
deaux à fon opinion. Il ne peut y en avoir de
meilleure preuve que l'arrêté même pris par ce
tribunal, le 14 janvier dernier, fur la dénonciatiori
des mémoires de M. du Pré de Saint-Maur. Ne
forons pourtant pas étonnés d'y voir le parlement
demander, dans les termes les plus formels , l'abolition
de la corvée & la répartition fur tous les
ordres de citoyens, des fommes néceflaires pour
la Confection des chemins. C'eft -ainfi que les pré-,
jugés fe diffipent par le choc des idées, & que le
bien s'opère quelquefois par les moyens même qui
fembloient les plus propres à l'éloigner. Le gouvernement
, qui n'avoit retiré qu'à regret & pro-
vifoirement l'édit de 1776 , peut maintenant, à
volonté & fans craindre d'obftacles > faire l'heureux
effai de fes difpofitions dans la province de
Guyenne.
La revivification de cette loi générale & favorable
eft d'autant plus defirable & néceffaire ,
qu'il eft bien à craindre que, dans Çétat aCtuel
d'incertitude où l'on eft encore dans pnmeurs provinces
, par l'infuffifance de la loi fur le fait des
corvées 3 quelque bien intentionnés, vigilans & humains
que foient les adminiftrateurs, tant qu'on
n'en viendra pas aux vrais principes, il n'y ait toujours
des rumeurs & des mal-entendus (1).
Dans ces principes , lés chemins roy aux font du
domaine royal. Le fôiiverain en a feul l'infpeCtion
& la jurifdiCtion , fans que pour, cela il en puiffe
tirer aucun revenu que par l'effet indired de leur
utilité majeure. Cette utilité confifte dans l'accroif-
fement général du revenu des terres fur lequel le
'prince a fa part j accroiffement qui provient de la
valeur donnée au produit des terres voifines par les
débouchés. - .
La confection & l'entretien des chemins font
en entier à la charge du fifc , qui ne peut s'en fou-
Iager fur le peuple, ni même-fur les propriétaires
que de gré à gré. Cet entretien des ponts & des
routes publiques eft ce qui fait le département des
travaux publics , principale fonction des devoirs
fouverains après l'inftruCtion générale.
A l'égard des chemins vicinaux & de communication
dans l'intérieur des terres, fans lefquels
j lés grandes routes ne feroient que des corps fan*
i bras, le peuple proprement dit, les communau-
tés, c'eft-à-dire , les affemblées de propriétaires ,
peuvent en être chargés, toujours fous une forte
d'infpeCtioii publique qui en impofe & en maintienne
l'uniformité poffible félon les lieux ; mais
jamais aux dépens des fueurs du pauvre manoeuvre
qui n'a que fes bras, & qui ne doit, en fa
. qualité facrée d'homme, être employé comme toute
autre que de gré à gré.
Avant de finir cet article , nous croyons devoir
nous permettre quelques obfervations fur l'article
C h em in s , imprimé dans ce Dictionnaire d'Eco-
nomie politique. Nous ofons croire quelles ne déplairont
point à l'auteur ( M. de Pommereul ) ,
trop bon citoyen pout trouver mauvais qu'on lui
fane appercevoir, dans fon ouvrage, le danger
des moyens qu'il propofepour fuppleer à la corvée.
Le Mémoire de M. de Pommereul fur les chemins
a été imprimé en 1781 , & n'elt peut-être
pas aufli connu qu'il méritoit de l'être. Mais ,
quoiqu'il contienne une multitude de détails inté-
reffans, il s'en faut bien que l'auteur ait atteint
le but qui lui avoit été indiqué par l'académie de
Châlons, & qui eft annoncé dans le titre de fon.
ouvrage. Il démontre, fans contrédit, de la manière
la plus évidente à quel point les grandes routes
font utiles à un état, & quels immenfes bénéfices
elles lui procurent. Il excite notre étonnement
en nous faifant entrevoir que cette vérité >
reconnue depuis fi long-temps par les grecs , les
romains & par tant d'autres nations moins célèbres
dans les faftes du monde, étoit prefque neuve
pour la France au commencement de ce fiècle. Il
s'efforce de rectifier nos idées fur la nature des
moyens que ces peuples paroiffent avoir employés
pour la conftruCfcion des grandes routes (2)’. Critiquant
avec raifon ceux dont nous nous fommes
jufqu'à préfent fervîs nous-mêmes, il peint la
corvée comme l'impôt le plus dur d'ans fa perception
, le plus inégal & le plus injufte dans fa répartition.
