
qu’ont les Français de fe nourrir de p ain , & trop
exclufiveraent de pain , car on ne faut oit: trop le
re d ire , cette habitude h’eft point favorable à l’à-
griculture ; c’ett elle qui a enfanté ce defir dé-
fo-r donné d’avoir du blé qui nuit à la production
d u blé : la culture trop fouvent ramenée des céréales
épuife les terres , s’oppofe à l’établifle-
ment des prairie.s artificielles, ■ & le manque de
fo ura ges , qui en eft la fuite , s’oppofe à fon tour
à la multiplication des beftiaux, qui font la fource
de la véritable richeffe & la bafe de l'amélioration
croiffante des terres : ce n ’eft donc qu’à cette habitude
, d ifons -noüs, qu’eft due cette tendance générale
des efprits vers les moyens de convertir la
Pomme de terre en p a in , objet- auquel la. nature ne
l’a voit pas deftinée , auquel l'art n’a encore pu la
Soumettre avec un avantage décifif , puifqu’après
tant d’effais réitérés, l’on n’eft pas même aujourd
'h u i d’accord fur le vrai moyen d’y parvenir.
C a r pour convertir la Pomme de terre en pain ,
& rendre ce pain d'un ufage général, i l faut qu’iL
foit en même teins falubre & agréable au goût ; &
quand on fuppoferoit ces deux premiers points o b tenus
, ce qui n’eft p a s , refteroit.encore à atteins
dre celui d 'é c o n om ie , c’eft le plus effentiel, mais
c’ell le plus difficile, & c’éft juftement celui fur lequel
on s’elVIeplus étrangement abufé, celui fur lequel
on en a le plus im p o fé , parce qu’on ne s ’eft
attaché qu’à la conlîdérationde l’augmentation du
poids & du v o lum e , & nullement à celle de la
fubftance vraiment nutritive. A u furplus , il ne
s’agit point ici de maïtrifer l’opinion ; on peut
chercher à l’éclairer , & laiffer enfuite les chofes
aller librement leur cours. N o u s -paffeions donc en
revue tous les. procédés de manipulation & de
çonfervation de la Pomme de terre employés juf-
qu’à ce jo u r , en les faifànt précéder d e fan
analyfe.
Analyfe de la Pomme de terre,
L a Pomme de terre eft revêtue d ’une peau ou
efpèce d ’épiderme grifâtre, d’une texture très-
ferrée > aufli prétend-on qu’un miniftre de Renf-
b ou rg en Allemagne a trouvé Le moyen d’en faire
d u papier i cette peau eft peu adhérente à la , chair
des tubercules encore frais, Itirtout lorsqu'ils ne
font pas m u rvj fi on l’enlève avec fo in , on en.
apperçoit defîous une fécondé, mais-qui a beau-
epup moins de confiftance.
C e s deux peaux , par la chaleur du fe u , fe confondent
, en forte qu’après; la cuifton on n'en ap-
perçoUplus qu’une feule. La chair blanche ou jaunâtre
, quelquefois tachée de rouge ou de violet ,
fuivant l’efpèce , eft compofée de deux parties
diftin&es, :• l’une qu’on peut regarder comme le
prolongement de l'écorce des tiges, & appelée corticale
t laquelle enveloppe entièrement le tubercule
5 l’autre qu’o n peut regarder comme-le prolongement
de la moelle , appelée médullaire ,
qui fait le centre du tubercule , & fe fait diftinguer
de la partie corticale par un cercle d’une nuance
un peu différente du refte de la chair. D a n s les
Pommes de terre tachées intérieurement d’une
couleur quelconque, ce cercle eft marqué de cette
même couleur. L'épaiffeur de la partie corticale
varie'fuivant les efpèces; mais il eft remarquable
que les ye ux ; placés ordinairement dans une cavité
, & adhérant toujours à larpartie médullaire,
font,, à raifon de ce, obligés de s'enfoncer dans
la partie corticale, dont l'épaiffeur eft alors indiquée
par le renflement qui en eft la fuite, & c ’eft
ce qui détermine cette lurface raboteufe & inégale
qu’ont la plupart des Pommes de terre. A u
furplus , ces deux parties , intérieure & extérieure
, ne paroiffent pas 'beaucoup différer
enrr’elles. Outre la peau extrêmement fine & légère
qui les recouvre à l’extérieur, du poids de
laquelle nous nè parlerons p as , parce-qu’il eft
prefqu'inappréciable, elles font compofées d'une
très-petite partie de matière extraÇtive, de matière
fibreufe & de fécule., & d'une très-grande
quantité d’eau de végétation, le tout dans les
proportions f u iv a n t e s f u r une livre en poids :
i®, E au de vé gétat ion .. . . 12 onces, o gros.
