
! | I N C
faut faire attention à cette circonftance dans la
conduite d'une baffe-cour. j
On reconnoît qu’une femelle veut couver a un i
cri particulier qu'on appelle gloujfement dans les .
poules, où il eft plus marqué que dans les autres j
oifeaux domeftiques; à l’inquiérude qu’elle témoigne
dans fa démarche ; à l’abaiffement de fes
ailes & auhériffement de fes plumes, aux fréquentes
vifites qu’elle fait à l’endroit où elle1 a coutume
de pondre; enfin, à la ténacité avec laquelle
elle refte accroupie fur cet endroit, lors meme
qu’il n’y a pas d’oe u f, ou qu’ il n’y en a qu’ un feul
ou fon Simulacre. # .
C ’eft ce dernier a£te qui confirme le befoin de
couver de ces femelles, & qui détermine a leur
donner des oeufs. _
Comme toutes les femelles d’oifeaux font plus
expofées à devenir la proie de leurs ennemis lorf-
q.u’ elles font fur leurs oeufs, que dans tout autre
tems, la Nature leur a donné l’ inftinét de cacher
leur nid, autant que poffble, dans les lieux les
plus folitaires. Les femelles de ceux que nous
avons rendus domeftiques, quoique moins dans le
cas de craindre , veulent être placées loin des
paffans, des chiens, des chats, des rats, & même
des mâles de leur efpèce & du bruit. Il faut les
fatisfaire* Le local ou on les place doit etre fe c ,
chaud & peu éclairé. Dans toutes les habitations
rurales bien montées, il doit toujours y avoir une
chambre uniquementdeftinée à cet objet. Le def-
fus d'un four eft convenable pour l=s petites exploitations.
Il eft bon que chaque efpèce foit dans
un lieu particulier , & que chaque femelle de la
même efpèce foit fèparée des autres par des cloi-
fons qui les empêchent de fe voir. 11 arrive très-fouvent que les femelles vont
pondre & couver dans des granges, des grenurs,
des haies, des bois, & ces couvées, lorfqu’elles
ne font pas la proie des animaux deftruiteurs,
font celles qui réuffffent le mieux.
On met ordinairement quinze oeufs de dinde &
trente de poule fous une dinde ; quinze oeufs
d’oie & vingu-cinq de canard fous une oie > quinze
oeufs de canard fous une canne j douze oeufs de
poule & dix de canard fous une poule : deux ou
trois de moins lorfque l’individu eft d’ ui e petite
variété. , ,
En général, il faut diminuer ces nombres dans
les premières couvées, c ’éft-à-dire, quand il fait
encore froid, & on doit les augmenter dans les
dernières couvées, c’eft-à-dire, quand il fait chaud.
Il eft rare qu’on place des oeufs de dinde ou dé
poule fous des oies ou des cannes, parce que ces
derniers oifeaux, allant a 1 eau, abandonnent les
petits qui ne veulent pas les y fuivre. -
Jamais on ne doit mettre des oeufs de deux espèces
fous la même couveufe, parce qu’ayant une
groffeur inégale, une coque de différente denfue,
une époque différente d Incubation , il y a irrégularité
dans le degré de chaleur qu ils reçoivent,
I N C
dans le jour qu’éclofent les petits, dans la manière
d’êti e de ces petits tant qu’ ils relient avec
leur mère adoptive. Je n’ ai jamais vu reuftir complètement
de ces couvées a in fi mélangées, couvées
, au relie, que même les plus ineptes habi-
tans des campagnes font rarement.
Dans une ferme où on veut élever beaucoup
de volailles, fans embarras comme fans frais, ob-
ferve mon eftimable collègue Parmentier, il y
auroit un grand bénéfice à entretenir trois^ ou
quatre dindes 'tout exprès pour couver, d'autant
mieux que leur ponte, qui commence & finit
de bonne heure, pevmettroit de leur confier des
oeufs de poule ordinaire, donneroit à celle-ci la
faculté defaireplus d’oeufs, d’oùréfultecoient des
pouflîns dont l ’éducation deviendroit d’ autant
plus facile, qu’ils feroient nés dans la faifon la
plus favorable à leur développement.