11 fait fentir les difficultés qu'on pour-
roit trouver, en y fubftituant le travail des troupes
(3). Tout enfin, hors la conclufion, eft traité
(1) Au moment où nous envoyons cet article à la prefïè, nous apprenons avec beaucoup de fatisfa&ion-que le gouvernement
va publier dans peu une loi générale fur le fait des corvées , qui abolit les travaux en nature & y fubftïtue-
une contribution en argent proportionnée aux facultés des corvéables, fur le modèle de la contribution repartie pour le
j-chat de la corvée dans le Berry, par l’adminiftracion de cette province. . .
(2) M ” de Pommereul penfe que les 5 voies des romains n’ont pas été-faites par les troupes, mais par corvées ou a prix
d’argent* Cette opinion , qui s’éloigne des idées reçues à cet égard , ne nous paroît pas appuyée de preuves fuffifantes pour la-
faire adopter. L’exemple de l’empereur Vefpafien, qui fit faire quelques parties de chemin aux dépens de fa caflette, loin,
de prouver pour l’aflertion de M. de Pommereul, lui eft évidemment contraire. 11 n’eût pas été rapporté par les^hiftoriens
comme remarquable, s’il ne fut forti de l’ufage orjinaire. Dans le temps de la république, Marius difoit a- fes fol®,
dats qui s’étoient écartés de la difcipline : je ne vous conduirai i l’ennemi que quand vous aure\ lavé votre honte dans la
U) Les^aifonnemens & les calculs d,e M. de Pommereul ne peuvent détruire les faits qui leur font oppofés. Les travaux pu-
fc’ icsfaits en France par les troupes, comme les canaux de Briare ,«le Languedoc , d’Orléans , de la Lys , &c. font évidemment
ceux qui ont été achevés le plus promptement, conftruits à moins de frais , & qui font les plus fôlides. Les regimens qü on y
a employés n’en ont pas murmuré & n’en ont pas fouffert. Quand on n’auroit que 310©© horn, de troupes à employer aux che*
mins^ comme le dit M. de Pommereul, ne feroû-ce point déjà une grande avance» & ne trouveroit-on pas plus fa^
ciienient après des ouvriers volontaires-qüil afiureerrelî rares?
d'une manière fupérieure dans cet ouvrage (.1).
Mais comment fe peut-il qu'après avoir porté un
jugement aufli fain fur les inconvéniéns du fyftême
des corvées, l'auteur revienne à le propofer lui-même
avec une modification, qui, laiffant d'ailleurs fub-
fifter la majeure partie de l'abus , ne fait quepré-
ienter de nouveaux dangers ? Comment après avoir
avoué que, s'il y avoit un motif raifonnable à op-
pofer à l'édit de 1776, c'étoit affurément la crainte
que le produit de l'impôt ne fût par la fuite diverti
à d'autres ufages, tandis que cette impofition devenue
permanente formeroit une nouvelle charge
pour les peuples qui auroient le double chagrin
d'être obligés de la fupporter & de voir rétablir
la corvée ? Comment, difons-nous, l'auteur peut-
il fe flatter de perfuader que, dans les befoins les
plus urgens de l'état, le gouvernement acquittera
toujours avec régularité les falaires qu'il propofe
d'accorder aux corvéables ? Ne devroit-il pas prévoir
au contraire que, s'il arrive une circonftance
qui oblige de retarder les paiemens, ou de donner
, * ne fût-ce que pour un moment, une autre
.deftination aux fonds levés à cet effet, ce premier
pas conduira bielitot à un oubli total des engage-
mens pris' fur ce point ?
Difons donc que la différence, entre le fyftême
de M. Turgot & celui de M. de Pommereul, eft
totalement à l'avantage du premier 5 car la corvée
une fois-abolie , il peut être permis de douter
qu'aucun miniftre des finances voulût prendre fur
lui de la rétablir, ou qu'il y parvînt s'il ofoit le
tenter. Mais avec quelle facilité la pénurie d'argent
, qui femble devoir faire le tourment éternel
des contrôleurs généraux, ne leur fourniroit-elle
pas des prétextes malheureufement trop fpécieux
pour pallier leur conduite, lorfque, fans avoir à
exercer leur imagination , fans avoir à calculer
ou à chercher de nouveaux moyens de fubvenir
à la conftru&ion ou à l'entretien des routes, il ne
leur en coûteroit que de différer d'abord le paiement
des corvéables, & enfuite de l'éluder tout-à-fait.
