
L e s pâturages peuvent être temporaires de deux
manières, c’eft-à d ire , lorfqu’ils fourniffent à la
pâture pendant une partie feulement de l’a nnée,
comme les prairies naturelles dont on ne récolte
que la première h e rb e , ou lorfqu on les mec en
culture après quelques années. C e dernier mode
elt très-fréquent dans les pays fecs & montagneux.
I l a été queition des Pâturages C ommunaux à
-ce dernier mot.
Les cultivateurs qui ne poffèdént point de mout
o n s , trouvent toujours de l'avantage a transformer
leurs Pâturages en champs fournis- à une rotà-
't ib n de culture convenable à la nature du fol, rotation
dans laquelle entrent néceifairement les
prairies aitificielles , les tourages annuels & les
(ix racines ■ alimentaires , -parce qu ils peuvent en
t ire r, outre les récoltes propres à être vendues ,
bien plus de nourriture à donner à 1 écurie ou à
]’étable, que leurs beftiaux n’en euffent trouvé
-dans le Pâturage; mais la famé des moutons exige
impérieufement qu’ils pâturent 5 aufli eft-ce a eux
que les Pâturages font principalement confacres.
D ’autres motifs militent encore en faveur de la
transformation, au moins temporaire, des Pâtura-
■ ges en champs labourés : ce lo n t, i°. la néceflité
de détruire les arbuftes s tels que les bugranes ,
- les bruyères, les gênées, les poîygales, les joncs,
les r o n c e s le s thyms , & un grand nombre de
plantes vivaces que rep o ulLnt les beftiaux , telles
que le sbu g les , les pruneLes, les anémones, les
renoncules, les mufliers, les linaires, 1 ariftoloche,
le s fauges, les armoifes , les rofèaux , les feirpes,
les c h o in s , les afçlépiades, les aftragales, les bu-
plèvres , les p op ula ges, les chardons, les fea-
tfieufes, les laiches, les centaurées, les tuflilages,
les quenouilles , les conizes , les tanaifîes, les
p igam o ns , les coronilles, les cucubales, les yer-
v e in e s , les eufeutes, les c yno g lofe s, les orties ,
les cytifes , les v ip é r in e s , les prêles , les panicauts
, les e up h orb es , les intiles, les joncs, les
lamiers , les falicaires , les mauve s, les marrubes,
les matricaires, les menthes, 1 ièb je ; 20. celle
d ’enterrer les excrémens des boeufs & même des
c h e v au x , extrémens qui déterminent des pouffes
d ’herbe de belle apparence, mais à laquelle ces
beftiaux-ne touchent pas la première & même la
fécondé année.
O n peut, il eft v ra i, faire couper chaque année,
entre deux terres , les arbuftes &: les plantes ci-
d effu s, faire éparpiller & même enlever chaque
jour les excrémens, & on le fait fouvent ; mais
ces opérations ne rempliffent pas aufli parfaitement
le but qu’un Labour complet. Voye[ ce mot.
Je ne ve ux pas dire p ou r cela qu’il faille prof-
crire les Pâturages ; au contraire, je penfe que
toute grande exploitation rurale doit en avoir ;
mais feulement qu’il ne faut pas les conferver éternellement
dans le même lieu. U n Pâturage de plusieurs
années repolè mieux les terres humides
q u ’une prairie artificielle, & les bêtes à cornes qui
paffent une partie de l'année à Pair fe portent
mieux & donnent de meilleurs produits en viande
& en lait que celles qui ne fortent pas de l'étable.
U n e Prairie temporaire , c’eft-à-dire, for-1 mée avec des plantes annuelles qui doivent être !
pâturées fur place , peut être confidéiée comme j
un Pâturage. Voye[ Prairie.
E n le procurant des Pâturages, un cultivateur
éclairé calcule leur étendue à raifon de la bonté
du fol & de la quantité de beftiaux qu’il poffède;
il les d ivife, foit par des haies vives ou fèches, foit
par des claies , foit par des perches horizontales,I
fixées à des p ie u x , foit par de larges folles, &c.,
en plufieurs compartimens, afin que fes chevaux,
les boeufs , fes moutons paffent fucceffivementl
de l’un dans l’autre , & que l’herbe repouffe avec
toute la rapidité defirable dans ceux qui ont été
broutés, rien ne nuifant plus aux plantes que U
coupe continuelle de leurs feuilles , puifque c’eft
par elles qu’elles foutirent les gaz atmolphériques
qui nourfiiïent en partie les racines, & qu’elles
exhalent ceux qui font inutiles à l’aête de la végétation.