Il eft des lieux où on force les chapons , foit
de dindons, foit de coqs, à couver & à conduire
les petits. J'ai vu cela fort bien réuffir; mais je
n'aime pas les procédés contraires à la Nature, &
je ne fais #r çonféquence qu’indiquer celui-ci,
Toutes les femelles des oifeaux domeftiques font
leur nid à terre, & avec les premiers matériaux
qu’elles trouvent à leur porrée ? il eft généralement
très-groffîer quand on le compare à celui de la plupart
desefpèces fauvages. Le foin principal qu’elles
y donnent , c’eft de le garnir des plumes de leur
ventre , qu’elles attachent à cet effet. On doit fa-
vorifer le befoin qu’auront les oeufs de ne pas perdre
la chaleur que la couveufe leur aura communiquée
, furtout pendant fon abfence , & éviter à
cette couveufe les rhumatifmes, qui font fouvent
la fuite de leur féjour fur une terre humide ou
une pierre froide, en plaçant le nid fur des planchers,
dans des paniers où autres objets du même
genre, en le formant d’un lit de paille froiffée ou
de foin.
L’état d’une femelle qui couve eft vraiment ex-,
traordinaire ; elle paroît avoir plufieurs des fymp-
tômes de la fièvre : fes yeux font étincelans &
fa peau brûlante, & il*faut qu’elle foit telle, puif-
qu’elie doit élever la température de fes oeufs juf-
qu’ au foixante^deuxième degré du thermomètre
de Réaumur. Elle eft toute entière à fon o b je t,
& paroît prendre un v if plaifir aux gênes & aux
privations qui en font la fuite 5 elle mange peu &
boit beaucoup^ Il eft bon de mettre fes alimens à
fa portée cependant elle peut les aller chercher
à une petite diftance fans grands inconvéniens,
parce qu’elle fait couvrir fes oeufs de plumes pour
retarder la déperdition de leur chaleur, & revenir
allez promptement pour empêcher que cette déperdition
devienne trop conlidérable.
Tous les jours à la même heure la couveufe retourne
fes oeufs pour ramener fous fon ventre le
côté qui -ëtoit fur lé nid, & qui par conféquent
fe trou voit jouir d’un moindre degré de chaleur.
Cette Opération eft très-importante, comme je le
I N C
fais voir plus bas. Il eft des ménagères qui croient
bien faire en l’exécutant de leur c ô té 5 màis il eft
bien évident qu’elles contrarient la marche de la
Nature, & qu’elles doivent donner lieu à des inconvéniens
graves.
Il eft avantageux de mettre couver plufieurs vo lailles
de la même efpèce ou ayant des oeufs de
la même forte, afin que fi un accident arrive à
l’une, on puiffe tranlporter fes oeufs fous les autres.
Cette circonftance milite encore en faveur
de ceux qui penfent qu’il ne faut pas mettre fous
ces couveufes autant d’oeufs qu’elles en peuvent
couvrir.
Les couveufes abandonnent quelquefois leurs
oeufs, & alors, fi on n’en a pas d’autres fous lef-
quelles on puiffe les mettre, ils font perdus ; car
quelqu’age de couvaifon qu’ils aient, le petit que
contient chaque oeuf meurt dès qu’ il eft refroidi.
Le tonnerre, ou mieuxl’éleélricité,aune grande
influence fur la réuffite des couvées ; quelquefois
il occafionne leur perte totale. On ne coiihoît pas
encore bien la théorie de fon aélion fur les petits
renfermés dans leur coque. De tout tems les ménagères,
chofe fort remarquable, ont cru parer,
& fans doute ont quelquefois paré à fes effets
en mettant du fer dans le nid. Cette pratique n’eft
pas à dédaigner; rnajs fermer exactement toutes
les ouvertures des lieux où font placées les couveufes
eft encore plus certain.
. L ’Incubation de la dinde dure trente-deux jour?,
celle de l’oie trente-un jours, celle du canard
vingt-neuf jours , & celle de la poule vingt jours.
Je vais, d’ après Haller, donner un apperçu de
ce qui fe paffe dans les oeufs de poule fournis à
l’Incubation.
