
dre trouble eût été une impiété. Quand chaque
feigneur faifoit en France ou la guerre ou la paix,
la religion donna des trêves, qui dévoient avoir
lieu dans de certaines faifons.
Nous terminerons cet article par des remarques
fur le fens vague qu'on attache en bien des pays
aux mots conjlicution de l'état : on n'eft pas étonné
de trouver ce défaut dans les pays qui croient avoir
une conjlitution , 8c qui n’en ont point} mais ce
qui eft fingulier, il n'y a peut-être point de mot
en anglois, que l'on emploie aufli fouvent , & que
l'on entende aufli peu que celui de conjlitution. Si
l'on ne lui fait lignifier autre chofe que les différentes
parties qui compofent le gouvernement,
ou, comme difent les politiques, les différens ordres
de l'état, la définition eft affez connue &
aflfez univerfellement avouée. Mais fi l’on veut
que le terme de conjlitution rappelle les pouvoirs
dont ces ordres font revêtus , alors il eft alfez difficile
d'en établir la lignification avec quelque exactitude.
En effet, ces pouvoirs ^ont fujets à varier
par des circonftances accidentelles, ils augmentent
ou diminuent de force félon les temps : cette
variation incline la balance politique tantôt d'un
côté & tantôt de l'autre j la conjlitution paraît en
fuivre les mouvemens incertains , & il eft malaifé
d'attacher à ce mot un fens précis & confiant.
Les auteurs anglois qui ont traité cette matière,
ont très-bien fenti ces difficultés. Ils les ont habilement
difcutées, 8c quelques-uns d'entr'eux ont
pofé des principes iuftes : on les trouve dans Harrington
, Locke & les autres.
Ils obfervent que tout gouvernement tend à devenir
defpotique, que tout chef eft ou deviendrait
defpotique avec le temps.. .. . L'homme qui aime
à commander, voulant gouverner une nation quelconque,
s'appliquera foigneufement à découvrir
aux mains de qui réfide le pouvoir de la nation ;
& mettant cette découverte à profit, il ne manquera
pas de prendre tous les moyens propres à
leur perfuader de le nommer leur repréfentant. La
connoiffance de ces pouvoirs conftitutifs mène,
difent-ils , à celle de la conjlitution d'un pays, &
à la jufte application des maximes générales d'ad-
mini fixation.
CORINTHE, ville & république de l'ancienne
Grèce. Le gouvernement de cette petite république
ayant beaucoup de rapport avec celui des anciennes
républiques grecques, il ferait inutile de
le décrire ici. Nous dirons feulement que Corinthe
fut admirablement bien fîtuée : elle fépara deux i mers, ouvrit & ferma le Péloponèfe_,_& ouvrit 8c
ferma la Grèce. Elle fut une ville de la plus grande
importance, dans un temps ou le peuple grec étoit
un monde , 8c les villes grecques des nations :
elle fit un plus grand commerce qu'Athenes. Elle
avoit un port pour recevoir les marchandifes d'Afiej
J elle en avoit un autre pour recevoir celles d’Italie î
car, comme il y avoit de grandes difficultés à
I tourner le promontoire Malée, où des vents ( i )
oppofés ^ fe rencontrent & caufent des naufrages,
on aimoit mieux aller à Corinthe, & l'on pouvoit
même faire paffer par terre les vaiffeaux d'une mer
à l'autre. Dans aucune ville on ne porta fi loin
les ouvrages de l'art.
C O N SU L ( magiftrat de l'ancienne Rome J.
Les confuls furent établis immédiatement après l'a^
bolition de la royauté, l'an de Rome 244, lorf-
que la république commença à fe former.} le^peu-
ple voulant fe gouverner par lui-même , confia
l'autorité fouveraine à deux perfonnes qu'il ap-
pella confuls 3 parce qu'elles donnoient leurs foins
& leurs confeils à la patrie : regio imperio duo funt ,
dit Cicéron. Le même auteur ajoute qu'on en créa
deux, de peur qu’un feul ne plongeât l'état dans
le même malheur qu'il avoit éprouvé fous le gou-?
