
des fciences exactes. Jean Bernoulli, ce fameux
profefleur de mathématiques de fumverfité , qui
mourut en 1748, laifla deux fils , Jacques & J can,
qui vivent tous deux, & qui jouiffent de la ce-,
lébrité due aux rares talens qu'ils ont déployés
dans la feience que leur père & leur grand-père
ont cultivée avecun fi grand fuccès. Jean, après
avoir été plufieurs fois joueur malheureux dans
cette loterie de profelforats, finit par y gagner
une chaire de rhétorique. Mais à la mort de fon
père, il troqua avec M. Rumfpeck, à qui la fortune,
avec fon difeernement ordinaire, avoit
jugé à propos de donner la chaire de mathématiques.
Il en arriva autant à fon frère Daniel ;■
le hafard l'avoit créé profefleur de botanique &
d'anatomie ; quelques années après il eut le bonheur
de trouver un profefleur d'hiftoire naturelle
auffi déplacé que luf, & de faire un échange
qui les fatisfit tous deux.
Il y a une feule circonftance dans laquelle le
fenaire n’eft point en ufage s c'eft à la mort du
bourgmellre : alors un des tribuns lui fuccède de
droit. On obferve la même méthode pour les charges
des baillifs, même pour les charges de l'uni-
veriïté, & pour les bénéfices & places de l'é-
glife.
Les conftitutions n'adméttent le père avec le
fils, ou le beau - père avec le gendre, ni dans le.
petit - confcil , ni dans le nombre des membres
du grand - confeil fur la même tribu.
Six des quinze tribus de la grande ville n'admettent
à leur corps , & par conféquent parmi leurs
repréfentans dans les confeils, que des martres de
leur profeflion. Deux tribus ont le même privilège,
pour la moitié feulement de leur contingent : dans
toutes les autres, l'accès de la tribu & la concurrence
pour les emplois, font ouverts aux perfon-
nes de toutes profefiions non çlaffées, aux militaires
, aux avocats, aux gens de lettres , &c. en
commun avec ceux qui s'adonnent aux arts fixés
fur les mêmes tribus.
Les citoyens de la petite ville font réunis aux
tribus de la grande , & quoique cet arrangement
ait rendu leur condition épie, ils ont obtenu
d’être encore formés en trois fociétés, qui envoient
chacune douze membres au grand-confeil.
Les droits particuliers du petit Bâle font fort fîn-
guliers. Ses citoyens y perdent le droit de cité
ip fo jPwfc y lorfqu'ils habitent la grande ville,
& ceux de fçs confeillers qui s’établiffent dans
cette dernière, font obligés de conferver une
chambre dans la petite ville, & d'y laifler leur
robe magiftrale, qu'ils y vont prendre & dépofer
les jours de confeil.
Quant à la conjlittttion militaire , la ville & fes
fauxbourgs font divifés en fix compagnie^ bour-
geoifes. La milice du pays forme deux rëgimens,
chacun de neuf, compagnies de fufiliers , une de
grenadiers, & une de dragons,* ' *
L e clergé, dont le piçhdet paftenr de li eatW1
drale eft le chef , forme un fynode à la ville 8£
trois à la campagne. Dans toutes les églifes réformées
de la Suiflè, des miniftres affiftent avec les
juges fécuîieis aux confîftoires où Ton porte les
caufes matrimoniales & de divorce , & les affaires
relatives aux crimes de fornication & d'adul-
tere. Ce qu'il y a de fingulier, Téleétion par le
fort qu'a imaginée la jaloufîe républicaine , a lieu
pour les pafteurs comme pour les autres charges
de l'état.
Il j>aroît que Bâle a été une des villes les plus
peuplées de la Suiffe ; fon enceinte contiendroit
facilement cent mille âmes , tandis que maintenant
on en compte à peine 24000 dans tout le
canton. ‘ • ..
