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abondans dans centaines plaines voifines des hautes
chaînes de montagnes ou des grandes rivières, &
proviennent de la décompofition de ces montagnes
& du chariage de ces rivières. Les caractères
qui les différencient des G ale ts font à peine fen-
fibles, & ce que fai dit à ce mot leur convient
généralement. Ils fe rapprochent aufli infiniment
des fiiex ou Pierres à fuiil, Pierres qui fe font formées
dans les craies ou dans les marnes , & qui
ont été entraînées avec ces craies & ces marnes,
foit rapidement lors des grands mouvemens furve-
nus à la furface du Globe , foit petit à petit par
l ’effet des eaux pluviales. Les craies & les marnes,
comme plus légères, ont été entraînées plus loin,
& forment, fans doute > aujourd’hui en partie le
fond des mers.
Les cailloux ufent beaucoup le foc des charrues,
le fer des bêches, des pioches , & c . ; lorfqu’ ils ne
font pas trop gros ou trop furabondans, ils nuifent
peu aux labours , parce que leur forme arrondie
favorifedeur déplacement par la charrue $ ils nuifent
également peu aux récoltes, parce que le
germe des graines qui fe trouvent placées fous eux,
fe contourne pour fortir de terre un peu plus loin 5
ils nuifent encore moins à h culture de la vigne &
aux plantations de bois. On fe contente donc
prêt que partout d’enlever les plus gros de ceux
que la charrue ramène à la furface. Dans tous
les cantons où il paiîè des grandes routes, les entrepreneurs
de ces routes évitent même ce foin
aux cultivateurs , ces cailloux étant préférables à
toutes autres Pierres à raifon de leur dureté, de
leur forme , de leur'groffeur & de Péconomie de
leur exploitation , pour les former & les entretenir.
Dans beaucoup de lieux , on pave les rues
des villes avec ces cailloux } on bâtit ies maifons
avec les plus gros, mais , vu leur forme plus ou
moins globuieufe , ils font inférieurs aux grès
pour le premier de ces objets, & aux calcaires
pour le fécond.
La couleur des cailloux eft le plus fouvent la
même que celle dé la paille j il en eft cependant
beaucoup de bruns & même de noirs : ces derniers
abforbant les rayons du foleil mieux que les
premiers, communiquent au fol un degré de chaleur
qui contribue à rendre très-propres à la culture
des primeurs les terreins qui les contiennent 5
auflî, aux environs de Paris, eft-ce dans les plaines
du Poinc-du-Jour , de Boulogne, de Neuilly, de
C lich y , d’Afni è re , & c ., qu’ on les .établit principalement.
Quelque durs que foientles cailloux, ils fe dé-
compofent en argile par leur Ample expofition à
Pair, ainfi qu’on peut le voir partout où il y en
a , à la couleur blanche ou grife de leur furface.
Cette décompofition plus ou moins rapide, félon
leur efpèce , eft un des moyens employés par la nature
pour les faire diiparoître, mais il n’y a pas
de moyens praticables en grand pour l’accélérer.
Il eft des cantons où j] fe trouve, au milieu des
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champs, des Pierres filiceufes ou calcaires qui
pèfent plufieurs quintaux , & qui fortent à moitié
de terre. Pour les enlever entières il faudroit des
efforts très-coûteux j il n’ en faudroit pas moins
pour les brifer. Comme les champs ou elles fe
trouvent font généralement de peu de valeur
on craint de faire la dépenfe de leur extraction,
& on fait tourner la charrue autour. Cependant
cela donne lieu à une perte de terrain qu’il
feroit bon d'éviter ; en conféquençe je voudrois
que les propriétaires de ces champs fiffent enlever
ou brifer chaque année quelques - unes de ces
Pierres, ce qui feroit rarement au-deffus de leurs
moyens j de manière qu’au bout d’un certain
tems il n’y en auroit plus. Il elt beaucoup de lieux
ou on peut faire à coté d’elles un trou fort profond
pour les y faire rouler fans beaucoup d’effort
, & où elles font recouvertes d’un pied de
terre, épaifieur fuffifante pour la culture de toutes
fortes de plantes annuelles.
