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C ’eft le plus fouvent de boutures, placées trois
ou quatre pieds les unes des autres, plus ou moins,
félon la nature du fol , qu'on reproduit le Manioc.
Quelquefois on fème aufli fes graines j mais alors
il faut attendre deux fois plus long-tems la maturité
de fes racines.
La racine du Manioc étant la partie pour laquelle
on le cultivé, on doit defirer l’avoir la
plus groffe poflible ; o r , pour parvenir à ce résultat
, il faut rendre la terre très-meuble, dans
une profondeur coniidérable , c’eft-à-dire, la labourer
avec foin : ces labours fe font à la houe,
la charue n’étant pas connue dans les pays intertropicaux.
La plus grande plantation des boutures s’exécute
au commencement de la faifon des pluies,
au moyen de trous faits à la houe ou au plantoir >
mais on la continue tous les mois pendant la durée
de cette faifon, &; même hors de cette faifon,
afin d’avoir toute Tannée des racines propres à
être employées.
Lorfque les boutures font complètement enracinées,
c’eft-à-dire, quinze jours7 après la plantation
-, il faut donner le premier binage , afin
de détruire les mauvaifes herbes & de faciliter
l’aétion des principes de Tatmofphère fur
les racines. On renouvelle cette opération deux
& même trois autres fois, lorfque les mauvaifes
herbes nuifent au plant par leur multiplication.
21 eft bon , dans les dernières, de ramener la
terre contre les pieds, c’elbà-clire, de les buter
légèrement. Il faut au moins un an pour que la
racine foit parvenue à toute fa perfection j mais
on peut commencer à en faire ufage, en cas de
néceflité urgente, dès le Septième mois de la
plantation. Rarement récolte-t-on à la fois une
pièce entière de Manioc j on arrache les pieds
les plus mûrs pour la confommation courante, &
on laiffe les autres fe perfectionner en terre : cependant
il ne faut pas les y laiffer plus de dix-
huit mois , parce qif alors elles deviennent dures
ou fe pourifient. Quand U terre eft bonne, la
faifon favorable & là culture convenable, les
racines acquièrent la groffeur & la longueur de
la cuiffe : plufieurs animaux, & furtout les fourmis
, lui nuifent fouvent.
• Pour faire la récolte du Manioc, on ébranche
fa tige, on donne quelques coups de pioche autour
des racines, &, fans beaucoup d’efforts, on
les enlève avec la main & on les fépâre de leurs
tiges. Apportées à la maifon, elles font raclées avec
un couteau, puis on les lave & on les râpe.
Les indigènes dé l’Amérique méridionale, qui
ne connoiffoient pas le fer, rapoient leur Manioc
fur des pierres pourvues d’afpérités, le plus fouvent
fur des laves volcaniques. A l ’arrivée des
Européens , on a fubftitué à ces pierres des râpes
de fer. Aujourd’hui on fait ufage, tantôt d’un
moulin de bois, allant à bras d’homme ou par le
moyen d’un cheval, dont les meules font garnies
M A Nde
clous à tête pointue & quadrangulairej tantôt
de deux ou trois cylindres de bois tournant en fen
contraire, par un mouvemênt commun. La furface
eft garnie de clous femblables, ou mieux d’une
feuille de tôle difpofée en râpe : l’important eft
que la racine de Manioc puiffe être réduite exac.
tement & promptement en parcelles très-petites.
Dès que la quantité de Manioc qu'on a apporté
eft râpée, on met Tefpèce de pâte qui eft réfultée
de l’opération, dans des facs faits avec des nattes
ou de la toile, & on la foumet, pendant plusieurs
heures , à Taétion d’une forte prefle qui en ex.
primé prefque tout le jus. Ce qui refte eft propre,
ment la caftave, laquelle, féchée convenablement j
peut fe conferver long-tems , mais à laquelle on
fait ordinairement fubir de fuite une des deux préparations
fuivantes :
La préparation là plus fimple eft celle qu’on ap-
pelle f a r in e d e c a f fa v e , f a r in e de M a n i o c , coun-
q u e 3 8c c . Pour la fabriquer j on met dans une
bafîïne plate de cuivre, de quatre pieds de large
de fept à huit pouces de profondeur, placée fur un
feu un peu fort & égal, de la rapure de Manioc,
& on la remue continuellement. Cette rapure
fe granule, perd toute fon humidité, fe cuit &
fe colore. On reconnoît que l’opération doit
être terminée, à la couleur & à l’odeur. Alors
on diminue le feu, on enlève rapidement la farine
de caffave avec une pelle, & on l’étend fut
des toiles , où elle fe refroidit } alors on la renferme
dans des barils, & on la conferve pour l’u-
fage : elle eft encore bonne au bout de quinze
ou vingt ans, quand on la tient à l’abri de l’humidité.
