
regardé comme bon lorfqu’il a acquis le double de
fon volume , que fa fur race repoufle la main qui
la preffe, qu’en l’ouvrant il répand une odeur
vineufe agréable.
11 eft des villes où on emploie beaucoup de levure
de bière, c’eft-à-dire, de cette moufle qui fe
forme fur la bière en fermentation lorfqu’on la
brafle (voyeç B i è r e ) , pour fuppléer au levain de
pâte, en ce qu’elle accélère beaucoup la fermentation.
C ’eft par le moyen de cette levure qu’on
fabrique à Paris ce qu’on appelle le Pain mollet ,
Pain d'un excellent goût le jour de fa cuifion,
mais qui le détériore dès le lendemain. Les boulangers
deprofeflion , ayant un grand débit , font
les feuls qui doivent faire ufage de la levure de
bière, parce que fon aétion varie à chaque inftant
&r qu’eile fe garde peu. Un changement de vent ,
un coup de tonnerre, le développement d’une
odeur fétide, & c ., fuffifent pour la faire inftanta-
nément gâter.
Le mélange du levain avec le refte de la farine fe
fait , peu à peu , dans un creux difpofé au milieu
de cette farine, Se en y ajoutant de l’eau tiède
peu à peu & àmefure du btfoin Ce n’eft que par
l’expérience qu’on apprend à bien faire ce mélange
avec rapidité5 il doit être le plus exaft pof-
fible, Un petit morceau*de levain ou de farine,
laiffé entier , un grumeleau comme on d it, rend
défectueux le Pain le mieux fait d’ailleurs.
Il eft poflîbie de doubler la dofe de l’eau qu’ on
introduit dans la farine, & c ’eft ce que font certains
boulangers pour gagner davantage; mais on
s’en, apperçoit facilement, & les réglemens de
police s’oppofent à cette friponnerie.
Le pétri {l'âge , qui s'exécute enfuite , eft une
opération extrêmement pénible, & qui demande
une grande habitude pour être bien faire : je ne la
décrirai pas, par la difficulté de le faire fans de trop
longs développemens. Il fuffira de favoir qu’il faut
mêler toutes les molécules de farine imprégnées
d’ eau les unes avec les autres, de telle manière
qu'il en réfulte un tout parfaitement homogène &
d’une confiftance convenable, ce à quoi on parvient
en foulant la pâte avec les poings, en la
foulevant & la rejetant avec force, en l'étendant,
la repliant,la coupant lorfqu’elle devient ferme,&c.
La fatigue du pétriflage & la mal-propreté qui
l ’accompagne fouvent, ont fait délirer qu’on trouvât
un moyen mécanique pourle fuppléer. Quoique
les effais faits en différens tems aient été fans ré-
fulcats, la Société d’encouragement n’a pas penfé
que cela fût impoflible, & elle l’a mis au concours.
Le prix a été accordé à M. Lembert, boulanger
de Paris , qui a rempli toutes les conditions de ce
concours avec un fuccès auquel la Société ne
s’attendoit pas.
Voici l’extrait du rapport fait à la Société relativement
à ce pétrin :
Le pétrin de M. Lembert eft une caiffe quadran-
gulaire de quatre-vingt-huit centimètres de Iongueur
fur quarante-un de largeur & quarante*I
cinq de profondeur, compofée.de fortes planches
de chêne folidement affemblées & réunies entr'elUs
de manière à ne pas laîffer de vides. Cette caiffe
dont la partie fupérieure eft un peu plus large
que le fond , fe ferme hermétiquement au moyen I
d’un couvercle qui eft mainrenu de chaque côté I
par des vis palfant dans une pièce de fer percée, at-1
tachée au couvercle ; l’intérieur eft entièrement
vide. A chaque extrémité font adaptés deux axesI
mobiles fur des tourillons pratiqués dans les mon-
tans du bâtis, mais qui n’entrent pas dans l’inté-1
rieur de la caiffe. L’un de ces axes porte une rougi
en fer compofée de vingt-huit dents, qui engrène I
dans un pignon à huit dents montées fur l’axe |
de la manivelle. On conçoit que cet engrenage régu
tarife & facilite le mouvement de 1a caiffe, donc I
la manoeuvre eft à la portée de l’homme le moins I
exercé.
