
roit l’identité des chinois & des égyptiens , pourquoi
ne ftfppoferoit-on pas que ces derniers viennent
de la Chine, ou plutôt que les uns & les
autres ont une origine commune ? Quelle affu-
rance ont nos differtateurs que les arts & les
fciences étoient inconnus des anciens chaldéens
aux temps voifins d’Abraham, & par conféquent
fous le règne d3 Yao ? Les indes qu’ils regardent
eux-mêmes comme l’ origine immédiate des premiers
légiflateurs chinois , ne confinent-elles pas
d’un côté à la Chine 3 & de l’autre à la Chaldee ?
Si les fciences , les hiéroglyphes, les arts étoient.
partis delà , pour s’établir dans la Chine qui eft à
l ’orient, & dans l’Egypte qui eft à l’occident,
que deviendroient les conjeâures ?
Les objets les plus intéreffans, font les loix
établies par Yao3 par Xun & par quelques autres,
(les grands ouvrages entrepris fous leurs règnes
pour la profpérité de l’ agriculture & du commerce
des denrées, les monumens qu’ ils ont laiffé de
leur feience & de leur fageffe.
Des écrivains fuperficiels ont écrit que ces magnifiques
inftitutions ne méritoient pas l’attention
des favans. L ’abfurdité de ce raifonnement doit
être un sûr préfervatif contre tous les autres rai-
fonnemens de ces compilateurs.
Le défaut d’une chronologie parfaitement réglée,
les lacunes que le temps a caufées dans les anciens
mémoires hiftoriques, & le mélange des fables
qu’on y a fubftituées ne peuvent raifonnablè-
ment faire rejetter des faits atteftés d’âge en âge,
& confirmés par des monumens non moins impor-
tans qu’authentiques.
La chronologie des livres de Moïfe a donné lieu
à trois opinions, qui ne paroiffent pas décidées.
Toutes les hiftoires des grecs, desromains & des
autres peuples, même les plus modernes, font mêlées
de fables & fouffrent des éclipfés, 8c néanmoins
le fonds des événemens paffe pour authen-
thique , fur-tout quand il eft reconnu par les plus
anciens écrivains éclairés & attefté par des mo-.
numens. C ’eft le cas des événemens célèbres, arrivés
fous les empereur Yao & Xun.
Nous ne nous arrêterons pas à fouiller dans les
faftes de la monarchie chinoife pour en tirer le
Hom des empereurs , 8c pour rapporter les allions
célèbres de leur règne. Notre plan s’ éloigne dé
cette marche qui demanderait- trop d’étendue.
Le père Duhalde a donné une hiftoire chronologique
du règne de tous ces fouverainsf 5 on peut la
confuher. Pour nous , notre tâche va fe borner à
faire connoître la forme du gouvernement chinois,
& à donner une idée de tout ce qui s’y rapporte.
Les premiers fouverains de la Chine 3 dont les
loix & les actions principales font indubitables,
furent de fort bons princes î mais il y eut enfuite
des empereurs qui fe livrèrent à l’oifîveté ,
aux déréglemens, à la cruauté, & qui fournirent
à leurs fuccefleurs de funeftes exemples du danger
auquel un empereur de la Chine s’expofe, lorf-
qu’il s’ attire le mépris ou la haine de fes fujets.
Il y en a eu d’affez, imprudens pour ofer exercer
un defpotifme arbitraire., 8c qui ont été abandonnés
par des armées, lorfqu’ils vouloient les employer
à combattre contre la nation.
Li - Koiié , un des defeendans du grand
Y u , fe plongea dans la débauche : fes miniftres
lui repréfentèrent qu’il, s’écartoit des principes du
fondateur de fa dynaftie, & qu’il s’expofoit à perdre
l’empire.
Li-Koué les fît mourir, 8c continua de fe livrer
à fes pallions. Le fort des miniftres 8c l’orgueil
î de Li-Koué n’ effrayèrent pas les citoyens vertueux.
Les vieillards , armés d’ un courage héroïque, allèrent
lui repréfenter que les loix de l’empire ne
s’obfervoient plus : Li-Koué les fit tous mourir
cruellement, & ordonna de chercher par-tout ceux
qui avoient quelque réputation de probité, pour
leur faire fubir le même fort.
