Toutes les autres efpèces fe fècnent en place au j
printems, & ne demandent d'autre culture que
celle propre à tout jardin foigné. Les vivaces
peuvent relier en place pendant très-long-tems,
parce quelles font toutes pourvues de très-
longues racines.
Parmi elle s , trois méritent de fixer plus particuliérement
l'attention des cultivateurs, en grand,
la fixièmeja fepdème & furtout la huitième, qui
eft celle dont j’ai entendu parle r àu'commeiKe-
nient de cet article.
La Luzerne iupuline croît abondamment dans
les champs, les prés, le long des chemins , où
tous les beftiaux, fans exception, la recherchent
avec paillon. Depuis quelques années on commence
à la cultiver en grand, principalement pour
les moutons , auxquels elle convient beaucoup. A
cet effet on la fème avec l’orge ou l’avoine, &
on la coupe deux fois dans le courant de là fécondé
année ; après quoi on la retourne pour lui
fubfiituer une autre culture ; on la-fait aufli pâturer
fur place. Ses effets, dans le fyftème des
affole me ns, font abfolument les mêmes que ceux
du trèfle j mais fes produits font bien inferieurs à
ceux de ce dernier. Elle réuflit fort bien dans lés
terres fèches & arides, 8c c’ eft là que, par la
bonne qualité dé'fon fourage & fa précocité, elle
dédommage de fon peu d’abondance j elle eft fur-
tout très-convenable pour rétablir les prairies
hautes qui commencent à ne plus vouloir nourrir
des graminées, 8c pour cela il fuffit d’en répandre
la graine'à la Volée , après la pluie, lors de
la coupe des regains, & de herfer. Quoique bif- "
annuelle, elle peut s’y conferver plufieurs années’
lorfqu’on la coupe avant l’époque de la maturité
dé fes graines.
C ’eft dor.c avec fondement que les amis de la
profpérité agricole de la France doivent defirer
que fa culture fe répande plus rapidement qu’elle ,
ne l’a fait jufqu’à préfent, n’y ayant guère que le ’
département du Pas-de-Calais , les environs"de '
Paris & de Coutances , où |ljeT foit en quelque’
faveur. -
ô n trouve fréquemment la Luzerne faucille
dans Ls haies des parties moritueufes de là France,
rù e île s’élève quelquefois jufqu’ à leur fommet,
quoique fa hauteur en plein champ furpaffe rarement
deux pieds. Comme les terre ins les plus
arides & les plus pierreux font ceux où elle fe
plaît de préférence , & que tous les beftiaux la,
recherchent, il poufroit être très avantageux’ de"
la cultiver en grand en France, comme on Je fait
en Suède. Je fais qu’on l’a effbyé. en plufieurs en-
dfoirs; mais j’ignore quels rëfultats oh en a obtenus.
Il eft beaucoup a defirer, félon moi, qu’on
s’occupe’ férîeüfement de cet ob jet, vu qu’elle
vient dans des lieux où l’ efpèce dont il va être
queftion ne peut profpérer, & qu’elle ne craint
pas les gelées.
Me Yoiià arrivé à la Luzerne cultivée, propre- *
ment d ite , à celle qui, depuis tant d’années,ne
ceffe de faire la fortune d’un grand nombre de
cultivateurs , & qu’il eft cependant encore bel'oin
de préconifer dans un,e partie de la France , tant
il y a d’ignorance ou de préjugés dans les cam.
pagnes.
Les Anciens connoiffoient cous les avantages de
la culture de la Luzerne} aufli. Varron , Caton &
Colurnelle en parlent-ils avec enthoufiafme. Notre
Olivier de Serres,qui l’appelle fainfoin, comme
on le fait encore en beaucoup de lieux , lui coji-
facre un long chapitre , & la qualifie de Tépithètè
de merveille du ménage, à raifon de fa prodigieiife
fécondité & des nombreux moyens de profpérité
qu’elie offre aux cultivateurs.. -
La Luzerne eft une plante naturelle aux terreins
gras, frais 8c profonds des parties méridionales de
l’Europe j c’eft là qu’elle pouffe des.racines d’une
longueur démefurëe (Rozicr dit dé, dix pieds),
dis tiges qu’on peut couper fept à huit fois par
an. On doit donc la femer de préférence dans de
tels terreins, pour en obtenir tout le produit dont,
elle eft fufceptible : elle ÿ fubfifte en bon état
pendant plus de vingt ans ; Pline dit même trente
ans } tandis que dans les terres froides, argile u fes,
où fes racines ne peuvent pénétrer que très-difficilement
& trouvent une humidité permanente,
aififi que dans lés craies, les marnes, les tufs, où
fes racines ne peuvent pas pénétrer , elle ne fe
cor.ferve que deux à tro s ans, & même périt la
même année. Dans ces dernières fortes de terres,
il eft plus fructueux de femer du Sainfoin. Fbyq
;ce mot.