Cette fubdivifion eft encore plus néceffaire
lorfqu’on élève en grand d iS poulains & des veaux,
car il ne faut pas réunir les petits des différens
âges fi on veut qu’ils profpèrent to u s , les plus
i forts confommant la meilleure herbe au détriment
i des plus foibles., qui alors ne fe fortifient pas.
S i les Pâturages ainfi d ivifés ne le font pas par |
de hautes haies v iv e s , ainfi que ceux fi bien conduits
de la ci-devant N o rm a n d ie , il fera bon d’y
planter quelques bouquets d’arbres , afin que les
beftiaux puiifent fe réfugier fous leur ombrage
pendant les chaleurs de l ’été , les boeufs & les
moutons ne ruminant pas bien au foleil, & y étant j
plus tourmentés des ta o n s , des afiles , des fto-
moxes & autres infeétes qui vivent de leur fang.
L e plus généralement on laifle les beftiaux en
liberté dans les Pâturages j & il n 'y a pas de doute |
que ce ne foitlemeilleurmoyen de les faire profiter
autant que poflible des avantages qu’on en attend}
mais la crainte qu’ils ne fe portent fur les propriétés
voifines , o u le defir de ménager l’herbe
de fa propriété, engage beaucoup de cultivateurs
qui ne veulent pas faire les frais de leur garde, à
mettre aux g r o s , comme che vau x , ânes, boeufs
& Yaches, des entraves qui les empêchent de
courir , o u même à les attacher avec une longue,
corde à un piquet autour duquel ils peuvent pai'
tre dans un rayon feulement égal à la longueur
de leur corde. Les accidens q ui font fréquemment
la fuite de l’emploi de ces moyens violens
doivent y faire renoncer, & c’eft encore ce à quoi
conduifent les clôtures permanentes ou tempo;
raires. Pourquoi ne p as faire partout ce qu’onfait
dans un petit nomore de lieux pour les chevaux!
& les boeufs , & dans beaucoup p ou r les mou*
t o n s , c’eft-à-dire , pourquoi ne conftruit-on paS
généralement des P a r c s .-?. V mot.
Les goûts des divers animaux que l ’homme s’eft ;
dffujettis, & l’éçonomie qu’exige toute bonne ad-
miniftration, indiquent qu’il faut d’abord mettre les
chevaux dans les Pâturages, parce qu’ils font plus
délicats fur le cho ix des plantes ; enfuite les boe u f s ,
parce qu’ils ,fe contentent de ce que les chevaux
ont rebuté 5 enfinles moutons, quoique plus difficiles
que les chevaux & les boeufs , parce qu’ils
pincent l ’herbe de plus près & confomment par
conféquent ce qui refte, & parce qu’il eft defira- .
ble que la repouffe fe faffe exclufivement par le
centre des bourgeons.
Si on a la faculté d’arrofer, cette divifion des
Pâturages eft encore avantagéufe, principalement
dans les départemens du M id i , en ce q u ’on peut
mettre l’eau dans la partie qui vient d’êtré broutée,
àquelqu’époque que ce foit de l’année, fans être
obligé de fufpendre la pâture.
Affez généralement on met en Pâturage les parties
les plus éloignées de. la maifon, parce qu’on
trouve plus économique d ’y envoyer le b étail,
que d’en rapporter les produits en céréales & autres
objets ae nos cultures. L e vrai eft que cet
avantage eft compenfé par tant d’incon vén ien s,
qu’il femble mieux dé faire mettre au contraire
en Pâturage les champs les plus voifins. C ’eft
furtout pour les boeufs & les chevaux de travail
ueces inconvéniens fe font le plus fent ir, à raifon
e la fatigue & de la perte de tems de l ’aller &
du retour. Je rappelle , malgré c e la , q u e , fui-
vant mon opinion, il eft d ’une bo'nne adminiftra-
tion de mettre fucceffivement toute une e xploitation
rurale én Pâturage pendant deux ou trois«
ans au moins.
L ’organifation des beftiaux, q ui détermine le
goût que j ’ai dit qu’ils avoient pour certaines
plantes , les porte à préférer certains Pâturages à
certains autres ; ainfi , les chevaux aiment l’herbe
des prairies fèches & des clairières des bois ; les
boeufs & les v a ch e s , celle des prairies humides ,
& celle q ui croît à l’ombre des arbres ; les moutons
, celle des montagnes & des plaines arides.
Il eft donc utile , avant de faire une fpéculation
fiir l’un d’eux, d’étudier la nature du fol de fa
propriété, ou , ce qui eft là même ch o fe , dès
plantes qui y dominent.
