
de ignames , Tans compter les remettons , qui fervent
à la plantation de Tannée fui vante. Ce calcul
qui eft fort modéré, püifqu'on retire fouvent 4,
y , & même 6 livres de racine de chaque trou,
montre qu'un acre peut fournir allez d'ignames
pour cinq hommes , & que 130 mille habitans
n'auroient befoin que de 27,000 acres. Les 79,470
acres reftans ferviroient au bled, aux légumes &
aux pâturages. On poürroit même profiter des fix
mois, pendant lefquels la terre ne produit point,
de ig n am e spour y ferrier d'autres légumes/
La Barbade eft la plus confîdérable des ifles an-
gloifes de l'Amérique après la Jamaïque.
Les habitans de la Barbade fo n t , avec la Nouvelle
- Angleterre, la Caroline, la Penfylvanie,
la Nouvelle-Yorck & la Virginie, un .commerce
de bois, de maïs, de b led , de farine, de bled
d’Inde , de ris, de tabac, de boeuf & porc falé ,
de poiffon , de légumes, & c . ils tirent de la Guinée
des nègres ; de l'ifle de Madère du vin 3 de
Tercère & de Fayal du vin & de l'eau-de-vie 3
de l'ifle de May & de Curaçao du fe l, & de l’Irlande
du boeu f & du porc. La Grande-Bretagne &
l'Irlande y envoient en outre des Ofnabrugs, qui
font la principale étoffe dont on habille les do-
meftiques & les efclaves 3 des toiles de toutes les
fortes, des draps larges, & des kerceys pour les
planteurs, leurs infpeéieurs & leurs familles 5 des
foies écrues & travaillées } des bonnets rouges
pour les efclaves} des bas & des fouliers de-toutes
fortes > des gants & des chapeaux j de la mercerie
, dés perruques, des galons, des pois, des
fè v e s , de l'avoine & du bifcuit de Londres ; des
vins de toutes les fortes, de la bierre de différentes
efpèces ; de la chandelle, du beurre & du
fromagej des fr ie s , des limes, des haches, des
cïfeaux, des houes, des rabots, des gouges, des
bêches, des pics, des couteaux , des d o u x , du
plomb , de la poudre, des balles & desuflenfiles
de cuivre : la fayence de Birmingham , quoique
d'un grand débit , fe rouille, & fe paffe
bientôt, à caufe des brouillards qui s'élèvent le
foir.
Je pourrois ajouter beaucoup d'autres uftenfiles
néceffaires , utiles & agréables aux ifles. Les
domeftiques qui s'engagent de bonne volonté, fur-
tout les ouvriers, valent 2y à 30 livres fterling
par tête pour cinq années de fervitude. Les planteurs
envoient en Guinée des fufils, de la poudre
, des armes, des perpétuanes, du fuif, &c.
Un colon , qui poflfède quatre ou cinq cens
acres, a befcdri chaque année de 20 ou 30 nègres
de recrues. ■
Le vin étant la principale boiffon de ceux qui
font à leur aife , les marchands de Londres & les
Bârbadiens eux - mêmes, portent tous les ans dans
cette ifle , environ trois mille pipes de vin de Madère
, de Malvoifie & de Vidonia/ Le vin de
Mad ère, qu'on fait paffer par la Barbade pour
l’amener en Angleterre , eft beaucoup meilleur'
que celui qui vient directement de Madère.
Avant la guerre civile, le commerce étoit libre1
& ouvert dans cette ifle ; & les hollandois y al-
loient acheter des fucresauflï-bien que les anglois
cette liberté de commerce rendoit l'argent fort
commun dans la Colonie 3 mais , après le réta-
bliffement de Charles I I , le parlement paffa plu-
fieurs aéfces pour reftreindre, à la Grande-Bretagne
& qux vaiffeaux anglois feulementle commerce
de toutes les Colonies angloifes à fucre ;
ce qui a rendu Londres le principal marché du
monde pour les fucres.
