
La houe américaine, beaucoup trop vantée, ne paroi
t pas propre à remplacer aucun-des outils dont
nous venons de parler. Au furplus, quel que foit
celui qu’on emploie, la terre doit fe trouver né-
to y é e , am. ubüe, & en même te ms égalifée par lé
fait du comblement des trous danslefquels les tubercules
avoient été placés, d’où il réfulte pour les jeunes
plantes un réchauffement très-utile. Au bout de
quelque te ms , ii le terrein fe couvre de nouveau
de 'mauvaises herbes , s’il eft trop battu par la
plui , fui tour fi l'on né craint pas trop la dépénfe ;
on peut donner une fécondé façon. 11 ne faut pas
attendre, pour donner ces façons, que la terre
foit ou trop couverte d’herbe ou trop durcie par
la féchertffe, l'ouvrage feroit beaucoup plus'difficile;
il ne faut pas non plus les donner pendant
•la pluie ; il faut- (es donner de préférence par un
-beau tems, précédé d'une pluie légère, s’il eft pof-
•fible, afin que l’herbe arrachée pui-ffe fe hâler au
Toleil, que la tene puiffe s’émietter aifément, &
que d’autre part fa trop grande humidité ne Tex-
pofe pas à s'attacher aux outils ou aux pieds de
l’ouvrier , & à ê^re battue par fon pàffage.
- Lorfque la plante commence à fleurir, ou du
moins à prendre une grande élévation , il eft tems
alors de donner une fécondé ou troifiëme, mais
dernière façon, qu’on appelle buttage, àinfi nomm
ée, parce qu’elle confifte à relever en butte autour
des plantes la terre ramenée d’ entre les intervalles.
Il ne faut pas que les buttés foient trop
liantes ; leur forme doit-, de préférence ; être celle
•d’un cône tronqué, afin que la pluie , au lieu d’y
gliffer, puiffe pénétrer plüs aifément ; il faut éviter
aufli un tems trop fec : une butte de poüflière &
de mottes fèches feroit imperméable à l’eau. Le
battage peut s’exécuter avec les mêmes inftrurhens
•que4e binage, à l'exception de la houe fourchue,;
qui ne feroit pas1 commode pour ramaffer la terre,
' & qui pourroit même bleflër les plantés. Quelques,
petits cultivateurs réitèrent les binages, donnent
■ même un fécond buttage; ils prétendent qu’ils le
: regagnent .bien; mais c’éft un furcroît de travail
’quelquefois inutile, fouvent impoffible , qu’on
s’épargne ordinairement & avec raifon.
Dans les grandes exploitations, la méthode qué
nous venons d’ indiquer feroit trop coûteufe; on
;ne trouveroit même pas toujours affez d’ouvriers
pour l’exécuter en tems opportun : il a donc fallu
'recourir à d’autres moyens. Le binage peut fé faire
avec la hoiie à ch :v a l, & la charrue dite cultiva—
leur eft préférable pour le buttage ; mais pour que
ces opérations s’exécutent avec facilité, il faut
;que la nature du terrein le permette ; il faut fur-
tout que les Pommes dé terre aient été plantées
par rangées bien droites. Quand la plantation eft
•faire-en échiquier, & bien régulière, alors on
.peut croifer les façons, alors la tête eft remuée,
& les Pommes dé terre réchauffées dans tous lés
•.fens;.mais il eft d'ffieile d’atteindre à ce point de
. perfection fans une attention dont la plupart des
gens de campagne font peu fufceptibles, & même
en y parvenant, il ne faut pas fe flatter que le travail
à la charrue puiffe complètement remplacer
le travail à bras. Un moyen terme eft fouvent employé
; autant que pofiible, il.concilie, & la bonté
de l'ouvrage, & l’économie ; il confifte à donner le
binage à la main & le buttage avec le cultivateur;
& au fait, quand par ce premier binage à la main
la terre fe trouve parfaitement ameublie & fard
é e , le buttage peut très-bien , & fans le moindre
inconvénient, s’exécuter à la charrue.