Quoique les boeufs & les vaches aiment les
Pâturages humides , il n’en faut pas conclure
qu’ils puiffent profpérer dans les véritables marais;
je les y ai toujours vus petits, t r ille s ,
les uns peu capables de t ra va il, & les autres
donnant un fait peu abondant & de mauvais goût:
il n’y a que les bufles qui s'accommodent des
plantes qui y croiffènt & de l’air empefté q u ’on
y refpire.
L’époque de l’année & de la journée où il con-
| vient d’envoyer les beftiaux dans tel ou tel Pâtu-
I rage , fait partie effentielle de leur h y g iè n e , &
j fera mentionnée à chacun d’eux. Les Moutons ,
à raifon.de la terrible maladie cachétiquç, appe-
Agriculture. Tome V .
lé e v u lg a ir em e n t P o u r r i t u r e (voye^ c e s m o t s ) ,
fo n t p r in c ip a lem e n t dans le c a s d’ une fu r v e illa n c e
a é liv e à c e t é g a rd . Il en e ft d e m êm e d e s b oe u f s
& d e s v a ch e s q u i , mis au m o is d e mai dans les
t a i l li s , o ù ils m a n g en t les b o u r g e o n s d u c h ê n e ,
fo n t a tta q u é s alo rs du M a l c e b r o u ( v o y e ç c e
m o t ) , mal q u i en e n lè v e fo u v e n t . E n g é n é r a l ,
l’ h e rb e d e s fo .d t s é ta n t p lu s o u mo in s é t i o l é e ,
n o u r r i t p e u , & il eft p ru d en t de ne pas la iffe r le s
b e ftia u x en v iv r e e x c lu f iv em e n t à q u e lq u ’é p o q u e
d e leu r v ie o u d e l ’an n ée q u e c e fo ie . Je fa is c e t t e
r em a r q u e ,p a r c e q u e l ’ é c o n om ie en g a g e b e a u c o u p
d e ' cu lt iv a teu r s à y fa ir e p a ît r e con ftam m en t leu r s
jeu n e s c h e v a u x , leu r s je u n e s b oe u f s o u leu r s v a ch
e s , & q u ’ e lle n e p e u t ê t r e plus ma l en ten d u e ,
p u ifq u e c e s c h e v a u x , c e s b oe u f s & c e s v a ch e s re f -
t em p e t i t s , & q u e leu r s f e r v i c e s , & par fu it e leu r
p r i x , fo n t in fé r ieu r s à c e q u ’ on a u ro it p u e fp é r e r
s’ ils e u f fen t é t é m ieu x n o u r r is d ans l’ â g e d e le u r
c ro iffa n c e .
Il eft beaucoup de cantons o ù les cultivateurs
voient avec plaifir leurs blés très-fournis de mau-
vaifes herbes , parce qu’après les moiffohs & j u s qu'aux
labours du printems, ils y font pâturer leurs
beftiaux. O n ne peut plus mal calculer, puifque
; l’abondance & la qualité des grains dépendent de
la bonne végétation des pieds de cette céréale.,
& qu’une bonne végétation ne peut a voir lieu dans
ce cas. L ’expérience de tous les , vérifiée
nouvellement par des expériences rigoureufes ,
prouve inconteftablement qu’il vaut beaucoup
mieuxconfac rer, lorfqu’on n’a pas de Pâturages,
un terre.in au femis de plantes annuelles pour la
nourriture des beftiaux pendant l’hiver. Voye%
Prairie temporaire.
C ’eft encore une très-mauvaife pratique que
celle ufïtée dans certains endroits, & qui confifte
à mettre les beftiaux dans les prairies au commencement
de la pouffe des h e rb e s , ce qu’on appelle
déprimer, puifque , ainfi que je l’ai déjà obfervé
plus h a u t , la coupe des feuilles des plantes au
printems affoiblit leur végétation; auffi les prairies
déprimées , toutes chofes égales d’a illeurs ,-ne
donnent-elles pas la moitié du foin des autres. L a
conféquence de ce fait, c’eft qu’il vautmieux confacrer
une partie de pré au Pâturage que de faire
déprimer le tout.
C e feroit ici le cas de difeuter la grande & importante
queftion de favoir s’il convient de mettre
les beftiaux dans les prés ert quelque tems dé l’année
que ce fo it , mais je pséfère la prendre en
confédération au mot Pra ir ie . Je dirai feulement
que le nombre & l'importance des inconvéniens
fembient l’emporter fur le nombre & l’importance
des avantages, & que je crois qu’on ne doit mettre
les beftiaux que fur les prés qu’on doit rompre ,
c’eft-à-dire, qu’o n 'd o it labourer un ou deux ans
plus tard , prés qu’on transforme ainfi en véritables
Pâturages. ( B o s e , )
P A T U R A N S . O u appelle ainfi généralement
D d d d «j