Un écrivain très - inftruit a compté que cette
Colonie avoit rapporté à l'Angleterre , depuis
Tannée 1636 jüfqu'en 1656 , au moins deux
millions fterling en argent; que, dans les vingt-
ans qui ont fuivijufqu'en 1676 , le gain fut d'environ
quatre millions fterling 3 il ajoute que ,
dans Tefpace de cent ans , les habitans de la
Grande-Bretagne en ont tiré douze millions d'argent..
La Barbade éxportoit autrefois une quantité
confîdérable d'indigo : on n'y en fait à. préfent
que fort peu ou point du tout.
Il y a trois claffes d'habitans dans cette Ifle ;
les.maîtres qui font anglois, écoffois ou irlandois,
& quelques-uns hollandois , françois & juifs ; les
domeftiques blancs & les efclaves noirs. Il y a
deux fortes de domeftiques blancs ; ceux qui fe
vendent eux-mêmes dans la Grande-Bretagne ou
en Irlande, & ceux qui font tranfportés pour
crimes. Quand le terme de leur fervitude eft expiré
, les domeftiques anglois ont cinq liv. fterl.
&les autres feulement quarante fchelings. .
L'ifle eft divifée en quatre diftriéls & onze
paroiffes, dont chacune a le droit d’envoyer deux
repréfentans à l'afTemblée générale 5 chaque pa-
roifle a-un miniftre.
En 1661 le roi Charles II acheta du lord Ki-
nowl, héritier du comte de Carlifle , la propriété
de- l'ifle , & y nomma pour gouverneur le
lord Willughby de Parham. Depuis ce temps , la
Barbade a toujours formé un gouvernement particulier,
& la Colonie paye un impôt de quatre
& demi pour cent des productions , pour les dé-
- penfes du gouvernement. Le produit de cette taxe
eft d'environ dix mille liv. fterl.
Cette Ifle entretient deux agens à Londres 3
pour fuïvre les affaires qu'elle peut y avoir auprès
du parlement.
Quinze cens hommes de cavalerie & environ
trois mille d'infanterie y compofent la milice.
BARBARES ( l o i x barbares ). On donne le nom
de lo ix barbares à celles qui furent faites, lors de
la décadence de l'empire romain, par les diffé-
rens peuples qui le démembrèrent, tels que les
goths -, les vifigoths , les ripuaires, les francs ,
les allemands, les anglo-faxons, &c.
- Le Dictionnaire de Jurifprudçnce a déjà traité
cet article. Ori ajoutera ici quelques obférvatiohs
tirées de Montefquieu.
L e s lo ix des , barbares ju r en t toutes perfonnelles.
C'elt un caraCtère particulier de ces loix des
barbares 3 qu'elles ne furent point attachées à un
certain territoire : le franc étoit jugé par la loi
des francs j , l'allemand par- la loi des allemands 5
le bourguignon par la loi des bourguignons 3 le
romain par la loi romaine 3 & , bien loin qu'on
fongeât dans ces temps-là à rendre uniformes les
loix des peuples conquéraris, on ne penfa pas
même à fe faire légiflateur du peuple vaincu.
Je trouve l'origine de cela dans les moeurs des
peuples germains. Ces nations étoient partagées
par des marais , des lacs & des. forêts ; on voit
même dans Céfar : (1 ) #qu'ellès aimoient à fe fé-
parer. La frayeur qu'elles eurent des romains , fit
qu'elles fe réunirent ; chaque homme , dans ces
nations mêlées’ , dut être jugé par les ufages &
les coutumes de fa propre nation. Tous ces peuples
, dans leur particulier, étoient libres & indépendant
3 & , quand ils furent mêlés j d'indépendance
refta encore : la patrie étoit commune,
& la république particulière 5 le territoire étoit
le même, & les nations diverfes. L'efprit des loix
perfonnelles étoit donc chez ces peuples j avant
qu'ils partiflent de chez eux , & ils le portèrent
dans leurs conquêtes.