D où vient ce défaut de population ? d'un côté
il eftr odinaire , fur-tout parmi les Suiffes], qui pat-
fent ea grand nombre au fervice étrange«, & fe
fixent dans les états voifins , que tous ceux qui
naiflent dans la ville, n'y fixent point leur réfi-
dence ; d'un autre côté, on croit que dans toutes
les grandes villes le nombre des morts furpaffe
celui des naiflances. Si cet excédent n'eft point
compenfé par une affluence régulière de nouveaux
habitans, une grande ville doit tendre rapidement
à fa dépopulation. *
Mais les citoyens de B â l e , comme ceux des
autres ariftocraties de la Suiffe , font à tel point
jalaloux du droit de bourgeoifle , & s'enorguei).-
lifient tellement cle fes privilèges, qu'ils daignent
rarement le conférer à des étrangers, qui, ne pouvant
, fans cela, établir aucun commerce, ni exer^
cer aucun métier dans leur Ville , ne viennent
point y réparer les pertes continuelles que fa population
effiiie.
Cependant il y -a quelques années , plufieurs
magiftrats, convaincus des mauvais effets de cette
exclufion illimitée , parvinrent à faire paffer une
loi en vertu de laquelle les étrangers peuvent être
admis à partager la liberté de la ville & les droits
de cité : mais cette loi fut embarraffée de tant de
reftri&ions, qu'elle eft devenue incapable de remplir
fon objet. Tous les motifs pofflbles d'intérêt
privé & d'ambition, fe font ligués pour détruire
fon efficacité. Je n'en fuis pas furpris, dit -M;
Coxe; car des fociétés entières d'hommes font
rarement unies par- un efprit affez généreux, pour
facrifier leurs avantages perfonnels & immédiats ■>
au bien-être & à la poftérité future de leurpays:.
Cette grande vérité n'eft que trop malheureufe-
ment de tous les pays, de' tous les états & de tpus
les temps. Elle eft par - tout le plus terrible obfta-
cle du oien public.
Im p o r tio n s , droits & revenus du. canton de Bâle#
Depuis plus dé 60 ans, tous ceux qui entrent
dans la magiftrature, ou qui obtiennènt une
charge ou un emploi, font obligés de payer une
certaine fomme réglée fur les émoîumens de leur
place.
Vn d« principaux revenus du canton, confiftç
n
dans un droit: modique fur le vin qui fe vend en
détail, & fur les animaux qui fe tuent dans les
boucheries.
' Chaque bourgeois paye environ quinze livres,
monnoie de France, pour la garde de la ville.
Chaque habitant paye une capitation de fix fous
par tête. La taille eft fixée à deux fols par arpent.
Les corvées ne portoient anciennement que fur
les laboureurs, mais aujourd'hui tous les habitans
des campagnes font taxés fur ce point à raifon de
leurs facultés.
Le canton de B â le perçoit des dixmes & des
rentes foncières, des lods & ventes, & des droits
fur les fiicceffions.
Un habitant qui veut fortir du pays, ou une
femme du canton qui veuf fe‘ marier à un étranger
, paye dix pour cent de fes biens.
Il y a quelques droits de péage fur les voitures
& fur les beftiaux.
Les droits de douane forment le revenu le plus
confidérable du canton.
Le négociant déclare fous ferment la valeur des
marçhandifes qu'il fait paffer à l'étranger, & paye
un demi pour cênt; mais s'il prouve qu'il fait revenir
fes marçhandifes, il ne doit rien pour le
retour.
Le marchand forain paye cinq deniers par florin
de toutes les marçhandifes qu'il achète , qu'il
vend & fait vendre dans le pays.
L'artifan paye , pour l'ouvrage qu'il envoie au-
«dehors , un quart pour cent, & le cultivateur -deux
fous par quintal des denrées qu'il débite hors du
canton.
La loi fifcale, contre l’ufage des autres pays,
témoigne la plus grande confiance au contribuable.
Les bourgeois prêtent chaque année ferment
de payer ce qu'ils .devront d'impôt; & tous les
trois mois le marchand & le câbaretier , qui
forment entr'eux une très- grande partie de la
bourgeoifie , envoient, foit aux tréforiers de l'état,
foit aux baillifs , un compte de ce qu’ils ont
vendu dans le pays à l'étranger, & règlent au
bas du compte le montant de la fomme qu'2s
jugent devoir, légitimement payer.
