
Quant à fon analyfe complète, elle a été faite
par MM. Fourcroy & Vauquelin, & eft inférée à
l'article Laie, du Dictionnaire de Chimie.
On doit à M. Parmentier & à M. Defyeux, un
très-important travail fur les Laits des cinq quadrupèdes
domeftiques qui en fourniflent. Leur objet
étoit de déterminer la quantité & la proportion
de leurs parties conftituantes ; mats comme ils
font expofés , ainli que je viens de l'obferver, à
une multitude innombrable de variations dans le
même animal, dans la même traite , ils: fe font
convaincus de l’impolfibilité de l'établir avec une
exactitude rigoureufe. Ils ont donc du fe contenter
de fixèr l’ordre de ces Laits, fous le rapport de leur
compofition, & ils ont en conféquence publié le
tableau ci-après.
Beurre. F romage. Sel essentiel. Sérum.
Ta Brebis. La Chèvre. L ’Aneffe. L’Aneffe.
Ta Vache. La Brebis. La Jument. La Jument.
Ta Chèvre. La Vache. La Vache. La Vache.
L ’Aueffe. L’Aneffe. La Chèvre. La Chèvre.
Ta Jument. La Jument. La Brebis. La Brebis.
On vo it, parce tableau, que fi on veut faire du
beurre en plus grande quantité poflible, avec la
même quantité de Lait , .il faut prendre celui de
brebis ; que fi c’ eft du fromage, il faut prendre
celui de chèvre ; que fi c’eft du lucre, il faut prendre
celui d’âneffe. On voit aulfi que la vache eft dans
le premier cas au fécond rang, & dans tous les
autres au troifième : o r , comme c'eft elle qui
fournir le plus de L a it , & pendant le plus longtemps,
elle a dù être & eft en effet partout autre
part que dans la Tartarie & l'Arabie, la femelle
fpéciaiement confacrée à fa production.
Le Lait de vache étant le plus commun & le
plus généralement l'objet des fpéculatïons des
agriculteurs, c’eft fur lui que je dois m'étendre
davantage 5 & en conféquence je vais parler d’abord
des autres.
La campagne de Rome eft l’endroit le plus au
nord où on élève des bulles. On y trait leurs femelles
, qui donnent un Lait d’un goût mufqué &
fauvage , mais fort riche en beurre & en matière
cafeufe : les fromages qu’on en fabrique font très-
eftimés.
On diftingue facilement à la fimple v u e , le
Lait de brebis des autres, & encore mieux en le
touchant & en le goûtant, à raifon de la ftirabon-
dance de fes parties grailfeufes. On calcule fa
quantité moyenne , à une demi-livre par jour dans
la bonne fai fon.
Si le beurre que fourniflent les brebis eft abondant
, il n’eft pas d'une nature aufli parfaite- que
celui de vache} fa confiftance n'eft jamais folide.
Jl fond aifément dans la bouche & y donne la fen-
fation de l’huile. Sa couleur eft d’un jaune-pâle. Il
rancit aifément.
Quant au caillé, il offre également une appa, l
ience -graille. Il n’eft ni tremblant ni gélatineux!
comme celui de vache.
On ne fait de beurre de brebis que dans lgJ
lieux où on ne peut pas avoir de vachts, & nulle
part, à ma connoiflânce, il n'eft mis dans le coin,
merce.
Le caillé fe r t, dans plufîeurs endroits, à faite|
des fromages, dont quelques-uns, comme ceux|
de Roquefort, de Montpellier, de Saflenage, &c l
font fort eftimés. Voye^ From ag e .
L'odeur fouvent propre au lait de chèvre, odeur I
qui augmente lorfqu'elle eft en chaleur & qu’elle I
reçoit le mâle, en éloigne d’abord beaucoup de I
perfonnes j mais on s’y fait bientôt. Sa denfité eft I
confidérable. Il fournit peu de beurre } mais il eft I
ferme, agréable au goût & d'une facile conferva*!
tion. Son caillé eft extrêmement abondant, comme!
l ’indique le tableau, & d’une denfité remarquable!
aufli en fait-on, en l'employant pur, des fromagej I
fort eftimés, tels que ceux du Mont-Dor, du I
Cantal {le cabrilaux ); aufli le mélange-t-on avec I
ceux de brebis & de vaches pour les améliorer,!