On la mange en la faifant bouillir un
inftant dans du bouillon de viande ou de poiffon,
dans du lait, ou Amplement, comme le font les
Nègres, en la délayant dans l’eau chaude & en
y ajoutant quelques grains de fei; elle gonfle pro-
digieufement : moins d’une .demi livre fuffitpout
nourrir l’homme le plus vigoureux pendant une
journée.
La préparation la plus uficée parmi les planteurs,
eft celle qu’on appelle p a in d e ca f fa v e , ou to u t fini-
plement caffav e ; elle s’exécute en couvrant de
deux doigts d’épaiffeur de caffave f r a î c h e , un
difqüe de fer monté fur trois pieds, & en la comprimant
avec une fpatule de bois , puis en mettant
ce difque fur un feu doux. Les grains de rapure
s’attachent les uns aux autres en cuifant, j|jt
épaiffeur diminue de.plus de moitié. Lorfqu®
cette galette eft fufïifamment cuite, ce qu'on
reconnoît aux mêmes caractères que ceux indiques
plus haut, on l’enlève de deffus le difque, au
moyen d’une lame de couteau, & on la laifle fe'
froidir : elle fe mange fans fel, comme le pM
avec des viandes, des poiffons, des fruits, &c. ,
Les Créoles aisftent beaucoup la caflà.vej mai*
ceux qui en mangent pour lxpremière fois, h
trouvent d’une grande infîpi^ftéh»c’cft une nom*
riture fort faine 8c fort fubftanciélle.
M A N
w te fuc, exprimé de la racine râpée de Manioc,
Lft un violent poifon j il ne faut que quelques
Jniinutes pour qu’il agiffe. On peut Croire que
■ comme, le fuc du laurier-cerife ( c era fu s lauro
Kcerafusj » c’eft fur le fyftème nerveux qu’il agit}
■ car il ne laiffe aucune trace de fes effets dans TeC-
■ tomac, & les premiers produits de fa diftillation
■ font infiniment plus aétifs que lui. Trente-cinq
■ gouttes de ces produits, donnés à un efdave em-
(poifonneur, furent à peine defcendues dans fon
Kftomae, qu’il pouffa des hurlemens, fit des con-
Ibifions qui furent fui vies d'évacuations de toute
(nature,. & il périt au bout de fix minutes dans des
fconvulfions les plus violentes. On ne connoït pas
(d’antidote contre ce poifon 5 car l’opinion que
(le fuc de roucou Teft , ne paroît pas fondée. Mal-
■ gré la violence de ce poifon, il n’arrive jamais
■ d’accident à ceux qui mangent de la caffave.
I Une autre preuve que le principe délétère du
Bue de Manioc eft fugace, c’eft qu’on en fabrique
(habituellement un condiment pour l'affaifonne-
(menc des mets. A cet effet, après en avoir retiré
lia fécule & le parenchyme , on le fait bouillir
|& on l'écume continuellement. Lorfqu’il ne rend
■ plus d’écume, on le retire du feu & on le paffe à
(travers un linge. Dès-lors il a perdu toute fa fa-
Iculté vénéneufe. Pour le conferver, on le remet
Kde nouveau fur le feu ; on le réduit en confîftance
(d’extrait, & on l’introduit dans des bouteilles :
(en cet état il eft excellent pour affaifonner lés
viandes, furtout les rôtis.
| Le fuc de Manioc entraîne avec lui, lorfqu’il fort
■ de deffous la prefle , une fécule très-blanche ,
(identique avec celle de la pomme de terre : cette
■ fécule fe dépofe, par le repos, au fond des vafes
Ideftinés à recevoir le fuc. On la retire ifolée par
*la décantation} onia laveàplufieurseaux,onlafait
Bêcher, on la réduit en poudre, puis on la garde
frour l’ufage dans un lieu fec : cette fécule peut fe
■ conferver indéfiniment. On l'emploie à faire des
Igateaux, à donner de la liaifon aux fauces, à
Buppléer à la poudre d’amidon, &c. V o y e r FÉ- CULE.
