
Le canton de Berne a des femmes confîdéra-
bles dans les fonds d'Angleterre , & il y a à Lon-
dre un réfident bernois qui veille aux affaires de
cette république. Tout cela forme des liaifons
mutuelles , & infpire à Y Angleterre des ménage-
mens pour la Suiffe. Koye^ l'article S u i s s e .
io °. L'Allemagne fait un des principaux objets de
la politique angloife. C'eft en Allemagne qu'elle
trouve la maifon d'Autriche , dont elle a depuis
fi long-temps embraffé les intérêts , par haine
pour la France. Oeft-là encore qu'elle trouve
plufîeurs princes qui font charmés de lui fournir
des troupes , moyennant des fubfides. C'eft - là
quelle fait le débit le plus confidérable des ouvrages
de fes manufactures- & de toutes Tes mar-
chandifes. Les états héréditaires du roi y font
fitués} elle y trouve de plus la maifon de Brandebourg
qui , au défaut de celle d'Hanovre | doit
fuccéder à la couronne d'Angleterre. Elle y a
envoyé fouvent fes troupes pour foutemr fes alliés.
En un mot , c'eft en Allemagne qu'eft le
principal théâtre de fes guerres & de fes négociations
fur le continent.
i i °. La Pologne a fort peu de liaifons avec ïa
Grande-Bretagne. Aucun prince d3Angleterre ne
peut afpirer à la couronne de Pologne 3 à
moins q uil ne veuille changer de religion. Ces
"deux royaumes ne fauroient fe nuire ou fe prêter
«des fecours. \J Angleterre ne fait aucun commerce
direét avec les polonois. La Pologne n'entre dans
le fyftême politique de la cour de Londres , qu'à
l ’époque où le trône polonois eft vacant ( la
Grande - Bretagne cherche alors à contribuer à
l'éleCtion d'un roi qui lui convienne ) ou lorfqu'il
s 'y élève des troubles qui peuvent avoir de l'influence
fur les affaires d'Allemagne.
i z°. L'adminiitration angloife ménage le Dan-
nemarck ; i ° . à caufe du commerce mutuel qui
fe fait entre les deux nations 5 2°. parce que cette
couronne domine à l’entrée du Sund 3 & qu'elle
elt par-conféquent maitreffe , ,à certains égards -,
du commerce delà Baltique} 3 °. parce qu'il y a
des' alliances de famille entre la maifon qui
occupe le trône d'Angleterre & celle de Danne-
marck 5 & , quoique la dernière alliance ait eu
des'fuites bien funeftes pour la foeur du roi à!Angleterre
3 ce 3 e rapport fubfifte toujours , mais plus
foiblement 5 40. parce que cette cour , moyem-
nanr des fubfides, eft en état de fournir au moins
douze mille hommes de bonnes troupes } y®. parce
qu'elle entretient une flotte affez confidérable 5
6°. parce que le Dannemarck eft rival & ennemi
de la Suède alliée de la France. Angleterre
chetche fur-tout à prévaloir fur. le parti françois
que l’on voit fans ceffe à la cour de Dannemarck. ,
L'établiflement de la compagnie des Indes de !
Coppenhague fera naître de la jaloufie , ou produira
une méfintelligence entre le Dannemarck
& Y Angleterre.
j 3°. La Suède eft depuis long-temps alliée de
la France. L’Angleterre cherche néanmoins à vivre
en bonne intelligence avec la cour de Stoe-
kolm 5 i°. à caufe du commerce de la Baltique
j elle a befoin des bois & des denrées du
Nord} 2°', parce que la Suède a beaucoup d'influence
fur les affaires.du Nord; 30. parce qu’elle
eft garante de la paix de Weflphalie 3 & l’un des
foutiens de la religion proteftante ; 40. afin que
fi le Dannemarck venoit à fe lier d’une maniéré
trop étroite avec Ja France 3 elle put s'arranger
avec la Suède > 50. enfin parce qu'il nerferok pas
de l'intérêt de XAngleterre-3 ni d’aucun prince de
l'Europe 3 que la Ruffie s'emparât de quelques-
uns des domaines de la Suède.