comme le prouve le Saflenage, cicé plus haut, m
J'ai déjà dit que le iaitdanefle ne fer voit guère!
qu’ à des ufages médicinaux : fon analogie avec ce*!
lui de femme, le rend fon fupplément le plus naturel
, & il eft très-propre à adoucir l’ âcreté desj
humeurs. Le grand emploi qu’on en fait dans le !
grandes villes pour les maladies du poumon le ren*fl
dent l’objet d’ un commerce de qüelqu’importance,|
Il fournit peu de beurre te de fromage; le premia!
eft toujours mou, fade, blanc, fe rancit & fe l i !
qüéfie aifément ; le fécond préfente une coagula*!
lation fans confiftance.
C e n’eft que chez les Tartares, car les Arabes!
n'en font ulage qu’à défaut de celui de chamelle!
: que le lait de jument remplace le lait de vache,!
On le mange en nature ; on en fait du beurre, à !
fromage & furtout une liqueur enivrante, extrê-H
mement de leur goû t, qu 'on appelle kumijfe, comn»!
je l’ai déjà d i t , liqueur qu'on a inutilement tenté!
de faire en France avec les autres Laits.
Il ne paroït pas qu’on faffe fouvent du beurri!
& du fromage avec le Lait de chamelle. Les An-!
bes fe contentent de le confommeren nature. I
De tous les animaux, c’ eft la vache qui produit I
le plus de Lait. On rapporte qu'il en eft en Hol* I
lande qui en fourniflent trente pintes par joui-1
Beaucoup de celles de Suiffe, de Normandie, ^ I
l’Angleterre, n'en donnent guère moins dequw*!
à vingt : le taux commun eft de fix. Jl eft bo* ■
d'obferver cependant que pour cela il faut qu'elle!
aient nouvellement vê lé , &. qu’elles foienc excé I
fivement- nourriës. I
L ’opération de faire fortir le Lait des mamell® ■
( du pis ) des vaches , & c . s’appelle T rAHê I
On l'exécute en embraffant avec le pouce I
premier doigt la partie fupérieure du trayon, Pa|' I
tie f a i l l i e du pis, & en le preffant dans toute“*
longue*
* longueur, agiffmt des deux mains, une fur cha-
que trayon , le pis eft bientôt vidé.
H II eft des lieux où les vaches ne fe laiffent traire |[qu’autant que leur veau tete de l’autre côté,
' d’autres, qu’après que le veau a teté un peu. Tout S çeladépend del’habitudequ’onleura fait prendre.
I Plus les traites font fréquentes & plus le Lait fe
■ fécrète abondamment ; mais on ne gagne rien à les
»multiplier lorfqu’on veut tirer parti du Lait pour
» fa ir e au beurre & du fromage, parce qu’ainfi que
«Tontconftaté MM. Parmentier & Defyeux, il faut
■ au moins douze heures de féjour dans le pis pour
■ que ce liquide prenne tous les principes butireux
! & cafeux dont il eft fufceptible de fe charger.
■ Çeftdonc feulement le matin & le foir qu’ il con-
■ vient de traire, à moins qu'un vêlement nouveau,
éjoinc à l’abondance des herbes, n’oblige, pour la
rlfanté de la vache, de le faire trois fois.
K Le bon Lait de vache n’eft ni trop clair ni trop
épais. Sa couleur eft d ’un blanc-mat; fa faveur eft
»douce; fon odeur eft fuave. Il devient bleu & s’af-
. foiblic d'autant plus qu’on y met davantage d’eau.
» La qualité du Lait dépend à la fois & de la nature
conftitutive de la vache, & de fon état de
fanté, & de fon âge , & du tems qui s’eft écoulé
depuis qu’elle a mis bas , & de l’efpèce d’herbe
Jdont elle s’eft nourrie, & de la quantité d’eau
‘qu elle a bue , & de l’état de l’atmolphère au mo-
*n en t où il fe forme , & c . Ainfî de deux vaches
aufli fembîables que poflible, & mifes dans les mê-
®nes circonftances, l’une donnera conftamment du
■ ■ meilleur Lait &du Lait plus abondant que l'autre;
amfi une vache de cinq à fix ans en fournira de
meilleur qu’une de trois ou une de douze ; ainfî
une vache qui aura nouvellement vêlé en donnera
davantage, mais moins bon, qu’ une vache qui aura
vele depuis quinze jours, un mois.