Ce pétrin eft monté fur un bâtis compofé de
forts madriers de chêne : une pièce de bois qu’on
place en deffeus fert à le foutenir & à empêchée
qu’ il ne tourne pendant qu’on le charge.
Lors de l’expérience dont j’ai été témoin,
M. Lembert jeta d ’abord dans la caiffe feize kilogrammes
de farine, non compris le levain , & ftx
kilogrammes d’eau ; il ferma enfuite le couvercîô I
& imprima à la machine un mouvement de va & |
vient, ou un balancement, pendant cinq minutes, I
afin de donner à la farine le tems de s’imbiber
d’eau ; alors il donna un mouvement de rotation
lent & gradué, qu’ il continua pendant quinze
minutes. De tems en tems on ouvroit la caiffe &
on détachoit, avec un inftrument nommé coupcA
pâte, la pâte qui s’étoit attachée aux parois, ief-
quelles étoient faupoudrées de farine , afin d’empêcher
la pâte d’y adhérer. Au bout d’un quart
d’heure l’opération étant achevée, la pâte me
parut, ainfi qu’à tous les affiftans , parfaitement
homogène, & en tout fembîable à celle qu’on
obtient par le pétriflage ordinaire. Le Pain provenant
de cette opération, comparé avec du Pain de
la même farine pétrie à bras d'homme, n’offrit pas
la moindre différence , & même quelques per tannes
ont cru y remarquer une plus grande égalité.
M. Lembert affure qu’avec un pétrin de huit
pieds de long il peut pétrirentrois quarts d heure
quatre cents livres de pâté, ce que l’ouvrier le plus
tort & le plus exercé ne fait qu’ en une heure, &
ce qu’il ne peut recommencer qu’après un repos
de plulïeurs heures, tandis que le premier individu
eft dans le cas de travailler prtfque confia in-
ment pendant toute une journée à ce nouveau pétrin
, qui ne f a t i g u e prefquepas , a in fi que je m'en
fuis afin ré.
Au moyen de cette machine le Pain eft toujours |
le même, tandis que parta manutention commune I
il eft rare que dans les ménagés où les fermantes I
font le Pain , on en mange deux fois de fuite de I
bon. La feule attention à avoir, c ’eft de couler i
convenablement l’eau néceffaire à l'imbibition de
| ja farine : trop ou trop peu à la fois nuit au fuccès
de l'opération. Un peu d’ habitude fuffir pour juger
i de la quantité qu’ il faut en mettre chaque fois.
La machine de M. Lembert eft a&uellement en
ufage dans beaucoup d’établiffemens publics, tels
q u ' h o p i ç a u x , manutentions d'armées , &c. Un
grand nombre de particuliers habitant leur campagne,
s’en fervent également avec fuccès. Si
ouelques expériences publiques n’ont pas donné,
relativement à l’économie, toute ta fatisfaélion
defirable, cela tient à des canfes que je ne puis
indiquer ; car il eft confiant, d’après le fimple
expofé ci-deffus, qu'il doit y en avoir. Aucune
de ces expériences n'a démenti ce que je viens de
dire relativement à 1a bonté du Pain.
