d’endroit où la délicateffe
dans les procédés foit mieux connue, plus rigou-
reufement obfervée par les honnêtes gens , &
plus recherchée par les courtifans. L’auteur de
YEfprit des loix définit l’air de cour, l’échange de
fa grandeur naturelle contre une grandeur empruntée'.
Quoi qu’il en foit de cette définition ,
cet air, félon lui, eft le vernis féduifant fous
lequel fe dérobent fouvent l’ambition des hommes
oififs, la baffeffe des hommes orgueilleux, le defir
de s’enrichir fans travail , l’averfion pour la vérité ;
la flatterie, la trahifon, la perfidie, le mépris des
devoirs du citoyen, la crainte de la vertu du prince
, l’efpoir qu’on fonde fur fes foibleffes, &c.
en un mot, la malhonnêteté avec toùt fon cortège
, fous les dehors de l’honnêteté la plus vraie 5
on y voit fouvent la réalité du vice derrière le
fantôme de l’honnêteté. On dit que le défaut
feul de fuccès y fait donner aux aérions le nom
qu’elles méritent. Voye% l’article C o u r t i s a n .
Le reproche en un fens le plus honorable que
l’on puiffe faire à un homme, dit la Bruyère, c’eft
de lui dire qu’il ne fait pas la cour : il n’y a forte
de vertus qu’on ne raffemble en lui par ce feul mot.
Un homme qui fait la cour eft maître de fon
gefte, de fes yeux 8c de fon vifage : il eft profond
, impénétrable : il diffimule les mauvais offices
, fourit à fes ennemis, contraint fon humeur ,
déguife fes paffions, dément fon coeur, parle,
agit contre fes fentimens. Tout ce grand raffinement
n’eft qu’un vice , que l’on appelle fauffeté ,
quelquefois auffi inutile au courtifan pour fa fortune,
que la franchife, la fincérité & la vertu.
La province eft l’endroit d’où la cour, comme
dans fon point de vue, paroît une chofe admirable
: fi l’on s’en approche , fes agrémens diminuent
comme ceux d’une perfpe&ive que l’on voit
de trop près.
On s!accoutume difficilement à une vie qui fe
paffe dans un antichambre, dans des cours, ou fur
l’efcalier.
La edur ne rend pas content , elle empêche
qu’on ne le foit ailleurs.
La cour eft comme un édifice bâti de marbre , je
veux dire qu’elle eft compofée d’hommes fors
durs , mais fort polis.
Le brodeur 8c le confifeur feroient fuperflus, &
ne feroient qu’une montre inutile , fi l’on étoit
modefte & fobre : les cours feroient défertes., &
les rois prefque feuls, fi l’on étoit guéri de la vanité
8c de l’intérêt. Les hommes veulent être efclaves
quelque part, & puifer là de quoi dominer
ailleurs. Il femole qu’on livre en gros aux premiers
de la cour l’air de hauteur, de fierté 8c de