Les trois tréforiers règlent ces comptes ,
ceux que leur envoientles baillis, ils en reçoivent le
montant, ils règlent pareillement les comptes des
commis de la douane & des péages, paient les
appointemens, & Forment au bout de l'année un
état de la recette & de la dépenfe , qui eft porté
devant le grand confeil.
Commerce du canton 'de Bâle. Des fabriques flo-
riffantes .& diverses branches de commence font
circuler beaucoup d'argent dans la ville & fon
territoire » nous en donnerons plus bas quelques
détails. Mais on a obfervé que fi ces manufactures
ont enrichi quelques maifons, la claffe des fortunes
moyennes , la plus importante dans une répu-*
blique bien conftituée, eft trop peu nombreufe
à Bâle, & que les artifans en général , fiers
de leurs privilèges , ne cherchent point à augmenter
leur induftrie.
Lés principales branches du commerce des Bd-
lois font : les fabriques de rubans ; on en compte
jufqu'à vingt, qui diftribuent annuellement plus
de 500,000 florins en falaires d'ouvriers : les
étoffes de foie, les toiles peintes , la bonneterie ,
les fabriques de gants, les papeteries, les blan-
chifleries, les teintureries, le commerce des toiles
de lin , des drogues, des marçhandifes de fer;
il y a beaucoup de tanneurs à Siffach, à Walden-
bourg & à Languenbrouk.
Lès loix fomptuaires font très - févères à Bâle.
Non-feulement on y trouve en vigueur la plû-
part de celles des républiques Sûmes, mais fa
jaloufie du parti démocratique en a fait paffer dp
nouvelles. L'ufage des voitures dans l’intérieur de
la ville n’eft point, il eft vrai, prohibé ici comme
à Zuric, mais cette tolérance eft rachetée par une
fingularité bien plus remarquable : il eft défendu
à tout citoyen ou habitant qui fe fert d'un ca-
rôffe , d'avoir un domeflique derrière. En général
, il faut avouer que les prohibitions de
ce genre font non - feulement utiles , mais
néceffaires dans une petite république. Elles
ont rendu à cette ville un grand fervice ; car
nonobftant le nombre des familles très-riches
qu'elle contient, il y règne encore une telle fim-
plicicé de moeurs , qu'on eft tenté de rire en examinant
les objets que l'on flétrit à Bâle par l'inju-
Tieufe dénomination de luxe ; malgré le voifinage
de la France, les modes de ce royaume, qui font
univerfellement répandues parmi les habitans aifés
de Fribourg & Soleure , y' font totalement inconnues.
'
Le bas peuple de cette ville eft en général fi
prévenu en faveur de là patrie , qu’il paroît convaincu
que le vrai bonheur n'exifte qu'à Bâle 5 &
dans le fait, il n’eft peut-iêtre aucun lieu du monde
où cette rlaffe d'hommés foit auffi heureufe..
Le moindre individus'eaorgueiliit de fa liberté, &
2en ale droit. D'ailleurs les privÜèges fk. immunités
confîdérabks dont le corps .des .citoyens
jouit, & l'efpérance fondée que -chacun de fes
membres peut avoir, de faire un jour partie du
confeil fouveraindonne au dernier des bourgeois
une fonte de oonfidération peifonnelle, qui
l'entretient dans le fentiment iflatteur .de fa pror-
pre importance. En effet, dans le nombre .des
magiftrats on en compte plufieurs .qui exercent
des arts méchaniques. -L’un des membres aéluels
du petit confeÜ eft boulanger 5 c'eft à la vérité
un homme plein de contioiffances , & d'un mé rite
diftingué. Il a meme été fur le point de devenir
chef de la .république .; car on l’a vu deux
fois au nombre des fix candidats élus pour tiret
au fort l'office de tribun du peuple*