
manière qu*exige leur qualité , étant pris .chacun à
leur vrai point de maturité | foit- en grain, foit en
farine > étant enfuite mélangés & affortis, donnent
une plus grande quantité de meilleur pain.
C ’eft donc un art très-utile que celui de con-
noître la nature des bleds , de les conferver, de
corriger leurs mauvaifes qualités 3 de les bien
moudre, d’entretenir & aflortir les farines : c’eft
delà que dépendent principalement le prix & la
bonté du pain.
Un habile commerçant en farines, qui faura
bien combiner fes achats de grains, qui l'aura les
vanner, & les cribler avec la plus grande épargne
du temps & des frais, qui faura les moudre à point
& à profit par la bonne mouture économique,
qui faura conferver & affortir fes farines, n’ étant
d’ailleurs ni gêné ni rançonné dans fon commerce
, pourra dans' tout le royaume mettre le
boulanger qu’il fournira de fes farines , en état de
vendre le pain plus d’un cinquième, même dans
la plupart des provinces de plus d’un quart, &
jufqu’ à un tiers meilleur marché qu’il ne fe
vend.
Il réfulte de tout ce que nous venons de dire ,
que dans l’ état de liberté & d’indemnité du commerce
des grains & de la farine, les deux arts
nourriciers de la mouture & de la boulangerie étant
en bon état ; le très-bon pain ne vaudroit pas année
commune plus de fix liards la livre. C e qui
fubfîllant fans forcer les grains à diminuer de valeur
en première main, laifferoït jouir le peuple
des campagnes du bénéfice naturel, d’une bonne
culture, & entretiendroit celui des villes dans une
facile & heureufe abondance.
Voilà de quelle énorme importance eft & doit
être l’économie, & le perfectionnement de ces
deux arts. Celui de la boulangerie en particulier ,
eft non-feulement d’un grand avantage pour l’état
& pour le peuple , puifque tout ce qui fe perd des
denrées qu’elle emploie eft perdu pour tout le
monde , purement en frais, & ne peut obtenir
aucun équivalent en travail j mais il TeiL encore
plus particulièrement pour lé laboureur & pour
le propriétaire ; car il admet plus de part-prénans
à la confommation , & chacun d’eux paye fa
portion : en travail ou en équivalent : au lieu
que le pain mal travaillé fe perd, fe gafpille, eft
confommé par les animaux. Or ce qu’il faut au
laboureur, ç’eft beaucoup de confommateurs qui
payent ; ce qu’il faut au propriétaire, c’eft que
la terre rapporte des denrées qui ayent valeur vé-
nalej car c’eft de leur valeur que dépend la quotité
de fon revenu.
Quand le peuple eft pauvre , & qu’il n’a pas le
moyen de folder la valeur des denrées plus fubf-
tancielles , il fe rétrécit fur fa fubfiftance j &
comme fa confommation eft toujours néanmoins
je principal débouché, il arrive par cette caufe
imperieufe la pauvreté , que toute une contrée
fertile de çpmpoféç des meilleures t e r r e s f e çouvre
de productions de nulle ou de la plus baffe valeur
qui fouvent les épuife : telles font par exemple
les bleds rouges & le s bleds noirs. Ces,bleds
ne fe pétrifient point ou fe pétrifient fort mal »
ils ne font ni aufli nourriflans, ni aufli favoureux
que les bons grains, fi ce n’ eft pour ceux qui en
ont l’habitude , car l’homme fe fait à tout ; ils
ne nourriffent que le bas peuple & de pauvres
cultivateurs. Toutes ces conditions entraînent le
bas prix> & quand une terre ne porte que des
denrées à bas prix, quel peut en être le revenu ?
Or quand les terres ne portent plus de revenu ,
quel fera celui de l’éta t, quelles feront fes dé-
penfesT quelle fera fa furete?
