
qu’accident. S u r tout ce que nous venons de faire
obferver . chacun avifera fuivant fes moyens & fa
pofition à faire pour le mieux.
Des divers moyens de multiplier les Pommes de terre.
L ’extrêlne facilité avec laquelle les Pommes de
terre fe mu lt ip lie nt , & fouvent dans des circonf-
tances qui paroitroient défavorables à tout autre
vé géta l, eit un exemple frappant & de fa vigueur
& des reffources de la nature. E lle eft du nombre
des plantes dont on peut prolonger l’exiftence, en
la divifant prefqu’à l'infini ; aufli l’a-t-on appelée
polype végétal. Elle a tant de propenfién à fe reproduire
, que fouvent il fe forme des tubercules
je long des tiges 3 aux aiffeJles des feuilles, aux pé^
doncules qui foutiennent les b a ie s , & même, aux
baies. L e s tubercules , abandonnés à eux-mêmes
dans un endroit chaud & humide, pouffent des
germes, & ces germes donnent eux-mêmes d’autres
tubercules en état aufli de fervir à lareprodu&ion.
U n autre phénomène qui fert à prouver de plus en
plus combien les Pommes de terre confervent longtemps
leur faculté végétative , e’eil que de nouvelles
efpèces envoyées autrefois de N e v -Y o r c k & de
L o n g -lflu n d , quoique foigneufement encaiffées,
ont végété pendai t leur trajet, & n'ont plus offert
à leur arrivée qu’une maffe compofée de germes
entrelacés, en partie defléchés ou p ourris ; cependant,
mifes en terre dans cet état avarié, elles fe font
développées à merveille. Frappées, avant leur fîo-
raifon, d’une énorme grêle qui a haché la totalité
de leur feuillage, leur végétation n’a été.fufpendue
q u ’un moment j bientôt elles ont repris leur première
v ig u e u r , & ont donné une abondante récolte.
Faut-il s’étonner, d'après cela, que le principe
de la reproduction réfide dans toutes fes parties,
& qu’elle ait la propriété de fe perpétuer par tu*-
h ercules , par boutures, par provins & par femis?
L a multiplication par tubercules nous a feule
occupés jufqu’ici j nous avons dju l’expofer à part
& avec quelque d é tail, parce que c’eft la culture
la feule pratiquée généralement & la feule praticable
N o u s devons cependant faire connoître les
autres m é th od e s, indiquer quand & pourquoi on
en peut faire ule ge , & le parti qu’on en peut tirer.
i °. Par yeux- A u lieu de couper les,tubercules
p ar morceaux, on peut enlever les yeux feulement
; en les plaçant enfuite féparément & dans
un bon tenrein, ils. peuvent donner un certain
p rod u it , mais toujours ipoindre que s'ijs eufîent
été accompagnés de pulpe- C e moyen a été imaginé
dans un tem$ de difette ppur çonfervçr à la
confommation la portion deftinée à la replantation.
2°. P a r germes. Lorfque les Pojnmè£ de terre
o n t pouffé leurs germas avant le moment de la
plantation, on peut les détacher & les pjaprer
•fans pulpe j on en peut faire autant de tous ceux
q u i fe caffent dans le remuement & le tranlport
des tubercules. C ’eft un moyen de ne les pas perdre
, bon à employer, furtout lorfque cette denrée
eft précieufe.
3°. Par rejets. Lorfque la plantation a déjà acquis
une certainé fo rce , on peut arracher à la main les
pouffes qui fortent autour des p lantes, & les repiquer
ailleurs j la mère-plante ne paroît pas en
fouffrir.
4°. P a r boutures. A la même é poque, on peut
aufli couper quelques tiges & les planter dans des
trous ou des rigoles ; en les arrofant & les préfer-
vant du haie par un peu de paille, on peut efpérer
q u ’elles reprendront.
C e s quatre m oyens exigeant de la main-d’oeuvre,
un excellent terrein, & de plus des foins & même
beaucoup d’a rrofemens, du moins pour les derniers
, & ne donnant, avec tout cela , qu’un produit
m é d io c re , ne font pas fulceptibles d’être employés
en grand.