C ’eft dans les montagnes de Pierre calcaire fe-
condaire, c*eft-à-dire, dans celles où la Pierre ne
contient que des coquilles pélafgiennes, que les
champs font le plus garnis de Pierres. Là , la
terre végétale, ou mieux l’argile qui la remplacé,
n'a fouvent que quelques pouces ri’épaifîcur, &
immédiatement au-delîous fe trouve une maffe calcaire
argileufe en couches en partie décompofées
ci’ un à deux pouces d’épailfeur, qu’on appelle
L a v e dans quelques cantons, couches que la charrue
foulève & brife en fragmens plus ou moins
larges. Te l champ en eft fi rempli, qu’on ne voit
pas la terre qui le compofe , & cependant ce
champ donne quelquefois des récoltes fort avant*-
geufes. Il n’eft pas toujours bon de les enlever,
comme j’ en ai eu des exemples fous les yeux, tant
dans des champs femés en céréales, que dans des vignes.
Dé jà, dès le tems de Virgile, on connoilfoit
l'aélion des Pierres fur la fertilité de certaines
terres fèches ou expofées au foleil. Ce poète
nous apprend, dans le fécond livre de fesGéorgi-
qu.es, qu'après avoir planté la vigne dans ces fortes
de terreins, il faut mêler de l’argile avec le fol ou
bien le recouvrir de Pierres plates, de tuiles,
d’ardoifes, de teffons de pots & autres matières
analogues, furtout lorfqu’il eft à i'expofition du
midi, parce que ces Pierres entre tiennent une humidité
favorable. On n’en doit pas moins,.dans 'e
plus grand nombre de lieux , confacrer, chaque
année , quelques journées d’enfans, après les labours
d’automne, pour ramaffer les plus groffes,#,
ou les enterrer à un pied de profondeur fi le voi-
finage de la roche ne s’y oppofe pas, ou en faire,
autant que poffibie, des murs de clôture .peu élevés
, mais fujfifans pour empêc her l’entrée des bef-
tiaux , ou au moins limite^ la propriété,. Dans le
cas où les Pierres feroient trop petites ou tr0P
arrondies pour fabriquer ces murs ,.on en fera fur
les bords du champ, ou à fes extrémités, ou fur
les chemins qui l’avoifinenc, dçs tas, foit ronds j
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foie aîongés, tas que, dans la ci-devant Bourgogne,
on appelle Mergers (voyeice m°t ) , &c qu'on
peut utilifer, ou en les couvrant d’affez de terre
pour nourrir des buiffons , dont le bois ferc à
chauffer le four, ou en y faifant monter des courges,
des pois, des haricots, &c.
L'épierrement eft principalement de rigueur
dans les champs où on a femé du fainfoin, du
trèfle ou de la luzerne, parce que les Pierres qui
fe trouvent à la furface du fol s’oppofent à ce .
qu’on coupe ces plantes affez bas, & que, même
en les coupant haut, elles ébréchent les faux} on
l’exécute, dans’ ce cas, pendant l'hiver qui fuit le j
femis de ces plantes. Il l’eft également dans ceux :
deftinés au femis des.navets , des carottes, des
panais, des betteraves & autres racines pivo- I
tantes, que les Pierres empêchent de s’enfoncer
en terre.
Comme la dépenfe d’un épierrement complet 1
eft fort considérable , & peut, dans beaucoup de ;
cas, coûter autant que la valeur du champ, ex- :
cepté dans les jardins où il eft de rigueur qu’il foie 1
fait en une feule fois, il ne faut lui confacrer cha- |
que année. comme je l ’ai déjà annoncé, que quelques
journées de femmes & d’enfans, dans la
mauvaife faifon > ou lorfqu’on n’a pas de travaux
preffés. Par ce moyen, il s'accomplit fans qu'on
s’apperçoive de ce qu’ il a coûté.
Toutes les fois qu’on peut utilifer le réfultat
d’un épierrement à deffécher un terrein voifin,
il ne faut pas s’ y refufer, lorfqu’on en a le moyen,
car fi chaque cultivateur doit calculer fes depenfes '
annuelles pour quelles n’abfoibenc pas fes bénéfices
, ne doit-il pas aufli envifager le bien-être de
fés enfans , & même celui de la Société en général?
O r , les effets d’un defféchement bien exécuté
durent des fiècles.