On vit alors les gouverneurs 8c les peuples fe
rendre en foule auprès de Thing-Tang, & le forcer
de prendre les armes pour mettre fin aux malheurs
du peuple. Li-Koué lève une armée, marche
contre Thing-Tang, le rencontre & va lui livrer
bataille j mais ce prince que l’orgueil aveugloit
avoit autant d’ennemis dans fon armée que de fol-
dats : à peine fut-il en préfence de Thing-Tang ,
que la plupart des fiens l’abandonnèrent & fe joignirent
à Thing-Tang, le relie fe difperfa > & fe
trouvant prefque feul , il fut obligé de s’enfuir
dans une province où Thing-Tang le laiffa (1).
Nul peuple n’eft plus fournis à fon fouverain que
la nation chinoife-, parce qu’elle eft fort inftruite
fur les devoirs réciproques du prince & 'des fujets
y 8c , par cette raifon même, nul peuple n’ eft
plus fufceptible d’averfion contre les infraâeurs de
la loi naturelle & des préceptes de morale, qui
forment le fond de la religion du pays, & de l’in£
truélion continuelle entretenue par iè gouvernement.
Ces enfeignemens fi impofàns forment un
lien facré & habituel entre le fouverain & fes fil-
jets. L ’empereur Tohau-Hio joignit le faeerdoee à
la couronne. Cette réunion qui fubfîfte encore,
empêche une foule de troubles & de divifions ,
qui n’ont été que trop ordinaires dans les pays , où
les prêtres cherchèrent autrefois à s’attribuer certaines
prérogatives incompatibles avec la qualité
de fujets.
L ’empereur Kao-Sin fut le premier qui donna
l’exemple de la polygamie j il eut jufqu’ à quatre
femmes : fes fuccefleurs jugèrent à propos de l’imiter.
Quoique la plupart des monarques chinois
euffent établi de fages réglemens, cependant Y ao,
|p) Hiftoire générale, ton», 1 f pag, 126, &c,
huitième empereur de la Chine, eft regardé comme
le premier légiflateur de la nation , 8c peut-
être réellement fut-il le premier empereur. C e fut
en même-temps le modèle de tous les fouverains
dignes du trône. C ’eft fur lui & fur X u n , fon
fuccefleur, que les empereurs jaloux de leur gloire
tâchent de fe former.
. Yao porta fi loin l’amour pour fon peuple, que,
ne connoiffant dans fes enfans que de mauvaifes
inclinations, il choifît pour lui fuccéder un laboureur
, nommé Xun, que mille vertus rendoient
digne du trône. Y a o , pour éprouver fes talens,
lui confia d’abord le gouvernement d’une province.
Xun fe comporta avec tant de fageffe, que le
monarque chinoisl’affocia à l’empire, 6c lui donna
fes deux filles en mariage. Yao vécut encore vingt-
huit ans dans une parfaite union avec fon collègue.
La dynaftie qui commence à la mort d’Y a o , eft
appellée hiu j c’eft à elle que commence rémunération
des dynafties de l’empire de la Chine.
Après la mort de l’empereur, Xun fe renferma
pendant trois ans dans le. fépulchre d’Yao , pour
fe livrer aux fentimens de douleur que lui caufoit
la mort d’ un prince qu’il regardoit comme fon
père : c’eft de-là qu’eft venu l’ ufage de porter à
la Chine pendant trois ans le deuil de fes pareils.
Le règne de Xun ne fut pas moins glorieux que
celui de fon prédéceffeur. Il fit fleurir l’agriculture
8c défendit de détourner les laboureurs de leurs
travaux ordinaires, pour les employer à tout autre
ouvrage. Xun vivoit du temps d’Abrâham.
Pour fe mettre en état de bien gouverner, ce
prince fit une ordonnance, par laquelle il per-
mettoit à fes fujets de marquer fur une table ex-
pofée en public , ce qu’ils auroient trouvé de ré-
préhenfibfe dans la conduite de leur fouverain.