• D’autres moyens d’économie font encore employés
: un fimple herfage bien fait & à propos fup-
p.lée quelquefois le binage, & on peut le'répéter
en cas de befoin. Quelquefois le binage feul eft
employé , & on fopprime même le buttage; plus
fouvent on fe contente de ce dernier tout feul;
mais tout cela fuppofe, ou qu’on ne peut faire
mieux , ou qu’on | des raifons d’économie auxquelles
il n’y a pas de réplique à faire, foit que
les moyens pécuniaires manquent absolument, foit
qiie le calcul ait prouvé que la peifeCtion dé l’ouvrage
ne fût pas la plus lucrative. Il faut cependant,
quand on fe détermine à ces fuppreffions ; admettre
que la terre eft , jufqu’ à un certain point, naturellement
nette & meuble. Ces exemples ne peuvent
être généralement fuivis, & on ne doit pas les
propofer pour modèles; il faut en laitier l’application
aux cas feuls auxquels ils font applicables ,
& l’on ne doit pas fuppôfer quq celui qui èntré-
prend une culture quelconque foit abfolument
dépourvu de ‘connoiffadcesvou au moins dénué
de confeils.
Quelques perfonnes ont eu l’idée de fupprimer
les fleurs &T'ês baies des- Pommes de ferre, dans
l’efpoir que cela tourneroit au profit dès tubercules
: il ne paioît pas que cela ait produit un effet
fenfible : certaines variétés donnent abondamment
des baies, fans que la prodûCtioh des tubercules
diminue; d’autres donnent fort peu de baies, &
font cependant d’ un foible produit. On a confeillé
aufli de pincer les extrémités de leur pouffe ,
comme on le fait aux pois & aux fèves, & c .; mais
la comparaifon entre ces diverfes plantés eft-elle
bien jufte ? On pince les pois; afin d’arrêter les
productions de nouvelles fleurs , de faire refluer
la fève fur les premières filiques, & dans là vue
d’ën avancer le groffiffement ; on ne peut en dire
autant quant à la Pomme de terre. Toutes ces
pratiques d’ailleurs, fuffent-elles utiles, font impraticables
en grand.
Récolte des Pommes de terre.
Après le buttage, la Pomme de terre n’exige
donc plus aucun foin 'jufqu’à la récolte 4 On ëft
conduit à la faire, foit par fa maturité m foit par
la faifon, à moins que le befoin ne falfe devancer
cette époque. Dans ce dernier cas, on ne doit en
arracher qu’ à fur & à mefure pour l’emploi qu’ on
HHHHH
en veut faire. Lorfqu’on n’ en a befoin que de petite
quantité, on peut même s’en procurer fans,
arracher la plante, en fouillant au pied avec la ;
main!
La maturité des Pommes de terré eft fuffifam- ;
ment indiquée par la teinte jaune ou la flétrifture ;
des fanes, lorfqu’elle a lieu naturellement & fans
accidens; elle eft aufli indiquée par la gerçure de ■
la peau des tubercules , qui leur donne une apparence
urf peu terne, ainli que par fa plus grande ;
adhérence à la chair, car auparavant ë lfé 'fè dé- ;
chire aifément fous les doigt«. Cette époque eft ■
différente , fuivant le climat & les variétés ; elle
a lie u ordinairement depuis juillet jufqu’en oCtobre.
Beaucoup de variétés ne mûriffent pas complété- ;
ment; on eft forcé de les arracher, foit parce '
qu’on craint les gelées , foit parce que leur effet en
détruit le feuillage ; car auflitôt què cette deftruc-
tion ajieu, foit par une caufe, foit par une autre , ■
l’accroiffement des tubercules ceffe. S i, pafle cëtte |
époque, on les jaifloit en terre , & que la faifonH
fût douce & humide, mûrs ou non mûrs , ils \
poufferoient eux-mêmes dé nouveaux germes ; il éh *
réfulteroit piufieurs inconvénier.s : !il faut donc
les arracher.
Si on tarde trop à faire la récolte des variétés ■
hâtives , on rifque , s’il furvient dès pluies fuivies
de chaleurs, de voir, les tubercules entrèr en végé- •
tation, devenir creux, perdre leur faveur & la '
faculté de fe conferver. Cette circonftance , qui \
n’arrive que de loin en loin aux environs de Paris, ;
eft fort commune dans le midi de la France, en ;
Efpagne, en Italie, Sèc. M. Bofc m’à rapporté I
qu’elle auroit même lieu chaque année daris les !
parties • méridionales de l’Amérique. feptentrio- j
haie , fi on n’arrachoit les Pommés de terre avant ;
leur complète maturité.