140. L'Angleterre a jufqu'iei ménagé avec foin
l'amitié de la Ruflie ; i°. parce que la cour de
Pétersbourg a beaucoup d'influence fur les affaires
du Nord j fur celles de la Pologne ; & même de
l'Allemagne 5 20. parce qu'elle peut contenir la
Porte ottomane 3 ou du moins faire une puiffante
diverfion ■, fi la Hongrie ou quelqu'autre puilfance
chrétienne étoit attaquée par les turcs 3 30. parce
qu'elle entretient une armée nombreufe & d'affez,
belles flottes 3 dont elle pourroit faire ufage en
faveur de XAngleterre ; 40. parce que la Grande-
Bretagne fait un commerce confidérable avec la
Ruffie 3 fur-tout depuis que cette dernière a des
ports fur la Baltique 3 & que le traité de commerce
entre les deux nations a été renouvellé en.
1741 3 y?, parce que la Ruffie , dans fes traités 3
a accordé de grands avantages aux anglois 3
elle a promis entr'autres chofes d’habiller fes
troupes avec des draps anglois ; 6°. enfin ,
comme là cour de Pétersbourg paroît être liée
depuis quelque temps avec celle de Vienne ; la
politique angloife cherchoit a l'entretenir dans ces
difpofitions.
Mais aujourd’hui que la Ruffie veut avoir des
ports & une marine fur la mer noire 5 qu'elle veut
s’approprier le commerce de Conftantinople & de
la Méditerranée , & qu'elle forme peut-être des
projets encore plus étendus fur le commerce de
l'Inde; aujourd'hui que fes liaifons avec la maifon
d'Autriche femblent avoir des conquêtes pour,
but 3 que la cour de Vienne cherche à fe créer
une marine 3 & à prendre part au commerce de
la Méditerranée 8c de l'Inde , le cabinet de Saint-
James ne .ménage plus celui de Pétersbourg que
par la quatrième & la cinquième des - raifons que
nous venons de donner. D'ailleurs il a quelque
reffentiment de n’avoir pu obtenir des fecours
durant la guerre qu'il vient de faire aux Etats-Unis
j à la France 3 à l'Efpagne & à la Hollande.
iy°. L'Angleterre négocie toujours à la Porte
Ottomane 5 i°. à caufe de fon commerce du
Levant 5 20. afin d'empêcher que les turcs ne fe
lient trop étroitement avec la France , en faveur
de laquelle ils inclinent d'autant plus, qu'ils ont
toujours fujet de craindre U maifon d'Autriche ^
que les armées ottomanes peuvent faire dé
terribles diverfions > en attaquant la Hongrie ou
là Tranfilvanie j lorfque la cour de Vienne eft
occupée dans d'autres guerres. Le roi d 'Angleterre
entretient un miniftre à Conftantinople ,
où il y a beaucoup de négocions auglois.
Quant aux pirates de la côte de Barbarie , Y Angleterre
s'efforce d'avoir toujours la paix avec les
algériens 3 les faletins & avec le roi de Maroc § & c.
ainfi fes vaiffeaux marchands n'ont rien à craindre
de leurs courfes- Lorfque fes flottes croifent dans
la Méditerranée j elles peuvent toujours relâcher
dans les ports de la côte de Barbarie 3 y faire de
l'eau 3 s'y ravitailler , 8c même dans un grand
befoin ; fe pourvoir de matelots : d'ailleurs elle
a befoin des Etats - Barbarefques pour approvi-
fiqnner-Gibraltar. Mais fi ces pirates vouloient
rompre la paix , elle a des moyens de les punir
en bombardant leurs villes 8c en détruifant
leur marine. Voye£ A lger 8c Ba r b a r e sq u e s .
S ï C T I O n X X I Ie.
Des effets de la confiitution Angleterre des
moeurs de la nation. *
Jufqu’ici Montefquieu m'a peu fervi dans la
rédaction de cet article 5 mais ce grand homme
a fait un tableau fi intéreffant des effets de la
conftitution d'Angleterre 8c des moeurs de la nation
, que je crois devoir inférer ce morceau
prefqu’en entier.