Non-feulement donc tout l’ordre politique,
toute la fplendèur d’un é ta t , mais encore fon
exiftence , dépend des fuccés de la boulangerie , $c
c’eft par là primitivement qu’ un homme d’état en
doit juger. On a voulu, dans des temps de lumière
, & félon des principes qui y avoient rapport
, introduire la vente & l ’ufage du pain noir
& groflier dans des villes, qui en avoient dès
long-temps entièrement perdu l’ ufage : cela étoit
mal vu. C e n’eft pas que le pain, qu’on appelle
de ménage, ne foit fouvent plus fain, plus nôur-
riffant, & fur-tout plus propre, s’il eft permis de
pari er ainfi, à fournir le left aüx gros travailleurs
, que le pain le plus blanc & plus léger qui a
moins de fubftance. C e n’ert pas non plus qu’à
l ’exemple de quelques adminiftrateurs follement
réglementaires, qui voulurent ôter à un peuple
les manteaux dont il cachoit fa nudité, pour le
forcer à acheter des habits fans lui en donner les
moyens, l’on doive & l’on puiffe même forcer
l’homme à manger du pain blanc, en ne lui en
fourniffant pas d’autrej mais le gros pain n’ eft pas
fait pour les villes où n’eft point le gros travail ;
& même en voyant le pain blanc banni des campagnes
, le .prince éclairé doit fe dire : ce pays
manque de fubftance & de richejfes , foit parce, qu’il
eft furchargé 3 foit faute de débouchés 5 d’oîi i l réfulte
que ce qu’on lui demande n’eft pas en proportion de ce
quon lui rend. C ’eft mal vu , dis-je , que de vouloir
engager le peuple à préférer une fubfiftance
groflière ; la néceflité feule ne l’y amène que trop.
Les foins du gouvernement à cet égard doivent fe
réduire à donner au peuple l’émulation, & fur-
tout les moyens d’obtenir une meilleure nourriture
j- & cela ne s’obtient que par le travail, dont
l’encouragement doft être l’objet de tout bon
gouvernement. La misère fe contente de peu 8ç
finalement de .'rien, plutôt que de renoncer à la
pareffe , foeur du découragement & unique jouif*
fance des malheureux.
Il ne faut pas croire, qu’aux lieux où la bonne
boulangerie eft établie , c’eft-à-dire , où fon con-
fomme des grains d’un haut prix, & d’une valeur
confiante & générale , les groffes farines , les
fons, les recoupes, & autres débris d’une denrée
privilégiée, tombent en non-valeur 9 & foient
perdus
perdus faute de confommateurs. L ’incTuftrie au
contraire, qui n’habite que les lieux où les hommes
ont des defirs après les befoins fatisfaits &
des efpérances fondées ; l’induftrie ,- dis-je , s’éveille
, tire parti de tout & donne valeur, à tout.
C ’eft ce qu’on voit en tous lieux, & les détails
nous méneroient trop loin.
Au lieu de cela , tout fe perd dans les pays
fans débouchés, fans émulation & fans vraie culture.
Le peu de bon grain qui s’y feme ne peut
être un objet pour les fpéculations du commerce j
il demeure envié par le peuple, réglementé par les
furifdiétions avides ou aveugles, & cependant à
charge aux propriétaires ; il fermente dans les
greniers , devient la proie deS~ rats, eft prodigué
à la volaille & aux beftiaux, & n’eft richeffe pour
perfonne. Mal mouturé, la moitié fe perd ou fe
vole au moulin , & ce qui fe confommé, pétri
groflièrementdansles maïfonsdes particuliers, ne
fait pas la moitié du profit qu’il devroit donner.
Autant de ménages, autant de fours, ce qui
entraîne fauffe confommation de bois , mauvaife
façon de la denrée ; au lieu que les boulangers
entendus ne perdent rien, profitent & font profiter.
Le temps, l’habitude , l’expérience, les
levains , l’eau, le fe l, la pâte, produifent fur une
confommation univerfelle une différence impoflîble
à calculer. Rien ne doit autant réjouir l’oeil d’un
homme d’état , que de voir l’étalage du beau
pain blanc dans les villages & les hameaux d’une
contrée. Cela s’eft vu & fe voit encore <lans certains
cantons de l’Allemagne : il ne nous refte
qu’à faire des voeux pour le voir établir ailleurs.
O utinam l
( Cet article eft de M. Gr iv e l . )
BO U LO N N O IS ( prov. de France). Voye%
le même Dictionnaire.