5°. Par marcottes. C e m o y e n , fur lequel on a
aufli infifté, confîite à coucher les branches latérales
des plantes & à les cou vrir de terre, à la
manière des marcottes ; cette o pé rat io n , qu’on
peut répéter jufqu’à trois fois fur les mêmes branches,
à mefurequ’elles s’a lcngent, a p rod u it , dit-
o n , en Angleterre , jufqu’à foixante-quatre pour
un, tandis qu’à la manière ordinaire,fcelles buttées
ne donnent que treize pour un , & celles fin a le ment
b in é e s , n euf pour un. 11 eft poffible que ce
produit ait été obtenu ; mais il n’en faut rien conclure
pour la culture en grand , car il eft de fait
que fi les branches couchées fourniffent beaucoup
de nouveaux tubercules, il l'eft aufli que ces tubercules
ne peuvent arriver à maturité avant les
gelées , & que ceux produits antérieurement à
l'opération ceffent de gioflir dès qu’elle eft exé*-
cutée. D ’ailleurs, l’adoption de ce moyen préfente
un grand incon vén ien t , outre celui-ci 5 c’eft
qu’il faut, lors de la plantation , laiffer entre les
plantes allez d’efpace pour p ou vo ir la pratiquer ;
il. eft bien plus fimpje de planter tout d’abord. A u
furplus, ce marcottage n’eft applicable qu’à certaines
variétés hâtives j pour plufieurs il feroit
inutile, pour quelques-unes il feroit même nui-
fible,
. E n réfum é , le défaut de tous ces moyens eft
d’exiger un bon terrein ou beaucoup de mainr
d’oeuvre & de f o in s , .& par conféquent d’êtré
coûteux. O r , en fait de Pommes de terre , il faut
yjfer à l'économie. Ils ne peuvent donc être d’une
grande r.effource, fi ce n’eft dans une grande d irecte,
011 pour multiplier plus promptement quelque
varfété tfès-précieufe.
M a is iL e n eft un ;autre qui , s’il a lés memes in-
convéniens, a du moins des avantages d’un autre
genre, q u i, pour être pris abfolumenr dans la
n a rp re , n'en a pas moins contribué à éloigner là
Pomme de terre de fon état n ature l, & c’eft de
çette propriété-là même qu’il tire une partie de
fon utilité > c’eft du fepijs dont il va être queftion.
Multiplication
Multiplication par femis.
■ . C e n'eft donc pas comme moyen de reproduct
io n é co nom iqu e , ce n'eft pas non plus co'mme
leffource alimentaire en tems de difette, q u o iq
u 'o n en ait fait ufage fous ces rapports ,‘que l’on
doit.confidérer le. . f em i sm a is fous un tout autre
point de vue. Il paroît prouvé que les plantes multipliées
pendant un long efpace de tems par la voie
■ des bouturés , des marcottes, & c . , s'affoibliffent
peu à p e u ,& perdent de leurs facultés produéti-
-ves. U n fait certain, quant à la Pomme de terre,
c 'elt que plufieurs variétés ont difparu, 81 q u'o n a
.été forcé de les abandonner, parcequ'e iles paroif-
foient plus fiijèresà quelques maladies, ou parce
que leur produit alloit en déclinant. 11 a donc fallu
trouver le m oyen d'arrêter la dégénération de l ef-
pèce , ou plutôt de la renouveler ; o r , il n'eft pas
de moyen plus affuré que celui du femis. Il eft fa-
cile, par l'envoi des graines, de propager, d'une
extrémité du royaume à l'autre, les meilleures efpèces.;
& quoiqu en femant. on lie fort pas certain
de fe procurer précifément celles que l ’on defire,
d eft cependant aifé d'en approcher. Il ëti bon
d'obfet.ver que le choix de la graine n'eft pas du
tout indifférent ; il doit être fait en rarfon du but
que l'o n fè p rop o fe , car bien que la plupart des
I ommesde terre foient,.parle fem is , fufceptibles
de varier à l'in f in i, ces variations font cependant
lim ité es, & il eft rare que les produits ne retiennent
pas quelque chofe de la variété dont ils tirent
leur origine. L e s variétés provenues d'efpèces v i-
goureufes.retiennent aflèz ordinairement ce carac*
tère , comme celles provenant des efpèces précoces
ou de qualité fupérieure héritent auffi de ces
qualités! & bien qu’on puifle ohjeéter que , fous
ces d ivers rapports, n ou sa vo ns de quoi nous fatis-
faire dans le nombre de celles e xillante s-, nous
répondrons qu'une Pomme de terre qui mûrirait
en luin ,. c eft-a-dire, deux mois plus tôt. que la
plus hâtive connue à Paris , ou q u i , fous nn
Oioindre vo lum e, contiendrait plus de fubüance
n u t r it iv e , ou enfin douée d'une faveur particulière
ou plus délicate , feroit encore une excellente
acquifition; car il faut convenir q u'il y a à
cet. égard, entre les variétésexiftantes, très-peu de
différence , & que cette différence tient autant à
leur maturité plus ou moins parfaite., & à la nature
du fo l, qu a la variété elle-même y mais de
ce que nous ne poffédons point encore cette variété
exclufivement préférable, nous ne devons
pas conclure q u 'il nous foit impoftîble de nous la
p ro c u re r , & c'elt au femis feul que nous pou-
vons confi -r nos efpéranees.'