On trouve cet ufage établi dans les formules (2)
de Marculfe , dans le? codes des loix des barbares,
fur-tout dans la loi des ripuaires (3), dans les (4) i
décrets des rois de la première race, d'où dérivèrent
les capitulaires qu'on fit là-deffus dans la
fécondé (y). Les enfans (6) fuivoient la loi de
leur père, les femmes (7) celle de leur mari ; les
veuves (8) revenoient a leurloi, les affranchis (9)
avoient celle de leur patron. Ce n'eft pas tout :
chacun pouvoit prendre la loi qu'il vouloit ; la
conftitution de Lothaire I ( 10) exigea que ce choix
fut rendu public.
L e s terres du partage des barbares ne payaient
p oint de tributs. Des peuples Amples, pauvres-,
libres, guerriers, pafteurs, qui vivoient fans in-
duftrie & ne tenoient à leurs terres que par des
cafés de jonc , fuivoient des chefs pour faire du
butin , & non pas pour payer ou lever des tributs
(ï 1). L'art de la maltôte eft toujours inventé
après coup, & lorfque les hommes commencent
à jouir de la félicité des autres arts.
Le tribut paffager d'une cruche de vin par
arpent, qui fut une des vexations de Chilpéric &
de Frédégonde, ne concerna que les romains (12).
En effet, ce ne furent pas les francs qui déchirèrent
les rôles de ces taxes, mais les eccléfiaf-
tiques , qui dans ces temps là étoient tous romains
(13 ). Ce tribut affligea principalement les
habitans ( 14) des villes : or les villes etoient pref-
que toutes habitées par des romains.
Grégoire de Tours (15) dit qu'un certain juge fut
obligé , après la mort de C h ilp ér ic, de fe réfugier
dans unè églife, pour avoir, fous le règne de
ce prince, afîujéti à des tributs des francs qui,
du temps de C hild eb er t, étoient ingénus : multos
d é fra n c is q u i , tempore Childéberti regis , ingenui
fue rant 3 publico tributo fu b eg it. Les francs qui n'é-
toient point ferfs ne payoient donc point de
tributs.
11'n'y a point de grammairien qui ne pâlifle,
en voyant comment ce paflage a été interprété
par M. l'abbé D ub o s (16 ) . Il remarque que, dans
ces temps-là, les affranchis étoient auflï appelés
ingénus : fur cela il interprête le mot latin ingenui ±
par ces mots , affranchis de tributs ,• expreflio n
dont on peut fe fervir dans la. langue françoife ,
comme on dit affranchis de f o in s , affranchis de
p ein es / mais dans la langue latine , ingenui a tr i-
b u t is , lib e n in i a tributis , manumijji tributorum
feroient des expreflions monftrueufes.
V a r th en iu f, dit Grégoire de Tours (17) , penfa
être mis à mort par les francs, pour leur avoir
impofé des tributs. M. l'abbe Dubos (18), prefie
(1) {De Bello gallico , liv. VI.
(2) Liv. I , form. 8.
(3) Chap. I g .
(+) Cdui dè Clotaire de l’an y do , dans l’édition des Capiculair.es de B.aloze , t om .i , art, 4. ibid, in fine.
alres aî° utes a *a foi. des ^lombards , liv. I , tic. 25 , chap, 71 j liv. II y tir 41 , chap. 7 j & tic. 55 ;
(dj Ibid, liv. I I , tir. y.
’ (7) Ibid, liv. I I , tit. 7 , chap,' i,
(8) Ibid. chap. 2.
(9) Ibid, »liv. II , tîç. 3y , chap. 2.
’ Cio) Dans la lof des lQçnbards,liv. I I , tit, $7.
(11) Voÿe[ Grégoire de Tours , liv. IL
(12) Ibid. liv. V.
(i,) Celai paroit, par toute I’biftoite de Grégoire de Tours. Le mime Grégoire demande t un certain VaifiiiacM
comment xi avoit: pu -parvenir a la clencacure lui qui croit lombard d’origine. Grégoire de Tours , liv. V l lL
(14 ) Qiue conditio univerjîs urbibûs per Galliam confiituiis Jummoperè eft adhibita. Vie de S. Acidius
( i j ) Liv. VII. *
(16) Etabliflèment de la monarchie françoife, tom. 3 , clup. 14, pag, yiy,
(17) Liv. III, ch. 35.
(.18) Torn. | , pag. y 14,