Dans une nation à qui une maladie du climat
affe&e tellement i'ame, qu'elle pourroit porter
le dégoût de toutes chofes jufqu'à celui de la
vie j on voit bien que le gouvernement qui conviendrait
le mieux à des gens à qui tout feroit
infupportablé -, feroit celui où ils ne pourroient
pas fe prendre, à un feul dé ce qui cauferoit leur
chagrin } 8c où les loix gouvernant plutôtque
le s^hommes3 il faudrait, pour changer l'état,
les renverfer elles-mêmes.
Que fi la même nation avoit encore reçu du
climat un certain caractère d'impatience , qui ne
lui permît pas de fouffrir long-temps les mêmes
chofes, on voit bien que le gouvernement dont
noirs venons de parler feroit encore le plus convenable.
C e cara&ère d'impatience n'eft pas grand par
lui-même } mais il peut le devenir beaucoup ,
quand il eft joint avec le courage.
Il eft différent de la légèreté , qui fait que l'on
entreprend fans fujet, 8c que l'on abandonne de
même 5 il approche plus de l'opiniâtreté, parce
qu'il vient d'un fentiment des maux, fi v i f , qu'il
] ne s'affoiblit pas-., même par l ’habitude de les
fouffrir.
C e caractère 3 dans une nation libre, feroit
très-propre.à. déconcerter les projets de la tyrannie
( 1 ) , qui eft toujours lente & foible dans
fes commencemens, comme elle eft prompte 8c
vive dans fa fin 3 qui ne montre d'abord qu'une
main pour fecourir, & enfuite une infinité de bras
pour opprimer.
L a fervitude commence toujours par le fom-
meil. Mais un peuple qui 11'a de repos dans aucune
fituation, qui fe tâte fans c e ffe , & trouve
tous, les endroits douloureux, ne pourroit guères
s'endormir.; ...
La politique eft une lime lourde, qui ufc &
qui parvient lentement à fa fin. O r , les hommes
dont nous venons de parler ne pourroient fou-
tenir les lenteurs, les détails, le fang-froid des
négociations; ils y réufliroient fouvent moins que
tout autre nation 3 & ils perdraient, par leurs
traités, ce qu'ils auraient obtenu par leurs armes.
Les coutumes d'un peuple efclave font'une
partie de fa fervitude 3 celles d'un peuple libre
font une partie de fa liberté : 8c l'on va voir
que les moeurs 8c les manières de XAngleterre ont
un grand rapport à fes loix.
Comme il y a dans cet état deux pouvoirs
vifibies, la puiffance légiflative 8c l'exécutrice,
8c que tout citoyen y jouit de fa volonté propre ,
& fait valoir à fon gré fon indépendance, la
plupart des gens ont plus d'affeérion pour une
de ces puiffances que pour l'autre ; le grand
nombre n'ayant pas ordinairement affez d’équité
ni de fens pour les affe&ionner également toutes
les deux.
Et comme la puiffance exécutrice, difpofant de
tous les emplois, peut donner de grandes efpé-
rances & jamais de craintes, tous ceux qui obtiennent
font portés, à fe tourner de fon côcé $
. & ceux qui n’efpèrent rien ou qui ne demandent
rien , l'attaquent ordinairement.
Toutes les paffions y étant libres, la haine,
l'envie, la jaloufie, l'ardeur de s’enrichir 8c de
fe diftingûer, paroiffent dans toute leur étendue >
fi cela étoit autrement., l’état feroit comme un
homme abattu par la maladie , qui n’a point de
paffions parce qu’il n'a point de forces- La méfin-
telhgenee ou la haine qui eft entre les deux partis
dure toujours , parce qu'elle eft toujours impuif-
fante.
Çes partis étant compofés d'hommes libres, li
l’un prend, trop le deffus, celui-ci ne tardera pas
à être abaiffé 3 car les citoyens , comme les
mains qui fecourent le corps, viendront relever
l'autre.
- Comme chaque particulier , toujours indépen-
( 1 ) Je prends ici ce mot pour le deffein de renyérfçr Iç pQUYÇir établi, & fàr-tpuç la demQCiaçJe, C’eft la fîgniftcss
don que lai dormoient tes grecs & If $ .jr©xnaifl'$a