La pâte étant fuffifamment pétrie, ce qu’on re-
connoît à fa dureté & à fon élafticité, on la retire
du pétrin de fuite, s’ il fait chaud, & environ une
demi-heure après, fi le tems eft froid, par portions
plus ou moins groffes, félon la nature du Pain
qu’on veut avoir ; ainfi , ces portions peuvent
être .ou de quinze à vingt livres, ou feulement de
deux à trois onces. Les très-gros Pains font en
faveur dans les campagnes où on ne.cuit que deux
fois par, mois, parce qu’ils fe deffèçhent moins
vite ; les plus petits ne peuvent fe fabriquer avan-
tageufement que dans les grandes villes où on fait
lever la pâte au moyen de 1a levure de bière. A
Paris, les gros Pains ne font généralement que de
quatre à fix livres, Sr dans les campagnes voifines,
les Pains font de dix à douze livres. Les groffeurs
moyennes paroiffent les plus convenables pour une
bonne fermentation & une cuifl’on convenable,
& c’eft à elles que doivent fe fixer les ménagères
qui raifonner.t leur conduite.
cheroît trop, & que dans le fecon 1 il ne fe cuiroit
pas allez.
Dans toutes les boulangeries & les maifons bien
montées, on a des paniers garnis-ou non garnis
de to ile , ou des vafes ( fébiles ) de bois, fau-
poudrés de farine , pour mettre fermenter ta
pâte : chez les pauvres, on fe contente fouvent
de ta mettre, après l’avoir façonnée en Pain, fur
des toiles également faupoudrées de farine. Les
! paniers d’ofier, revêtus de toile, font préférables
à tous les autres, parce que, lorfqué la pâte ,
comme cela arrive fouvent, de quelque quantité
de farine qu’on la faupoudre, s’attache à la toile ,
on peut toujours facilement la détacher en la retournant.
Dans toutes ces manières, s’ il fait chaud, la
fermentation panai re ne tarde pasàfe développer 5
en conféquence, ta pâte fe ramollit, fe gonfle &
s’étend; il s’y forme des crevaffes peu profondes
, crevaffes percées de trous, d’où émane une
odeur légèrement acide. Si on rompt 1a pâte dans
cet éta t, fon intérieur préfente une grande quantité
de cavités de toutes grandeurs. Dans le froid,
il faut envelopper les paniers de couvertures de
laine, & même les placer dans un endroit échauffé
artificiellement; car la fermentation n’ a lieu que
fort incomplètement lorfque la température eft
au-deffous du dixième degré du thermomètre de
R.éati mur.
On peut reconnoître que ta pâte eft fuffifamment
levée à l’augmentation de fon volume, & à l ’é -
lafticité de fa furface, preffée par le dos de ta main.
Les ouvriers habiles ne fe trompent pas lorfqu’ils
emploient la farine à laquelle ils font habitués ;
mais chaque nature de farine ayant, dans ce cas,
un mode particulier d’aéfion, il arrive quelquefois
que leur talent même les induit en erreur. Les in-
convéniens d’une pâte qui n’eft pas affez le v é e ,
c’eft de donner un pain lourd, de difficile digef-
tion, fufceptible de moifir promptement, &e. ;
ceux d’une pâte trop levée fon t, d’avoir une
faveur défagréable , de donner des aigreurs , &
de nourrir beaucoup moins , &c. Le premier cas
fe montre bien plus .fréquemment que le fécond,
attendu que les circonftances qui empêchent la
pâte de lever font bien plus communes que
celles qui accélèrent fa fermentation. D'ailleurs ,
il eft facile de corriger 1a pâte trop le v é e , en
lui donnant de ta nouvelle farine & en recommençant
l’opération du pétriflage.
La pâte bien le vée , il ne s’agit plus, pour la
transformer en Pain, que de la faire cuire, éV c’eft:
ce qu’on fait le plus communément dans unFouR.
Voye[ ce mot.
Lorfqu’on eft en voyage, & qu’on n'a qu’un
ou deux Pains à faire , on fupplée fort aifément
aux fours par ce qu’on appelle un four-de campagne,
ceft-à-dire , par un vafe de fer ou de
cuivre, fort évafé, auquel s’adapte un couvercle
de même matière, vafe que l’on fait chauffer,
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