2 a . Fé cule..,.......... ........ 2 4
3°. Matière fib re ufe ....... i o
4°. Extraitmucilagineux &
falin . . . . . . . . . . . . . . O 4
T o t a l . . . ; . . 16 onces.
Cette analyfe diffère un peu de celle donnée
par M . Parmentier dans les proportions des deux
matières extraÇtive & fibreufe ; ces différences
peuvent tenir à leur état de ficcité plus ou moins
parfait, mais encore plus à d’autres caufes que
n ou s allons développer.
Ic i fe préfentent naturellement quelques questions.
Les diverfes efpèces de Pommes de terre
contiennent - elles les mêmes principes dans k s
mêmes proportions ? Ç e s proportions varient-
elles, ou dans toutes les efpèces ou même dans
chacune d’e lles, en raifon au climat, de la nature
du fo l,.de leur maturité plus ou moins c om plète,
de l’inftant de leur récolte, & enfin du
local où elles ont été dépofées , & de leur état
à l'époque o ù on les emploie., époque plus ou
moins éloignée du marnent de leur récolte , de
leur, plantation ou germination?
C e s queftions offrent quelqu’intérêt, mais elles
font compliquées, & leur folution exigeroit un
grand nombre d expériences que peu de perfonnes
ont été â portée de faire, 6c furtout beaucoup
d ’exaélitude ; elles n’ont probablement pas été
faites. ETaprès quelques-unes qui nous font per-
fqnnelles-, nous ©ferons, émettre notre opinion; fi
elle ne répond, pas à t o u t , elle mettra au moins
fur la v o ie , & n o u s nous flattons qu’on ne la trouvera
pas dénuée de- v-raifemblance.
r T n
L a partie extraÇtive contenue dans les Pommes
de terre reffemble à celle de la plupart des plantes
fucculentes, telles que la bourrache & la bugloffe}
elle eft trop peu confidérable pour qu’on doive en
tenir compte, lorfqu'il ne s’agit que d’évaluer la
proportion de leur fubftance folide & vraiment
alimentaire , & elle l’eft affez pour leur communiquer
une faveur âcre & défagréable. Elle paroît
être plus abondante, ou du moins plus fenfible,
dans certaines ro.uges, ou dans les blanches tachées
de rouge ou de v io let , que dans les blanches ou les
jaunes pures. O n ne s ’occupe donc de cette matière
extraÇtive que pour s’en débarraffer, lorf-
qu’on le peut j 6c il fautx.onvenir que fi la cuif-
fon ne la détruit pas entièrement, elle en atténue
h s effets. N o u s ne nous en occuperons pas davantage
ici. M a is les parties conftituantes de la
Pomme de terre les plus importantes fontla fécule
d’abord , & enfuite la matière fibreufe. Cette fécule
a, comme toutes les autres, pour caractère
Fon indiffolubilité dans l’eau f ro id e , fa manière
de fe précipiter 6c de s’amonceler au fond du
v a fe , fon c r i , fon toucher froid & fon extrême
divifîbilité. La matière fibreufe eft cette partie fb-
lide qui conftitue le parenchyme , le fqueletce fibreux
des Pommes de terre. Soumife à des lotions
Répétées pour l’avoir pure , elle, eft infipide &
inioluble dans l’eau f ro id e ; defféchée à une douce
chaleur, 6c réduite en poudre fine , elle eft un
peu gri fe & affez légère; délayée dans l’e au , elle
devient plus grife, 6c prend , en cuifant , la con-
fiftance d’une bouillie qui retient l’odeur d’une
colle de farine. L ’analyfe répétée en diverfes
années", à diverfes é po q ue s , des variétés qu’on
débite à la Ha lle de P a r i s , provenant de divers
terrein s, & récemment en 1 8 1 2 , fur les trois
dites patr'aque blanche, vitelotte & jaune de Hollande >
a donné en fécule des. réfultats li rapprochés l’un
de l’autre, qu’on n’a pas dû tenir compte de la
différence ; mais en 1 8 1 3 , la collection de la
Société royale d’A g ricu lture , compofée de plus
de cent variétés, toutes cultivées dans le même
local au Jardin du Confervatôire des A r t s &:
M é t ie r s , nous ayant donné les moyens de varier
& de multiplier nos expériences, nous avons pu '
les comparer toutes, , foit encr’elles , foit avec
leurs congénères.tultivées aux environs de Paris :
ainfi ont été analyfees la patraque jaune, la blanche,
la rouge , la truffe d’a o û t , une rouge hâtive
d u département des Forêts , la Kidriey blanche ,
la Bavière , la B e rb o u rg , la violette , la Pomme de
terre d’A rdennes , vantée comme très-abo.ndanté
en fécule, & plufieurs autres, également eftimées
o u diftinguées par des qualités particulières. O n y
a joint celles des environs de P a r i s , plufieurs
venues de divers femis, & ;d o nt , à leur première
année , les produits en fécule ont varié depuis
treize jufqu’à dix-huit pour c«nt de l.eur p oid s,
& en matière. fibreufe, depuis cinq jufqû’à .huit
& demi pour cent. M a is cette abalÿfe ayant |
Agriculture. Tome V .