■ On fabrique à Cayenne, avec du Manioc
■ cru ou cuit, quatre forces de liqueurs fermen-
fcees, connues fous . les noms de v i c o u , c a c h i r i ,
Paya & ou v a p a y a . Comme les procédés employés
■ ont très-défe&ueux, leurs réfulcats fort peu
■ agréables, & qu’on peut les fuppléer par les principes
de toute fermentation vineufe , je n’en parlerai
pas en détail, & je renverrai le le&euc au
pot Fermentation. (Rose.)
MANISURE. M -42ÏIS IS RIS,
Ij 9eilre pjj plante de la polygamie monoécie 8c
I t a des G r a m in é e s , qui réunit deux e(-
jP ces, dont aucune n’eft cultivée dans nos jardins.
6S ^ u^ r a t lo n s d e s g en r e s de Lamarck ,
Ag ricu ltur e. T om e V .
MAN 21J
Efphces.
1. La Manisurbqueue-de-rat.
M a n i fu r i s m y u ru s. SVartz. O Des Indes*
2. La Manisure granulaire.
M a n i fu r i s g r a n u la r is . Swartz. O De l’Amérique.
C u ltu r e.
J’ai obfervé cette dernière en C aroline, ou elle
croit affez abondamment, & d’où j’en ai apporté
des graines} mais les pieds qu’elles ont produits
dans les jardins de Paris n’ont pas fleuri, & par
confequent ne s’y font pas propagés. Cette
plante, d'un grand intérêt pour les botaniftes , à
raifon de la fingulière organifation de fes fleurs,
n eft d aucune utilité pour les cultivateurs, parce
que les beftiauxen dédaignent les feuilles. (B o s c .)
MANNE. On donne ce nom à un fuc concret,
éminemment fucré, qui flue de l’écorce ou des
feuilles de plufieurs fortes de végétaux. V o y e r
ce mot dans les D i c t io n n a ir e s de P h y f io lo g ie v é g é ta
le y d e C h im ie 8c d e M é d e c in e .
Les efpèces dont on tire le plus abondamment
de la Manne en Europe font les F r ê n e s à f e u i l l e s
ron d es , à p e t it e s f e u i l l e s , à f le u r s , & le M elÈze :
cette dernière s’appelle M a n n e d e B r ia n p o n . V o y e r
ces mots.
Ces Mannes s’emploient en Médecine comme
purgatives. On en diftingue, dans le commerce,
plufieurs efpèces , telles que la M a n n e en f o r t e , la
M a n n e en la rm e , la M a n n e g ra ffe .
On ne peut retirer du fucre de la Manne par
aucun des procédés connus.
En Afie on retire de la Manne d’une efpèce de
fainfoin ( h ed y fa rum a lh a g h i Linn. ). On a prétendu
que c'étoit la Manne des Hébreux, comme
fi cettp petite plante pouvoit en fournir affez pour
nourrir un peuple entier. J’en ai trouvé à la
kff® ^es fru*ts d'un rhododendron du Pont, cultivé
à l’abri de la pluie.
Les Indes & l’Amérique offrent aufli plufieurs
plantes, encore peu connues, qui en fourniffent.
U n eft pas poflible de diftinguer, en principe
général, le miélat de la Manne. Voy e% Miélat."
Une fecrétion furabondante de Manne doit né-
ceflûirement fatiguer les arbres} aufli ceux de qui
on la retire artificiellement, font-ils de la plus
mauvaife apparence.
La récolte de la Manne eft en Calabre, ainfi
que.dans l’Oiient, faite parles cultivateurs. Je
dois donc en dire un mot.
C’eft pendant les mois d; juin^& de juillet,
vers le milieu du jour, que la Manne coule naturellement
des frênes dans la Calabre : d’abord
très-liquide & très-tranfparente , elle fe consolide
peu à peu & devi nt b:anche. On laramaffe, chaque
matin , au moyen de couteaux de bois. Lorfqu’il
pleut pendant la nuit , elle fond & fe perd*