Il s’ affocia un collègue , nommé Yu 3 auquel il
laiffa la couronne. Celui-ci marcha dignement fur
fes traces. C ’étoit lui faire fa cour que de lui
donner des avis fur fa conduite. Il croyoit qué la
première occupation d’un prince étoit de rendre
la juftice aux peuples. Jamais roi ne fut plus accef-
fible. Afin qu’on put lui parler plus facilement,
il fit attacher aux portes de fon palais une cloche,
un tambour & trois tables $ l’une de fe r , l’autre-
de pierre, & la troifième de plomb, 8c fit publier
que tous ceux qui voudraient lui parler vinf-
fent frapper fur une de ces tables ou fur ces inf-
trumens, félon la nature des affaires qu’ils auroient
à lui communiquer. On rapporte qu’un jour il
quitta deux fois la table, & qu’ un autre jour il
fortit trois fois du bain pour recevoir les plaintes
qu’on vouloit lui faire. Il avoit coutume de dire,
qu’ un .fouverain doit fe conduire avec autant de
précaution que s’il marchoit fur la glace, &c.
C e fut fous fon règne qu’on inventa le vin chidit
il, caufera les plus grands troubles dans l ’em-
P^-.I^défendit la compofition de ce breuvage 8c
bannit 1 inventeur de fes états 5 mais cette précaution
fut inutile. Yu eut pour fuccefleur fon fils T i-
Kiftin, qui régna tres-glorieufement. Tai-Kans lui
fucceda 5 l’ivrognerie le renverfa du trône & donna
lieu à une fuite d’ufurpateurs & de tyrans *
dont le mauvais fort fut une leçon effrayante pour
les fouverains de cet empire.
Sous le régné de Ling , vingt-troifîème empe-
reur de la quatrième famille héréditaire , naquit le
célèbre Confucius que les chinois regardent comme
le plus grand des do&eurs & le plus grand
reformateur de la légiflation, de la morale & de
la religion de cet empire déchu de fon ancienne
fplendeur (1 ). Il vivoit £97 ans avant J. C . Il fe
fit une fi grande réputation, qu’il avoit d’ordi-
naire a fa fuite trois mille difciples. Son grand mérite
1 eleva a la dignité de premier miniftre du
royaume de Loü. Ses réglemens utiles changèrent
la face de tout le pays. Les jeunes gens apprirent
de lui à refpeéter les vieillards & à honorer leurs
parens jufqu’après leur mort ; il infpira aux per-
fonnes du fexe la douceur, la modeftie, l’amour
de la chafteté, & fit régner parmi les peuples la
candeur , la droiture & toutes les vertus civiles.
Confucius mourût âgé de 73 ans.
On vo it, par les annales de la Chine 3 que la
doctrine des Kings étoit la morale & la politique
de cët empire depuis fa fondation : alors, comme
aujourd hui, elle avoit pour objet les dçvoirs des
rois 8c des fujets, du père 8c du fils, du mari &
de la femme , de l’ami envers fon ami. : dans ces
temps comme aujourd hui, on I’enfeignoit dans
toutes les villes, dans tous les bourgs, dans tous
les villages.
Elle fut renfermée dans des maximes, dans des
préceptes & dans des emblèmes que les maîtres
expliquoient, félon les temps, les circonftances ,
& le degre d’intelligence 8c de vertu de leurs auditeurs.
Il falloit, dans ce temps, beaucoup de travail
8c une grande application pour bien entendre les
principes de là morale politique de \z Chine-, & ,
pour peu qu’il y eût d’interruption ou de relâchement
dans l’etude & dans l’application, ces principes
dévoient neceflairement être moins bien en-
tendus, & l’on devoit moins fentir & connoître
la nçcçffitç de fuivre. la doétrine qu’ils renfer-
moient.
C ’eft ce qui arriva, lorfque le trône fut occupé
par des grinces moins éclairés & moins vertueux
que les legiflateurs. L ’ignorance s’introduifit à la
cour & dans tout l’empire ; elle amena à fa fuite
les vices & le défordre qui enfantèrent la guerre,
Yoyei les obferv. prélim. des livres claflîyues de la Chine, tem. % , pag, 5 & fuir.
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