été répétée àvec plus de foin encore fur les va riétés
qui a voient donné une première fois les
réfultats les plus avantageux , nous n’avons pas
tardé à' nous appercevoir d’un changement en
moins dans la plupart d’entr’elles ; fai font a lors,
dans de nouvelles expériences , attention aux
circonflances accompagnantes , afin de p ouvoir
déterminer les caufes-de ce changement, nous
avons reconnu que la variété n’entroit p re s que
pour rien dans la qualité des produits. N o u s
l ’avons vue conftamment foible dans la Pommé
de terre venue de Ternence , à telle variété qu’elle
appartînt ; attendu qu’elle mûrit incomplètement;
nous l’avons vue toujours plus abondante,
au contraire , dans les tubercules à peau gercée
ce qui eft un indice de maturité complète ; n«us
avons vu auffi , ce qui eft affez remarquable ,
que dans le même tubercule , partagé en deux par
moitié, la partie tenant au filet, que nous appellerons
la queue y étoit conftamment plus abondante
en fubftance que la partie oppofée que nous nommerons
tête y parce qu’elle eft produite la première,
& par conféquent mûrit mieux, à telle va riété
auffi que tous appartînffent. Les mêmes avantages
fe retrouvent encore dans les tubercules les
plus beaux, les plus g r o s , les mieux faits, &
de la forme la plus avantageufe, indépendamment
de leur efpèce» La maturité &c la perfection de
l’individu fur lequel on opère, font donc bien
réellement la caufe de fon produit en fubftance.
folide ; & l’on peut dire q u ’il ne tient en rien n i
à la variété ni au fol qui l’a p ro d u ite , fi ce n’eft
en ce fe ns, que telle variété acquiert plus aifé-.
ment que telle autre fa maturité & fa perfection,
que fes tubercules font d’une groffeur plus égale
& d’une forme plus avantageufe , & qu’enfm
toutes ces qualités s’acquièrent plus aifement
dans tçl terrein que dans tel autre.
Quant aux proportions refpeélives de la matière
fibreufe & de la fécule, aux caufes qui font va rier
ces proportions, & à ce qui peut réfulter de
l ’état où fe trouvent les Pommes de terre au moment
qu’on les emploie, foit fraîchement, foit
anciennement arrachées, ou prêtes à germer, & c . ,
nos expériences, ne nous ont pas mis à même de.
prononcer encore ; nous nous contenterons de
faire obferver qu’un boiffeau de truffes d’août ,
pefant dix-huit livras le 20 août , époque de fon
arrachage, ne pefoit plus, en décembre, que feize
liv res , & en avril que quatorze livres ; diminution
de plus d ’un quart, comme l’on voit. Cette d iminution
de poids , qui paroît dépendre de la
perte d ’une grande partie de fon, eau de végétai
t io n , doit être prife en confidération, lorfqu’on
la prend dans cet -état pour la defféçher ou en
extraire la fubftance folide.
Telles fo n t , fuivant nous, les principales caufes
qui ont pu faire varier les réfultats & induire en
erreur fur leur quotité. Afin d’é viter les nombres
fiaétionaaires, & prenant un moyen terme, nous
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