Les gelées du printems frappant quelquefois de
mort les-jeunes pouffes de Luzerne j & fouvent
•leurs fommitës, il eil prudent, dans le nord delà.
France 8c même dans le climat de Paris, de ne
pas la placer dans des exppfitions trop froides,
dans le voifinage des bois, dans les vallées abon-;
.dantes en eaux ftagnantes..
Les plus hauts produits de la Luzerne ne s’obtiennent
que dans les pays"chauds & dans les terreins
fufceptibles d’irrigation.
C ’eft toujours après une, récolte .de céréales
qu’on fèmè la.Luzerne} cependant il eft de fait
qu’elle profite "mieux lorfqu’elle eft fubftituée i
oes cultures qui ont exigé dés binages fréqutns
ou un dé fon ce ment, telles que ’celles des bois, des
pépinières, de là’ Vigne , de la garance, des
pommes de terre., 8c c ., parce que la terre eft plus
ameublie , & pat fuite pius perméable à M
racines. '
J’ai vu un .terrein de très-mauvaife nature,
parce qu’il étoit très-pierreux , devenir une excellente
luzernièré, après l’avoir défoncée dedeul;
pieds : il en eft beaucoup dans ce cas.
On ne peut donner des labours trop profonds
aux chimps qu'on deftine à recevoir de la- bu*
zerne , & cela eft motivé fur Ja difpofition pivotante
des racines d e ,cette plante j aufli, il. W3nS
■ beaucoup de lieux e lle ne réuflit p a s , c ’efi parce
■ q u ’on croit que le nombre de c es labours lu pp lé e
■ a leur profondeur. Voye\ L a b o u r s .
1 • Généralement on donne deux labours & fou-
■ vei.t trois à la terre deftiné.e à.recevoir la.Lpze: ne.
■ il eft fort indifférent qu’ils foiçnt ou non c roi fes ,
■ pourvu qu’ils divifent bien la terre : le dernier- a
■ l i e u immédiatement.avant la femaille.
| I L'ex.pofition du midi, dans les climats,froids,
■ e ft très- favorable au fuçcès d’une Luzerne , '6c
■ celle du levant y eft la pire de toutes,, parce .que
■ c’elt celle où* elle, a le plus à craindre, l’effet, des
■ gelées tardives du printems. Payez G elÉ-JE.- Sa
■ qualité eft moins, bonne dans les terres trop hu-
1.1mides & dans les lieux, trop ombragés.
I Comme la durée moyenne de la Luzerne eft de
■ dix à douze ans, & comme il n’ eft pas. bon, quoi-
| qu’on le faffe fouvent, de lui donner des engrais;
■ fuperficiels pendant ce. te ms, il devient d’autant
■ plus indifpenfable de fumer fortement le. champ
| où on fe propofe d’en femer, qu’il eft plus maigre
■ de fa natuie ou plus épuifé par des récoltes anté-
I ri Ures.
B Une des caufes qui, prefque partout , nuit à
| la beauté 8c à la durée de la Luzerne, c’eft qu’on
prend la, graine deftinée à la reproduire, ou fur
■ de vieilles luzernières deftinées à être rompues,
■ ou fur la fécondé & même la troifième recoupe .:
■ or, il eft de fait que plus les plantes ,font affoiblies,
|& plus les graines qu’elles donnent font petites ,
| & plus elles font petites, & moins font vigoureux.
