
titatem civitatum violari , credebant per corpora mor-
tuçrum que, nimio fuo foetore tivitates inficerent.
L ib . 2. feél. 4. tit. 7 . ch . 1 . Charlemagne a renouvelle
ces loix dans fes Capitulaires , lib. -1,
c. 1 0 .
'O n ne peut d'ifconvenir que les fépultures dans
les églifes ne fe foient établies contre le voe u des
ordonnances eccléfiaftiques. U n e foule innonjbra-
ble de con c iles , même ceux qui fe font tenus depuis
le concile de T ren te ; S. Charles enfin récla-.
moit contre ce t ab u s, que l’ in té tê t , plutôt que
la piété , avoit établi.
I l eft aufii très-certain que les fépultures communes
dans les villes ne remontent pas au-delà du
neuvième fiècle. Lib. 1 2. de religiof. & fumptuof.
fun . . . . . N ou s avons en c o re , dans la capitale ,
des églifes dont la fondation touche aux premiers
temps de la monarchie. Q u ’elles confultent leurs-
annales, elles y verront que leurs cimetières étoient
hors des mu rs , qu’ ils étoient communs. L e cimetière
dès Innocens étoit fitué hors des m u r s , &
deftiné à la fépulture commune de toutes les paroi
fies de la cité , qui formoit l’ ancien & le véritable
Paris. La dénomination de l’ancienne rue des
Tombes , actuellement rue du fauxbourg Saint-
Jacques , vient encore probablement de ce q u une
partie des habitans y étoit enterrée.
Comment donc voudroit-on nous perfuader que
l’ efprit de notre fainte religion eft blefle par l’éloignement
des fépultures de cette ville , puifque 3
dans les plus beaux fièc le s , elle h’ a jamais voulu
les y admettre ? ■
Soumettons à une analyfe un peu férieufe ces
prétendues craintes de la religion. Q u e demande-
t-elle au fujet des fépultures ? qu’elles fe fafîent
avec décence 3 & que les lieux qui les réunifient
foient refpeélés. C e s .lie u x fi vénérables, croyez-
vous qu’ils ne gagneroient pas à être éloignés de
nous ? Qu elle terrible manière pour fe faire ref-
peéler , que de fe faire craindre ! Eft-ce du refpeél
qu’articulent les murmures que nous entendons ?
font-ce des marques de refpeél fi intéreflantes ,
que les immondices de tous genres qu’y jettent
ceux qui demeurent auprès ? Plufieurs de «nos cimetières
font devenus des paflages pu b lic s , des
efpèces de foires. Qu el fpeélacle impofant & religieux
formoient, par exemple , autour du grand
cimetière, des Innocens , les marchands de modes ,■
de bijoux 3 d’amufemens d’ enfens ( 1 ) . D e bonne
foi 3 de vaftes fépultures , éloignées de nos habitations
3 ne feroient-elles pas plus conformes aux
imprefiions-fombres que l’idée d e là mort doit donner
, au refpeél que la religion ordonne pour les
morts,
Croiroit-on que l’iniage de la mort, que nos
egliles & nos cimetières nous font rencontrer de
toutes parts 3 nous engagea penfer d’une manière,
plus falutaire à la mort? On en peut juger par
l’impreffion que fait fur un militaire la vue d’un
champ de bataille , fur un anatomifte la vue d’un
amphithéâtre.
. Mais notre manière aéluelle remplit-elle ce voeu
de décence fi digne de notre religion ? Comment
fe font, par exemple, les enterremens que nous
appelions de charité dans nos grandes paroifîes ?
Le corps du pauvre n’ a .au plus qu’un cercueil de
louage , il eft rapidement traîné fans prières, &
prefque fans prêtres, au lieu de fa fépulture.
On ne peut penfer qu’avec un fentiment péni*
ble à ces fofies communes, réceptacles de l’humanité
pauvre , efpèces d’hôpitaux affreux de
morts. Cet empilement de corps que la misère
perfécute encore a fait frémir la religion. Le génie
de l’humanité-éteint fon flambeau fur ces dépôts.
Nous ne parlerons pas des rifques auxquels l’avidité
de nos folfoyeurs expofe leurs derniers linges
, & très - fouvent leurs dépouilles mortelles.