vernement d'un roi ; qu'ôn les créa annuels, de
crainte qu'ils ne devinffent trop puiffans , s'ils
I étoient plus long-temps en place. On les appella
d'abord préteurs, nom qui, quoique commun a
toutes les dignités, fut particuliérement attribué
aux confuls. Initio pr&tores erant qui nunc confules
dit Feftus ; mais diftraits par des guerres perpétuelles
, ils ne pouvoient marcher contre les ennemis
, & remplir leurs fondions à Rome, & on
jugea convenable de choifir un magiftrat particulier,
qui pût exercer leurs fondions en leur ab-
fence : on l'appella préteur. Comme on les fubfti-
tua aux rais, ils èn eurent les prérogatives & l'autorité}
& au commencement ils furent revêtus de
toutes les marques extérieures de leur dignité :
aufli Cicéron appelle-t-il le confulat une autorité
royale : regio imperio funto. Ils avoient des lideurs,
avec les faifeeaux & les haches, la chaife curule
d'ivoire, la robe prétexte, le bâton d'ivoire à la
main ; & ils fe faifoient porter par la ville dans,
une litière.
Valerius Publicola régla par une lo i , qu'un
feul des deux confuls aurait le droit de faire porter,
les faifeeaux devant lui, pour ne pas épouvanter fe
peuple} 8c les faifeeaux précédoient alternativement
chacun d'eux durant un mois. Les vingt-
quatre lideurs qu'ils eurent d'abord , furent séduits
à douze : ces lideurs marchoient devant
eux , mais fur une même ligne, de-là vient que le
lideur qui marchoit le plus près du conful j étoit
appellé le dernier. Le conful qui n'étoit pas de mois,
étoit feulement précédé d'un huiflier, 8c les licteurs
marchoient après lu i, fans porter ni faifeeaux
ni haches, comme Suétone nous l'apprend :
antiquum retulit morem 3 ut quo menfe fafc'es non haïr
er et | accenfus ante eum iret, liélores pené fequeren-
tur. Valerius Publicola, celui que Brutus aflocia
à Collatinus, fit paffer dès la première année de
leur création deux loix qui. tendirent à diminuer
l'autorité des confuls & à augmenter-celle du peuple}
par la première, il fut défendu d'exercer aucune
magiftrature fans l’agrément du peuple , &
on permit à tout citoyen de tuer quiconque
enfreindrait cet article} par la fécondé, on rétablit
l'appel au peuple , inftitué dès le temps du
roî TulluSj & aboli- par la tyrannie de Tarquin
le foperbe. Tous les ans, le peuple afifemblé par
centuries dans le champ de M ars , élifoit les confu
ls j & quand l'éleélion étoit faite, le conful en
exercice qui avoit convoqué les comices , & qui
les préfidoit , annonçoit à haute voix ceux qui
venoient d'être élus : auffi-tôt après, ils alloient au
Capitole, accompagnés du fénat & du peuple ,
offrir des facrifices à Jupiter capitolin , & des
voeux pour la profpérité de la république 3 ils juraient
enfuite â'obferver les lo ix , & de maintenir
les privilèges du peuple romain, & de procurer
en toutes chofes le bien de la république. Les confu
ls gouvernoient tour à tou r } & le plus â g é , ou
celui qui avoit le plus d'enfans, entrait en charge
le premier : mais celui qui étoit en exercice avoit
toutes les marques d'honneur} il donnoit le premier
fon avis dans le fénat, & il diffolvoit î'af-
femblée, en difant : *> noùs ne vous retenons plus,
» pères confcripts Les nouveaux confuls n'entroient
tout de fuite en exercice, que dans le cas
d'un interrègne , ou pour remplacer un conful
mort 5 dans les autres temps, ils demeuraient dans
l'état de fïmples particuliers cinq mois après leur
élection, afin qu'ils puffent s*inftruire des devoirs
de leur charge. Leurs compétiteurs employoient cet
intervalle à chercher des moyens pour fe faire fub-
roger à leur place, 8c former contr'eux l'accufa-
tion de ambitu ; car fi l'accufateur prouvoit les délits
qu'il leur imputoit, on le fubftituoit à l'ac- !
