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profits pour h, nation, pour le gouvernement ~s
pour les proprietaires, fi ces derniers étoient feuls
tenus de fubvenir à la dépenfe des chemins, lorsque
l'impôt ordinaire n'y peut fuffire 5 & fur-tout
ü Y ou. employoit alors, à ce fervice public, les
troupes dont il accroîtroit la vigueur 8c la fante,
& qui Sauraient pas befoin d'un falaire aufli fort
que d'autres ouvriers, qui n'ont pas leur fubfiftance
allurée d'avance comme le foldat.
Moyens provifoires employés dans quelques provinces
pour remplacer la corvée en nature.
>yens que nous allons expofer pour fup-
pléer à h corvée 3 ne peuvent être mis dans la clafle
des projets nouveaux qui demandent beaucoup de
raifonnement pour être démontrés , beaucoup de
tentatives & d'expériences pour en conftater la
polfibilité. Il y a plufieurs années; qu'ils font adoptés
& employés avec fuccès 8c avec l’approbation
du gouvernement dans quelques généralités
du royaume.
M. Orceau de Fontette, intendant de Caen,
a été le premier qui, frappé des maux qu'entraîne
la corvée3 des inconvéniens, des abus qui en font
inféparables , & s'élevant au-deffus des préjugés
pufillanimes qui tendent à lailFer toutes les chofes
bonnes ou mauvaifes dans l'état oùrx>nles trouve,
réfolut d'affranchir la province confiée à fes foins,
d'un fléau deftru&eur des récoltes , de la population
8c des revenus du fouverain & des propriétaires
: voici de quelle manière s'y prit ce digne
magiftrat.
Les paroiffes voifines des chemins font chargées
> fuivànt une répartition déjà faite entr'elles ,
d'une certaine étendue de tâche pour les travaux
de conftru&ion ou d'entretien de ces chemins.
M. de-Fontette propofa à chacune de délibérer
■ pour choifir, ou de faire fa tâche en nature, ou
de fe foumettre à payer en argent, au marc la
livre de fa taille , l'adjudication qui en feroit faite 5
déclarant, au furplus, que faute d'avoir, dans un
délai limité, notifié expreffément qu'elle préfère
la corvée à l'impofîtion néceffaire pour faire exécuter
fa tâche, elle fera bien 8c auement cenfée
avoir accepté le dernier parti , & qu'en cqnfé-
quence la tâche adjugée publiquement au rabais
& payée en argent feroit répartie fur les contribuables
de la paroiffe qui aurait dû la faire, &
qui auroit préféré de la payer. Par cet arrangement
, les chemins font conftruits & réparés ,
fans que les travaux de la culture foient interrompus
, & le plus redoutable dés inconvéniens qui
réfultoient de l'ancien régime, fe trouve paré &
prévenu.
Peu après l'écabliffement de cette réforme fa-
Jutaire dans la généralité de Caen, M. Turgot fut
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nommé intendant de celle de Limoges 5 anime du
même zèle que M. de Fontette, il en adopta les
vues 8c en perfectionna le plan, pour 1 appliquer
aux trois provinces qui compofent cette généralité
(1 ) . p ' .
Quand M. Turgot entreprit cette opération
importante, ce n'étoit pas une queftion chez les-
gens qui s'occupoiént du bien public de favoir s il.
etoit avantageux 8c jufte d'abolir la corvee. Les
parlemens faifoient peu de remontrances alors ou
ils ne fiffent mention des dangers, des déprédations
& des abus de cette impofition, toujours
plus forte que ne le demande le befoin auquel elle
doit pourvoir, & q u i, par fa. nature , ne fauroit
être répartie avec égalité. La grande réputation
de Y Ami des hommes avoit été en partie fonde«
par un livre contre les corvées. Toutes les observations
, tous les calculs politiques demontroient
qu'il étoit nécefifaire 8c preffant d'adopter une autre
manière de faire les chemins : 8c en effet il elt
fi vifible que des gens qui viennent travailler de
trois ou quatre lieues, perdent une partie “ C leur
temps en route ; que des gens qui n ont pas d habitude
d'un métier le font mal î que des gens qui
ne font point payés travaillent fans courage 8c
avancent p eu} que des gens qui ont des travaux
aufli importans à toute la fociété que ceux de 1 a-
griculture, ne peuvent employer ailleurs le temps ,
les beftiaux 8c les voitures qu'ils y devroient con-
facrer, fans que ce dérangement de leurs travaux
champêtres ne protjuife fur leurs récoltes une perte
confidérable , 8c beaucoup plus que ne peut 1 etre
la valeur de leur travail fur les chemins : il eft 11
fènfible que la fociété doit, cependant être Servie
avec le moins de frais & de pertes qu il foit p of
fible pour fes membres ; tout cela eft^d une clarté
fi frappante , qu'indépendamment meme des eon-
fidérations de juftice & d'humanité , il n ÿ a per-
fonne de fang-froid qui puiffe douter, qu il ne
foit plus utile à l'état de faire les chemins par adjudication
8c de payer ces adjudications par une
impofition, que d'ordonner des corvées, dont le
travail eft infiniment plus mauvais 8c coûte infiniment
plus cher.