P es expériences pofîtives ont fait connoître à
MM. Parmentier & Defyeux que le Lait qui fe
préfentoit le premier à l’ouverture du pis étoit
plus aqueux, & en conféquence ils propofent de
p ire deux parts de chaque traite. La première del-
®mee,par exemple, à faire des fromages maigres,
& la fécondé des fromages gras.
En é té , le Lait eft favoureux & abondant ; en :
hiver; il eft plus crémeux.
■ M. Boiflon, auquel on doit un très-bon Mémoire
fur la fabrication des fromages du Cantal,
dit avoir trouvé que chaque livre de Lait donnoit
jen beurre,
»Deux mois après l’accouchement 3 gros 48 grains
B p u it mois. . . . . . ......... j &
Cette dernière époque eft celle où le Lait eft à
fon plus haut degré de perfe&ion, c ’eft-à-dire
Ita rfen lS en tr3"1^ ^ h“ ” 6 “’“ P”* «
Cette et périence n'eft pas rigoureufe fans doute;
if11 ls e? “ regardant comme un terme moyen ap-
[ -Agriculture. Tome V, Y
proximatif, elle peut fervir à guider les cultivateurs.
J ajouterai que, dans les fermes du voifinage de
ra n s , on calcule que fix pinces de Lait donnent
une livre de beurre.
Le Lait de vache eft bien moins fucré en hi-
ver qu en été ; mais, ainfî que je l’ai déjà dit plus
.,ut* f'C o n tin t plus de beurre pendant cette der-
niere fanon.
Les vaches nourries au foin fe c , les vaches
nourries de graines farineufes, donnent moins de
Lait que celles qui paillent & que celles auxquelles
on donne des racines; mais il contient plus
de beurre. C'eft le contraire pour celles qui font
miles dans des prairies au premier printems, qui
relient dehors pendant la pluie, qui boivent avec
excès, & c .
Lorfque les vaches ont mangé de l’ail ou autres
plantes à odeur forte, on le reconnoît en fentant
ou buvant leur Lait.
Chaque jour le Lait des vaches que je poffédois
en Aménque avoit un goût différent de la veille,
parce quêtant libres elles alloient paître dans
une parcie différente de la forêt.
Les vaches qui paiffent dans les marais font contracter
un goût marécageux à leur Lait. Il a de
plus une couleur grife très-fenfîble.
Lorfqu’pn donne aux vaches des foins de mau-
vaife qualité, le Lait^ contrarie ce qu’on appelle
goût de fourage, goût repouffant dans certains
lieux.
Il a été conftaté, par des expériences directes,
que les vaches nourries exclufîvement avec des
choux, des raves & autres plantes de la famille
des Crucifères, donnoient un Lait d’une odeur &
d une faveur défagréables.
Les fourages artificiels, furtout la luzerne & le
trefle, diminuent de beaucoup l’agrément de la
faveur du Lait & de fes produits , d’après les
obfervations de beaucoup d’agriculteurs.
| J3 fais la même remarque relativement aux racines,
principalement aux pommes de terre.
Ce feroit mal comprendre mes intentions fî on
inféroic de ce que je viens de dire, qu’ il faille
nourrir des vaches exclufîvement fur les montagnes
de la Suiffe ou dans les herbages de la Normandie
; car j’indique, aux articles qui les concernent
, ces fourages & ces racines comme de- .
"vant leur être donnés-; mais il faut feulement en
déduire la conféquence, que quand on veut avoir
du Lait, & par fuite du beurre & du fromage d’excellente
qualité, il faut varier la nourriture autant
que poflible.
Le Lait eft fujet à une altération qui lui fait
prendre une couleur bleue. M. Serain eft le premier
qui l’ait fait connoître, & on doit à mon
collaborateur Teflier le premier bon Mémoire
oui ait été imprimé à fon occafîon. Il eft inféré
dans le tome 20 dits Annales d*Agriculture. Dans ce
Mémoire, il fe contente de faire parc de ce qu’il
R '