’Ne feroit-ce pas ici le cas de rappeller la piété
avec laquelle les payens alloient le long des chemins
creufer une fofîe à leur père, à leurs amis?'
Et fi fimmenfe population de cette ville exige que
plufieurs hommes n’aient qu’une même fofie, la
décence ne demande-t-elle pas qu’on éloigne de
notre vue ces affreufes demeures ?
On a parlé de la décence de nos fépultures r
quelle décence que celle de tous nos convois qui
fe font aux heures les plus diflipées, qui fe fonc
parmi le bruit,, le cahos, les embarras des voitures
! Le mort fe rend à fon dernier gîte au milieu
du tumulte, des murmures , & au moins ne reçoit
, de la part de fes concitoyens, que des marques
de la plus profonde indifférence.
Eft - il necefifaire de parler des dégorgemens 9
qui, à certaines époques , fe font dans nos cimetières
? La terre fe foulève à des hauteurs confî-
dérables fur les pyramides de corps qu’elle veut
opprimer. Vient enfin le temps où il eft indifpen-
fablé de renouveller cette terre trop faturée, &
qui ne peut plus dévorer fes viélimés. Vient le mo
ment dégoûtant où il faut déblayer les ofifemens >
les arracher à leurs fépultures ; & où & comment
les porte-t-on ? Quelle décence j quel refpeél pour
les morts 1
Je demande encore une fois fi des cimetières
éloignés de toute habitation, défendus par des
murs élevés, ornés de . croix , d’oratoires, vers
lefquels une voiture conduiroit tranquillement, &
de nuit, les morts, ne- préfenteroîent pas un af-
peét plus lugubre & plus religieux ? .Lequel d’entre
nous ne s’eft pas fenti atteint d’une véritable
( * ) J’ai lu qu’un de nos rois (Philippe !e Bel) avoit ordonné que toutes les filles de roauvaife.vie logeaffeat
auprès de ce cimetière, afin que toutes les immondices de la ville fulïènt réunies dans un même quartier.
triftefie , d ’un fentiment profond de re fp e é l, auprès
du cimetière de Clam a r t, fitué' hors des murs,
& q u i, quoique le mieux tenu de Paris , feroit
encore fufceptible. d ’une pliîs^ grande perfeéiion.
N o n , la religion n’ ell point compromifë par
les tentatives que fait àéluellement le miniftere.
Qu elqu ’un a dit qu’ il craignoit autant qu’ il mé-
prifoit la théorie de l’ innovation dés cimetières.
C e s craintes & ces mépris ne peuvent être que
les expreflîons de l ’ignorance la plus ftu pide, ou
d e la méchanceté la plus confommée.
Voudroit-on rendre le miniftère complice de
cette hardiefle philofophique , qui regarde avec
mépris les dépouilles de la m o r t, fe fiducie peu
dé l’ufage que l’on en f e r a , de l’endroit tfù on
les p la c e ra , pourvu qu’elles n’ incommodent pas.
U n e pareille- manière de penfer ne peut être que
le fruit abominable de ces fyftêmes qui ont inondé
de vices le fiècle de lumière où nous v fv o n s , &
q u i , après avoir tenté de prouver la matérialité,
la mortalité de notre am e , doivent naturellement
infpirer de l’indifférence pour ce que deviendront
nos corps. Il feroit infiniment malheureux, il' feroit
dangereux que le gouvernement fomentât ,
même de loin , de pareilles idées > mais le comble
de l ’injuftice feroit de l’en foupçonner. Son
o b je t , celui qui , dans cette révolu tion, fixe fes
inquiétudes paternelles, c ’eft de conferver la ma-
jefté des fépultures.
N e craignons pas que l’ attachement du peuple
pour la fépulture de fes pères p rodu ife, lors de
l ’innovation, quelque événement fâcheux. Si elle
pouvoir produire une émotion, le gouvernement
eft trop fur de la contenir j les curés lui prétendent
avec z è le le s armés de la perfuafton, ces
armes forgées par les talens & les v e r tu s , avec
lefquelles ils corrigeraient l ’efprit de leurs peup
le s , & lui feroient voir les motifs purs & bien-
faifans qui dirigent l’ adminiftration. C e t te innovation
a eu lieu dans des campagnes, dans de petites
villes où l'habitant? connoifibit la fépulture
de fès p è re s , & où les cimetières concentroient la
fuite des générations d’une même famille. O n n’ a
entendu prefque aucun bruit ; le fentiment du bien
que ce changement alloit produire, s’ eft fait fen-
tir feul ; mais le peuple des grandes villes eft encore
moins fufceptible de cette délicateffe. Quelle
preuve nous en avons fous les y e u x , dans l’ inter-
diétion toute récente du cimetière des Innocens !