( Cet article efl de M. Grivel.J
CORVEY , abbaye princière d'Allemagne.
L'abbaye ou principauté de Corvey a pour limites
vers le couchant & vers le midi, l'évêché de Pa-
derborn , vers l'orient le Wefer, qui la fépare du
duché de Brunfwick, & vers le nord une partie
de ce même duché & le bailliage de Schwalenberg.
Elle a environ trois milles de longueur &
deux de largeur.
L'empereur Lothaire I. donna en 844 l'ifle de
Rugen à l'abbaye de Corvey.
L'abbé de Corvey eft prince de l'Empire. Il a la
dernière voix parmi les abbés princiers à la diete
du corps germanique. Sa taxe matriculaire eft de
2 cavaliers & de 9 fantaflîns, & de 60 florins par
mois. Il paye 108 rixdal. 29 & demi gros par chaque
terme, pour l'entretien de la chambre impériale.
Il a fa place entre Verden & Stablo , dans les
affemblées du cercle de Weftphalie.
Cet abbé qui dépend immédiatement du faint-
fiège, a une régence & une cour féodale. Ses revenus
font de 30 à 40,000 florins. Il a un maré^
chai & un échanfon, dont les charges font héréditaires.
La petite ville de Hoexter, fituée près de l’abbaye,
dépend à quelques égards de cette fouve-
raineté. Cette ville fut donnée à l'abbé Adelhard
par l'empereur Louis. Les ducs de Brunfwick obtinrent
en 1265 le droit de protection fur Hoexter,
avec la réferve néanmoins de certains droits en
faveur de l'abbé 5 & en 1547 l'abbé Gafpard accorda
aux mêmes ducs la juvifdi&ion criminelle
avec toutes fes dépendances. En vertu de cette
conceffion, le prévôt noble de Brunfwick affifte
encore aujourd'hui à tous les jugemens criminels >
mais l'abbé peut faire exécuter le jugement ou
faire grâce. La juftice en première .inftance, ainfi
que la juftice du prince font rendues deux fois par
femaine, au nom de l’abbé. La ville a pour gar-
nifon une compagnie des troupes de l’évêque de
Munfter, lequel nomme auffi un commandant qui
difpofe des portes de la ville. Les troupes impériales
prirent Hoexter d'affaut en 1634, & passèrent
au fil de l'épée, non-feulement la garnifon ,
mais auffi la plupart des bourgeois & des enfans r
on compta plus de 1500 morts après ce carnage.
Les fuédois la reprirent aux impériaux en 1646,
En 1670 la bourgeoifîe fe révolta contre l'abbé,
parce qu'on n'écoutoit pas les plaintes qu'elle for-
moit ; & le duc Rodolphe Augufte, en qualité de
prote&eur de la.ville , y mit alors quelques compagnies,
en garnifon.
COSAQUES, voye% fur les peuplades quron
appelle de ce nom, le Diérionnaire de Géographie»
,(1) Nous1 ne devons pourtant pas dilfiniuler que les obje&ions deM. de Pommereul contre le moyen preferit par 1 ei.it de 1775 ,
de faire conftruire les chemins par des ouvriers volontaires & à prix d’argent, font plus fpéçieufes que fondées. Il je*
appuie particuliérement fur la difficulté., ou , pour mieux dire , fur l’impoffibilité de fe procurer les voitures & les beces
de fomines néceffaires aux tranfports des déblais & des. matériaux, fi l’obligation de la eorvée en payant les corvéables n#
fubfifie pas. Maïs fes raifonnemensfont contredits par l’expérience. Les provinces qui font faire les chemins a prix d’argent,
& 'qui n’emploient que des.ouvriers volontaires & des voitures fournies par des entrepreneurs au rabais , n’ont jamais
manqué de bras ni de voitures, Sc leurs chemins folides & magnifiques ont été finis avec une célérité furprenante. Ceux
qui auront vu & bien examiné les grandes routes de la Provence, du Languedoc, & fur-tout celles du Limoufin executees
par ce régime, n’adoptèronc point le fyftême de M, de Pommereul, quoique infpiré par des fencimens très-patriotiques.