Maniéré de faire la récolte. '
Cette opération n’eft pas toujours commode ; f
on peut être contrarié par les pluies, le froid, &c. ,
Pour prévenir la mauvaife faifon, & trop fouvent
rien que par cette feule caufe & malgré foi, on eft
obligé d’ en avancer l’époque ; fi les pluies fur-
viennent, les terres fortes & argileufes donnent ;
beaucoup d’émbarras. ,
La récolte peut s’ exécuter de de'ux manières, |
bu à bras d’homme, ou à l’aide de là charrue. Pour
employer ce dernier moyen , !jl faut que la nature
& l’état du terrein ne s’ y dppofent 'pas; il faut ;
que- là plantation ait été faite par1 rahgées très-!
droites, afin qu’en faifant piquer le foc de la charrue
directement au-deffous, ôn puiffédes fuivre & ;
mettre les tubercules hors dé terre ; màis cette !
méthode, qui paroît économique, nel’eft gnèrè ? à
caufe de la difficulté <le fon exécution ; èHe exige
tout autant de bras .pour ramaffer lés tùbèrculës, & ,
il en lîefte en terré une grande quantité que la 'chif- \
rue n’a point découverte ou à recouverte1 ellemême
: on hé peut donc la recommander. Si la
quantité des fanes ëtoit confidérable, il faudroit
auparavant s’en débàtralfer -, - foit en la coupant
& l’enlevant, pu.au moins la mettant de cô té ,
foit en'faisant pâturer le champ d’ avance, ce qui
cepen faut ri’eft pas fans inconvénient, à caufe du
piétinement des animaux-.
La récolte à bras eft donc préférable : on perd
moins de tubercules, on rifque moins de les bléfteir.
Pëü dè tërrejns permettent , en faififTant les tiges,
de les tirèf à foi avec tbus les tubercules ; il fade
qu’ils foient rrèsfmeublés & que là maturité ne
foit pas complété - car alors une partie refteroic
en terre ; ' & dans tous lés cas’ cela eft à crain-,
dre. On éft donc 'préfque toujours obligé d’employer
les inflrumens, tels que'la fourche à trois
ou quatre dents', la houe fourchue ou plate, la
bêche & la pioche; mais lés deiix premiers, la
fourche & là houe,; font lès plus commodes ; an
furplus , la qualité dii tèrrein & l’efpèce dé
Pommés de terre doivént décider du choix.
On peut les faire arracher, foit à la journée,
foit à Ta tâche pii faut, dans lè premier cas , fur-
veiller fes ouvriers, afin qu’ ils ne pèrdent pas de
tems, & dans les deux cas, p' ur qu’ ils ne lès blef-
fent point en les arrachant, & qu’ ils les ramaflent
exsétement : à la tâche, l’ouvrage n’eft jamais fi
bien fait, mais il coûte radins qu’à la jbiirnéë. Uii
homme'peut, en'un jour , en recueillir depuis
cinquante jufqu’ à cent boiffeaux, fuivant le terrèin
& Je produit de î’efpëcé de Pommes dé terre. S’il a
femrné & enfans pour l’ aidér à ràmafter, fon travail
fera plus expéditif âc plus lucratif. On aura foin
qu’ils les dépouillent exactement dé leufs racines j
de leurs filets & de la terre qui y eft attachée, fans
cela elles pourriroient, germeroient &gélèroienc
bien plus aifément. Avant de les enlever des
champs, il faut , autant qu’ on pèut, les laifler fe
reffüyèr fur terre pendant quelques heures , fi !e
tems le permet; il eft cependant bon de ne pas
lés lâiffer pafler la nuit dehors, fi l’on a à craindre
le pillage ou la gelée. Au fortir dë terre elles font
extrêmement fehfibles , & la moindre geléè blanche
les attàqueroit. Pour les ramaffer dans les
champs &Tes rapporter à lamaifôn^ il faut fe munir
de paniers à bras & de mannes ou facs; ces der-
hiérs.’font plus comrfiodes à charger dans les voi-
tores, ainff qu à déchargé? : on peut bienTesvoi-
turér Vans ces intermédiaires-^ elles n’en féche^
même que mieux, mais ellés fifqTtent plus d’êtré
meurtries,'ce qu’il faut éviter autant qu’ il eft pôf-
fiblè, &: cëq u ’on ’né peut cependant empêchër
âbfolurhënt. Il feroit à délirer qu’ on pût faire entrer
les voitures dahs la place même où elles doivent
être dépofées,. cela.éviteroit & les frais &
lés meurtriffures auxquèlleis elles font expofées par
tant1 de trahfpôrts multipliés / & qui en oçcafion-
nent fa përté'd’une’ grande quantité : il faut, dès
ce mo'mëhf, mettre de côté, pour les confommer
fur-le-champ, toutes celles qui ont éprouvé quéf