BOURBON ( ifle ). Voyej fa pofition dans le
Dictionnaire de Géographie.
Les François s’y établirent en 1657 & 1672$ ils
y élevère'.t d’abord des troupeaux de boeufs &
de moutons, qui y furent tranfportés de l’ifle de
Madagafcar, & qui y réuflirent d’autant mieux,
qu’on a eu l ’attention d’y tranfporter aufli le gra-
men nommé fatak 3 qui donne un excellent pâturage.
La plus grande partie des terres de cette ifle eft
employée à la culture du cafier. Les premiers
plants de cet arbriffeau font venus de Moka.
Chacun de ces arbriffeaux rapport^ annuellement,
l’un.dans l’autre, une livre de café ïYifle
de Bourbon. C e fruit mûrit, & fe recueille dans un
temps fe c , ce qui lui donne un grand avantage fur
le café des ifles de l ’Amérique , qui ne mûrit &
ne fe receuille que dans la faifon des pluies.
| Bourbon a foixante mille de long fur quarante-
cinq de large ; mais la nature a rendu inutile la plus
Qfccon, polit. & diplomatique, Totti, J,
gtande partie de ce vafte efpace. Trois pics inac-
ceflibles, qui ont feize cens toifes d’élévation £
un affreux volcan, dont les environs font toujours
brûlés j d’innombrables ravins, d’une pente
fi rapide, qu’il n’eft pas poflible de les défricher
j des montagnes, dont le fommet eft conf-
tamment aride j des côtes généralement couvertes
de I cailloux , oppofent des obftacles
infurmontables à une culture un peu étendue.
La plûpart des terres qui peuvent être mifes en
yaleur font même en pente j & il n’eft pas rare
que les torrens y détruifent les efpérances les
mieux fondées.
Cependant un beau ciel, un air pur, un climat
délicieux , des eaux falubres ont raffemblé
dans l’ifle une population de fix mille trois cens
quarante blancs, bien-faits, robuftes, courageux ,
répartis dans neuf paroiffés, dont faint Denis eft1
la principale. C’étoient, il n’y a que peu d’années
, des hommes d’une candeur , d’une équité ,
d’une modération dignes des premiers âges. La
guerre de 1756 altéra un peu leur cara&ère, mais
fans beaucoup changer leurs moeurs.
Ces vertus font d’autant plus remarquables,'
qu’elles font nées, qu’elles fe font maintenues au
milieu de vingt-fix mille cent foixante-quinze ef-
çlaves, félon le dénombrement de 1776.
A la même époque, la colonie cofnptoit cin-
quante-fept mille huit .cens cinquante-huit animaux
, dont aucun n’étoit dévoué à l’agriculture.
A l’exception de deux mille huit cens
quatre-vingt-onze chevaux qui fervoient à dif-
férens ufages, tout étoit deftiné à la fubfiftance.
Dans cette année , les récoltes s’élevèrent à
cinq millions quatre cens quarante-un mille vingt-
cinq quintaux de bled ; à trois millions cent
quatre-vingt-onze mille quatre cens quarante
tonneaux de rii 5 à vingt-deux millions quatre
cens foixante-un mille huit cens tonneaux de
maïs ; à deux millions cinq cens quinze mille cent
quatre-vingt-dix tonneaux de légumes» La plus
grande partie de. ces produits fut confommée à
Bourbon même. Le relie alla alimenter l’Ifle-de-
France.
La colonie exploitoit pour la métropole, huit
millions quatre cens quatre-vingt-treize mille cinq
cens quatre-vingt-trois cafiers, dont le fruit eft
un des meilleurs après celui de l’Arabie. Chacun
de ces arbres donnoit originairement près de deux
livres de café. Ses produits font diminués des
trois quarts , depuis qu’il eft cultivé dans un
pays découvert j depuis qu’on eft réduit à le
placer dans un terrem ufé, & que les infeétes
l’ont attaqué.
Il paroit que la cour de Verfailles ne s’occupera
jamais des progrès d’un établiffement, où des rivages
efearpés, & une mer violemment agitée, rendent
la navigation toujours dangereufe & fouvent
impraticable. Peut-être feroit-il plus fage de l’aban