. L e s graines doivent être recueillies fur des
p.reds fains & vig ou re u x ; il faut les y laiffer md-
t ir complètement, S i fi l'o n t ient\ a voir d e s variétés
qui: fe rapprochent le plusooffible de celles
q u 'o n veut femer, il fera bon de l w -prendre fur
des pieds ifo lé s , afin d’éviter les fécondations
.Agriculture. Tome V ,
| étrangères. L e s baies ou fruits commencent à mûrir
en juillet pour les hâtives, & con tin ue nt , pour
{ le s autres, jufqu'aux gelées ; on peut les confer-
ver en fnfpendant au mur ou à une planche les
grappes attachées d leur pédicule1 commun ; elles
complètent ainfi leur maturité, & l'o n peut, dès
le moment même7, les écraferdans les mains, les
laver à grande eau pour dérrnire-la vifeofité dé la
pulpe qui les entoure, à l'a id e , fi l'o n veut , d 'un
tamis; on étale enfuite la graine fu r 1 une toile ,
une feuille de p a p ie r , & c . , & o n la fait fécher
a l’air. Cette femence eft de là elafle des émulfi-
ves ; elle: eft p e t ite , prefque lerraculaire : une
baie d une moyenne groffeur en contient jufqu’i
trois cènts. S i l’on a confervé les baies pendant
l’h iv e r , & qu'au moment de les ferner elles fe
trouvent defféchaes, on les écrafera avec, un léger
marteau & elles s ’égraineront, ou bien on les
fera t rem p er, & on aura recours au procédé indiqué
ci-deffus. :
Méthode de femis.
S u r un terrein bien labouré & bien fum é , de
nature légère & furtout bien am eu bli, à une bonne
expofition , on dreffe dans les premiers jours d’av
r il , fi la faifon eft d o u c e , des planches de trots
ou quatre pieds de la rge; on y trace des rayons
efpacés l'u n de l'autre de deux o u t ra is pieds, &
de trois ou. quatre pouces de profondeur ; la graine
s y ferne très-clair, & o n la recouvre très-légére^
ment de terre cm de terreau qu’on marche ou qu’on
foule un peu. A u bout de quelques jo u r s , fi la
faifon eft trop fè ch e ,. il eft b on d 'arrofer lo rfq ü 'o n
le peut. Quand les plantes font levées, on les farcie
, on le * éclaircit, on le s bine à: plijfiaurs ter
prifes, on les arrofe s ’il eft néeellaire, & on les
butte lorfqu-'elles font affez hautes. S i l'o n n’avoit
point, de terrein préparé pour ferner, ou s 'i l n 'a -
vo it pas les qualités requifes , o n p ou rrait feiner
en pépinière & repiquer les pieds, quand ils feront
aftez fo r t s , a un ou deux pieds de difiance l’un
de 1 autre : en les arrofant, ils reprennent aifé?
nient; mais cette opération les privant- de leur
pivots les retarde, & ils deviann-riit rarement aulîi
beaux. J ’en ai préfemé,, en 1 8 1 3 , à la Société
royale d 'A g r ic u ltu re , un pied iffu de la graine de
jau ne , ayant vingt-fept tubercules, dont un feul
pefoit dix o n c e s , 8r la:totaflité quatre livres & demie
: plufieurs autres, tant jaunes que rouges &
blancs, rivalifoientavec lui. On.a cité des exemples
encore plus remarquables ; des Pommes de terre de
femis de l'e fpèce greffe blanche ont p e fé , dès ia»
| première ann ée , jufqu'à vingt-quatre o n c e s , &
: des rouges-longues quatre à cinq onces. O n voie
: donc par-là q u 'i l ne faut pas trois o u quatre ans j aux tubercules venus d e . femence pour acouérir
! leur groffeur, & q u e ÿd è s la.première année, ils
i peuvent en approcher de très-près. C om m e cette
{ culture ainfi. pratiquée reviendroit fort cher eu-
Y y y y