eu fé } c'eft ce qui arriva à Sylla & à Antoine,
confuls défignés} ils furent fupplantés par Tor-
quatus 8c Aurclius Cotta,, leurs accufateurs. On
voit que depuis l'an de Rome 600 ou f 9 9 , ils entraient
en exercice aux kalendes de janvier. Juf-
qu'à cette époque, l'époque de leur élection & de
leur inauguration varia. Ceux qu'on choifit après
l'expulfion des rois, furent élus aux kalendes de
mars, ou le 24 de février, d'autres en différens
temps : mais lorfque les celtibères déclarèrent la
guerre aux romains, cette guerre exigea le minif-
tère des confuls. On fe hâta de les élire aux kalendes
de janvier } & cet ufage fe perpétua jufqu'a
la fin de la république. Ils faifoient entr'eux le
partage des provinces, dès les premiers jours de
leur ele&ion} ils les tiraient au fort, ou ils eonve-
noient de cet arrangement, fans avoir recours au
hafard ; & dans les premiers temps dè la république,
dès qu'ils étoient en exercice, ils partoient
pour leur gouvernement, car les provinces fe trou-
voient fans ceffe expofées aux incurfions des ennemis.
Ils les gouvernoient fous le titre èJimpera-
tores ., que l'on peut rendre par capitaines généraux
armées romaines. Si des,vues d’utilité ou denéceffité
déterminoient la nation à donner â des citoyens envoyés.
dans les .provinces l'autorité des confuls, on
les appellpit pro confuls ; & ils jouiffoient des mêmes
prérogatives 8c des mêmes marques d'honneur.
Avant de partir pour leurs provinces, ils fe
rendoient au Capitole:ils fortoient de la villefui-
vis de tous les, ordres de l'état, qui les açcompâ-
gnoient par honneur } ils portojent alors non la
prétexte, mais la cafaque militaire, ainfi que tous
ceux de leur fuite. Ip fe , dit Tite-Live, en parlant
du conful Acilius , ante diem quintum nonas matas y,
paludatus, urbe egrejfus ejl. La république leur fôur-
niffoit tout ce dont ils avoient befoin pour le voyage
, & Augufte fubftitua de l'argent à la place de
} cette contribution. Ils ne pouvoient quitter ni leurs
provinces, ni les armées, fans un ordre exprès du
fénat}. & il falloit qu'ils attendirent leur fuccef-
feur. A leur retour ils haranguoient le peuple, 8ç
ils terminoient leur difeours-en jurant qu'ils n'a-
voient rien fait contre les lo ix , ou contre le bien
de la république durant leur magiftrature. Itaque
abiturus confula(u , jurafti te nihil contra leges fecijfe ,
dit Pline à Trajan. Ils avoient une autorité abfolue
pendant la guerre : ils levoient des troupes, nom-
moient les officiers, puniffoient les foldats, Sç
difpofoient à leur gré de la caifle militaire. A Rome
ils étoient les chefs de la république : les autres
magiftrats leur étoient fournis, excepté les tribuns
du peuple, qui feuls avoient droit de s'oppofer à
tous leurs aéles} ils convoquoient l'aflemblée du
peuple, ils propofoient des loix auxquelles ils donnoient
leur propre nom : ils faifoient exécuter les
arrêts du fénat 8c du peuple $ ils donnoient audience
aux ambaffadeurs ; ils aflemblojent le fénat, re-
cueilloient les avis , rompoient les aflemblées } 8c
ils jouirent de ces droits, tant que la république
çonferva fa liberté. La dignité de conful ne fut d'abord
conférée qu'à des patriciens : mais l'an deRome
387 on élut pour la première fois un conful plér
bëïen } & le peuple dans la fuite obtint la permif-
fipn .de parvenir comme les nobles à toutes les
charges de la république : çomitia confulum a i-
versâ npbilitate habita, quibus L. S'extius , de plèbe
primus conful f a élus e ft, dit Tite-Live. Les plébéiens
n'avilirent point le confulat, qui jouit de
tous fes droits jufqu'à. Jules Géfar. Sous le règne
de Jules Céfar, 8c plus encore fous fes fuccefTeiirç
on n'élut les confuls que pour la ferme feulement :
ils n’avoient prefque plus d'autorité ; comme on
yôuloit avilir davantage cette dignité, on la rendit
commune, 8c on fit plufieurs confuls dans U
même année. Gn les élifoit pour fixmois, .pour
trois, même pour deux , quelques-uns ne le furent
que pour quelques jours, d'autres quelques
heures : on les appelloit les petits confuls ] 8c les
premiers donnoient feuls leur nom à l’année, 8c
jouiffoient de quelque crédit. Enfin l’an f41 de
l'ère chrétienne, le confulat fut entièrement détruit
} 8c il n’en refta d’autre trace que le titre de