&: en effet quel eft l’habitant de cette, ville dont
la famille ait été enterrée dans\m même cimetière3 ;
& dont les père 8c m è re , enfans n’ attendent dans
plufieurs cimetières la réfurreélion générale ? Groit-
ori que ces fofies fi- profondes & fi fouvent remuées
8c renouvellées ne font pas autant de gouffres
où leur fenfibilité s’en fouit, & fur lefquelles
elle n^ait bien plus foùvent l’occafîon de s’ in d ign e r
que de s’ attendrir ! D ’ ailleurs il n’ eft point. q u e f-
tion d ’exhumation, on doit laifier la confomption
des corps qui y font renfermés fe faire infenfîblement
5 & , dans toute cette opération, rien ne
doit altérer le refpeél pour les morts.
Avançons, l’intérêt des fabriques & du'clergé
des paroiffes n’a-t-il pas été en partie les motifs
de la réclamation ?
Je conviens de" deux chofes : premièrement y
qué les miniftrés -fecb’ndâires dès paroiflfes font
réellement trop peu avantagés j que les revenus
des curés ne font pas dans la proportion de leurs
charges , & qu’une'grande partie des fabriques
manque de ce qui eft nécefîaire pour l’entretien
des eglifes 5 i ° . que le genre de perception des
revenus des eccléfiaftiques des paroi fies , fem-
ble vexer le peuple , * & paroît avoir quelque
chofe, d’humiliant: pour le miniftre & le minif-
tère.
A Dieu ne plaife qu on veuilie condamner ici
en général les rétributions manuelles > il eft très-
certain quelles. remontent aux premiers fiècles du
chriftianifme. A la vérité', les chefs de l'églife
en avoient alors autant befoin que les miniftrés du
fécond ordre ; mais on ne difeonviendra pas que,
depuis, le clergé, fur-tout en France, a. acquis
de très-grandes pofleflions. Àinfi , dans un état 011
la religion chrétienne domine paifiblement, & où
l’églife eft riche, n’ çft-il pas âu moins extraordinaire
que' les prêtres , qui font chargés feiils du
fardeau du miniftère , foient, par befoin., obligés
de prendre une pièce d’argent fous le.chandelier
d’ un pauvre , lorfqu’ils lui portent les dernières
confolations du chrétien 5 qu’ils foient enfin
réduits à attendre que quelque homme meure,
afin de-recevoir vingt fols -, qui font néceffaires
à leur fubfiftànce.
' Nous rie devons point envier les biens que nous
né pofiedons pas, ni ajouter foi aux déclamations
vagues que nous entendons femultiplierde tous côté'-»
Nous favons même que des miniftrés qui prêchent
une doélrine d e ■ mortification’& cfhumilité, doivent
être pauvres & vivre pauvrement, & qu’il
v auroit peut-être , pour la fociété , du danger à
Jes' rendre perfonnellement riches. Mais if n’en eft
pàs moins étonnant que les revenus eccléfiaftiques
étant deftihés , & n’ayant été fondés que pour
l’entretien des prêtres qui travaillent, & le quart
de ces revenus pouvant y fuffire, le peuple foie
encore obligé de 'payer les envoyés du Seigneur
employés à fa fanélification. Il n’en eft pas moins
étonnant de Voir fubfifter un impôt aufii général
que celui que nous appelions cafuel 3 dont le produit
eft fi difficile à calculer, &■ dont la perception
entraîne fouvent la honte pour celui qui le
recueille, & la diminution du refpeél- pour le fa-
crement.
L ’état eccléfiaftique,je ne dis pas du diocèfe, mais
de la ville de Paris , jouit d’ un revenu immenfe,
Eft- ce la le cas de s’étonner que, fu r cet énorme •
revenu, le cierge , ouvrier de cette capitale , le
feul qu’à bien d ire on y puiffe regarder, comme