Iles pieds qu’elles produifent. Un cultivateur éclairé
| & jaloux du fuçcès de. fes .cultures doit donc
| confacrer un champ plus ou moins grand, fèméen
| Luzerne, 8c dans un bon fond, à la,reproduction
exclusive de la graine , 8ç ne. prendra cette.graine
j que fur la première coupe, qui,eft . toujours la
meilleure , & ni avant la troiiîème , ni. après la
[dixième année. '
I Une.luzernière ainfi confaçrée à la reproduction,,
[de la feme.nce , ne dure p a s i l eft vrai, auflilong-r
jtems qu’une autre, parce que les plantes qu’ on
Baiffe grainer épuifent plus le fol j m.ajs: on en eft
[bien dédommagé par la bonté, des-autres : d’ail-
purs, on en obtient ordinairement une coupe de
Ifegain^
I Comme les gouffes de la Luzerne s’ ouvre:nt.;
[difficilement, on n’a pas à craindre la perte de.Tes.-,
[graines, en retarda.nt fa coupe : on doit donc .la
llailfer mûrir avec excès,.& cboifii; un .tems bien.fec ,
[pour la faucher , parce que, dans ce-ças, l’excès v
lueft jamais un. défaut j qu’il eft avantageux de ,
Ine batire la graine qu’au moment i e la femer , &
pu il faut par conféquent rentrer le, produit de la
coupe le p'us fec poflîble. Cette derrièreconfidé--
j ration eft fondée fur.ee que cette graine , encore-;
ipjus que. les autres, fe perfectionne après la de flic- ;
catron des tiges qui la porteur, ^ qu’elle fe con- .!
pive beaucoup mieux dans fa gouffe.
| Bame,,)a Luzern e n’eft pas: une c h o fe a i f é e , ,
ainfi qu’on peut le conclure de ce que j’ai dit plus
haut} maison y parvient avec du tems 8c de la
perfévérance.
On reconnoît la bonté de.la,graine de Luzerne
à fa pefanttur 6c à fa couleur brune & luifante.
La pi us nouvelle eft toujours à préférer ; cependant
elle peut fe conferver propre aux ferriis cinq
à fix ans , furtout fi elle eft la-iffée dans fa gouffe,
comme je l’ai déjà obfervé. 11 eft, dit-on, avantageux
dans le nord , d’en faire venir de loin en
loin du midi.
L ’époque où il convient de femer la Luzerne ,,
dépendant du climat, du terrein , de la faifon ,
il eft impoffible de l'indiquer précifément. Dans
! le midi-, fon lieu natal, on la fème depuis, fep-
tembre jufqu’en mars, 8c alors en gagne au moins
une coupe. Dans Je-nord , on ne doit le faire que
lçrfqu’on n’a plus à craindre l'effet des gelées ,
auxquelles elle, eft extrêmement fenfihle dans fa
jeuneffe , c ’eft-à-dire , en avril ou en mai.
La quantité de femence de .Luzerne qu’on doit
répandre ne peut être fixée, puifque cela dépend
de la nature du- terrein 8c des fumiers qu’on lui
a.,donnés. Aux environs de Paris, c’eft environ
quinze à'vingt livres par., arpent. 11 eft cependant
bon d’obferver, malgré ce que dit mon collègue
Yvart, pour appuyer la pratique contraire, qu’on
gagne à la répandre claire plutôt qu’épaiffe, parce
que^ la .première année de la croiffance des plantes
influe fur toute le,ur v ie , ou mieux , que les
plantes qui font gêtiées dans leur femis ne deviennent
jamais.aufli belles & n e durent pas autant que
les autres,.
Le mélange de la Luzerne avec le trèfle ou le
fainfoin, qu’on fe ..permet quelquefois,.n’eft jamais
avantageux en définitif, ainfi que le prouve I’af-
peCt des champs où il a eu lieu. Tant de caufes
•peuvent agir dans ce cas , que ce feroit beaucoup
al.onger cet article , que de chercher à les développer.
Poye£ au mot Mhlange.
Pour, abriter le jeune, plant de. la trop grande
ardeur du foleil ou des haies trop defféchans,
& en même tems ne pas;.perdre en entier le pro-^
duit d éjà terre.pendant flvpremière année, c’eft
ordinairement av-ec de l’avoine, dans le nord y
& avec de l’orge, dans le midi, qu’on fème Li
Luzerne ; cependant, dans beaucoup de cantons*
on le fait avec le.fcigle ou le froment.
Ces dernières plantes étant plus hautes &.ref-?
tant pjus/long-tems en terre , font moins avantage
u fes.
Dans quelques parties .de l ’Angleterre, .on- fème
la Luzerne par rangées, & on gagne l ’avantage de
.pouvoir la biner avec lî houe à cheval j ce qui ,
dans les terres médiocres furtout , augmente de
beaucoup, fes produits > cependant,quelques cultivateurs
y ont.renoncé à raifon de. ce qu’alors
fes tiges deviennent fi fortes, qu’elles ne peuvent
plus êt,re mangées par les beftiaux. Cette confi-
dération .eft en effet importante pour celles de ces.