Au bout de douze heures on apperçoit un commencement
d’organifation dans cette tache gélati-
neufe dont j’ ai parlé plus haut, laquelle eft placée
fur .le globe du jaune , & toujours à fa partie fu-
périeure, quelle que foie la fituation de l'oeuf.
A la fin du premier jour on diftingue la tête & i
l ’épine dorfale du poulet.
On reconnoît de plus, à la fin du fécond, les j
vertèbres & le coeur.
Le troifième fournit au développement du col
& de la poitrine.
Le quatrième à celui des yeux & du foie.
Le cinquième offre de plus l’eftomac & les
reins.
Le fixième le poumon & la peau.
Le feptième les inteftins & le bec.
Le huitième la véficule du fiel & les ventricules
du cerveau.
Le neuvième les ailes & les cuiffes.
Le dixième, toutes les parties qui conftituent
le poulet font à leur place : les jours fuivans elles
fe développent, & prennent enfin l’accroiflfement
qui leur elt propre.
Mais comment vit le petit poulet ainfî animé
par la chaleur que lui communique la couyeufe ?
I N C i 5
Aux dépens du jaune, qui abforbe petit à petit le
blanc, & qui tft enfuite prefqu’inftintauémen:
introduit danrle ventre du poulet, auquel il tenoit
par une efpèce de cordon ombilical.
C ’eft le dix-neuvième jour que cette introduction
s'effeétue. Alors le poulet quadruple de
groffeur, la poche des eaux fe brife, l’air s'introduit
à travers la coquille dansle vide qui s’eft formé,
le poulet refpire ; il prend de la confiftance, &
trois jours après il rompu fa prifon & fe montre à
la lumière.
Pour brifer fa coquille, le jeune oifeau n’emploie
pas le bouc de Ion b e c , comme on le croie
communément, mais un tubercule offeux qui s’eft
formé fur fa partie fupérieure & antérieure, tubercule
qui tombe peu d’heures après fa naiffance.
La plus fouvent cette opération s’exécute fans difficultés
quelquefois elle a befoin d’être aidée, car
la mère n'.y concourt jamais , dit-on. 11 faut donc
veiller avec foin fur les oeufs le jour où on fait que
les-petits doivent en fortir.
Le premier jour de leur naiffance, les petits o ifeaux
n'ont pas beloin démanger, ils ne demandent
que de la chaleur : on leur donne cependant
quelquefois quelques gouttes de vin chaud
pour les fortifier. Le lendemain on leur donne de
la mie de pain trempée dans du vin ou mêlée
avec des jaunes d'oeufs cuits 8r du lait. Peu à peu
leur nourriture devient plus folide , & enfin ils
vont la chercher eux-mêmes, accompagnés de leur
mère naturelle ou adoptive.
Pour le furplus, voyez aux articles de chacun des
oifeaux qu’on élève dans nos baffes-coins.
La ièule chaleur de la couveufe développant,
comme on l’a vu, 'a vie dans l’embryon placé dans
l’oeuf, 8c quelques oifeaux, comme l’autruche, fe
difpenfanr de couver leurs oeufs qu’ ils enfouiffent
; Amplement dans le fable pour les faire é clore,
pn a dû penfer qu'il étoit poflible de fe procurer
un grand nombre de petits poulets en expofant
les oeufs de poule à une chaleur artificielle aulfi
forte que celle qu’ils trouvent fous la couveufe.
De toute ancienneté on emploie à cet effet, en
Egypte., des fours qui en reçoivent à la fois plufieurs
milliers, & on réuffir à rendre au propriétaire
deux poulets pour trois oeufs, Ces fours
font décrits & figurés dans un grand nombre d’ouvrages.
J’en aurois emprunté les deferiptions &
les figures fi nous avions en France le climat de
l’Egypte, car on ne peut fe diffimuler leurs grands
avantages ; mais toutes les tentatives qui ont été
faites depuis les dernières croifades pour tranf-
porterchez nous cette induftrie, n’ont pas eu des
réfultats très - fatisfaifins. On voit un duc de
Florence faire venir d’Egypte un homme attaché,
à un de ces fours, & ne pas l’employer long-
tems ; depuis, Alphonfe I I , roi de Naples, Charles
VIII & François Ier. , rois de France , effayer
de même la méthode égyptienne, & l’abandonner
bientôt.