Actuellement je paffe aux Pierres propres à la
bâtifl’e , Pierres fur lefquelles les cultivateurs ne
portent pas affez leur attention, comme le prouvent
tant de maifons, tant de murs de clôture qui
commencent à fe délabrer peu après leur conf-'
truétion} tandis que fi on y eût employé des matériaux
mieux choifis, leur durée eût été plus que
féculaire.
Il eft cependant à obferver que les frais du tranf-
portdes Pierres font fi grands, que, dès qu’ il faut
les -aller chercher à quelques lieues, il devient im-
poflible aux fortunes ordinaires des cultivateurs
de les fupporter, & qu’ils font alors décerminés à
préférer celles qui font plus à leur portée, qud-
qu’inférieures qu’elles foient d’ailleurs.
; Le granit eft une excellente’ Pierre'pour la bâ-
tifle, en ce qu’il eft pour ainfi dire inaltérable}
mais il eft exçeflivement dur à tailler j auflî n’ y
a-t-il que les gens riches qui bâtiffent régulièrement
avec lui. Dans les montagnes qui en font composes,
les cultivateurs en emploient les fragmens
tels qu’ils fe trouvent, en les liant avec un mortier
fans chaux, compofé des détritus argileux de J
Agriculture. Tome V •
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ces mêmes granits & de terre végétale. Ces murs
s’écroulent fouvent à la fuite des dégels, parce
qu’on ne peut pas mettre dans leur conftrudtion
tout l’aplomb convenable} mais leurs matériaux
peuvent être réemployés de fuite.
On bâtit rarement avec le gneifs, parce qu’il fe
décompofe-rapidement} mais il fe difpofe avec
plus de facilité que le granit, à raifon de ce qu’il
eft en couches de peu d’épaifléur. Du refte s on-le
lie , comme le granit, avec fes propres débris..
Le fehifte, qui eft également en couches, & dont
beaucoup de fortes font peu altérables, eft d’autant
plus propre à la bâtiffe des maifons ruftiques,
qu’ il offre de fréquentes fiffures aufli unies,que fi
elles avoient été taillées. On fe fert encore pour
mortier, lors de fon emploi, des détritus de granits
& des gneifs mêlés de terre végétale. Les
maifons & les murs qui en font conftruits, lorfi
que le travail a été bien exécuté, font d’une fort
longue durée.
Je puis parler ici des grès, quoique quelques-
unes de-leurs fortes fe trouvent dans les pays de
troifième & même de quatrième formation, parce
que leur nature quartzeufe ies rapproche des
granits. La difficulté dé les tailler s’oppofe à ce
qu’ on en conftruife, fans de grandes dépenfes, des
maifons 8e des murs , excepté lorfqù’ ils font en
couches peu épaiffes, ou qu’ils fe caffent en cubes,
comme ceux de Fontainebleau. Le mortier ne lie
que très-imparfaitement ies bâtiffes qui en font
compofées. C ’eft avec des grès primitifs qu’on
fabrique les meules à aiguifer, dont chaque cultivateur
doit avoir une dans fon manoir. C ’eft
avec les grès tertiaires qu’on pave les rues des villes
& les grandes routes, partout où on le peut.
Les Pierres calcaires primitives, parmi lefquelles
fe trouvent les plus beaux marbres, principalement
celui de Carare, font au nombre des
plus propres à la bâtiffe} elles fe taillent affez facilement
lorfqu’ellts fortent immédiatement de la
carrière, & le plus fouvent leur altération eft
infenfîble. C e font elles qu’on doit préférer partout
lorfqu’on eft à portée de c'hoifir. La chaux qu’elles
donnent eft excellente, mais plus dure à cuire que
les autres. ( Voye^ C h a u x .) On la lie avec de la
chaux & du fable.
Les Pierres calcaires fecon.laires contiennent
fouvent beaucoup d’argile qui abforbe l’eau, laquelle,
en fe gelant, fait defunir leurs molécules}
mais quelquefois aufli elles font aufli bonnes que ...
les précédentes : elles s’emploient de même. On
doit redouter les premières y car les conftmêlions
dans lefquelles on les fait entrer durent peu, quelque
belle apparence qu’elles aient. Ces Pierres s’appellent
vulgairement Pierres gélives, & ne fe re-
connoiffent qu’à l’ufage. Ainfi , fi un cultivateur fe
tranfporte dans un pays de (econde formation,
il ne doit bâtir qu’après avoir confulté fur la nature
de la Pierre du canton, ou après avoir exa-
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