C 'eft ce qu'on difoit alors : on n'avoit pas encore
oublié que, félon les conftitutîons des empereurs
& l'antique 8c véritable droit du royaume
, nul ne devoit être exempt de contribuer a
la réparation des chemins. On citoit une ordonnance
de Théodofe & des Capitulaires de nos
rois, qui difent que les églifes elles-mêmes y font
affuietties. ,
[ On trouve en effet dans le code theodofien,.Iiv. I I I .
de itinere m u n ien d o , ces paroles remarquables-:
A V IARUM M U N I T IO N S N U L J. U S H A B E A~
t u s . i m m u n i s 3' & eorum pr&diorum aftores qui
fo r te injunclo onere, p r iv i l e g io r u m c o n t e m p l a -
40 Exçraîç d’un excellent Mémoire de M, Dupont, intitulé de YAdminifiration des chemins, imprimé en *7$7*
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tione , parère minime voluerint noflrA domui vin-
dicentur. C'eft-à-dire , QUE NUL NE SOIT EXEMPT
d u t r a v a i l des c h e m in s , 8c que les poffef-
feurs des biens-fonds, qui, sous p r é t e x t e de
quelque privilège, voudroient fe fouftraire à cette
contribution, foient cités par-devant nous. L'empereur
ajoute : abfit ut nos inftructionem vi& publie
a & pontium jlratorumque operam ,• titulis magno-
pum principium dedic-atam inter fordida munere nu~
meremus. ïgitur ad inflruétiones reparationefque iti-
nerum pontiumque nu l lum genus h omin um
NULLIUSQUE DIGNITATIS AC VENERAT IO NI S MEjtiTis
cessare oportet. Domos etiam divinas ac
venerandas ecclefias , tam laudabili titulo libenter
adfcribimus. Quam legem cunétarum provinciarum
judicibus intimari conveniet, ut noverint quA viis
publicis antiquicas tribuenda decrevit, s ine ulliu s
vel reverentia 3 vel dignitatis exceptione prAjlanda.
C'eft-à-dire, « nous fommes fi éloignés de mettre
•• au rang des contributions viles 8c déshonorants
tes, la conftruélion & la réparation des che-
*> mias & des ponts, que nous voulons qu'AU-
» CUN R AN G , AUCUNE DIGNITÉ NE PUISSE EN
»> e x e m p t e r . C'eft pour ce jufte motif que nous
» affujettiffons les églifes 8c les maifons religieur
■» fes : nous enjoignons que cet édit foit publié
•» dans toutes les provinces de l'Empire , afin que
*> tous fâchent qu'AucuN t i t r e n i a u c u n e ,
»» d ig n i t é ne peut fouftraire à cette jufte & an*
cienne contribution ».
On trouve, dans les Capitulaires de Charlemagne,
( liv. VI. ) « que les églifes font exemptes
» de toute contribution, e x c e p t é d e l a c o n -
» TRIBUTIGN DES CHEMINS ET DES PONTS ».
PoJfeJ/iones ad religiofa loca pertinentes nullam def-
ùriptionem agnofeant 3 n i s i au constitutions m
VIARUM VEL PONTIUM.
Dans des temps plus modernes, il paroît que
les chauffées & les ponts fe faifoient, en général,
aux dépens des feigneurs hauts-jufticiers, qui, à
raifon de ce, levoient un péage fur tout ce qui
y paffoitj moyennant lequel ils dévoient, en outre
, maintenir la sûreté des chemins, y protéger
les voyageurs depuis le foleil levé jufqu'au foleil
couché, & dédommager ceux qui auroient été
volés pendant cet intervalle. Le roi lui-même fai-
foit rembourfer le détrouffement fait en fa juftice,
comme on le voit par un arrêt de la Touffaint de
I2P9l/u*fieurs ordonnances preferivent aux feigneurs
d'employer entièrement le produit des péages aux
dépenfes néceffaires pour la conftruétion , l’entretien
& la sûreté des routes , & leur défendent
d'en faire un objet de revenu pour eux - mêmes.
L'ordonnance d'Orléans , art. 107 ÿ celle de Blois,
art. 282 & 3 j y j les édits de Charles V 11 en
1430, 1438, 144S , & un grand nombre d’autres
édits de Louis X I, de Charles VIII, de
François premier, &c. confirment que les droits
de péages étoient païticuliérement affeétés à U
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conftruélion & à l’entretien des chemins. Perfonne
n'étoit exempt de ces droits que les fils de France
& les princes du fang royal jufqu'au fixième degré
inclufivement. La plus haute nobleffe & les ecclé-
fiaftiques y étoient affujettis, comme on le voit
par un arrêt du parlement de Paris du 8 juin 1387,
cité au Dictionnaire des arrêts, au mot P é a g e .
Un autre arrêt du même parlement, du 24 mai
i ^83, condamne l’abbé & les religieux de Saint-
ViCtor-lès-Paris à payer le droit de barrage, qui
fe percevoit pour l'entretien de la route de Paris
à Orléans, auquel ils prétendoient ne devoir point
être fournis. Cet arrêt étoit appuyé fur des lettres-
patentes données par Henri III, le 18 juillet 1 576S
dont voici la teneur.
« Henri, &c. ayant été informé qu'aucuns eon-
» trevenant à l'intention de nos prédéceffeurs 8c
» de nous, s'efforcent de s’affranchir defd. droits
» de barrage, fous prétexte de leur é t a t , . o f -
» f i c e s e t p r i v i l è g e s , & à l’occafion qu'ils
» ne font nommément fpécifiés aux lettres d'éta-
» bliffement d'iceux, combien qu'ils y foient clai-
»» rement entendus par ces mots, q u e l q u e s p r i v i -
» l è g e s e t e x e m p t i o n s q u ' o n p û t p r é t e n -
» d r e . A ces caufes, confidérant le grand bien 8c
» commodité que l'ouvrage & faélion defdits pave
» 8c chauffée apportent, 8c que nul ne doit reculer
» au paiement defdits droits, voulons que tous-
nos fujets , de quelque qualité & condition
» qu'ils foient, exempts ou non exempts * pri-
» vilégiés ou non privilégiés, contribuent lefdits
» droits de barrage, fans qu’ils s'en puiffent a£
» franchir, quelques privilèges, fentences, jugeas
mens, arrêts & déclarations qu'ils puiffent pré-
a» tendre & avoir obtenu , & pourront ci - après
»a obtenir à ce contraires ao.
De quelle raifon plaufible pourroient s'appuyer
ceux qui prétendroient qu'il ne doit pas en être
pour tous les chemins du royaume comme pour
celui de Paris à Orléans ? Toutes ces autorités ren»
dent fort évident que, depuis que les péages ont
été fupprimés, les privilégiés qui ne pou-voient
prétendre aucune exemption de ces droits onéreux
deftinés à la conftru&ion & à l'entretien des routes
, n'ont aucun droit ni aucun titre de plus pour
être exempts de la contribution, infiniment plus
équitable & moins pefante, néceffaire à la conf-
tru&ion des chemins. Aufli l'arrêt du confeil ,
du 18 juillet 1(370, ordonne-t-il «que les grands
aa CHEMINS ET CEUX DE T R A V E R S E , feront in-
aa ceffamment réparés & entretenus aux frais . &
93 dépens des propriétaires des terres , des pa-
aa roiffes où fe trouvent les mauvais chemins avec
aa cailloux ', graviers ou fafeines, fuivant les or-
a» donnances.
Rien n'a dérogé à ces difpofitions de toutes les
loix , que les condefcendances de meflieurs les in-
tendans pour les riches & les puiffans, lorfqu'il
a été queftion d'établir les corvées en nature. Les ordonnances
des intsndansfur les corvées ont donc feules
T tt t 2